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Mozart burlesque

Une version osée mais appropriée de Don Giovanni, présentée par Opéra McGill

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Du 26 au 29 janvier, Opéra McGill a mis en scène une version bien particulière du classique de Mozart, Don Giovanni. Le héro légendaire a pris diverses formes au cours des ans ; il est escroc espiègle chez Tirso de Molina, il est intellectuel libertin chez Molière, ou encore romantique et épique chez Byron. Pour la troupe de Patrick J. Hansen, Don Giovanni est un vampire. Vêtu de rouge et de noir, le séducteur insatiable surprend les spectateurs lorsque, face au sabre laser du Commandeur, il l’atteint d’une morsure fatale. S’ensuit une multitude d’actes et de symboles vampiriques dans lesquels chaque séduction est un rituel : un alter ego féminin qui porte les mêmes couleurs que Don Giovanni entre sur scène d’une danse sensuelle, tout en apportant un élixir rouge au protagoniste.

Photo : Brent Calis
Celui-ci le boit et s’avance vers sa victime, contemple sa nuque et lui saute au cou, confondant morsure et baiser. Le parallèle entre le vilain pécheur et le traditionnel monstre fantastique n’est pas si farfelu. Son appétit sexuel est assimilé à une nécessité et fait écho aux paroles de Don Giovanni dans l’Acte II, scène 1, où il affirme à son valet, Leporello, qu’il ne peut abandonner les femmes car elles lui sont plus importantes que le pain qu’il mange ou que l’air qu’il respire. Cela est notamment démontré lors du dîner de la venue du Commandeur, où les plats sont des femmes transportées par Leporello ainsi que son alter ego à la table du héros. Ces instances de luxure sont banalisées chez Don Giovanni ce qui explique son rejet de la repentance : il ne peut résister à l’appel de la chair.

Photo : Brent Calis
Le thème du vampire n’est qu’un élément parmi tant d’autres que la troupe d’Opéra McGill apporte à l’œuvre de Mozart. Hansen joue sur le comique et introduit du burlesque au grand classique. Donna Elvira, traditionnellement dépeinte comme un personnage tragique ou pathétique, devient l’objet de moqueries de la part des autres personnages et du public. Accoutrée de manière cocasse avec d’étranges lunettes et un parapluie, Donna Elvira ressemble à une vieille fille désespérée. Lors du quatrième Aria, elle découvre la vraie nature de Don Giovanni, et d’un air fouineur tente de s’emparer du livre dans lequel Leporello tient les comptes des conquêtes de son maître. Cet aspect comique ainsi que l’excellente performance de Jessica Scarlato font d’elle un personnage majeur de cette version. Dans le même registre, le valet malmené de Don Giovanni se retrouve dans des situations saugrenues. La superbe prestation du baryton Peter Walker contribue à imposer le comique comme registre principal de cette interprétation. La thématique burlesque est étayée par les sabres lasers et le Commandeur-Jedi. Les costumes ne sont pas uniformes, alors que les paysans sont habillés à la façon de notre temps, prêts à assister à un mariage ; Donna Anna et Don Ottavio sont les seuls à avoir maintenu des habits d’aristocrates du 18e siècle. La scène est découpée en plusieurs morceaux, avec l’orchestre au centre et des paravents multiformes et multi-usage, ce qui facilite le jeu de cache-cache entre les personnages.

Bien que ce mélange de différentes époques et de différents mondes puisse sembler chaotique, Opéra McGill parvient à maintenir l’essence et à démontrer le génie de cet œuvre à travers une interprétation moderne et burlesque, grâce à de belles performances et un talentueux orchestre symphonique.


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