Archives des Opinion - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/societe/opinion/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 29 Oct 2025 14:52:19 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 Foncer droit dans le mur, notre seule alternative ? https://www.delitfrancais.com/2025/10/29/foncer-droit-dans-le-mur-notre-seule-alternative/ Wed, 29 Oct 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=59054 Oser ralentir dans une société qui accélère sans cesse.

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En physique, la vitesse et l’accélération sont deux indicateurs qui nous permettent de donner du sens au mouvement des atomes, des objets et des corps humains. Se basant toutes deux sur les variables de distance et de temps, ces concepts sont fondamentalement liés. Cependant, parce que l’accélération – calculée à partir du change- ment de vitesse – est non-linéaire et parfois exponentielle, elle se révèle plus complexe à maîtriser. Pourtant, elle est devenue omniprésente en société, à la fois en économie et en politique, ce qui témoigne de son importance dans notre mode de vie moderne et dans le fonctionnement de nos systèmes productifs.

Et pourtant, malgré la violence propre à nos modes de transport – autant sur le plan environnemental que personnel – cela ne nous empêche pas d’accélérer la production d’engins toujours plus puissants et de développer des voitures plus performantes. Alors, comment expliquer ce paradoxe inhérent à l’accélération? Nous la savons dangereuse et destructive, mais une alternative est-elle possible?

a = Δv / Δt

Le dynamisme de l’objet en mouvement nous fascine ; son imprévisibilité et sa force nous mènent à sanctifier sa volatilité, quitte à ignorer ses répercussions, visibles et invisibles. La compétition sportive Formule 1, une course de voitures sur circuit fermé, en est un exemple marquant, illustrant ce rituel à la fois primitif et technologiquement avancé. Dans cet affrontement parfois mortel, les pilotes de course, habillés en casque et combinaison de façon à maintenir un aérodynamisme constant, se voient projetés par leurs voitures à des vitesses vertigineuses. Avec l’objectif de dépasser leur adversaire, mais en manque de destination finale dans ce circuit clos, les pilotes, devenus mi-hommes, mi-machines, engloutissent l’espace étroit offert par la piste en émettant un bruit de moteur viscéral à chaque virage.

Du point de vue du spectateur, cette démonstration de vitesse est palpitante. Captivée par ce spectacle, l’audience n’a pas le temps de prendre conscience des enjeux sinistres de cette accélération perpétuelle avant qu’une autre voiture ne lui passe devant. Pourtant, à chaque tour de circuit, les pneus des voitures de course, conçus pour être facilement remplaçables et donc particulièrement vulnérables à la corrosion, se dégradent, libérant dans l’air une fine poussière de microplastiques. L’ampleur des effets de ces minuscules particules de plastique sur les humains est pour l’instant incertaine. Mais ce n’est pas le cas pour d’autres animaux, comme la mouette, dont les nouveaux-nés, gavés de plastique, s’égarent au bord des plages et sont retrouvés par des chercheurs avec des lésions cérébrales semblables à celles observées chez les hôtes de maladies neurodégénératives.

L’accumulation silencieuse et né- faste des microplastiques en font un poison. Progressivement, ils contaminent les sols, les animaux et les hommes, alors même que les courses F1 continuent de s’achever sous des tonnerres d’applaudissements.

L’« accélérationnisme » : une idéologie dangereuse

L’accélération d’un objet en mouvement, bien qu’elle soit passionnante, est en réalité un processus destructif, jouant sur l’immédiateté sensorielle pour dissimuler sa brutalité latente. Les entrepreneurs de la tech (secteur des nouvelles technologies), tout comme les organisateurs des courses F1, en sont pleinement conscients. Mark Zuckerberg, propriétaire de Facebook et créateur des reels sur Instagram, ne cache pas son jeu : « Nous avons un dicton [chez Facebook, ndlr] : “Avancez vite et cassez des choses.L’idée, c’est que si vous ne cassez jamais rien, c’est probablement que vous n’allez pas assez vite. (tdlr) »

En vue de notre dépendance à la technologie matérielle et virtuelle, notre mode de vie s’est « naturellement » adapté à ce dicton. Les conséquences de cette accélération sociale sont perceptibles à l’échelle individuelle : pas besoin d’une étude scientifique pour comprendre que regarder une centaines de vidéos en format court en l’espace de quinze minutes n’aura pas des effets positifs sur notre bien-être. Mais, comme pour la plupart des phénomènes sociaux, c’est surtout l’idéologie poli- tique qui se cache dans l’ombre de cette frénésie collective qui se révèle réellement dangereuse.

