Archives des Soifaim - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/vie-nocturne/soifaim/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 16 Nov 2022 02:54:01 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 La nuit aucun chat n’est gris https://www.delitfrancais.com/2022/11/16/la-nuit-aucun-chat-nest-gris/ Wed, 16 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49936 Texte par manque d’idées.

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Le psychologue Jean Piaget écrit que «l’individu qui parle pour lui en éprouve un plaisir et une excitation, qui le distraient passablement du besoin de communiquer à l’autre sa pensée» (Le Langage et la pensée chez l’enfant, 1923). En se parlant seul, on emploie un «langage égocentrique», comme l’enfant qui «ne cherche pas à se placer au point de vue de l’interlocuteur». Les mots que l’on prononce pour soi, nous échappent de la pensée socialisée qui cadre nos discours depuis l’âge de raison. Parfois, alors que l’échange est la motivation du discours, il devient prétexte pour monologuer collectivement comme dans «la conversation de certains salons, où tout le monde parle de soi et où personne n’écoute».

Vendredi soir, je marchais à Verdun pour prendre le dernier métro et rentrer chez moi. Je n’avais presque plus de batterie sur mon téléphone, et j’étirais avidement les derniers pourcentages. Je portais l’eau de mes chaussettes à mes manches. Bientôt, ma sueur sentait la pluie, et mes chaussures disaient «ploc». Mon téléphone s’est éteint. Je me suis retrouvé sans lunettes ni Siri, à faire des demi-tours pour trouver la station de métro. J’avais largement raté le dernier train. Alors j’ai marché un peu et je suis rentré au Resto Bar Chez Pino.

«Parfois, alors que l’échange est la motivation du discours, il devient prétexte pour monologuer collectivement comme dans ‘‘la conversation de certains salons, où tout le monde parle de soi et où personne n’écoute’’»

L’endroit était décoré en gris par accident avec de la poussière. Il était entretenu par rafistolage et fatiguait. Il y avait des maillots de football pour le très faux plafond et des chiffons en forme de drapeaux. Sept personnes se trouvaient dans l’établissement, huit avec moi. Deux hommes d’une quarantaine d’années, visiblement alcoolisés, lançaient violemment un téléphone portable sur le carrelage, à tour de rôle, et la jeune femme qui les accompagnait leur criait d’arrêter entre chaque coup. Elle semblait pourtant amusée. Les trois autres clients et l’employée du bar s’échangeaient des regards tendus en attendant qu’ils arrêtent. Le téléphone était indestructible. Dans la tension du moment, je me suis rapproché du comptoir et j’ai demandé un gin tonic. La serveuse épuisée me l’a donné avec un sourire rassurant. J’allais prendre une gorgée, mais le verre m’a échappé. Alors que tous attendaient que l’iPhone se casse, mon verre avait volé le moment en éclats. Les deux hommes se sont rassis. Leur amie s’est enfin tue. Avant que je ne puisse présenter mes excuses, l’employée, Tania, m’a dit de laisser faire. Elle m’en a refait un autre qu’elle m’a servi dans un verre en plastique. Quand je me suis assis, petit, mais trop grand pour être invisible, j’ai remarqué dans le coin une neuvième personne. C’était une femme qui jouait aux machines à sous, séparées du reste de la salle par une cloison. Elle avait le coup de main d’une automate et le reste de l’absence. On devait sûrement l’oublier à la fermeture et la retrouver le matin devant la machine à sous voisine.

«Même sorti du bar, je le voyais encore parler, il parlait pour lui-même et c’est là que nous nous sommes compris»

Dans cette ambiance originale, je me suis installé entre deux habitués que j’ai salués. L’un d’eux s’est décalé d’un tabouret en me reprochant d’avoir gâché son souvenir des Bee Gees. Mon visage a dû montrer mon incompréhension parce qu’il a ajouté qu’il se souvenait du groupe dont il est nostalgique au moment où mon verre se fracassait à terre. Ma bêtise l’avait complètement dérobé au souvenir. Je lui ai levé mon verre en plastique avec un sourire embarrassé et je me suis tourné pour saluer mon autre voisin. Celui-ci m’a fait répéter mon prénom suffisamment de fois pour que la joueuse tourne la tête vers moi. Lui s’appelait Antonio. Il ne parlait pas, il chuchotait presque tous ses mots. J’ai essayé de m’accrocher aux morceaux audibles. Je sais qu’il s’appelait Antonio Rodrigue, nom espagnol, portugais, de partout, disait-il. Il habitait dans le quartier parce que Verdun, c’est plus calme et accessible que le centre-ville. Il est né et a grandi en Beauce. Il avait huit frères et sœurs ou c’est son père qui avait huit frères et sœurs, je ne suis pas sûr. Son père est né aux alentours de 1920. Quant à lui, il avait dix-neuf ans en 1962.

