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Aimer à l’imparfait

Dans Je l’aimais, la cinéaste Zabou Breitman présente de façon juste et sensible une histoire d’amour enlevante qui sait éviter tous les clichés.

À la suite d’une rupture tout à fait inattendue avec son mari, Chloé (Florence Loiret-Caille) se retrouve plongée dans un abattement profond. Ressassant la douleur d’avoir été laissée pour une autre femme, elle erre des jours durant dans le silence d’une maison de campagne sous le regard apparemment impassible de Pierre (Daniel Auteuil), son beau-père. Confronté à l’indignation de sa bru, qui lui reproche son manque de compassion, et souhaitant lui prouver que la décision de son fils pourrait bien, malgré tout, être la bonne, cet homme sérieux et taciturne sera amené à lui révéler le secret qui le tourmente depuis vingt ans : celui de sa liaison avec Mathilde (Marie-Josée Croze), une jeune traductrice-interprète qu’il avait rencontrée dans une réunion d’affaires à Hong Kong.

C’est à partir de ce canevas –pouvant à première vue sembler cliché– que la comédienne, cinéaste et metteure en scène Zabou Breitman articule, d’après le roman d’Anna Gavalda, un troisième long-métrage qui vient confirmer son talent. Sensible, sobre et perspicace, Je l’aimais raconte de façon tout à fait inventive l’histoire d’un amour interdit et passionnel qui aura fait d’immenses dégâts. C’est donc à travers la narration du personnage de Daniel Auteuil que la cinéaste dévoile la confession d’un homme détruit par le regret d’avoir choisi de rester avec son épouse et ses enfants, au détriment de la seule chose qui le rendait vivant. Loin du mélodrame appréhendé, ce récit en est un qui tient autant à faire rire qu’à faire pleurer. Avec une réalisation qui sait épouser le côté spontané du style d’Anna Gavalda, celle qui n’est passée derrière la caméra que depuis quelques années parvient à ajouter surprise et originalité à cette histoire qui, malgré toutes ses qualités, manque parfois de rythme. Le sentiment de lassitude que peuvent créer les quelques longueurs du film est cependant compensé par le jeu tout à fait subtil et prenant dont fait preuve la majorité de la distribution tout au long de la production. Aux côtés de Daniel Auteuil, qui livre une performance sans faille, on retrouve notamment Marie- Josée Croze dans un rôle principal qu’elle sait habiter avec toute la finesse qu’on lui connaît, et l’on découvre (ou redécouvre), la comédienne Christiane Millet, qui incarne avec brio l’épouse bienveillante mais brisée de Pierre.

À travers des dialogues suggérant toute l’intensité du sentiment amoureux sans jamais trop en révéler, le film de Zabou Breitman se construit à partir d’une série de scènes touchantes et romanesques qui, sans révolutionner le septième art, se réapproprient le concept simple du triangle amoureux d’une façon inédite et juste. Ce film saura ravir les amateurs de récits psychologiques mais pourra décevoir les adeptes d’intrigues haletantes.


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