« L’accélération d’un objet en mouvement, bien qu’elle soit passionnante, est en réalité un processus destructif, jouant sur l’immédiateté sensorielle pour dissimuler sa brutalité latente »

La montée de l’extrême droite partout dans le monde se fait en effet sur la base d’une large coalition, se constituant de courants de pensées alternatifs, néo-réactionnaires et radicaux, parmi lesquels l’accélérationnisme. Cette idéologie préconise l’accélération de tout notre mode de production dans l’objectif de se libérer de la stagnation et d’atteindre un inatteignable « progrès ». Émaillé de théories absurdes comme la cyber-transcendance et l’Antéchrist, cet imaginaire peut, à premier abord, sembler ridicule et tout droit sorti d’un film de science-fiction.

Pourtant, pour Peter Thiel, milliardaire et allié de Donald Trump, comme de nombreux géants de la tech, cette vision du monde relève d’un véritable projet politique. Il y a dix ans, confronté à une personne comme Thiel qui pense que le changement climatique est un complot fomenté par l’Antéchrist, on aurait pu se contenter de l’ignorer. Mais à présent, à la vue de l’influence qu’il exerce sur la politique américaine, ce choix n’est plus possible.

Dans cette équation sociale, l’entreprise américaine récemment impliqué dans l’intelligence artificielle, Palantir Technologies se propose comme un vecteur technologique de l’idéologie accélérationniste de Thiel, son fondateur. Partenaire de la CIA et de l’armée israélienne, cette société propose un service d’automatisation capable de collecter, d’analyser et d’anticiper les comportements humains à une vitesse inédite. Cette technologie, émergente à partir du spéculatisme financier, représente l’aboutissement d’une rationalité qui confond pouvoir et vitesse, sans égard pour la vie humaine ou animale.

Une solution : ralentir

Dans un monde aux ressources finies, une croissance infinie n’est pas atteignable sans le sacrifice de la justice sociale et du bien-être commun. Heureusement, pour ceux d’entre nous qui refusent d’accepter ce compromis, d’autres visions du monde sont envisageables. Le « buen vivir » (vivre bien) est un modèle économique et social mis en œuvre par plusieurs pays d’Amérique du Sud comme la Bolivie et l’Équateur. Ce projet hybride adapte des principes issus des traditions autochtones, tels que la vie en harmonie avec les cycles naturels, et les institutionnalise sur la base d’une idéologie politique basée sur le droit de la nature. Influente à travers la région, cette alternative non-eurocentrique inspire aussi d’autres mouvements réformateurs dans l’Occident, tels que la théorie économique de la « décroissance ».

« Dans un monde aux ressources finies, une croissance infinie n’est pas atteignable sans le sacrifice de la justice sociale et du bien-être commun »

Face à la frénésie accélérationniste, ces mouvements nous proposent une autre temporalité, fondée sur l’harmonie, la coopération et l’équilibre. Ces approches nous apprennent que ralentir n’est pas question d’abandonner notre quête du progrès, mais simplement de la redéfinir. Si notre monde a été fondé sur l’accélération, c’est peut être ralentir qui le sauvera.

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Les fantômes de 1995 https://www.delitfrancais.com/2025/10/29/les-fantomes-de-1995/ Wed, 29 Oct 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=59075 Réflexions désordonnées sur l’avenir du Québec-pays.

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L’idée d’une troisième campagne référendaire aura à peine eu le temps de germer dans les esprits déconfits des Québécois que, déjà, les colonisés de service dressent avec empressement les épouvantails usés de l’asservissement volontaire. Dissimulés par des façades pragmatiques et fédératrices, les Chrétien, Trudeau et Ryan de ce monde ont su empoisonner le Québec grâce à une rhétorique malsaine, un vitriol de peur et de petitesse dont seul le Canada a le secret.

L’idée d’un Québec souverain est certainement polarisante, mais la mauvaise foi dont a fait preuve le camp du Non depuis maintenant 45 ans contribue à une débilisation du débat qui tient de l’absurde.

