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Le pianiste et l’océan

Novecento jette l’ancre au Théâtre Denise-Pelletier.

David Michel Muller

Du 22 janvier au 8 février 2014, le Virginian fait une escale au Théâtre Denise-Pelletier. À l’image de ses thèmes principaux, l’océan et le voyage, Novecento : pianiste, spectacle pluridimensionnel du Théâtre de la trotteuse, créé en 2011 à Premier’Acte à Québec, a voyagé en France en 2012, plus précisément à Strasbourg et à Avignon, avant de revenir au port à Montréal. En effet, le célèbre monologue d’Alessandro Baricco avait d’abord été mis en scène par François Girard au Théâtre de Quat’Sous en 1999.

« Tu n’es pas véritablement foutu tant que tu as une bonne histoire, et quelqu’un à qui la raconter », dit Novecento au narrateur. Et l’histoire de Novecento, c’en est toute une. Pianiste virtuose abandonné bébé par des immigrants sur le Virginian, Dany Boodman T.D. Lemon Novecento de son nom complet passe sa vie entre la proue et la poupe du navire, protégé par l’immense océan qui gronde sous ses pieds. Il se lie d’amitié avec Tim Tooney, le narrateur, trompettiste de l’Atlantic Jazz Band dans lequel joue aussi Novecento. Une histoire qui peut avoir l’air simple en surface, à l’exception d’un détail : Novecento n’a jamais mis et ne mettra jamais pied sur la terre ferme.

Cette dimension « aérienne » de la vie de Novecento est représentée par les chorégraphies de Karine Chiasson dans lesquelles les mouvements lents et fluides des deux danseuses-comédiennes illustrent bien le mouvement des vagues. L’intégration de danse aérienne et au sol ajoute du dynamisme à un spectacle qui peut très vite devenir statique de par l’aspect narratif du monologue. Le choix de la metteure en scène d’avoir attribué le rôle de Novecento à un deuxième comédien, ajoute une dimension plus personnelle au personnage tout en contribuant au dynamisme global du spectacle.

Les épisodes de l’histoire se succèdent de manière fluide et ininterrompue, comme la houle, sur les mélodies au piano composées par Olivier Leclerc, ou sur celles jouées par Simon Dépot sur le piano placé sur scène. Car, après tout, quand Novecento caresse les touches de son instrument, c’est sa vie qui résonne. Les airs souvent mélancoliques permettent aux spectateurs de plonger dans l’atmosphère poétique et onirique du texte de Baricco. La simplicité du décor (un piano placé en fond de scène et des caisses en bois disposées symétriquement de chaque côté de la scène), retient l’attention du spectateur sur le texte et le jeu des comédiens, laissant ainsi la chance au narrateur de raconter l’histoire de Novecento dans ses moindres détails.

Les costumes, à la fois simples et polyvalents (gilet et pantalon gris pour le narrateur, noirs pour Novecento/Chef du jazz band, et robes grises pour les danseuses) permettent également au spectateur de se concentrer sur le monologue.

Mais l’histoire de Novecento, c’est d’abord et avant tout l’histoire d’une profonde amitié. Des gens, il en vient par milliers sur le Virginian, mais aucun ne reste. Novecento, être plutôt solitaire mais qui a tant de choses à raconter, trouve en la personne de Tim Tooney un confident qui le laisse être ce qu’il est sans jamais le juger. Malgré un départ peu convaincant, le jeu à la fois timide et sincère de Martin Lebrun (le narrateur) correspond parfaitement au caractère de Tim, jeune trompettiste naïf et admiratif de Novecento, « le plus grand ». Simon Dépot, quant à lui, campe un Novecento énigmatique et quelque peu excentrique, mais extrêmement attachant et d’une grande sensibilité.

Les derniers mots du texte prononcés, les éclairages sont graduellement tamisés. Dans la salle maintenant plongée dans le noir, un grand silence se fait entendre.


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