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Dis, papa, où est la Terre océane ?

Le dernier opus du travail conjoint de Daniel Danis et Gill Champagne réfléchit au thème de la mort.

Trois hommes, trois âges de la vie dont le cours s’est inversé, puisque c’est le plus jeune qui est en partance. Gabriel (Sébastien René), dix ans, est atteint d’un cancer incurable. Il frappe à la porte d’Antoine (Arnaud Aubert), quarantenaire avide de « cinémenterie » ne se déplaçant pas sans sa caméra, son père adoptif qu’il n’a pas vu depuis dix ans. Trois jours après l’adoption, Myriam avait quitté Antoine, emmenant Gabriel avec elle. Mais face à la maladie, elle lui rend cette vie qui s’étiole irrémédiablement. Bouleversé par la mort imminente de Gabriel, Antoine abandonne son travail de producteur. Il part avec ce fils qui ne sait pas encore l’appeler papa dans une cabane au fond des bois, chez l’oncle Dave (François Clavier). Adepte de chamanisme, ce solitaire bourru viendra compléter le microcosme de sensations qui se mettent en place autour de l’attente du grand souffle final. Les voilà partis pour ce voyage vers l’inconnu : la Terre océane.

Ce qui est à l’oeuvre dans Terre océane est, ni plus ni moins, le deuil perçu comme un travail, comme une épreuve à traverser. « C’est le travail du deuil, mais c’est aussi le travail de la vie, précise Daniel Danis, l’auteur de la pièce. Quand on est en présence d’un enfant malade, tout ce qui était si important devient futile, les choses redeviennent simples. On doit trouver une place pour la mort dans nos vies, savoir pratiquer une sorte de rituel du départ. » Ainsi, Danis nous propose de nous réapproprier la mort et son imaginaire. Pour que la vie soit belle, il ne faut pas que la mort soit vide. En tout cas, pas pour l’enfant malade.

Daniel Danis a offert l’adaptation théâtrale de Terre océane, « roman-dit », à Gill Champagne, son compère de longue date, directeur artistique du Théâtre du Trident. Car si son livre est une vision, il faut aussi une vision pour transposer sur scène cette fascinante « cassure poétique » qu’est son écriture unique. Le texte crée un espace que le spectateur se voit forcé de remplir pour saisir le sens et les émotions véhiculés. Or, cet espace ouvert, c’est aussi celui de la représentation, celui de la scène : le travail de Champagne et des acteurs. La sobriété du décor répond aux besoins d’un texte qui ne saurait s’accommoder de frasques visuelles. Quant à la mise en scène, le verdict est mitigé. Si on se doit de saluer le jeu de Sébastien René, avantagé par un physique parfait pour un gamin de dix ans, il faut bien admettre qu’Arnaud Aubert, par son jeu indifférencié, trop souvent criard, aseptise le texte et engourdit toute capacité d’empathie de la part du spectateur, pourtant avide de répondre à cette catharsis potentielle. Souvent, l’élan d’une émotion est freiné par la précipitation d’un texte dense qui appelle une digestion plus lente. Or, ceci, en définitive, n’est-il pas un choix du metteur en scène ? Et l’auteur, n’a‑t-il pas eu son mot à dire ? Bref, on reste coincé sur les rives, sentant la brise au loin, venant de la Terre océane.

Terre océane
Où : Théâtre d’Aujourd’hui, 3900, rue St-Denis
Quand : Jusqu’au 17 novembre
Combien : 29$ (23$ tarif étudiant)


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