Et donc, 30 ans après la dernière mobilisation de notre peuple pour sa liberté et son indépendance, que nous reste-t-il vraiment de notre esprit combatif ? À en croire les sondages, il faudra placer notre espoir dans la génération nouvellement habilitée à décider de son destin. Il faudra rallier les jeunes Québécois.

Si ces mêmes jeunes expriment, par leur appui à la souveraineté, un désir de se départir d’une entité coloniale et pétrolière régressant dans un conservatisme social navrant, pourquoi leur refuser l’occasion de s’exprimer? Pourquoi refuser à la moitié de la population québécoise l’opportunité de décider de son avenir, son identité et son existence pour la première fois?

Je l’ai déjà écrit, mais l’idéal de l’indépendance québécoise n’est pas un délire nationaliste populiste exclusionnaire. Vous n’aimez pas ce que raconte le Parti québécois dans les dernières années? Moi non plus! Heureusement que l’indépendance n’a rien à voir avec lui… Il sera peut-être le parti qui la proposera à la population, mais il ne demeurera qu’une courroie, un vaisseau vers l’atteinte de notre souveraineté. Il est dit depuis toujours que le Québec-pays sera construit par une consultation diligente et démocratique de la population, pas par une entité despotique. Vous ne seriez tout de même pas assez idiots pour croire que le Québec perdra son multipartisme au profit d’un totalitarisme péquiste! Et, si vous l’êtes, je connais un parti qui serait ravi de vous compter parmi ses membres…

Il est évident que toute la hiérarchie du PLQ, de l’aile jeunesse à la tête (creuse) du parti, se mobilise pour démoniser les motivations réelles du projet indépendantiste. On associe liberté et xénophobie, intolérance et autodétermination. On nous fait peur avec les tarifs de Trump, alors que Carney (supposé Christ incarné de l’économie) est incapable d’en faire une gestion quelconque. C’est trop compliqué, cette histoire d’indépendance, et de toute façon, ça n’intéresse personne.

L’incompétence apparente du chef libéral Pablo Rodriguez, qui formule des idées au rythme de l’écriture de ses discours par ses publicistes, est peut-être (ironiquement) un catalyseur éventuel du support à l’indépendance.

Si les jeunes (et les moins jeunes!) le démasquent pour ce qu’il est réellement, ils constateront peut-être enfin toute l’hypocrisie d’Ottawa. Un ministre fédéral déchu, inutile, qui n’attend même pas de siéger à l’Assemblée pour parler de ratification de la Constitution de 1982. Quelle injure pour tout Québécois qui connaît son histoire! Au moins, le camp du Oui pourra se conforter dans le fait qu’il est bien loin d’avoir le charisme bourgeois de Trudeau ou l’expérience momifiante de Chrétien. Il n’a comme seul avantage qu’une coupe de cheveux relativement réussie et un site Web assez bien foutu.

Ne vous laissez pas rire au nez par les infâmes politiciens du Rest of Canada (et du Rest of Québec) qui réduisent l’indépendance à un projet farfelu, un idéal duquel on peut se moquer allègrement. Ne laissez personne tourner vos convictions au ridicule, et n’allez surtout pas imaginer que vous êtes seuls. Mais votre soumission, votre infériorité ne dépend que de vous. Elle résulte de votre choix ou de votre indifférence face à ce projet de liberté. Il vous paraît trop colossal, et le régime à abattre trop imposant.

« Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux » , disait de La Boétie.

Vous n’avez jamais été aussi nombreux à être unis pour la liberté de votre pays.

Il faut continuer à rêver à un Québec inclusif, une nation francophone unique en Amérique du Nord, un joyau culturel richissime de par sa diversité. Une nation hydroélectrique, durable et bardée de ressources naturelles. Mais avant tout, une nation libre, un pays reconnu par ses pairs, un gouvernement réellement souverain.

Et elle ne se fera pas dans un Canada en dérive.

Cette fois-ci sera la bonne. Vive le Québec libre!

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La politique des symboles: entre identités et controverses https://www.delitfrancais.com/2025/10/01/la-politique-des-symboles-entre-identites-et-controverses/ Wed, 01 Oct 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58756 Une activité superficielle ou transformatrice?

