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Leçon pour une voix d’ange

La Leçon met en vedette Dustin Hoffman comme mentor d’un jeune prodige.

Mahaut Engérant

Après avoir été présenté en première mondiale au Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre dernier, le film La Leçon prendra l’affiche au Québec le 27 mars prochain. Dernière œuvre du réalisateur québécois François Girard, qui avait déjà fait parler de lui avec Le Violon rouge (1998), ce film est une leçon de morale mettant en vedette Dustin Hoffman et Kathy Bates dans les rôles de mentors du jeune garçon turbulent mais prodige interprété par Garrett Wareing.

Leçon de morale

C’est l’histoire de Stet, onze ans, au Texas, dont la mère alcoolique meurt d’un accident de voiture et dont le père ne s’est jamais occupé autrement qu’en envoyant des chèques. L’enfant est doté d’une voix angélique et d’un talent musical exceptionnel, ce qui représentera son seul espoir de réussir. Il rencontre son père, riche et remarié, pour la première fois à l’enterrement de sa mère, puis se retrouve à auditionner pour être élève de la prestigieuse école National Boychoir. Manquant de volonté et d’entraînement, Stet n’est pas accepté et devient élève de l’école grâce à un chèque convaincant de son père, qui cherche à tout prix à se débarrasser de lui pour éviter que sa famille ne découvre son existence. Commence alors la leçon : leçon de musique, à travers chaque cours de solfège, mais surtout la leçon de vie, à travers la réussite par le travail acharné et l’encouragement des professeurs. L’enfant devient le meilleur soliste et obtient l’honneur de faire des tournées avec les meilleurs élèves de l’école. Les professeurs posent alors la réputation de l’école sur les épaules du jeune soprano lorsqu’ils lui demandent d’atteindre la plus haute note, « the high D », réussite suprême de Stet – qui marque la conclusion de sa leçon. Tous ses excès de comportement sont excusés et la fin est heureuse.

Clichés vides

Le scénario, signé Ben Ripley, multiplie les clichés et manque profondément d’originalité. Il semble que, pour mieux faire passer son message moraliste, il lui a fallu employer un schéma relationnel ultra-habituel : aucun mystère n’est entretenu et il est facile de tout deviner. Parmi ce que l’on pouvait souhaiter de pire à un enfant, le scénariste a pioché les problèmes de discipline, la mère alcoolique, la mort de celle-ci et finalement, le père absent, afin de lancer le film dans un registre pathétique et n’en marquer que plus clairement l’évolution du garçon. Pour démontrer que la persévérance récompense, le père accepte finalement de présenter son fils à sa famille, certainement après d’insupportables remords assez mal interprétés par l’acteur Josh Lucas. Stet doit aussi affronter le mauvais accueil de ses camarades choristes et la compétition avec Devon (Joe West), la vedette des sopranos. Tout au long du film, les deux solistes se disputent la reconnaissance de leurs mentors. Évidemment, tout est bien qui finit bien et Stet l’emporte. Dustin Hoffman interprète justement le mentor strict, au passé douloureux, et on devine immédiatement qu’il est devenu professeur après avoir raté son rêve de devenir un grand pianiste. Bienveillant, mais torturé par la frustration, le professeur est censé représenter la morale qui défend le travail sérieux et condamne la turbulence. À l’exception de Stet, les personnages, assez vides, sont de vrais stéréotypes, ce qui porterait à croire que le film est destiné à des enfants de huit à treize ans à qui le réalisateur tente de donner une leçon.

Voix angéliques

Ce qui rend malgré tout le film touchant ce sont les voix angéliques des choristes. Passionné par la musique et le cinéma, le réalisateur est un habitué des œuvres centrées sur la musique. Dans La Leçon, il met en scène les choristes de façon admirable et réussit à impressionner le public par l’harmonie et la précision artistique des chants. Ils apparaissent en premier lieu dans le gymnase de l’école de Stet, au Texas, et les voix de sopranos des jeunes garçons sont palpitantes, à en couper le souffle. La scène de chant la plus touchante se déroule dans la chapelle de l’internat, lorsque le mentor Carvelle (Dustin Hoffman) fait chanter les garçons en cercle autour de lui et obtient une harmonie aigüe parfaite et pénétrante. Le film permet aussi de faire découvrir le talent du jeune Garrett Wareing, qui joue le rôle principal et dont la voix est la clé du film. L’acteur passionné d’art, particulièrement de sculpture et de peinture, n’avait jamais chanté devant une caméra avant de tourner La Leçon. Le jeune acteur explique en entrevue avec Bonnie Laufer Krebs qu’il a souhaité exprimer ce que beaucoup d’enfants qui se trouvent dans une situation comme celle de Stet pouvaient ressentir. « J’ai travaillé dur pour que ma voix soit à la hauteur… ces garçons de chorale donnent vie à tant de beauté, cela m’a inspiré !» Dans la même entrevue, François Girard explique que « la musique est un langage puissant pour se connecter avec le spectateur, c’est une arme puissante pour les atteindre ». C’est en effet seulement grâce à la beauté touchante du chant que le film fait passer des émotions.

Film à savourer en famille, La Leçon est satisfaisant et raconte l’histoire inspirante d’un garçon qui, ayant été mis à genoux par la vie et par ses camarades, va, grâce à ses mentors, devenir heureux par le travail et l’endurance. C’est l’équivalent, en version chant, de Karaté Kid, une leçon de vie par le sport, fabriquée selon les mêmes schémas.


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