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Entre l’académique et le militaire

Demilitarize McGill publie un nouveau communiqué contre la recherche militaire. 

L’association étudiante Demilitarize McGill, qui vise à « mettre fin à la collaboration de McGill avec le militaire » a publié le 28 août dernier un communiqué intitulé « De la complicité de McGill dans la violence étatique à caractère raciste et la répression des luttes sociales ». Le communiqué remet en cause certaines recherches scientifiques menées par McGill pouvant être utilisées dans un cadre militaire. L’Université ne participe pas directement aux conflits, explique l’article ; néanmoins, elle en permet l’existence. Par exemple, General Atomics, une entreprise de défense réputée pour ses drones, bénéficie du programme CFD Lab R&D, qui se concentre sur la simulation de vols de drone. Ceux-ci sont alors massivement utilisés par la police canadienne et le ministère de la Sécurité intérieure des États-Unis.

Demilitarize McGill critique également les recherches axées sur l’analyse des réseaux sociaux. Par exemple, Derek Ruths, professeur d’informatique à McGill, vise dans ses études non seulement à comprendre les interactions sociales entre individus mais également à influencer ces relations en utilisant de façon pénétrante les réseaux sociaux : bien que ces recherches n’aient selon lui aucun but militaire, il a tout de même été invité à s’exprimer à une conférence organisée par l’armée américaine. Enfin, dans le communiqué du 28 août, Demilitarize McGill condamne l’enquête menée par Donald Taylor, professeur à McGill, portant sur la « propension » des jeunes Somali-Canadiens à « soutenir le terrorisme ». Enquête présentée comme immorale d’une part, car il n’a pas été fait mention aux personnes interrogées du véritable but de l’enquête, et partiale d’autre part, puisque l’enquête servirait à justifier les pratiques racistes de la police canadienne envers les Somaliens résidant au Canada.  Selon un membre de Demilitarize McGill, « il est important de se pencher sur l’histoire de l’Université, qui a été complice d’actes relevant de la colonisation et de l’impérialisme. […] Il n’est donc pas rare que McGill conduise des recherches à des fins militaires ». 

Une industrie très présente sur le campus

Les liens entre l’Université et l’industrie militaire sont forts et vont au-delà de la recherche scientifique : recrutement sur le campus, opportunités d’emploi pour les étudiants diplômés, etc. C’est une relation donnant-donnant : le complexe militaro-industriel profite d’une main d’œuvre à bas coût tandis que les universités peuvent « former les futurs travailleurs » tout en bénéficiant d’un financement public. Demilitarize McGill le concède : la fin du partenariat militaro-universitaire réduirait sans doute les opportunités d’emploi pour certains étudiants, notamment « au sein du Département de génie mécanique ». De plus, les chercheurs de McGill « continuent souvent de travailler pour des entreprises comme Lockheed Martin, le fabricant des avions de chasse F‑35, ou pour des agences gouvernementales, comme Recherche et développement pour la défense du Canada ». Cependant, un autre membre de Demilitarize McGill explique : « Nous pensons que limiter la capacité des États à poursuivre leurs objectifs impérialistes et à tuer des populations est plus important que de garantir des opportunités d’emploi à quelques individus », ajoutant que « les étudiants de McGill se porteront bien, même avec des possibilités d’emploi réduites ; mais pas les populations ciblées par les attaques ». Demilitarize McGill accuse donc l’Université de contribuer indirectement aux conflits via des programmes de recherche à vocation militaire, ce qui réduirait, selon l’Association, la liberté de recherche des scientifiques : le financement de la recherche donne en effet aux grandes firmes industrielles « un contrôle de facto sur les objectifs de recherche, en rendant les chercheurs universitaires dépendants [de leur soutien financier]». 

Le communiqué soulève un enjeu important : en conduisant des programmes de recherche en collaboration avec des firmes militaires, l’université s’inscrit-elle dans la politique impérialiste de certains pays, contribuant ainsi à accentuer les conflits ?


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