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Au moment d’écrire ces lignes, je me trouve devant le consulat italien, un bâtiment facilement reconnaissable grâce aux deux drapeaux plantés devant sa façade : l’un italien et l’autre de l’Union européenne (UE). Au premier regard, ces symboles nous paraissent anodins. Après tout, cela fait plus d’un siècle que Garibaldi a réuni les cités-États d’autrefois, et plus de trente ans que l’Italie fait partie de l’UE. On peut donc en déduire que, dans le contexte canadien, ces symboles ne posent aucun danger à l’unité nationale et constituent au contraire le témoignage d’une amitié durable entre l’Europe et le Canada.

Pourtant, si j’osais transporter ce même drapeau européen en Russie, il me paraît peu probable que j’en sorte indemne : au mieux victime de harcèlement, au pire exposé à une forme de violence étatique ou populaire.

Comment expliquer cette variance dramatique d’interprétation et de réponse émotionnelle à de simples symboles? Je vous propose, dans cette enquête, de vous pencher sur cette question à travers une analyse du rôle du symbole dans nos sociétés contemporaines et une critique du militantisme symbolique.

Marqueur de l’identité

La sémiologie est l’étude des symboles. Cette pratique quasi scientifique a été fondée par des penseurs célèbres, tels que Ferdinand de Saussure et Roland Barthes, qui expliquent que la fonction du symbole est de mettre en relation le signifiant (image, mot) avec le signifié (idée, concept). En partant de cette conception de celui-ci, nous pouvons comprendre son importance et son ubiquité. Il suffit de penser au pictogramme d’homme et de femme à l’entrée des toilettes : ce simple symbole nous réfère au concept du genre, et nous indique même si nous sommes autorisés à entrer aux toilettes ou non.

Mais les symboles ne sont pas toujours aussi futiles. Bien au contraire, ces derniers sont souvent au cœur de polémiques et de conflits en raison du rôle qu’ils jouent sur l’identité. Comme le résume Juliet Johnson, professeure de science politique à McGill, les symboles sont « une manière abrégée pour les personnes de s’identifier entre elles et auprès du reste du monde (tdlr) ».

On pourrait alors déduire que plus un groupe s’élargit , plus il devient difficile de former une identité commune et uniforme. Or, cette rationalité intuitive ne prend pas en compte la fonction cohésive du symbole. Son caractère « non-spécifique » et « facilement reconnaissable » lui donne le pouvoir de maintenir l’unité d’un groupe ou, dans certains cas, de fragmenter ce même groupe en plusieurs identités distinctes . Cette capacité accorde au symbole un prestige incontestable, le situant au centre des débats sociaux et facilitant donc son entrée dans la sphère politique.

Crucifix à l’Assemblée de Québec : un symbole qui dérange

Les expressions issues du milieu clérical nous le démontrent mieux que la statistique quelconque : la culture québécoise est hautement influencée par la religion catholique. Cependant, il est important de souligner que cette influence ne se traduit pas dans la sphère politique en raison de la laïcité d’État. C’est dans ce contexte d’ambiguïté que, perchée discrètement dans le coin de la salle du conseil de la ville de Québec, une figure du Christ sur la croix suscite un degré d’attention qui pourrait, au premier abord, nous surprendre.

Toutefois, en vue de notre analyse révélant la valeur disproportionnée des symboles, cette polémique à la fois sociale et politique nous paraît quasiment inévitable. Pour comprendre les enjeux de ce débat, quant à la validité de la présence d’un symbole religieux dans un lieu public, il suffit de disséquer le symbole en question tout en prenant en compte les dimensions constitutives de son contexte.

Jésus-Christ est le messie et martyr du christianisme, une religion qui a donné lieu à une mythologie complexe et étroitement liée avec la société et les institutions politiques. Cependant, ayant assimilé la laïcité comme principe social, le gouvernement de la ville de Québec se retrouve maintenant déchiré entre conservatisme et libéralisme.

Au centre de cette fissure s’illustre un conflit entre deux symboles, la Constitution et le Christ. Cet affrontement symbolique est le microcosme d’un débat identitaire, opposant différentes conceptions de l’identité québécoise. Ces dernières sont guidées par le vécu individuel, mais aussi par les mouvements politiques et les médias, qui reprennent les symboles et leur accordent de nouvelles significations. C’est pour cela que Jésus, qui, dans son temps, aurait été considéré comme un révolutionnaire, devient dans l’époque moderne associé à des tendances conservatrices.

