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Le Kazakhstan

Identifier des opportunités de croissance économique :
le nucléaire.

Luce Engérant

Après avoir vanté les mérites de la Slovénie, direction les terres désertes d’Asie centrale pour une autre destination atypique : le Kazakhstan. Le nom déjà recèle de mystères et d’exotisme. Cette vaste République de 17 millions d’habitants a l’allure d’un pays perdu au milieu de nulle part et pourtant c’est le candidat le plus sérieux, parmi les pays d’Asie centrale, pour devenir un pays émergent. Son « or radioactif », encore sous-exploité, pourrait changer la donne sur tous les plans. Après une brève révision historique et géographique, nous verrons en quoi l’uranium pourrait permettre un développement économique durable.

URSS  puis dictature

Le Kazakhstan est situé en Asie centrale, entre la Russie et l’Ouzbékistan, bordé par la mer Caspienne. Ce vaste pays de 2 724 900 km au carré, seulement peuplé de 17 millions d’habitants, est une plaine enclavée qui s’étend à perte de vue sur des milliers de kilomètres : c’est la steppe. Le pays sort petit à petit de l’anonymat sur la scène géopolitique de par une forte croissance et des sous-sols riches en hydrocarbures et en uranium.

En décembre 1991, le pays acquiert son indépendance de l’Union Soviétique, et Noursoultan Nazarbaïev devient président. Depuis lors, il dirige le pays d’une main de fer. En 2011, il est réélu, pour la cinquième fois, pour un mandat de cinq ans. Sa mainmise sur la constitution lui permet de mettre au pas l’opposition et de rester au pouvoir. Il libéralise l’économie mais nombreux sont les investissements encore encadrés par le gouvernement, qui détient Petro Kazakhstan, le principal exploiteur du précieux or noir. Le régime traque et musèle l’opposition en ayant parfois recours à la torture, selon les organisations internationales pour les droits de l’homme, qui dressent un tableau noir de la situation actuelle du pays. Les médias sont contrôlés et l’espoir de démocratie après la chute de l’URSS ne s’est jamais concrétisé. Le pays se classe tristement parmi les dix pays les plus corrompus de la planète. Les financements douteux ayant servi à la campagne présidentielle française de Nicolas Sarkozy en 2012 en sont la preuve. Par conséquent, ce régime très autoritaire ne semble pas prendre la voie d’une éventuelle démocratisation, mais son économie est prometteuse : une forte croissance économique malgré le contexte mondiale encore difficile – 5,2% en 2014 – et une croissance à deux chiffres avant la crise.

Dépendance aux hydrocarbures

Le pétrole y est abondant, mais baser son économie sur l’or noir est dangereux : le prix du baril varie de quelques centimes et c’est le Kazakhstan entier qui se retrouve considérablement affecté. N’oublions pas non plus de mentionner que la ressource a été nationalisée et est donc aux mains du gouvernement. Les autres pays ayant suivi cette voie (Vénézuéla, Russie) montrent une industrie pétrolière fortement corrompue et une redistribution des richesses très inégalitaire. Ainsi, 50% de la population du Kazakhstan vit encore sous le seuil de pauvreté avec un écart entre les riches et les pauvres qui s’accroît. Bref, c’est la voie d’une autre ressource qu’il faut prendre, celle de l’uranium, pour éviter que le pays ne se retrouve dans la même situation que l’un de ses confrères : l’Azerbaïdjan. Également un pays autrefois sous tutelle soviétique, il doit à son or noir une croissance économique aux alentours de 20%; mais cette dépendance est synonyme d’une croissance volatile. Comment sortir de cette « malédiction des ressources naturelles », telle que Richard Auty l’a conceptualisée ?

