L’événement initié à McGill par le Groupe de Recherche d’Intérêt Public (GRIP) en 2006, Culture Shock, s’est déroulé du 6 au 9 novembre dernier. Organisé autour d’une série d’ateliers ludiques, Culture Shock incitait les participants à repenser l’immigration et l’héritage historico-culturel nord-américain. Le concept au cœur de cette entreprise : faire valoir les droits autochtones sur les terres canadiennes « colonisées et volées » d’après les mots de M. Holden, coordinateur de Kanata, un groupe de soutien étudiant de la Communauté des études autochtones de McGill, qui a pris part au déroulement de Culture Shock.
Cette même question était à l’ordre du jour lors de l’atelier Oh Canada, Our Home on Native Land : Discussing Colonization, qui s’est déroulé le 6 novembre dans le bâtiment de l’AÉUM. Après un prélude en musique traditionnelle des Premières Nations, les participants se sont présentés un à un, souvent en reconnaissant l’héritage autochtone de leurs villes d’origine, comme Jacob Greenspon, un sénateur de l’AÉUM : « Je viens de Toronto, terre originelle des Mohawks. » Cet exercice de prise de conscience est maintenu tout au long de l’événement, par exemple en abordant le rôle du gouvernement canadien dans le système des écoles résidentielles. Entre 1860 et 1996, plus de 150 000 enfants autochtones ont été placés dans ces institutions réputées pour leurs conditions déplorables qui ont causé la mort de près de 4 000 d’entre eux.
Au second plan aussi, l’atelier cherche à stimuler les esprits sur l’éducation au Canada. Jusqu’au cégep, l’histoire des Premières Nations est maintenue en marge, en faveur de celle de la découverte de Jacques Cartier et de l’engagement auprès des Européens lors des Première et Seconde Guerres mondiales. Pour éduquer les participants sur cet aspect de l’histoire canadienne délaissé par les institutions publiques, des fiches informatives étaient placées en ordre chronologique à même le sol, relatant les faits d’une histoire marquée par la souffrance et la hantise des colons européens. Aujourd’hui encore, McGill demeure une des seules universités au Québec à ne pas avoir reconnu l’historicité des territoires traditionnels qu’elle occupe – mohawk dans son cas – pourtant établie par la Cour suprême en 1997, qui avait défini la portée de la protection accordée au titre autochtone avec l’arrêt Delgamuukw.
Espace sécuritaire ou espace fermé ?
Si la politique de Culture Shock est d’«engager le dialogue autour des problèmes relatifs aux vies [des minorités] ainsi que d’éduquer les personnes non renseignées sur ces problèmes », l’atelier Giving Birth to Yourself : Revolutionary Storytelling for People of Colour était inaccessible aux personnes blanches. Ainsi, la description de l’événement soulignait : « veuillez noter que cet atelier est fermé, seulement les personnes autochtones, métisses ou de couleur peuvent y prendre part ». Pourtant, Kira Page, coordinatrice externe du GRIP et membre de l’équipe à l’origine de cet atelier, note en entrevue avec Le Délit qu’«à McGill, en règle générale, il n’y avait pas d’espace pour discuter du racisme ou du colonialisme » soulignant : « voilà l’intérêt véritable de Culture Shock ». Sur l’exclusion des personnes blanches à l’événement, elle justifie ce choix controversable en affirmant que « les personnes de couleur doivent avoir le droit à un espace où ils peuvent partager leurs expériences d’oppression ». Durant l’entrevue, Kira fait analogie aux combats de féminisme radical où l’exclusion des hommes était d’ordre ; mais elle rétracte finalement ses propos.
Depuis le semestre d’automne 2014, une mineure en « Études autochtones » a été inaugurée à McGill. Une victoire pour les différentes associations dans la lutte pour la reconnaissance des Premières Nations et la promulgation d’idées antiracistes, antidiscriminatoires et pro-communautaires. Prochain rendez-vous : Culture Shock, prévu pour novembre 2015, pour assister à autant d’ateliers sur l’ouverture et le partage, pour la plupart, du moins.