Comme nous pouvons donc le déduire, la signification des symboles est dynamique. Professeure Johnson nous aide à comprendre : « Un symbole peut passer du banal au très évocateur selon un moment politique particulier et selon qui en fait l’usage. »

Mais d’autres instances de ce phénomène existent. Prenons par exemple le mouvement Make America Great Again ; la référence que fait ce slogan à une ancienne Grande Amérique est simplement une appropriation et une réinterprétation de l’histoire des États-Unis. En dépit de sa croissance économique fulgurante, l’Amérique du 20e siècle était loin d’être un environnement accueillant pour les minorités raciales et les gens les plus pauvres. La Grande Amérique à laquelle Trump se réfère n’est pas celle de Martin Luther King ou de Franklin D. Roosevelt, mais plutôt celle de Richard Nixon et de Ronald Reagan.

Reconnaissance symbolique : un combat utile?

Marginalisées par la société, les communautés autochtones du Canada refusent désormais de laisser oublier le tort qui leur a été fait. Soutenues par d’autres groupes sociaux et, dans certains cas, par des instances gouvernementales, elles exercent une pression considérable sur les gouvernements fédéraux et municipaux pour obtenir gain de cause. Ces communautés militent pour l’institutionnalisation de nombreux symboles, tels que la reconnaissance de l’appartenance du territoire à leurs ancêtres ou encore la commémoration de figures et d’événements historiques de leur culture.

Cependant, cette forme de militantisme – œuvrant à des fins symboliques – est souvent caractérisée comme superficielle, n’aboutissant pas toujours à des changements tangibles pour les communautés autochtones. Cette réalité nous amène à nous poser la question : est-ce que ce militantisme symbolique est une stratégie efficace qui mène à l’intégration progressive des autochtones, ou n’est-il qu’une distorsion mise en œuvre pour canaliser la frustration et le mécontentement ressentis par ces communautés?

Professeure Johnson répond : « C’est là la promesse et le danger du changement symbolique et du capital symbolique. Il inscrit dans l’espace public qu’un tort a été commis dans le passé, que les nations autochtones sont toujours présentes et ont des droits, et que l’État canadien a la responsabilité de les reconnaître et de les intégrer. En même temps, si cela devient un remplacement à toute action concrète, alors il y a un problème. Si les responsables gouvernementaux peuvent dire : “Nous avons fait notre reconnaissance de territoire, tout est réglé”, alors l’acte symbolique devient, en un sens, simplement un autre acte de colonialisme. »

Elle poursuit en précisant : « Le symbolisme n’a d’importance que s’il est accompagné d’action ; s’il est utilisé comme substitut à un changement matériel, il devient vide. Les symboles rappellent aux gens une réalité, représentent quelque chose, mais, si l’on conserve le symbole sans rien derrière, il devient une parodie de lui-même. »

Palestine : un État reconnu, un peuple en voie d’éradication

Il aura fallu près de 1 000 jours et plus de 65 000 morts pour que l’État palestinien soit reconnu par une partie influente de la communauté internationale. Ce rituel d’intégration a eu lieu au siège des Nations Unies à New York, le 23 septembre, sans qu’aucun membre de la délégation palestinienne ne soit présent – l’entrée aux États-Unis leur ayant été refusée par le gouvernement américain. Le jour suivant, 85 Palestiniens ont été tuée par l’armée israélienne à Gaza.

Alors qu’ils proclament soutenir une solution à deux États, la France et le Canada sont continuellement accusés de livrer des armes à Israël dans un contexte où l’armée perpétue ce que l’ONU décrit comme un génocide.

Daniel Douek, professeur de science politique à McGill, nous aide à élucider ce paradoxe en expliquant que la politique étrangère de ces États est complexe et motivée par plusieurs facteurs. De son point de vue, la reconnaissance de l’État palestinien est un symbole qui cherche à communiquer trois significations, par ordre d’importance : premièrement, à signaler un rejet de l’unilatéralisme belliqueux de Donald Trump (tarifs, délaissement de l’Ukraine, et bien d’autres) ; deuxièmement, à souligner à leurs constituants domestiques que leur gouvernement s’implique dans la résolution d’un conflit qui suscite beaucoup d’émotion ; et seulement troisièmement, dans l’objectif de mettre fin à une guerre sanglante et protéger la vie des civils palestiniens.