Valoriser l’uranium

Outre ses gigantesques réserves d’hydrocarbures, le pays possède un minerai radioactif qui suscite l’intérêt dans le cadre d’une transition énergétique : l’uranium. Cet « or radioactif » est très abondant dans les sous-sols kazakhs, ce qui fait de cette ex-république socialiste la 2e réserve mondiale (après l’Australie et avant le Canada). Un atout de taille certes, mais il semblerait que la gestion de cette ressource ne soit pas optimale. Même si les réserves sont importantes, le produit n’est malheureusement que peu valorisé, ce qui réduit le pays à un simple exportateur de matières premières tributaires des cours de l’uranium. Ainsi, de même qu’avec le pétrole, l’économie kazakhe n’échappe pas à la malédiction des ressources naturelles. Difficile donc d’envisager une croissance stable et durable. Sa valorisation semble être la solution, chose qui peut être faite via diverses industries. La plus simple consiste à enrichir la ressource exploitée pour obtenir de l’Uranium 235 (présent à hauteur de 0.71% dans le minerai brut). Ce-dernier sert de carburants aux centrales nucléaires permettant de valoriser la ressource en électricité et, de surcroît, soit de l’exporter aux pays voisins soit d’alimenter les industries et foyers du pays, et donc de rendre le secteur secondaire plus productif. Cette solution est la plus médiatisée mais n’omettons pas les autres industries de haute technicité permettant de valoriser le précieux minerai : les industries de l’armement, l’aérospatiale et le médical. 

Le nucléaire permet de […] nourrir des secteurs hautement techniques et rentables.

Il est intéressant de s’étendre sur le premier, extrêmement rentable. Avec de l’uranium, il est possible de produire diverses sortes de bombes et missiles. On peut discuter à l’infini de la justesse morale de fabriquer et d’exporter des armes. Mais sur le plan géopolitique, s’agissant de la quête de la puissance, la production et la vente d’armements lourds présente deux avantages considérables pour un État : d’abord, le maintien ou l’accroissement de son indépendance vis-à-vis des autres puissances, alliées comme adversaires, ensuite, le fait de favoriser sa balance commerciale tant les missiles et bombes sont des produits à très haute valeur ajoutée. N’omettons pas non plus toutes les conséquences du développement d’une telle industrie : il faudrait les ingénieurs, chercheurs et ouvriers spécialisés pour accomplir ces tâches très techniques. De plus, en dehors de quelques rares et courtes périodes de reflux des achats (par exemple, dans les années 1990, après la chute du bloc soviétique), le marché des armements se porte généralement très bien… À la clef, apparaitrait une industrie de pointe fournissant de nombreux emplois sur le sol kazakh. Pour ce faire, le pays devrait développer son système universitaire en proposant des cursus scientifiquement avancés, sans oublier les formations juridiques et managériales liées à l’uranium. Cela créerait un domaine d’expertise pour le système universitaire kazakh avec, à plus long terme, des universités qui grimperont dans les classements internationaux. Une condition se pose néanmoins : l’accord et le soutien des grandes puissances occidentales ou russe. Quant à l’industrie aérospatiale (secteur plus limité étant donné qu’il s’agit principalement de certains types de moteur de fusées), l’exploitation de l’uranium assurerait également un développement technique et permettrait au pays d’exporter des produits à très forte valeur ajoutée. L’industrie médicale utilise le précieux minerai pour les IRM, scanners et autres outils permettant le diagnostic de nombreuses maladies. La création d’une telle industrie, en plus d’appuyer les exportations, donnerait aux hôpitaux un accès facile à ces produits de haute technicité et les inciterait à s’en procurer, permettant le développement des infrastructures. La valorisation du nucléaire permet donc non seulement de fournir l’énergie nécessaire à l’activité économique mais aussi de nourrir des secteurs hautement techniques et rentables. 

Cependant, le pays, par endroit très isolé, devrait commencer par une politique de désenclavement en construisant routes, voies ferrées et hôpitaux pour inciter les investisseurs à venir et à développer leurs industries. Durant mon stage dans l’industrie du ciment cet été, j’ai pu constater que les ventes de ciment et béton y explosent. Or, la construction est un moteur et, de même que la vente d’emballages par exemple,  un signe avant-coureur de la croissance économique. Il semblerait donc que le Kazakhstan soit en marche vers un développement industriel digne d’un pays émergent ; le nucléaire en serait la voie la plus rapide et durable.


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