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Ceci tuera-t-il cela ?

Nous sommes à Manhattan, en mai 2013. Dans la rame de métro où je lis le Voyage, il devient difficile de ne pas les remarquer. Ils sont partout. À force de calculs très savants, j’en arrive au ratio suivant : deux kindles pour un livre sur la ligne F, entre 7h30 et 8h le matin, 7h30 et 8h le soir. Cela doit être l’effet mégalopole.

Alors je méprise et j’exècre tout autour de moi, c’est assez viscéral comme réaction.

Faut-il que la forme épouse le fond ? Si l’on révolutionne le mariage en France, pourquoi pas l’industrie du livre non plus ? Je suis réactionnaire si je me cramponne au livre. Il me faudrait les résultats d’une étude sérieuse prouvant que la lecture sur ebook abîme la rétine, ou mieux, qu’elle procure moins de plaisir que celle d’un véritable bouquin. « C’est pratique, je stocke ici toute ma bibliothèque ». Bim. Je me demande quels sont les moines copistes qui ont protesté lorsque l’imprimerie s’est imposée au XVe siècle ?

« Après tout, dans un monde de plus en plus globalisé, on ne fait que faciliter la tâche, on avance de plus en plus vite tout en essayant d’obtenir le meilleur rendement » (phrase à prononcer niaisement de préférence).

Or, la littérature n’est pas utile. La rationaliser est contre productif, antinomique. Un livre n’est pas un actif potentiel. Et comme il ne faut rien faire à moitié je propose que l’on élargisse les champs de lutte, que les hommes réapprennent à écrire à la main. Fermez les écoles, tous à la copie, tous au monastère !

« Stop and smell the roses ». Proverbe anglais à prendre au pied de la lettre. Le Kindle, comme son père l’Argent, n’a pas d’odeur. Vive le sens donc, vive l’odorat !

Et puis, il serait vain de vous servir un discours apocalyptique. L’homme typographique est loin d’avoir écrit son dernier mot. D’ailleurs, on entend parler de « Mort du livre » depuis Memex, le terminator envoyé dans notre monde en 1945 (c’est-à-dire le premier livre électronique). La mort n’arrive pourtant qu’une fois, bien qu’elle se fasse sentir à tous les moments de la vie ; « il est plus dur de l’appréhender que de la souffrir ». Enfin, on dira pour l’embarrasser cette fameuse mort, que le texte numérique complète, mais ne substitue pas.

Le livre à la vie devant lui,  toutes les promesses de l’aube aux doigts de roses, les racines du ciel et j’en passe.


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