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Commémorer un passé douloureux

Le musée des beaux-arts fait appel à McGill pour sa nouvelle exposition.

Bibliothèque de l'Université McGill Livres rares et collections spécialisées

Comment commémorer une guerre ? Il suffit d’ouvrir un journal étudiant ou Facebook pour se rendre compte qu’il existe actuellement un débat à McGill concernant Demilitarize McGill et la commémoration de la Première Guerre mondiale. Mais une nouvelle exposition au Musée des beaux-arts nous présente un aspect différent de cette problématique : la commémoration à travers l’art et l’histoire. « La mort patriote : affiches de propagande de la Première Guerre mondiale » présente 21 affiches de propagande venant des collections du musée et de la bibliothèque de McGill, démontrant le rôle de la rhétorique visuelle dans cette guerre qui célèbre son 100e anniversaire.

Les affiches de l’exposition viennent de cinq pays : le Canada, la France, l’Allemagne, les États-Unis et l’Angleterre. Au lieu de se concentrer sur un récit unique ou national de la guerre, l’exposition s’attarde sur l’universalité de cette tragédie et souligne que les pays impliqués n’étaient pas si différents, en réalité. Cette exposition est aussi un exercice de comparaison : en étant témoin des similitudes et des différences entre les pays engagés dans ce conflit, le visiteur peut comprendre comment chacun, indépendamment de ses marqueurs identitaires, a été touché. 

L’exposition se déroule dans une petite salle du sous-sol du musée. En y entrant, la notice de conservation explique que ces affiches avaient comme but d’«assurer l’engagement des combattants potentiels dans les forces armées de même que l’effort de guerre et le maintien de la discipline ». Les cinq pays utilisaient des thématiques similaires dans leurs affiches pour atteindre ce but, surtout ceux du patriotisme, du sens civique, de la culpabilité et de l’honneur. Les affiches font aussi appel à la figure du « héros masculin ». Ainsi, une affiche canadienne demande en anglais « Why be a mere spectator here when you should play a man’s part in the real game overseas ?».

Si les thèmes sont similaires, les pays traitent de manière différente les problématiques stylistiques et linguistiques. Boys, come over here, you’re wanted est une affiche légère qui utilise des couleurs vives, donnant l’impression de l’aventure au lieu du danger de la guerre. Les affiches des États-Unis présentent des images de force – des soldats sérieux et victorieux – surtout dans l’affiche Halt the hun !, dans laquelle un Allemand est en train d’attaquer une femme et sa fille. Celles du Canada sont aussi très différentes, utilisant des images qui se rapprochent de la bande dessinée, contrairement aux affiches graves et sombres de l’Allemagne, faites en noir et rouge foncé. 

Ces différences de styles représentent la diversité des gens qui ont dessiné les affiches. La période de la Première Guerre mondiale était aussi une période de développement pour l’industrie publicitaire. Dans ces affiches, le visiteur peut voir le début du style publicitaire qui fleurira dans les années 50 et 60. Il y a aussi les influences artistiques de l’impressionnisme ; l’exposition est d’ailleurs présentée conjointement avec « De Van Gogh à Kandinsky ». Pour que la terre leur soit légère, une des seules affiches qui aborde explicitement la thématique de la mort, est un exemple de cette influence impressionniste, présentant un champ de coquelicots et un soldat qui visite la tombe d’un ami. 

Après les affiches, le visiteur entre dans une deuxième salle, plus petite que la première. Ici, il peut voir une représentation visuelle des statistiques de la guerre : un mur est rempli de bâtons noirs, chacun de ces 5000 bâtons représentant un soldat mort à la guerre. La description des statistiques fait aussi mention d’un groupe qui est souvent oublié dans la guerre : les morts civils, au nombre de 6 500 000 (seulement deux millions de moins que les 8 500 000 soldats morts). 

En présentant ces affiches de propagande, l’exposition met en relief le pouvoir du gouvernement dans une guerre. C’est l’opposé de la célébration de la guerre ; on se demande pourquoi ces soldats ont dû se battre – une question encore pertinente aujourd’hui. « La mort patriote » conteste l’identité du héros, l’identité du patriotisme. C’est une exposition qui ajoute une perspective historique et artistique aux dialogues de la guerre, une perspective qui n’est pas limitée par la nationalité ou la langue – ici, les images n’ont pas besoin de traduction.


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