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Sauvés par Tremblay

La mise en scène de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges déçoit, mais la pièce réussit surtout grâce à la langue de Michel Tremblay. 

L’œuvre de Tremblay n’est pas inconnue du metteur en scène Serge Denoncourt, qui avait déjà mis en scène plusieurs pièces de l’auteur. Toutefois, l’enjeu était différent cette fois-ci : Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges est un roman. Il est indéniable qu’un travail considérable de réflexion et d’adaptation a été effectué, pourtant, il y a quelque chose de factice, de forcé dans cette pièce présentée au théâtre Denise-Pelletier.

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges est le deuxième roman de la série des Chroniques du Plateau-Mont-Royal de Michel Tremblay. L’action centrale de ce roman est construite autour du cercle amical de Thérèse, Pierrette et leur amie Simone, une espèce de troisième roue que les deux premières aiment bien, comme on aime bien savoir qu’on a une roue de secours. Plus précisément, le roman raconte l’épisode des préparatifs de la Fête Dieu, de la relation hiérarchique entre les fillettes et les religieuses, de l’autorité et de l’influence de la religion (nous sommes en 1942, quelques années avant la Grande Noirceur), de l’ignorance des femmes face à la sexualité et du refoulement de leurs désirs et de leurs colères.

L’œuvre de Tremblay est une vaste épopée et les personnages sont multiples. Pour cette adaptation du roman au théâtre, Serge Denoncourt a réduit le nombre de vingt-six personnages à dix-huit. Choix tout à fait approprié, car l’action est alors moins éclatée et la pièce, plus simple à suivre. Les personnages sont claquemurés par les hautes clôtures de métal qui circonscrivent l’école, et ne manquent pas d’évoquer l’atmosphère d’une prison. En effet, on peut lire dans le programme ces mots du metteur en scène : « Une histoire de femmes à qui on refusait le pouvoir, qui brulaient d’envie de défoncer les clôtures sans trop savoir comment. »

Ce que propose Serge Denoncourt,  c’est de nous raconter une histoire. Il souligne son désir de garder intact autant que possible l’impression romanesque, notamment par la narration –les comédiens font des apartés pour préciser le passé d’un personnage ou pour commenter une scène, par exemple–, et de rappeler qu’ici, on raconte, on incarne des personnages, mais on n’est pas. Il était important pour le metteur en scène que son adaptation de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges soit un témoignage de l’époque, un rappel de ce qu’ont vécu nos mères et nos grands-mères, un « album de famille ». Jusqu’ici, la réflexion est incontestablement logique. Seulement, le roman semble ternir l’éclat qu’aurait pu avoir la pièce.

La structure en courtes scènes calquées sur les courts épisodes propre à l’écriture des Chroniques du Plateau-Mont-Royal crée un rythme fulgurant qui assomme le spectateur qui n’a pas le temps de reprendre son souffle. De surcroît, les extraits du texte, même ceux déclamés par les comédiens, sont projetés sur le fond de la scène et étourdissent le spectateur, la scène devenant ainsi trop lourde. Enfin, les personnages sont généralement interprétés avec justesse, mais le jeu est par moments inégal. Dans ces instants, les personnages deviennent manichéens et leur intériorité se perd, ces émotions et ces pensées comprises dans la narration et non dans le dialogue romanesque.

En somme, l’adaptation de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges de Serge Denoncourt est honorable, mais la transposition de l’univers romanesque n’est pas complète.

On rit et on s’y plaît, surtout grâce au texte de Tremblay, et parce qu’enfin, c’est une belle histoire.


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