Il est revenu sur son deuxième nom, Rodrigue, et l’a utilisé pour décrire la province et le peuple québécois. Il semblait dire que son nom avait voyagé jusqu’ici comme ses ancêtres dont il est fier, et que ses origines n’ont pas d’importance à ses yeux, au sein d’une communauté. Ensuite, il a pris un ton plus sérieux et ponctuait ses phrases susurrées par des expressions de surprise. Son discours allait dans tous les sens. D’après les mots que j’ai entendus, un taureau de 1 800 livres a déchiré la poitrine de son frère. Il a eu très peur, et son oncle avec un
fusil avait tiré sur le taureau. J’ai quitté Antonio Rodrigue alors qu’il continuait son histoire. Même sorti du bar, je le voyais encore parler, il parlait pour lui-même et c’est là que nous nous sommes compris.

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Mâche-Mâche https://www.delitfrancais.com/2022/11/09/mache-mache/ Wed, 09 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49778 Chronique d’un ventre en vrac.

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Malheuresement, j’ai la nausée mais je ne suis pas permis de dire pourquoi. Le temps presse et vous avez faim. On connaît tous·tes, sur les réseaux sociaux, ces comptes très commandités qui partagent au moins une liste des «meilleurs restaurants de Montréal» par semaine. L’objectif de cet article est de proposer des recommandations plus crédibles et inattendues. Par conséquent, découvrez quelques suggestions de déjeuners incontournables, selon moi, et une liste des endroits bien gardés où l’on peut m’apercevoir caché en train de hurler, de dessiner et, ne l’oublions pas, de déjeuner.

Mon déjeuner préféré à Montréal se résume en peu de mots. Il doit être accessible n’importe quand et il est souvent spécifique. Mon choix de prédilection serait le bagel nature (sans graines de sésame) ou celui au romarin de chez Saint-Viateur (263 Rue Saint-Viateur O., Montréal, QC H2V 1Y1). À chaque fois que j’y vais, en pleine nuit le plus souvent, l’odeur et la texture élastique de la pâte entre les mains des boulanger·ère·s au travail me font oublier que le paiement ne se fait qu’en argent comptant. Ils ont un guichet automatique, mais les frais valent un bagel.

«On ne peut parler du Miami Deli sans mentionner le décor aquatico-floral, improbable, déconcertant et flamboyant»

Chez Miami Deli (3090 Rue Sherbrooke E., Montréal, QC H1W 1B5), ils ont de tout, et leur service 24h/24 avec des livreur·se·s de bonne humeur redonne le sourire. Cette enseigne est une alternative qui évite les innombrables frais additionnels des plateformes en ligne. Il faut y aller pour l’interminable menu et les desserts très copieux qui vous achèveront. On ne peut parler du Miami Deli sans mentionner son décor aquatico-floral, improbable, déconcertant et flamboyant.

Dans la même veine, on retrouve le plus silencieux Alto (3469 Avenue du Parc, Montréal, QC H2X 2H6), où le personnel vous fait vous sentir en famille. C’est très bon pour un prix très raisonnable, c’est ouvert même la nuit, et, là-bas aussi, le menu est très versatile.

Il y a aussi l’Orange Julep (7700 Boulevard Décarie, Montréal, QC H4P 2H4), dont l’installation en forme du fruit éponyme reste accessible et allumée jusqu’à 3 heures du matin. Le stationnement en soi est devenu un lieu de rassemblement pour les commerçant·e·s de Facebook Marketplace et autres insomniaques.

Enfin, un indispensable, et de renommée mondiale: Patati Patata (4177 Boulevard Saint-Laurent, Montréal, QC H2W 1Y7). Il est aussi appelé «friterie de luxe», et sa salle à manger ferme à 2 heures du matin. Il est presque trop bon pour les sorties de boîte de nuit. Essayez-le, mais mettez vos vêtements en quarantaine quand vous rentrez chez vous, sinon l’odeur embaumera votre logement (et vous ne voulez pas vivre dans une poutine).
Vous connaissez peut-être ces restaurants parce que la faim dévoile les secrets les mieux gardés. Mais vous ne connaissez pas mon favori ultime: la man’oushi du 3934 rue Saint-André. La boulangère y réside au troisième étage, et elle est très occupée. Elle essaie de maintenir le rythme de ses commandes tout en vivant sa tradition familiale. Une liste dans l’entrée de l’immeuble vous permettra de laisser votre commande et vos renseignements. Elle prend en général trois jours pour répondre, et parfois elle ne répond pas. Dans les deux cas, l’attente vaut le coup.

«Pour se sentir seul·e au monde et bien caché·e, à toute heure de la nuit, rendez-vous en haut de la tour Lévis sur l’île Sainte-Hélène»

Si je n’y suis pas, vous me retrouverez les poches remplies de gâteaux dans les passages clandestins en route vers mes endroits isolés favoris. La station Square Victoria-OACI sur la ligne orange vaut le détour. Elle donne accès à un passage ondulé entre la sortie du métro et le Centre de commerce mondial. Ce chemin souterrain est selon moi très agréable, l’éclairage jaunissant et l’impossibilité de voir l’autre bout du tunnel lorsqu’on y entre limitant le nombre de passant·e·s qui le fréquentent. Au-delà du passage se trouve un morceau du mur de Berlin et l’allée commerçante très peu empruntée du Centre de commerce mondial. Sa fontaine et l’acoustique des lieux permettent aux chanceux·ses qui s’y retrouvent de s’affranchir de la routine. L’accès est au croisement des rues Saint-Jacques et Saint-Pierre.

