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Facture majorée

Certains étudiants et leurs associations se montrent réticents face aux clauses du budget Bachand, qui vise l’équilibre budgétaire et compte ainsi sur la contribution des étudiants pour défrayer les coûts de leur éducation.

Le financement des programmes universitaires occupe bien des esprits. Certains étudiants et leurs associations se montrent réticents face aux clauses du budget Bachand, qui vise l’équilibre budgétaire et compte ainsi sur la contribution des étudiants pour défrayer les coûts de leur éducation. Si les droits de scolarité sont majorés de 50$ par semestre depuis l’automne 2007, rien n’est encore joué pour l’automne 2012. « Pour le bien commun des Québécois », dans les mots du ministre des Finances, le budget 2010-11 prévoit une rencontre des partenaires de l’éducation pour « déterminer les modalités de cette hausse » qui prendra effet en 2012.

Le ministère et sa nouvelle ministre

Dans la foulée du remaniement ministériel, la barde du ministère de l’Éducation est passée de Michelle Courchesne à l’ex-ministre de l’Environnement Line Beauchamp. Si les dossiers litigieux propres au ministère de l’Éducation demeurent, les solutions envisagées diffèrent. En effet, à la suite du témoignage rendu par le recteur de l’Université Laval, Denis Brière, le MELS propose d’analyser une autre proposition que la hausse des frais. « C’est un premier pas vers une discussion constructive », a déclaré M. Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante collégial du Québec, la FECQ.

La vice-présidente affaires externes renchérit en notant qu’avant l’intervention du recteur de l’Université Laval, la rencontre pour les partenaires de l’éducation existait pour déterminer les paramètres de la hausse des frais. « En réaction à l’intervention de M. Brière, pourtant, la ministre Beauchamp laissait comprendre que la rencontre servirait à trouver la meilleure solution au sous-financement des universités qui peut être autre que celle d’augmenter les droits des étudiants. C’est complètement différent. »

Le Secrétaire général de la Table de Concertation étudiante du Québec (TaCEQ), Alexandre Verreault-Julien n’est pas aussi enthousiaste ; « pour l’éducation post-secondaire, Mme Beauchamp détient le fardeau de la preuve » de son ouverture à de nouvelles solutions au sous-financement du réseau d’éducation post-secondaire. x

L’idée que l’AUEM résiste

Se déroule présentement la Commission parlementaire de la culture et de l’éducation ayant pour but d’entendre les dirigeants des établissements universitaires, qui reçoivent tous des milliards en subventions gouvernementales chaque année. Quoique l’université McGill ne passera en audience que le 7 septembre prochain, la v‑p. affaires externes ne doute pas des propos que tiendra la principale, Heather Monroe-Blum. « La principale veut une révolution totale du Québec, elle aimerait que les frais de scolarité des Québécois rattrape la moyenne canadienne. » Selon la vice-présidente, la principale utilise les mêmes arguments qui justifiaient la hausse des frais pour le programme de maîtrise en administration des affaires pour recommander des hausses pour tous les étudiants, dans tous les programmes. « C’est très inquiétant, et choquant aussi », ajoute-t-elle. Elle explique qu’il est difficile pour les citoyens de la province et héritiers des valeurs de la Révolution tranquille d’entendre que la hausse des frais « sauvera la population québécoise ». Elle ajoute avec un sourire que « les lucides sont de retour, et que l’Université McGill en a une à sa tête ». 

Cette année, différentes fédérations étudiantes feront de la lutte contre la hausse des frais de scolarité leur cheval de bataille. D’ailleurs, à la fin de l’année dernière, les étudiants du premier cycle ont voté en faveur d’une motion mandatant les exécutifs de la fédération pour qu’ils « se batt[ent] pour une éducation libre, de bonne qualité, et accessible ; à travers la mobilisation des étudiants de McGill (…) pour appliquer une pression sur le gouvernement afin que celui-ci réduise et élimine éventuellement les frais de scolarité (…)» À la dernière Assemblée générale de l’AÉUM, la population étudiante s’était également exprimée contre toutes les augmentations futures des frais afférents exigés d’eux.

La Table de concertation

C’est notamment à travers son implication au sein de la Table de Concertation étudiante du Québec (TaCEQ), dont elle est membre depuis 2009, que l’AÉUM compte remplir son mandat. Au nom de l’AÉUM et des autres associations étudiantes membres de la Table, soit les étudiants de premier cycle de l’Université Laval et celle de Sherbrooke, la TaCEQ prépare une réponse à l’intention du gouvernement de hausser les droits des étudiants universitaires.

Myriam Zaidi, vice-présidente affaires externes de l’AÉUM, explique que les membres de la TaCEQ travaillent ensemble parce que « les étudiants des trois universités se ressemblent ; ils ne sont pas forcément très militants, mais tout de même très préoccupés par la hausse des droits de scolarité. Aussi, nous étions tous désenchantés par la FEUQ dont nous étions membres. » Selon elle, la « FEUQ était détachée de ses membres, corporatiste dans le sens négatif du terme ». Par opposition, la TaCEQ fonctionnerait de manière décentralisée et consensuelle.