Cette analyse nous aide à nuancer les choix symboliques des acteurs internationaux vis-à-vis de la guerre à Gaza. Dépourvus de la capacité d’agir pour empêcher la prolongation de ces atrocités, ces actes symboliques marquent néanmoins le franchissement d’une étape et constituent l’accomplissement d’une condition préalable dans la quête d’une paix durable au conflit israélo-palestinien.

Le symbole et le passage à l’acte

En somme, les symboles en société ne sont pas des éléments décoratifs, mais plutôt des miroirs qui reflètent les tensions, les valeurs et les identités collectives. Dynamiques et adaptables, ils peuvent servir à signaler une conformité ou une résistance, un changement tangible de politique ou un vide sémantique. Cela peut nous paraître ironique, mais, en fin de compte, l’utilité et l’importance des symboles sont entièrement définies par les actions qui les précèdent et celles qui les suivent.

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McGill veut vous réduire au silence https://www.delitfrancais.com/2025/10/01/mcgill-veut-vous-reduire-au-silence/ Wed, 01 Oct 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58802 L’agonie préméditée du droit de manifester à McGill.

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[Mise à jour du 01/10/25 à 00:20] La demande d’injonction mentionnée dans cet article a finalement été refusée par la Cour supérieure du Québec, le 30 septembre 2025 en fin d’après-midi. Cet article a été rédigé et mis en page un jour avant cette décision. 

Par simple coïncidence spatiale, vous avez le malheur de jeter votre dévolu sur cet article, qui suit une excellente explication des faits entourant l’injonction demandée par McGill pour se débarrasser des manifestants sur son campus. Une explication mesurée et impartiale, une analyse réfléchie d’un enjeu crucial pour tout étudiant de McGill. Un fier exemple de neutralité institutionnelle. Rien de tout ça ici, je vous en assure.

Il y a à peine une semaine, je m’échinais à écrire une tirade enflammée contre la censure politique et les bourreaux de nos libertés individuelles. Je condamnais Trump, Netanyahou et tous les autres tyrans qui font de la sphère publique le canevas de leurs fabrications immondes. De leurs mensonges. De leurs abus. De leurs crimes. Un article braqué sur une réalité lointaine, sur des despotes qui sont heureusement tenus loin de moi (pour l’instant) par les frontières rassurantes de ce satané Canada. Un article essentiellement sans intérêt général ; une page de défoulement, de catharsis, de gestion de la colère.

Le sujet d’aujourd’hui? J’y arrive ; ça me démange. Et en plus, c’est pertinent, pour faire changement.

En me concentrant sur une condamnation justifiée des dérives à l’international, j’en suis presque venu à omettre l’attaque vicieuse des libertés individuelles qui se produit au sein de l’Université McGill. Il y a de cela quelques semaines, elle a déposé, dans sa grande sagesse, une demande d’injonction visant à interdire les manifestations sur son campus pour une durée indéterminée, citant une crainte de la montée d’incidents violents à l’approche du 7 octobre.

Si l’on fait abstraction de l’écœurante langue de bois administrative si chère à notre institution autocratique, on comprend qu’elle recherche avant tout un prétexte pour empêcher toute démonstration subséquente pouvant altérer le déroulement voulu de ses activités. On comprend qu’elle instrumentalise malhabilement un événement tragique pour limiter les libertés individuelles de ses étudiants. Franchement, c’est dégueulasse.

C’est presque hilarant de voir les bonzes de l’administration pleurnicher devant les tribunaux et s’épancher sur les supposés dangers imminents qui planent sur les précieux bâtiments de McGill. Presque. Le rire vire au rictus quand on réalise que nos droits sont entre les mains de quelques fonctionnaires peureux et malléables. Des employés obéissants, à la solde d’intérêts bien plus importants que ceux des misérables étudiants, qui sont supposément le cœur de l’identité mcgilloise.

