« Le sexe fait vendre!»… Eh bien, pas chez nous ! Si on en croit l’effervescence obsessionnelle qui s’est créée autour de la nourriture gratuite, l’étudiant de McGill n’est plutôt qu’un estomac castré. Aujourd’hui, plus une seule réunion de club, action de sensibilisation, frappe publicitaire, représentation artistique ou réception administrative ne se passe sans que nous soient promis des pizzas gratuites ou un « vin et fromage ».
En tant qu’accro à ces événements une question m’a interloquée : qui profite du système?D’un côté, les organisateurs utilisent l’un de nos instincts animaux les plus basiques comme appât. De l’autre, le jeune remplit sa panse, voire son frigo, sans vider son compte en banque. Il va même jusqu’à mettre en place un système parallèle, sorte de marché noir du bouche à oreille : la fameuse page Facebook « Free Food on campus ».
Et avec plus de 4700 membres et une moyenne de 4 annonces par jours de semaine (une journée donc diététiquement acceptable), c’est l’étudiant qui se révèle être le vrai gagnant. Cependant, en jouant à cette chasse à la bouffe gratuite, nous pervertissons quelque peu la définition du « bien manger » que je me suis engagée à défendre. Ce concept nous renvoie une image de la nourriture comme objet seulement quantitatif.
Malgré cela, la nourriture grauite me parait encore tout à fait gastronomiquement acceptable. Non pas pour la qualité de ses mets – loin de là – mais pour la façon dont elle souligne un autre trait important de la dégustation : le partage.Car si la cuisine est inscrite dans nos cultures, les festivités, les réunions, les cultes, les rencontres qui permettent d’en jouir, sont aussi des parties intégrantes de nos traditions.
Le plaisir culinaire est moindre s’il n’est pas agrémenté de tout un cérémonial de partage. La dinde aurait-elle ce gout si chaud, brillant et gourmand sans le fameux repas de l’Action de Grâce ? De même pour la bûche de Noël ? Un gâteau d’anniversaire ne serait finalement qu’un tas de crème indigeste sans la présence de proches avec qui le découper. Même un steak haché peut prendre une certaine splendeur quand il est préparé par votre mère, et que toute votre famille se languit d’impatience à « l’odeur alléchante » de sa graisse noircie au fond de la poêle…
La gastronomie est donc comme un poème bien écrit : le fond et la forme ont tous deux une importance capitale.La nourriture gratuite remplit au moins magnifiquement le deuxième critère. Et je tente ainsi de me persuader que ce sont les rencontres qu’elle permet qui font sa pérennité.
(Bonbon gratuit à tous ceux qui ramènent cet article au Délit)