La TaCEQ, malgré sa date de création récente, jouit d’une reconnaissance de la part des autres associations étudiantes et des autres partenaires de l’éducation. « La TaCEQ est maintenant membre de la Table des Partenaires Universitaires, ce qui est très significatif en mon sens », note le vice secrétaire-général et ex-représentant de la Faculté des arts, Joël Pedneault. x

D’autres solutions

Devant la Commission parlementaire sur l’éducation et la culture, le recteur de l’université Laval a présenté, au nom des associations étudiantes de premier et de deuxième cycle, une nouvelle proposition pour pallier au sous-financement du système universitaire. Puisque « une hausse des frais de scolarité pourrait avoir une incidence sur l’accessibilité aux études, […] une hausse des frais de scolarité n’est conséquemment pas la solution au sous-financement des universités », a déclaré M. Brière.

Par ailleurs, les étudiants suggèrent la mise en place d’une mesure engageant les entreprises à investir un certain pourcentage de leur masse salariale dans le réseau universitaire québécois.

Selon la déclaration de l’association étudiante, les « entreprises québécoises sont les premières à bénéficier d’une main‑d’œuvre hautement qualifiée qui stimule l’innovation et le développement de l’économie du savoir sur laquelle repose notre avenir ». Selon eux, puisque le financement des universités devrait être partagé par tous les acteurs qui bénéficient de la formation qu’elles offrent et des recherches qui y sont réalisées, les entreprises devraient conséquemment défrayer leur juste part pour le bon fonctionnement du réseau universitaire.

Quoique le président de la FECQ conçoive que cette idée ait un certain poids, il considère qu’une telle taxe est
régressive. « Notre Fédération prône plutôt l’arrimage de l’impôt sur les bénéfices des entreprises, ou le retour de la taxe sur le capital au niveau de 2007 », explique le président. x

Facteur non négligeable

La hausse des frais de scolarité concerne plusieurs acteurs du milieu de l’éducation en raison de son impact possible sur l’accessibilité aux programmes d’études post-secondaires. Cependant, dans le cas du programme de maîtrise en administration des affaires, l’impact est difficile à mesurer puisque la décision est toute récente.

Pour nous éclairer sur les effets potentiels d’une hausse des frais de scolarité Rachel Gotthilf, employée en tant que chercheuse par l’AÉUM pour l’été, s’est notamment penchée sur le cas de la Faculté de droit de l’Université de Toronto, qui a récemment pris la décision d’augmenter la facture des étudiants de 2000$ chaque année jusqu’à ce qu’elle atteigne les 22 000. Aujourd’hui, les étudiants en droit payent plus de 23 000$ pour étudier au sein de l’Université.

Officiellement, explique-t-elle, le doyen de la Faculté voulait augmenter les droits de scolarité pour mieux payer les professeurs, et ainsi remédier à leur émigration vers les écoles de droit américaines. On cherchait aussi à diminuer le ratio étudiants/professeurs. « Que l’on ait amélioré la qualité du programme ou non, c’est difficile à dire. Mais si c’était vraiment le cas, on pourrait toujours se demander si ça vaut la perte des étudiants qui ne peuvent s’offrir cette éducation onéreuse. »

En réaction aux appréhensions des administrateurs de l’Université de Toronto, le vice-principal aurait réalisé une étude sur l’accessibilité de son programme d’étude. Publié en 2003 et présenté devant le Conseil de gouvernance de l’université, le rapport concluait que l’augmentation des droits de scolarité ne représentait pas un obstacle à l’inscription des moins bien nantis en raison de l’aide financière accordée aux catégories socio-économiques inférieures. « Néanmoins, on peut critiquer la sélection de l’échantillon choisit pour cette étude : si tu ne rends compte dans un rapport que de ceux qui ont été admis dans le programme en question, tu omets tous ceux qui n’ont pas pris la peine de se porter candidat de peur de ne pas recevoir suffisamment d’aide financière,» estime Rachel Gotthilf. La chercheuse pense en conséquence que ce genre d’étude est biaisé.

En somme, il est difficile de tirer des conclusions claires et définitives. Pour elle, plusieurs facteurs entrent en jeu, notamment la mentalité des décideurs et des étudiants. Selon elle, il est devenu normal, voire nécessaire pour les administrateurs, que les étudiants s’endettent pour se retrouver sur les bancs d’école. « Or, ceci peut également avoir pour conséquence un nombre accru d’heure travaillées hors-campus pour payer le coût de l’éducation. Toujours selon elle, trop travailler à l’extérieur du campus peut compromettre la qualité de l’expérience étudiante. » 

Déficit budgétaire : McGill rate sa cible

Cinq ans après avoir fait de l’année 2011 la date prévue pour que McGill atteigne l’équilibre budgétaire, le Bureau des gouverneurs de l’université a officiellement baissé les bras le 26 mai dernier en adoptant, pour l’institution, un nouveau budget… déficitaire.

La faute à la crise économique selon la principale Heather Munroe-Blum, qui a indiqué que sans « la hausse prévue des revenus, pour chacune de ces années, le respect de notre engagement […] est progressivement devenu de plus en plus difficile ».

Pour solutionner le problème récurrent, le budget établit donc comme stratégie de faire pression afin d’obtenir l’autorisation d’«augmenter les frais de scolarité pour s’approcher de ceux des autres institutions canadiennes ». 

Mais nul besoin de le faire pour certains programmes, puisque du même coup, la première dirigeante de l’université explique vouloir se « conformer au régime réglementaire en vigueur, excepté pour nos programmes déréglementés et autofinancés ».

L’administration veut aussi accroître le recrutement d’étudiants au premier cycle et aux cycles supérieurs. x


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