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Gel, modulation ou indexation ?

Le gouvernement garde ses options ouvertes

Le Sommet sur l’éducation supérieure qui aura lieu les 25 et 26 février prochains promet d’être mouvementé. Aux propositions déjà existantes sur le chemin à prendre pour le financement des universités au Québec s’ajoute maintenant celle présentée par la Coalition Avenir Québec (CAQ). Entre la gratuité scolaire demandée par l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ), le gel des frais de scolarité prôné par le Parti Québécois et appuyé par les Fédérations Étudiantes Universitaires (FEUQ) et Collégiales (FECQ), ou encore l’indexation des frais de scolarité envisagée par le ministre de l’Éducation supérieure Pierre Duchesne, les choix étaient déjà nombreux. François Legault, président de CAQ a ajouté à ceux-ci sa proposition de modulation des frais de scolarité, lors d’une déclaration la semaine dernière.

 
Qu’est-ce que la modulation ?
La proposition de modulation des frais de scolarité consiste à balayer le système de tarification unique pour tous les étudiants et le remplacer par des prix qui varieraient selon le programme. Le raisonnement derrière la modulation des frais de scolarité est que certains programmes, notamment ceux qui font de la recherche une priorité, coûtent beaucoup plus cher à financer que d’autres. Par exemple, dans le système actuel de tarification unique, les étudiants en médecine, un programme cher à financer, payent environ 10% du coût de financement de leur programme, tandis que ceux dans d’autres programmes moins coûteux payent jusqu’à 40% du coût de financement.
Le problème de la modulation, selon les associations étudiantes, est qu’elle entrainerait des inégalités dans le système universitaire.
Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, affirme que : « La modulation crée une iniquité entre divers étudiants » et cite comme exemple qu’«un étudiant de classe moyenne qui est en médecine devrait payer plus alors qu’un étudiant de classe favorisée dans un autre programme comprenant moins de recherches paierait moins ».

Paul-Émile Auger, secrétaire général de la Table de Concertation Étudiante du Québec (TaCEQ) – une plate-forme de dialogue destinée à préparer les associations étudiantes au Sommet de l’Éducation Supérieure – pense pour sa part que : « dans le cadre du système universitaire actuel, ce n’est pas dans l’intérêt des étudiants de moduler les frais ». Il faut cependant prendre en compte qu’une modulation des frais de scolarité telle que décrite ci-dessus ne rapporterait pas pour autant plus d’argent aux universités. En effet, l’argent économisé grâce aux étudiants qui paieraient plus serait utilisé pour combler le déficit causé par ceux qui paieraient moins.
En plus de la modulation des frais par programme, M. Legault propose une modulation des frais par université, en donnant plus d’autonomie financière à certaines universités pour lesquelles la recherche est une priorité. Les universités qui bénéficieraient de cette autonomie auraient donc le droit d’augmenter leurs frais de scolarité comme elles le souhaitent. Ce statut privilégié serait octroyé à l’Université de Montréal, aux universités McGill, Laval et Sherbrooke, ainsi qu’à certains programmes de l’UQAM, qui ont une mission de recherche importante. Elles seraient donc plus aptes à concourir parmi les meilleures universités du monde, selon la CAQ.
Sur la question de la modulation, Olivier Marcil, vice-principal de McGill, affirme que « l’administration de McGill était toujours favorable à l’augmentation des frais de scolarité au Québec », car selon lui, « ce qui est injuste c’est un système à très bas taux de scolarité ou tout le monde paye le même prix ». M. Marcil a cependant ajouté que « quand on augmente les frais de scolarité on doit accompagner [la mesure] d’un soutien aux étudiants ». Supposant que la mesure proposée par Legault soit adoptée, on pourrait donc s’attendre à une augmentation des droits de scolarité à McGill d’un montant indéfini, ce qui pourrait diminuer les demandes d’admission, en particulier de la part des Québécois. Éric Bélanger, professeur de sciences politiques à McGill dit pour sa part qu’il « ne pense pas que McGill sera très affectée compte tenu de la clientèle que nous avons déjà ici qui est un peu plus fortunée que dans les autres universités ».

 
Gel et indexation
Face aux déclarations de la CAQ, le ministre de l’Enseignement supérieur Pierre Duchesne s’est montré peu enthousiaste, mais encourage cependant M. Legault à expliquer plus en profondeur sa conception de la modulation.
La ligne officielle du Parti Québécois est actuellement le gel de frais de scolarité, ligne adoptée par la FECQ et la FEUQ. Cependant, M. Duchesne envisage fortement une indexation des frais de scolarité, c’est-à-dire une augmentation graduelle des frais de scolarité directement proportionnelle à l’inflation. Sur ce point, le Ministre et la FEUQ divergent, et Mme Desjardins à affirmé que « la FEUQ a une position de gel, on ne prône pas l’indexation ».

La TaCEQ et la FEUQ sont quant à elles contre toute forme d’augmentation, qu’elle soit sous forme d’indexation ou de modulation. En référence au Sommet sur l’éducation, Blandine Parchemal, secrétaire aux affaires académiques de l’ASSÉ, à déclaré : «[L’ASSÉ] va rapporter notre position, on s’opposera à tout frais de scolarité ». Dans le même registre, M. Auger à affirmé que « la TaCEQ s’oppose à toute hausse des frais de scolarité ».
Les possibilités de gel, d’indexation ou de modulation des frais de scolarité seront débattues lors du Sommet ; reste à savoir si l’ASSÉ sera présente pour ouvrir le débat sur la gratuité scolaire.


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