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Okinawa mon amour

Imaginez une île deux fois et demie plus grande que l’île de Montréal, dont la population s’élèverait aux trois quarts de celle de Montréal. Une île dont 18% du territoire serait occupé par des bases américaines qui abritent autant de soldats qu’il y a d’étudiants au premier cycle à McGill… Bienvenue à Okinawa au Japon.

La présence de bases américaines à Okinawa a entraîné de nombreux problèmes, notamment la pollution auditive créée par les avions et les exercices militaires, et des accidents graves tels que l’écrasement d’un hélicoptère sur l’Université Internationale d’Okinawa en 2004. Les bases dérangent aussi énormément en raison des crimes violents perpétrés par des soldats en poste, notamment l’enlèvement et le viol d’une fillette de 12 ans commis par trois soldats américains en 1995. Enfin, d’autres reprochent aussi aux États-Unis d’avoir entreposé des armes nucléaires à Okinawa avant que le territoire ne soit retourné au Japon en 1972 et soupçonnent que les Américains y aient fait transiter d’autres armes nucléaires après cette date, violant ainsi les principes antinucléaires japonais adoptés en 1971 et menaçant la population civile en cas d’accident.

Si la population d’Okinawa et le nouveau parti au pouvoir au Japon souhaitent voir les bases militaires américaines disparaître, il semble qu’elles sont là pour encore longtemps. En 2006, le Japon et les États-Unis ont signé un accord prévoyant le déplacement de la base aérienne de Futenma, située au centre de la ville de Ginowan, l’objectif étant d’éloigner la base d’une zone urbaine. Le plan : déplacer la base aérienne sur le site du camp Schwab, à Nago… toujours à Okinawa. L’entente prévoit aussi la délocalisation de 8 000 soldats à Guam, en territoire américain, un transfert qui serait compromis selon Robert Gates, secrétaire de la défense américaine, si le Japon n’accepte pas la construction de la nouvelle base.

L’entente signée en 2006 a été convenue entre Jun’ichirô Koizumi et son homologue George W. Bush. Les dirigeants au pouvoir en ce moment, Yukio Hatoyama et Barack Obama, pourraient infirmer cette décision ; cependant, si Hatoyama et les habitants d’Okinawa préfèrent voir les troupes américaines quitter le Japon, d’autres sont d’avis contraire. Le gouverneur d’Okinawa, par exemple, a proposé de déplacer le site de la base à 50 m plus au large –pour protéger la population de la pollution sonore—plutôt que d’exprimer le souhait de voir les troupes se retirer. Le déplacement du site militaire vers les côtes cause toutefois de nouveaux problèmes. En effet, les nouvelles infrastructures, qui comprennent une piste en V et possiblement un port de 214 mètres, seraient construites sur un terrain réclamé à la mer. Les citoyens de Nago ont donc peur que ces travaux ne détruisent l’écosystème local, puisque les eaux accueillent des récifs de corail, des dugongs, une espèce de mammifère marin menacée, et des tortues de mer.

Si Gates déclare que le plan actuel est « la meilleure solution pour tout le monde », il est possible d’en douter. En fait, est-il vraiment nécessaire que les États-Unis possèdent autant d’effectifs militaires dans le Pacifique ? La réponse est assurément « oui » si vous approuvez l’attitude militariste des États-Unis ; autrement, personne n’y gagne. Paradoxalement, la présence de bases militaires à Okinawa représente une source importante de revenus pour la région la plus pauvre du Japon…

Cette semaine, deux fortune cookies pour Robert Gates : « Les guerres ont toutes sortes de prétextes, mais n’ont jamais qu’une cause : l’armée. Ôtez l’armée, vous ôtez la guerre. » – Victor Hugo

« Donner la liberté au monde par la force est une étrange entreprise pleine de chances mauvaises. En la donnant, on la retire. » – Jean Jaurès


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