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Entre noirceur et lumière

L’artiste multidisciplinaire Stéphane Gladyszewski présente Corps noir ou l’inconscient convié.

Œuvre de Stéphane Gladyszewski. Crédit photo: Nicolas Minns

Depuis que Jack Udashkin est devenu son directeur artistique, La Chapelle ne cesse de confirmer son statut prépondérant dans la diffusion de l’art avant-gardiste et éclectique à Montréal. En ce début de mois de novembre, la continuité s’amorce avec une série de spectacles multidisciplinaires regroupés sous la bannière du Festival Artdanthé. Le premier spectacle est une reprise de Corps noir du danseur et artiste visuel Stéphane Gladyszewski, d’abord monté chez Tangente en 2008. Gladyszewski s’est fait connaître depuis quelques années à Montréal comme l’un des meilleurs artistes de la scène, qui marie technologie et performance.

Œuvre de Stéphane Gladyszewski. Crédit photo : Nicolas Minns

Ce spectacle solo se veut autobiographique, adoptant une approche documentaire. Mais Gladyszewski n’est pas seul sur scène ; il est aussi accompagné de lumière, sa partenaire idéale, qui le suit sous de multiples formes. De par une vidéo montrant un bébé à qui on fait prendre un bain, on sent que l’artiste nous conduit à ses sources. S’ensuivent des vidéos émouvantes projetées sur des rideaux coulissants où l’on voit interagir père et fils après des années d’absence. La lumière se fait plus tard ingénieuse lorsque Gladyszewski, dans une scène plongée dans le noir, fait mine de s’enfoncer dans une trappe souterraine alors qu’il s’agit en fait d’un congélateur horizontal dont l’ampoule s’allume lorsqu’on ouvre la trappe. La lumière devient par après impressionnante lors des projections où l’artiste semble peindre et façonner l’espace avec la lumière numérique, technologie aussi vue chez Robert Lepage. À d’autres moments, la lumière est plutôt utilisée comme body-painting digital grâce à la vidéo thermique (technologie reprise dans le court-métrage Ora de Philippe Baylaucq). Lorsque Gladyszewski se trouve dans un aquarium en position fœtale, demandant à sa mère si elle l’entend, la lumière se fait saillante en rendant l’eau fluorescente. L’artiste se sert aussi de divers autres supports matériels pour montrer des pans de son intimité, comme la glace, la vapeur, un gros morceau de glaise transformé en sexe féminin donnant naissance à une tête, des billes de bois qui se métamorphosent en bébé qu’il baigne à son tour. D’autres objets comme une pipe à eau ou un nettoyeur à vapeur occupent des fonctions poétiques et narratives. Le tout prend une allure d’immersion expérimentale, et ce ne sont pas tous les instants tirés de l’inconscient du concepteur qui sont totalement accessibles au spectateur.

Il n’est pas rare de voir des spectacles contemporains faire un usage à mauvais escient des technologies multimédia : soit flamboyant à outrance, soit peu esthétique, bon marché et mal intégré. Gladyszewski excelle à maîtriser la lumière et l’incorpore de façon fluide, d’un simple faisceau bien placé à l’image 3D hautement technologique mais toujours raffinée. De même, l’autofiction qui aurait pu être redondante et imbue d’elle-même est exposée en objet artistique mûrement réfléchi et poétique.


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