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Quels sont les termes du « traitement spécifique » pour les étudiants français ?

Du nouveau sur la renégociation de l’entente franco-québécoise de 1978.

Plantu

À la suite de la visite d’État du président de la République française, François Hollande, les 3 et 4 novembre derniers, plusieurs annonces ont été faites quant à la renégociation de l’entente signée en 1978 entre le Québec et la France. La nouvelle entente devrait être finalisée à la fin de l’année 2014, avant le dépôt du budget du gouvernement Couillard en mars 2015.

L’entente actuelle permet en ce moment à quelque 12 500 Français d’étudier au Québec en payant les frais de scolarité québécois, à savoir 2 224 dollars par an, contre 1 300 étudiants québécois en France. Avant la visite présidentielle, le gouvernement libéral avait annoncé qu’il comptait hausser ce tarif de plus de 180% en l’ajustant au prix payé par les étudiants des autres provinces du Canada, soit 6 234 dollars par an. 

Un système de quotas

Le ministère des Relations internationales comme le Quai d’Orsay semblent d’accord sur le maintien d’une « spécificité française » dans l’accueil des étudiants étrangers au Québec. Du côté français, le but est de préserver si possible les ententes pour les 2e et 3e cycles universitaires, aux droits de scolarité plus lourds. Pour les étudiants de 1er et 2e cycles, il est question d’un système de quotas à mettre en place en France, sur des critères de diversité, pour décider de qui pourrait être éligible au tarif préférentiel. Ce système de quotas est déjà utilisé par le Québec avec 39 pays différents dont les trois les plus importants sont la Chine (105 exemptions par an), le Maroc (90) et l’Algérie (83). Rappelons que les étudiants de 1er cycle composent 70% des étudiants français au Québec.

Ouverture des grandes écoles 

À la recherche d’un partenariat « plus équilibré », la France pourrait ouvrir les portes non plus seulement de ses universités, mais aussi de ses grandes écoles. Après le souhait formulé par Philippe Couillard lors de la conférence de presse conjointe du 4 novembre, et relayé par François Hollande lors de son adresse à la communauté française de Montréal, des places contingentées dans certaines grandes écoles françaises pourraient être accordées aux étudiants québécois. 

Statu quo pour les Français déjà au Québec

Les étudiants français qui sont en ce moment aux études, et probablement ceux qui y rentreront à l’automne 2015, ne seront pas concernés par la nouvelle entente. Ils pourraient par ailleurs, continuer leurs études aux seconds et troisièmes cycles avec les tarifs actuellement en vigueur. 

Pour 22 millions de dollars de plus

De 6 881 en 2007, les étudiants français sont aujourd’hui plus de 12 500. Avec 38,1%, ils représentent par ailleurs le premier groupe d’étudiants étrangers au Québec, loin devant la Chine (8,8%) et les États-Unis (8%). Si le gouvernement Couillard reproche aux étudiants français du Québec de coûter 120 millions de dollars par an aux contribuables québécois, Sylvie Beauchamp, présidente de l’Assemblée des gouverneurs de l’Université du Québec, ne l’entend pas de cette oreille. Dans une entrevue avec Le Soleil, elle rapporte tout d’abord ce coût à 71,9 millions de dollars, chiffre provenant d’une enquête menée par le réseau de l’UQ et publiée le 5 novembre dernier. Avec la hausse proposée, le manque à gagner est évalué à 22 millions. Mme Beauchamp ajoute qu’aujourd’hui, près de « deux tiers des français s’établissent au Québec après leurs études », cela sans compter les retombées économiques des étudiants installés au Québec (frais de vie et logements) évaluées à 380 millions de dollars par an selon une estimation de la Conférence régionale des élus de Montréal. 

Un point de vue de l’opposition

En entrevue avec Le Délit jeudi dernier, le député-candidat à la chefferie du Parti Québécois, Jean-François Lisée, a expliqué ce qu’il ferait s’il était toujours en poste au ministère des Relations internationales : « Je prends toute la somme, il y a à peu près 130 millions de dollars là-dedans, et j’offre à tous les francophones de la planète qui veulent venir étudier au Québec de postuler, et sous condition de ressources on leur paierait, soit rien si leur condition est très bonne, soit une partie ou la totalité de leurs droits de scolarité. »

Il affirme que ce système fonctionnerait « au mérite, donc évidemment beaucoup de Français viendraient, mais nous ne ferions pas en sorte de financer la bourgeoisie française qui n’en a pas besoin et qui viendrait de toute façon. » Le second pan de son projet vise à rembourser progressivement la différence payée aux étudiants qui resteraient au Québec, « pour les inciter à vivre ici et à devenir Québécois » affirme-t-il. Quant à l’entente de 1978, il n’est pas question qu’elle reste en place selon M. Lisée. « Moi, payer de ma poche, pour qu’un fils de millionnaire français vienne à McGill, je trouve ça un peu fort de café. Mais à partir du moment où c’est sur conditions de ressources et que je les incite à devenir des Québécois, cela ne me pose plus de problèmes. »

Les positions mcgilloises 

À McGill, Olivier Marcil, le vice-président aux communications affaires externes, a commenté la nouvelle des négociations dans The Montreal Gazette en se rangeant derrière la position gouvernementale. Au nom de l’administration, il affirme que « nous croyons que les étudiants français devraient conserver leur statut particulier au Québec mais nous pensons que cela serait raisonnable que leurs frais de scolarité rejoignent la moyenne canadienne, qui reste bien inférieure à ce que paient la plupart des étudiants internationaux ».  

Le 7 octobre dernier, le McGill Tribune avait lui aussi pris cette position dans un éditorial, en urgeant l’Université de prendre des mesures pour retrouver au plus vite le top des palmarès universitaires, sa position sur la scène internationale étant en jeu. Sachant que les 1 500 étudiants français de McGill ne représentent qu’un léger dixième de la population étudiante française au Québec, et que ces étudiants sont pour la plupart capables d’assumer une éventuelle hausse, ces mesures n’auront que peu d’effets sur la réalité du fait Français à McGill, qui va croissant ces dernières années. 

Rappelons enfin que le 3 novembre dernier, Le Délit prenait ouvertement position en faveur du maintien de l’entente de 1978 en publiant un hors-série consacré aux relations entre le Québec et la France, dans un contexte plus large. Une série de témoignages d’étudiants et de professeurs issus de cette coopération en analysait notamment les apports positifs. 

Quand la littérature rapporte 

Peu d’étudiants le savent, mais la clause « f » de la « Politique relative aux droits de scolarité exigés des étudiantes et étudiants étrangers par les universités du Québec » datant de mai 2008 stipule que les exemptions concernent aussi « toute personne inscrite à des cours en langue et littérature françaises ou en études québécoises ». Ces cours, selon le système de classification des disciplines CLARDER (Classification de la recherche et du domaine d’enseignement et de recherche), sont ceux de langue française générale, de français langue seconde, de littérature française catégorie générale et littérature canadienne-française et québécoise. Cette exemption se justifie avec un document prouvant « l’inscription à un ou des cours » énumérés plus haut. Autrement dit, avec au moins un cours de langue ou de littérature française à son programme, n’importe quel étudiant étranger inscrit dans une université du Québec peut demander à payer ses frais de scolarité au prix québécois. 

Au cas-où nulle entente ne saurait satisfaire les étudiants français du Québec, ils sauront désormais vers quels types de programmes se tourner pour bénéficier d’une exemption.


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