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Faire pousser son épicerie dans sa cour

Le Délit était présent pour vous à la première édition de l’excursion L’agriculture en ville

Ceux qui croient que Montréal est une ville de béton et d’asphalte où rien ne pousse n’ont pas vu la multitude de jardins privés, collectifs et communautaires qu’elle abrite. C’est dans la perspective de faire découvrir ces jardins et d’expliquer quelques techniques de jardinage urbain qu’a eu lieu, le 27 août dernier, la balade L’agriculture en ville. Organisée par le Coeur des sciences UQÀM, en collaboration avec la Conférence régionale des élus de Montréal (CRÉ) et son comité Nourrir Montréal, l’excursion de plus de deux heures a permis aux marcheurs de découvrir une autre facette du quartier Villeray.

Le jardin collectif de la Maison des grands-parents de Villeray, un organisme communautaire qui implique des personnes de cinquante ans et plus, constitue le premier arrêt de la balade. Pour les bénévoles de la Maison, le jardinage est un art qu’il est essentiel de transmettre puisqu’il permet de cultiver non seulement des aliments, mais aussi la patience, le goût du partage et l’appréciation de la nourriture. Ismaël Hautecoeur, architecte paysagiste et guide de la balade L’agriculture en ville, va même plus loin : « En ces temps marqués par les crises alimentaires et écologiques, il est primordial d’intensifier le jardinage familial et communautaire ; il faut que tous apprennent à faire pousser leur propre nourriture. » Depuis l’effondrement récent de la bourse et du rêve américain, d’ailleurs, les banlieusards étatsuniens délaissent de plus en plus leur sempiternelle pelouse impeccable pour les fines herbes et plantes potagères.

Des jardins sur les toits

Mais il n’est pas nécessaire d’avoir un accès à une terre pour avoir son propre potager. Comme le démontrent les splendides jardins des terrasses et ruelles de Villeray, le jardinage en bac peut donner des récoltes d’une variété et d’une qualité étonnantes. Évidemment, bien connaître les besoins des plants en matière d’arrosage et d’alimentation, ça aide, surtout en ces temps de canicule. Le groupe Alternatives, qui a lancé en 2003 un projet d’agriculture urbaine nommé Des jardins sur les toits, a d’ailleurs mis au point un bac spécial, inspiré de la culture hydroponique, qui assure aux plants un apport constant et équilibré en eau et en oxygène. Ces bacs sont disponibles chez Alternatives sous la forme de trousses « Prêt-à-pousser » qui assistent les jardiniers novices et amateurs. Enfin, pour avoir un potager productif, il est également indispensable d’accompagner ses plants de légumes de variétés de fleurs et d’herbes qui sauront attirer les insectes pollinisateurs et repousser les créatures nuisibles.

Les jardins en bacs sont des jardins mobiles et adaptables : on peut les installer contre un mur pour des agencements tout en hauteur, ou les disposer le long de nos fameux escaliers en colimaçon. Plus fréquemment, on les retrouve sur des balcons ou sur des toits, dans des ruelles ou des cours en asphalte. Si l’on prévoit aménager un jardin sur son balcon ou sur son toit, il est d’ailleurs fortement recommandé de consulter un ingénieur qui pourra alors émettre des recommandations quant aux matériaux à utiliser et aux rénovations à faire selon la charge prévue. « Il faut penser au fait que la charge à prévoir inclut non seulement les pots ou bacs de terre, mais aussi les gens qui les visiteront et la neige », nous a rappelé M. Hautecoeur.

Le jardinage urbain ne se limite évidemment pas aux jardins en bacs. Contre toute attente, les ruelles de Villeray ont dévoilé aux participants de généreux arbres fruitiers et même des vignes suspendues. « Même à Montréal, on peut faire pousser des pêches, des pommes, des poires, des prunes, des raisins… », a expliqué avec enthousiasme M. Hautecoeur. Dans une ruelle, nous avons aussi rencontré la fort sympathique Lorraine, qui possède un étonnant jardin privé derrière chez elle. « J’ai passé mon enfance à la campagne. J’étais nostalgique et je me suis mise à planter tous les ans », nous a‑t-elle expliqué. En a résulté un jardin biologique d’une variété étonnante. Interrogée sur le sujet des voleurs, la jardinière épanouie affirme n’avoir perdu que quelques poivrons anglais, peut-être.

Pour les citoyens qui n’ont ni terrain, ni espace, ni expérience, les jardins collectifs et communautaires sont aussi des options à considérer. Les jardins communautaires sont constitués de lots individuels loués à l’année, alors qu’on jardine et récolte ensemble dans les jardins collectifs.

Le jardinage pour tous

Maggie, une animatrice horticole dans Villeray et guide invitée, a expliqué qu’un jardin collectif récemment aménagé dans la cour d’une école secondaire remplissait une fonction très importante dans la communauté : il montre aux jeunes qu’il est possible de jardiner partout, fournit des aliments aux élèves les plus démunis, donne aux jeunes l’envie de goûter aux légumes plutôt que de consommer de la malbouffe, les renseigne sur la provenance des aliments, et, enfin, leur enseigne la cuisine et le partage—car en plus, des ateliers de cuisine existent, en parallèle du projet de jardinage. Un autre jardin collectif visité par L’agriculture en ville appartient à l’habitation à loyer modique (HLM) des personnes âgées du quartier ; des bacs de terre surélevés permettent aux personnes ayant des handicaps ou des maux de dos de mettre la main à la pâte, alors que d’autres citoyens se chargent de jardiner à même la terre. Pour Maggie, c’est un jardin inclusif axé sur le partage et la collaboration.

Enfin, on peut facilement dire que L’agriculture en ville, c’est beaucoup plus que des trucs et astuces pour faire pousser des plantes en pots : on y découvre que le jardin urbain a une fonction sociale, éducative et humanitaire. Les organisateurs espèrent que la balade fera boule de neige au printemps prochain…

Des jardins sur les toits :
http://​rooftopgardens​.ca/fr


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