Pas loin, deux musées tout petits et inconnus sont propices à l’introspection. Découvrez l’insolite et minuscule Musée de la monnaie (129 rue Saint-Jacques). Il est rattaché à la Banque de Montréal. Le Musée de la douane à l’Agence des services frontaliers (400 Place d’Youville), passe inaperçu mais donne à ses visiteur·se·s de nuit l’impression d’être seul·e au musée, un peu comme dans le film.

Si vous continuez sur la place d’Youville, vers la rue de la Commune, il y a dans une ruelle en pierre entre deux imposants immeubles un tout petit café sans places assises qui sert de délicieuses crêpes… à vous de le découvrir, donner son nom serait trop facile.

Pour se sentir seul·e au monde et bien caché·e, à toute heure de la nuit, rendez-vous en haut de la tour Lévis sur l’île Sainte-Hélène. 170 marches à gravir pour une vue imprenable de Montréal et se percher dans les arbres. Une autre option dépaysante est la maison Nivard de Saint-Dizier à Verdun. Idéal pour faire passer les envies de vomir.

Cette nuit, je ne sais pas où je serai. J’attendrai celui ou celle qui se sera rendu·e à toutes ces adresses avant de lui demander: «Puis-je être ton dernier repas?»

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«C’est l’Halloween, on veut des bonbons!» https://www.delitfrancais.com/2022/11/02/cest-lhalloween-on-veut-des-bonbons/ Wed, 02 Nov 2022 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49660 Dans la nuit du lundi 31 octobre dernier, des milliers d’enfants enjoués ont déambulé d’une maison à l’autre, scandant sans se lasser le célèbre «trick or treat!». Plus tard dans la soirée, ces sorcières, dinosaures et Spider-Man taille miniature ont regagné leur domicile et évalué leur butin, conduisant d’intenses négociations au sein de la fratrie… Lire la suite »«C’est l’Halloween, on veut des bonbons!»

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Dans la nuit du lundi 31 octobre dernier, des milliers d’enfants enjoués ont déambulé d’une maison à l’autre, scandant sans se lasser le célèbre «trick or treat!». Plus tard dans la soirée, ces sorcières, dinosaures et Spider-Man taille miniature ont regagné leur domicile et évalué leur butin, conduisant d’intenses négociations au sein de la fratrie – une KitKat échangée contre deux Aero – sous la supervision attentive de leurs parents, qui ont certainement dû contrôler la quantité de bonbons ingérés. Si ces scènes ont le pouvoir d’évoquer une profonde nostalgie, elles sont aussi le point culminant d’une longue histoire, remontant au-delà du Moyen Âge. Le Délit vous fait le récit de la tradition du trick or treat, à savourer en même temps qu’un bonbon dérobé à la récolte de vos jeunes frères et soeurs.

Des origines celtes

Dans le calendrier celte, la date du 1er novembre marquait la division entre les périodes lumineuse (la récolte) et sombre (l’hiver) de l’année. Selon la croyance populaire, les frontières entre le monde des esprits et du réel étaient ainsi plus poreuses dans la nuit du 31 octobre, permettant aux âmes des morts de venir hanter les vivants. C’est ainsi qu’est née la tradition du déguisement d’Halloween : masques et costumes servaient à éloigner les esprits. Quant à l’emblématique tournée des bonbons, ses origines remontent à l’Europe du Moyen Âge. À l’époque, les personnes moins nanties offraient de prier pour les âmes des morts de la famille en échange de «gâteaux d’âme» – une galette semblable à un biscuit sablé! Au fil des années, cette tradition s’est laïcisée et est devenue populaire auprès des enfants, qui préparaient diverses performances en vue d’obtenir des noix, des fruits ou quelques pièces de monnaie.

Dans l’ère moderne

C’est avec la vague d’immigrationd’origine écossaise et irlandaise que les célébrations d’Halloween se sont implantées au Canada au 19e siècle. Au Québec, la chasse aux bonbons serait devenue populaire dans les années 1920–1930, alors qu’elle était déjà répandue à l’échelle du Canada. La pratique aurait perdu en popularité durant les années de la Seconde Guerre mondiale, notamment en raison du rationnement du sucre, mais elle aurait repris en force à partir des années 1950, menant à la fête telle que nous la connaissons toutes et tous aujourd’hui.

Et les bonbons, dans tout ça?

Nous sommes bien loin de l’époque des galettes, des noix et des fruits, quoique les enfants demandent encore des pièces de monnaie pour des organisations caritatives comme UNICEF. Aujourd’hui, il est estimé qu’aux États-Unis, plus de trois milliards de dollars sont dépensés chaque année en bonbons d’Halloween. Entre suçons, barres de chocolat, sacs de croustilles et bonbons de toutes sortes, les variétés semblent infinies!

Pour célébrer l’Halloween, Le Délit a interrogé les membres de son conseil éditorial sur leur variété de bonbons d’Halloween préférés. Voici le résultat!

Gabrielle Genest | Le Délit

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