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Un salaire noté

Les enseignants devraient désormais être rémunérés non pas en fonction de leur expérience, mais selon les résultats scolaires qu’obtiennent leurs élèves. 

C’est ce que recommande l’institut Fraser, dans un rapport intitulé : « Obtaining Better Teachers for Canadian Public Schools : A Review of the “Teacher Effectiveness” Research Literature ». L’étude, pas encore traduite en français, est signée Rodney Clifton, professeur émérite à l’Université du Manitoba, et a été rendue publique lundi le 9 septembre.

L’Institut Fraser se définit sur son site internet comme  « un organisme de recherche et de formation non partisan et indépendant basé au Canada ». On lui attribue cependant souvent une tendance de droite, conservatrice.

Selon cette étude, les critères « traditionnels » sur lesquels sont basées les échelles salariales pour les professeurs – soit la formation et l’expérience –  ne sont pas pertinentes. « La croyance selon laquelle il existe une relation entre diplôme, expérience et efficacité est fausse. Plusieurs professeurs sont beaucoup plus efficaces dès leur première et deuxième année d’enseignement ».

C’est le mot « efficacité » qui revient sans cesse dans l’étude. On parle en chiffres et en termes économiques. Selon l’auteur, l’idée est de rompre « le monopole de l’éducation publique », et y instaurer les principes de la compétitivité. Ainsi, comme des gérants d’entreprise, les enseignants devront obtenir des « résultats », être « efficaces » et meilleurs que les autres. Ces  enseignants seront soumis régulièrement à des examens de « re-certification », pour s’assurer qu’ils maintiennent toujours leurs objectifs (des sortes de « contrôles techniques », plutôt que de simples inspections de routine).

Et pourquoi pas soumettre une étude de marché à leur direction en début d’année, pour identifier les étudiants qui pourraient leur être plus rentables ?

Les directeurs d’école auront quant à eux la liberté de faire le ménage dans leur entreprise, en offrant des promotions aux enseignants qui réussissent le mieux à combler les objectifs de l’établissement, et en «[licenciant] les mauvais enseignants afin de créer des équipes-écoles optimales », comme il est écrit dans le communiqué de presse qui accompagne le rapport.

C’est une autre forme de marchandisation de l’éducation. La réussite scolaire sera désormais un but à atteindre non pas seulement pour le bien de l’enfant mais au fond pour… gagner de l’argent ! Les enseignants dont les élèves ont les meilleures notes sont mieux payés que ceux qui obtiennent des résultats moins bons. Certes, à la base, si un élève obtient des bonnes notes, c’est en bonne partie parce qu’il reçoit une éducation de qualité, qu’il est capable d’assimiler sans peine. L’idée est quand même d’inciter les professeurs à donner le meilleur d’eux-mêmes pour que les enfants reçoivent une meilleure formation. Mais la motivation de l’argent sera là. C’est si facile, donner un A par ci par là et puis… s’acheter une belle auto ?

Et où est passé l’esprit du bien commun dans tout ça ? De l’école publique qu’on bâtit ensemble ? Un système basé sur les primes individuelles en fonction de la « performance » va évidemment engendrer compétition, méfiance et tensions.

Le rapport vient tout juste de sortir ; on en sait peu sur les implications qu’il aura. Ce qui est certain, c’est qu’il a bien de quoi mettre mal à l’aise, et qu’il invitera au débat.

Quel bel esprit, pour notre éducation.

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