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Pauline, juste à temps.

Déjà, au lendemain de son élection le 4 septembre, la première première ministre du Québec animait d’un dédain senti le verbe de la majorité des québécois et inévitablement d’encore plus de ressentiment celui des gens qui ne s’identifient pas ainsi. J’ai donc entrepris de trouver de bons côtés à l’avènement de l’ère Pauline, car avec l’Halloween derrière nous, il m’a semblé qu’une métamorphose en avocat du diable était toute indiquée. Les idées frivoles sont les plus intéressantes !

À moins que les valeurs véhiculées par l’actuel monarchiste qu’est Stephen Harper vous siéent, le symbole évident et provocateur du Parti Québécois au pouvoir dans notre province signifie une d’entre deux choses possibles : soit Pauline saura être à l’affut des âneries conservatrices au Parlement et aura la voix assez forte pour empêcher une autre loi 10, un autre abolissement du registre des armes à feu ou l’achat d’un autre avion à réaction destiné au survol du Nunavut (terre de tous les périls, ne l’oublions pas); soit le gouvernement minoritaire de Pauline ne sera pas en mesure de freiner les élans moyenâgeux de notre premier ministre, mais saura être à l’affut de ses manigances et sonnera l’alarme, par exemple, la prochaine fois qu’il nommera un unilingue francophone au poste de vérificateur général. Vous me direz alors, sans être fautif, que Jean Charest était un digne gardien, mais Pauline n’aurait pas fait dans la dentelle peu importe ce qu’Ottawa lui aurait servi ; et étant donné le menu, je me plais à croire que ça tombe à point.

Au chapitre des échecs de Jean Charest, toutefois, je me réclame de ceux qui félicitent la fermeture de l’ironique Gentilly‑2 et l’abolition de la hausse des frais de scolarité. Sans m’étendre sur des détails qui ne vous importent plus après le printemps que nous avons tous vécus, laissez-moi au moins préciser qu’en tous les cas, l’un paie sans doute pour l’autre.

Ce qu’il y a de très bien avec Pauline, c’est qu’elle est à la tête d’un gouvernement minoritaire. De ce fait, les avancées que le Québec fera seront les filles du compromis et les politiques plus controversées du Parti Québécois resteront stationnées pour un bout de temps encore dans l’imaginaire collectif, menaçant d’éclore, certes, mais toujours latentes. À cet égard, il n’y a que du bon sous le soleil pour les plus réticents d’entre nous : pas de cégep francophone obligatoire à l’horizon, pas de hausse rétroactive des impôts ni même de nouveaux pouvoirs réclamés à notre très cher Canada. Il advient qu’à cet égard, le gouvernement que nous avons présentement est le meilleur scénario que nous avions pu envisager, c’est-à-dire celui du (presque) statu quo.

Certes, il y aura toujours des mécontents, que nous aimons nous imaginer comme étant des millionnaires anglophones vivant à Westmount, mais au grand dam de leur bonheur, je ne suis pas certain qu’ils aient une raison valable, à l’heure qu’il est, de crier au loup. Alors que la première ministre avoue ouvertement vouloir s’en prendre à leur portefeuille et leur langue maternelle, les risques qu’elle parvienne à changer leur univers sont encore qualifiables de minimes.

Or, s’il est vrai que le chemin du statu quo est à mon avis pavé de succès, pourquoi Pauline ? Pourquoi pas François ? Françoise ? Parce qu’elle dérange, Pauline. Parce que sa gestuelle qui n’est pas sans rappeler la professeure Ombrage ne plaît pas, parce qu’elle n’est pas charismatique, parce que son mari est riche, parce que c’est une femme. Alors, au moment où n’importe quel individu aurait été inoffensif par la qualité minoritaire du gouvernement actuel, travaillons collectivement sur notre hâte à juger pauvrement cette femme qui n’aura même pas sa chance de faire valoir son point de toute façon, car si la tendance se maintient, le gouvernement péquiste mourra avant même d’avoir fait le moindre pas et tout le fiel que l’on aura déversé à son sujet ne sera rien d’autre que le reflet de l’amertume que nous avons à l’égard des gens qui prennent position.


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