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Défendre ce qui disparaît

Des Aborigènes australiens en voyage au Canada témoignent de leurs expériences.

Le Centre d’amitié autochtone de Montréal (CAAM) a accueilli quatre jeunes Aborigènes australiens lors d’une conférence de presse, le jeudi 11 septembre. Ensemble, Meriki Fardeau, membre du gouvernement provisoire autochtone, Pekeri Ruska, secrétaire de l’association des étudiants en droit et des avocats autochtones victoriens, Boe Spearim, co-fondateur de l’ambassade souveraine des aborigènes, et Callum Clayton-Dixon, éditeur des publications noires de Brisbane, se sont présentés, forts d’une expérience humaine qui les aura promenés sur les réserves amérindiennes du Canada pendant un mois. La conférence, qui fut la seule du voyage, se voulait un récapitulatif explicatif à la fois de leurs prises de position , des moyens qu’ils utilisent pour se construire une identité à part et de l’inquiétante dégradation de la culture aborigène.

Arrivé au pays avec cette optique nationaliste, le groupe compte bien retourner en Australie par le biais symbolique des passeports aborigènes non officiels qu’ils ont en leur possession. Manière de crier au monde l’existence de la nation qui leur est chère.

L’utilisation des passeports aborigènes est cruciale dans la campagne nationaliste de ces quatre activistes. Ils ont d’abord essuyé plusieurs refus à Brisbane —leur point de départ— avant qu’Air Nouvelle-Zélande ne les accepte pour un vol en deux escales direction Vancouver. Les douaniers canadiens, par contre, ne l’entendaient pas de cette façon. Ils ont retenu le groupe pendant une heure et demie jusqu’à ce que les quatre acceptent d’utiliser leur passeport australien, question d’éviter un retour précipité. À leur manière, les jeunes activistes se sont inscrits dans la continuité d’une bataille amorcée en 1987 en Tasmanie par le premier à utiliser ledit passeport. Cette année-là, Michael Mansell, un avocat australien d’origine aborigène, créa un tollé médiatique quand le colonel Kadhafi, ancien dictateur, l’invita en Lybie pour valider le nouveau document qu’il était le seul à légitimer. Depuis 1990, le gouvernement provisoire aborigène (GPA) se charge de produire passeports et certificats de naissance. Par l’entremise de ces documents de contournement, ils tentent de promouvoir une nation distincte de l’Australie dans tous les sens du terme. « Nous […] avions [notre autonomie] au premier lever de soleil et nous l’aurons jusqu’au dernier coucher de soleil », s’exclamait M. Spearim en fin de conférence.

Décolonisation et renaissance

En parcourant, comme ils l’appellent, « L’ile de la tortue » (nom attribué à l’Amérique du Nord par la tradition iroquoise), le groupe s’est surtout intéressé aux processus de décolonisation amplifiés par les jeunes, en passant par les barrages humains, les communautés autosuffisantes et la production de divers médias purement autochtones. Ne cachant pas ses intentions, M. Clayton-Dixon, dans une entrevue accordée au Délit, a d’ailleurs avoué : « J’ai toujours cru que la révolution était entre les mains des jeunes générations. » Pourtant loin d’appeler à un soulèvement violent, le groupe a pour objectif de faire revivre, d’un côté, les langues perdues et, de l’autre, tous les aspects culturels, avec comme objectif final la reconnaissance d’un peuple aborigène souverain à travers une province ou un pays.

En Australie, les politiques d’isolement et les massacres du passé sont tenus responsables des statistiques alarmantes qui accompagnent les communautés autochtones. Le site Internet Geopopulation, dans un article sorti en 2011, en dressait la liste comparative avec le reste de la population australienne : les enfants sont plus négligés et abusés, le taux d’incarcération est de loin supérieur, l’âge moyen de décès plus bas et le taux de suicide près du double. Du côté culturel, les politiques d’assimilation ont fait leur travail : avec les années, pratiquement plus personne ne connaît les langues ancestrales et les traditions ainsi que les techniques de chasse traditionnelles se perdent.

La conférence a ensuite laissé sa place aux porte-paroles respectifs des associations autochtones Families of Sisters in Spirits, BiGiwen Indigenous Adoptee Gathering et O’odham Solidarity Across Borders Collective de l’Arizona dans le cadre d’un forum. Il y a, entre autres, été question des multiples meurtres et disparitions de femmes et filles amérindiennes, des mauvais traitements subis par les enfants autochtones adoptés par des parents blancs et du contrôle des frontières. Malgré son ton dramatique, ce forum est allé dans le même sens, en ce qui a trait à la sensibilisation et à la promotion culturelle des Aborigènes, que la semaine de sensibilisation autochtone qui se tiendra à McGill du 15 au 19 septembre.


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