« Mais les pires des injustices, parmi lesquelles le génocide à Gaza fait office d’apex de la souffrance télédiffusée, ne méritent-elles pas que l’on s’époumone pour elles? »

Sachant qu’il est impossible d’être volontairement aussi idiot (quoi que, cela s’est déjà vu), il faut se demander quelles sont les visées réelles de l’administration. Que veut-elle accomplir en suspendant les droits des étudiants? Pense-t-elle que son recours à une sorte de stalinisme éhonté va faire rentrer dans le rang les plus dissidents de ses étudiants? Franchement! Réfléchissez un peu! Les étudiants sont avant tout des humains, et les humains ont des droits inaliénables, fondamentaux. Parmi ceux-ci, le droit de manifester figure comme une extension directe du droit à la liberté d’expression, complète- ment bafoué par McGill, qui décrète que ses intérêts priment sur ceux de la collectivité.

Ses réels intérêts, ils sont nébuleux, mais surtout, ils nous sont complètement dissimulés. On nous répétera, par le biais de courriels soigneusement polis, que toute cette charade judiciaire n’a comme seul objectif la protection des étudiants. Leur sécurité. Piètre subterfuge.

Tout ce qu’elle veut vraiment, cette Université, c’est vous aseptiser. Vous endormir. Vous faire perdre de vue l’ampleur des enjeux que vous défendez. Elle veut vous faire croire qu’en vous exprimant, vous vous placez dans une situation dangereuse. Qu’en vivant dans un milieu qui s’exprime librement, une épée de Damoclès vous pend juste au-dessus du nez. On dirait qu’il faut absolument que vous deveniez de bons rouages dociles d’un monde qui vous gave de platitudes dégoûtantes jusqu’à vous en faire oublier votre raison d’être. Dans un milieu qui se devrait d’incarner le savoir et la liberté de pensée, vous vous retrouvez enchaînés aux mêmes intérêts qui gouvernent réellement l’administration de l’Université.

Mais nous avons su montrer, nous, les jeunes, les universitaires, que nous résistions aux maintes tentatives des détenteurs du pouvoir de nous faire taire. La lutte contre la guerre du Vietnam, l’apartheid en Afrique du Sud… et maintenant le combat contre les innombrables crimes d’Israël à l’égard du peuple palestinien. Et tant d’autres… Il y a autant de luttes qu’il y a d’injustices.

Mais évidemment, on utilise quelques événements violents isolés pour qualifier tout un mouvement. Pour délégitimiser tout un combat. On prend une décision en prétendant assurer la sécurité collective, mais dont les ramifications perverses et préméditées sont révulsantes.

« Et si on m’enlève ce droit, eh bien je le ferai pareil! Et j’en souffrirai les conséquences, qui seront autrement moins importantes que le sentiment d’avoir abandonné mes convictions pour me conformer à une injustice »

Tous les syndicats, les groupes militants ; toutes les causes humanitaires qui trouvent dans le milieu universitaire leurs plus ardents défenseurs se verraient muselées. On les contraint à l’effacement de la place publique si elles sont jugées intimidantes ou bien si elles font trop de vacarme. Mais les pires des injustices, parmi lesquelles le génocide à Gaza fait office d’apex de la souffrance télédiffusée, ne méritent-elles pas que l’on s’époumone pour elles? Je ne crois pas être moralisateur lorsque je vous réitère l’importance de l’action citoyenne pour dévier, ne serait-ce qu’un instant, l’attention des décideurs publics vers une réalité autre que celle de la ploutocratie qui nous gouverne.

Si vous suivez à peu près le fil de cet article, vous comprendrez que mes récriminations s’orientent autour de quelques problématiques majeures de la démarche de McGill. Entre autres, son hypocrisie et son totalitarisme inquiétant m’enragent profondément. Et vous pouvez penser que j’exagère. Vous avez le droit de croire que j’en fais trop, que mes images sont caricaturales, inexactes, dithyrambiques. Mais franchement! On parle quand même de votre liberté d’expression, votre liberté de manifester, votre liberté d’exister et d’être en désaccord avec le système que vous subissez.

Et pourquoi ne pas manifester en dehors des murs, me direz-vous? Quelle question! Déjà, McGill est souvent visée directement par certaines manifestations (notamment, les syndicats) et est donc le seul lieu pertinent pour la tenue de telles démonstrations. Mais aussi, parce qu’on doit avoir le droit de se faire entendre où on le souhaite. Parce que nul ne peut nous contraindre à nous confiner, à nous cacher pour faire entendre nos volontés. C’est là que se trace la ligne entre la soumission et la liberté.

