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L’ère de l’esclavage n’est pas finie

Conférence sur la discrimination systémique des travailleurs migrants.

C’est à l’Université Concordia que se sont rassemblées quelque 80 personnes dans le but d’approfondir leurs connaissances des droits des travailleurs immigrants dans le cadre de la conférence Systemic Discrimination Towards Migrant Workers le 24 septembre dernier. Étaient présents les membres de diverses associations étudiantes, organisations, professeurs et étudiants pour assister à cette discussion organisée par le CRARR (Centre de recherche-action sur les relations raciales), une organisation sans but lucratif basée à Montréal. Aujourd’hui, des milliers d’immigrants travaillent dans des conditions précaires, assumant par exemple des charges horaires trop importantes ou une possibilité de démission restreinte.

C’est François Crépeau, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme des migrants, qui brise la glace avec une série de faits et de statistiques. « L’ère de l’esclavage n’est pas terminée », entame-t-il. Bien que les droits humains internationaux soient applicables à tous les travailleurs migrants, ils sont nombreux à souffrir de conditions de travail et de vie atroces. C’est ensuite au tour de Marie Carpentier, conseillère juridique à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de faire le point sur la situation québécoise. « Une trop grande partie de la communauté locale n’a pas l’impression que les travailleurs migrants méritent les mêmes droits », déplore-t-elle. 

La situation au Québec

La discrimination systémique est depuis récemment condamnable par la Cour d’appel du Québec. Toutefois, dans une moindre mesure, une « distinction, exclusion ou préférence » en ce qui a trait à des aptitudes ou à certains caractères linguistiques ou ethniques n’est pas prohibée par la loi. D’autre part, le statut des travailleurs migrants est complexifié par les contradictions et les chevauchements entre les différentes strates administratives : aux niveaux international, national, provincial et même parfois local. Par exemple, le Québec peut choisir les gens qui entreront dans la province, mais ne peut déterminer leur statut, qui est de la responsabilité fédérale. Or, la Charte canadienne des droits et libertés agit de façon non équitable envers ces différents statuts définis. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à l’inverse, confère les mêmes droits à tout individu présent sur le territoire provincial qu’il soit citoyen, résident permanent ou travailleur migrant. Malgré cela, le permis de travail restreint que doivent se procurer les travailleurs migrants ne leur permet pas de démissionner ; ils restent liés à leur employeur pour la durée de leur contrat. L’employeur a également le pouvoir de les renvoyer chez eux quand bon lui semble. Mme Carpentier se réfère à Claude Fabien, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal (UdeM) qui affirme que « la liberté de démissionner est fondamentale. Elle marque la différence entre l’esclavage et la conception contemporaine du travail ». 

La réalité des travailleurs migrants

M. Enrique Llanez, anthropologiste d’origine espagnole, enchaine avec son expérience personnelle. Lui-même un travailleur migrant exploité par une firme de jeux vidéo québécoise par le passé, il travaille présentement au profit du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants. Les travailleurs migrants sont exploités à la seconde où ils mettent le pied en sol canadien, affirme-t-il. Des contrats écrits dans une langue qui leur est inconnue, des prix exorbitants pour des services médiocres, des employeurs intransigeants et des heures à n’en plus finir, voilà le quotidien de nombreux travailleurs migrants.

Pourquoi les ressources offertes à ces travailleurs sont-elles aussi limitées ? Les intervenants font remarquer que tous les groupes s’étant battus pour leurs droits, que ce soient les femmes, les communautés homosexuelles ou les Noirs, l’ont fait en se basant sur le principe fondamental de la citoyenneté. Puisque cette éventualité est rayée dans le cas des travailleurs migrants, sur quel principe peuvent-ils se fonder ? 

La situation des travailleurs migrants au Québec de nos jours nécessite de profondes modifications légales pour être améliorée. Les solutions proposées lors de la conférence vont de la création d’un permis ouvert à la mise sur pied de programmes d’immigration ou à l’application équitable de la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne en passant par le traitement au cas par cas. 


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