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Prose-moi ça ! Ou pas.

Avoir son nom sur un livre

Publier : Pratique quelque peu obscure pour certains, rêve d’une vie pour d’autres. Par moment, l’envie nous prend d’essayer, de nous dire que ça semble accessible, mais jusqu’à quel point ? On se refuse à soi-même prétextant la peur de l’échec, de ne pas être lu, de n’avoir rien à dire alors que tout a été écrit. Peut-être ne devrions-nous pas.

Encore hier, j’écoutais une amie me raconter une anecdote où l’on se prononçait sur un texte de la façon suivante : « Comme quoi tout le monde peut publier d’la marde ! » J’aurais bien aimé qu’on me définisse ce « tout le monde » et cette dite « marde ». Le problème est que l’engrenage du processus de publication relève de plusieurs facteurs, de plusieurs instances supérieures, bref, d’étapes que nous ignorons à peu près tous. Ce n’est pas tant la justesse et l’efficacité de la démarche que je remets en question –car j’en connais trop peu– que cette critique presque gratuite et facile que nous portons parfois, et je m’inclus bien humblement, sur des oeuvres publiées en bonne et due forme. Sommesnous mieux placés que les éditeurs pour juger de la pertinence d’un texte ? Je l’ignore. Je suis partagée. Lorsque je pense à tous ces auteurs qui sont refusés ou qui ont longtemps été refusés, comme Marcel Proust notamment, je me retrouve devant l’impasse.

Je ferai le grand sacrilège de prendre un exemple sorti de ma vie bien stationnaire. Qu’on se le tienne pour dit, moi, mon truc, c’est la poésie. J’en ai lu, j’en lis et j’en lirai. Un jour de brume, je cherchais maladroitement quelques titres en librairie lorsque je suis tombée sur un petit recueil de trente pages ayant pour titre quelque chose comme Le printemps de ma vie. Je ne me souviens plus de l’auteur ni de la maison d’édition–j’imagine qu’il s’agit d’un coup de ma mémoire sélective– mais c’est secondaire. Ce qui importe est que la lecture de ce petit livre m’a complètement sidérée. C’en était, de la vraie « marde ». Peutêtre de la fausse aussi, mais bon, « d’la marde ». Ça ressemblait aux poèmes que nous faisions plus jeunes à la fête des mères : un mélange d’eau de rose, de bourgeons éclos et de cheveux longs comme les rivières.

Croyez-moi, je n’ai aucun scrupule à m’exprimer ainsi. Un concours de pastiche aurait prouvé que tout le monde peut publier. Cela irait comme suit : « ta peau blanche comme la lune, tes sourires aussi doux que l’aurore, ta tendre voix d’automne fleurissent dans le jardin de ma vie ». Je ne pouvais pas croire, et je ne le crois toujours pas, que des gens se soient assis, qu’ils aient lu et qu’ils en soient arrivés à la conclusion que ces poèmes en valaient le coup. Aberrant ! Peut-être était-ce l’exception à la règle, mais chose certaine, l’exception confirme quand même le risque de récidive.

Ce que je questionne ici, c’est la norme qui gouverne la publication, aussi synchronique soit-elle, c’est-à-dire « relative à une époque et à une civilisation », comme l’a défini le poète québécois Fernand Ouellette. Or, force est d’admettre qu’il y a toujours eu du bon et du mauvais et qu’il y en aura encore demain, peu importe l’époque. Est-ce à dire que le débat est inexistant parce qu’il n’a ni début ni fin ? Je crois que le débat a sa raison d’être, mais il se clôt difficilement. La norme reste et restera ce qu’elle est à sa plus simple expression selon moi : mobile. Et puisque la norme se dit fonctionner selon des règles fixes, elle n’est finalement qu’une substance soluble. Un cube de sucre. Ou pas ! 


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