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Deux points pour le développement

Au cours de la semaine « Culture Shock », Le Délit a assisté pour vous à l’événement « A Critical Visionning Session for International Studies », une discussion pertinente sur ce que signifie le mot « développement ».

Mercredi dernier, Le Délit assistait à la conférence « A Critical Visionning Session for International Studies », événement qui s’est tenue dans le cadre de la semaine de la semaine « Culture Shock », qui se déroulait du 2 au 6 novembre derniers à McGill. Devant une quarantaine de personnes, la Dr Gada Mahrouse, spécialiste du féminisme, du racisme et du post-colonialisme à l’Université de Concordia, et le Dr Michael Doxtater, expert en changement international à l’Université McGill, se sont succédés lors d’un court exposé afin de communiquer leur vision de ce qu’on appelle le « développement » dans le cadre de la conférence « A Critical Visioning Session for International Studies ».

Un impact sous-estimé

Mme Mahrouse a commencé son allocution en abordant traitant de son principal champ d’intérêt, à savoir les privilèges et les pouvoirs dans les relations internationales. Elle a précisé fermement qu’elle ne parlait pas d’aide au développement, mais bien de solidarité et d’activisme sur la scène internationale. La conférencière a d’ailleurs noté la présence de plus en plus marquée d’Occidentaux dans les pays en développement par l’entremise du tourisme solidaire. Selon Mme Mahrouse, cette présence n’est pas sans causer des inquiétudes : « Les voyageurs socialement motivés […] ont les meilleures intentions qui soient en arrivant dans un pays étranger, mais même les meilleures intentions peuvent augmenter les inégalités entre les visiteurs et les visités. »

La conférencière a ensuite abordé un point crucial touchant les missions dans les pays en dif- ficulté : le dilemme du photographe. Elle a raconté en guise d’ exemple le cas d’un photographe canadien qui, rendu en Palestine, avait dû confronter ses valeurs lorsqu’il s’était retrouvé devant le cadavre d’un vieil homme abattu pour non-respect du couvre-feu. Ce moment avait été pour lui révélateur, selon Mme Mahrouse, lorsqu’il s’était mis à ce questionner : « Mais qu’est-ce que je fais ici ? Je prends des photos incroyables ou j’aide ces pauvres gens ? » Finalement, en prenant la décision de ne pas photographier le corps du vieil homme, sa pratique responsable l’a empêché de rapporter une photo qui aurait peutêtre fait plus de mal que de bien, a souligné la conférencière.

« Nous ne devrions pas être trop rapides à chanter des louanges à l’aide internationale […] mais nous devrions plutôt consacrer nos efforts à devenir plus conscients de notre impact en tant que personnes qui détiennent le pouvoir. Je ne dis pas que les voyageurs solidaires sont néfastes, mais la question est si complexe qu’il s’agit de faire attention. »

Jeu de mots ?

L’intervention du conférencier Michael Doxtater a apporté un changement de ton à la discussion. Le professeur de McGill s’est présenté d’emblée comme un Mohawk, un autochtone d’abord et avant tout. Pour lui, le développement n’est qu’un jeu de mot qui embellit le terme « colonisation ».

En effet, il est facile, selon M. Doxtater, de promouvoir en théorie le développement durable, mais, en pratique, de soutenir la conquête. En anglais, le professeur a souligné la nuance entre « sustainable development », expression qui sous-entend une aide et un travail réciproque pour l’avancement d’une société, et « to sustain development », signifiant une prise de possession des ressources par et pour le pays envahisseur. Par exemple, l’introduction du sucre dans les villages autochtones au XVIe siècle a été une belle occasion d’étendre le réseau de contacts des colons. Tout en faisant croire aux Amérindiens que la seule motivation des échanges était un partage altruiste de nouvelles ressources entre les deux peuples. Les Blancs ont su mettre en marche une stratégie à toute épreuve. Ils sélectionnaient des agents locaux, des chefs Amérindiens par exemple, chargés de diffuser leurs innovations. Ces derniers, en vantant les qualités des produits des colons, ont permis l’implantation d’un réseau de contact utile aux visées colonialistes des Blancs. Il ne restait qu’à se servir.

En somme, il peut être dit que l’événement « A Critical Visioning Session for International Studies » a clairement rempli son mandat de faire réfléchir l’audience sur les nuances plus sombres du développement et des relations internationales, malgré toutes les bonnes intentions qui l’animent.


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