Et puis, si moi, égoïste comme je pourrais décider de l’être, je veux protester contre le fait que McGill crache sur la fragile francophonie qui l’habite? Si je veux crier haut et fort, pacifiquement, que je trouve que l’AÉUM n’est qu’un gaspillage inefficace de nos ressources financières et administratives? J’ai le droit de le faire! Et si on m’enlève ce droit, eh bien je le ferai pareil! Et j’en souffrirai les conséquences, qui seront autrement moins importantes que le sentiment d’avoir abandonné mes convictions pour me conformer à une injustice.

Alors, syndiqués de McGill, manifestants pacifiques pour la Palestine, étudiants en médecine : plaignez-vous! Vous aurez toujours votre place au sein des pages du Délit, je vous le promets. Ne donnez pas raison à une administration qui vous caractérise comme violents et impertinents. Mais ne voyez aucunement en cet article un appel à la violence, politique ou civile : je me répète peut-être, mais j’en appelle à votre liberté. Ne laissez pas quelques pantins décider de vos droits et forcer votre silence. Car votre dissension n’affaiblit pas la cohésion de l’Université : elle la renforce. Elle donne tout son sens à ce milieu se devant d’être le terreau fertile de la pensée critique, mais dont la mission est gangrénée par quelques bien-pensants serviles.

Votre désir de justice sociale, humanitaire, écologique, féministe… il n’est que l’expression de votre liberté. Et votre liberté, personne ne pourra jamais vous l’enlever. Sauf si vous les laissez le faire.

Ne laissez pas McGill vous faire taire!

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La liberté qu’il nous reste https://www.delitfrancais.com/2025/09/24/la-liberte-quil-nous-reste/ Wed, 24 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58630 L’inquiétante recrudescence de la censure politique.

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J’avais comme idée cette semaine d’écrire sur la nomination de Robert Leckey, ex-doyen de la Faculté de droit de McGill, à titre de juge à la Cour supérieure du Québec. J’aurais décrié une décision fédérale complètement inacceptable, et critiqué un juriste sous-qualifié, opposé aux lois 96 et 21 et fervent partisan du Parti libéral du Québec et du Canada. Je me serais vertement opposé à cet affront à l’autonomie législative québécoise, malgré mon désaccord avec les motivations parfois xénophobes du projet caquiste en ce qui a trait à la loi 21. Bref, une autre démonstration de mon mécontentement face aux incursions du fédéral dans notre démocratie québécoise, jamais tout à fait omnipotente.

Mais face aux affronts répétés à la liberté d’expression dans la dernière semaine, ma conscience me dicte de laisser la politique tranquille un moment. C’est franchement inquiétant, et en tant que (pseudo-) journaliste, je ne peux rester muet. C’est mon droit, ce l’est encore et ça doit le rester. Alors voilà. Ce n’est que partie remise pour Leckey.

« Pour savoir qui vous dirige vraiment, il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer »
- Voltaire

Le propos qui suivra se veut simplement un regard critique sur les abus oppressifs de certaines nations dont la puissance inquiétante enraye la possibilité pour tous de s’exprimer librement. Il n’est pas une condamnation, mais plutôt un cri désespéré pour la liberté.

Difficile de braquer le regard ailleurs que sur les États-Unis et leur inquiétante ploutocratie. Une nation dirigée par une sorte de monstre bicéphale, alliance d’un tyran sénile et d’intérêts étrangers génocidaires. Une nation supposément obsédée par son archaïque Bill of Rights – mais qui en fait une écoute sélective. Une nation se croyant hégémonique, toute-puissante, invincible. Une nation en perdition.

Mais surtout, une nation dont on ne peut critiquer le pouvoir en place, sous peine d’exclusion de la sphère publique, d’une perte d’emploi sans sommation ou bien même d’attaque directe par un bonhomme orangé ayant oublié de désactiver le verrouillage des majuscules.

Donald Trump, que j’ai pu décrire comme sénile et orangé ci-haut, est tout de même un ingénieux propagandiste, un maître de la distraction et de la confusion. Un hypocrite de la pire espèce. Quand il s’agit de pleurer la mort d’un homme haineux, raciste et homophobe comme Charlie Kirk, on ne trouve pas en Trump un plus grand défenseur de la liberté d’expression et d’opinion. Il condamne toute violence politique et déifie un débatteur populiste somme toute médiocre, juste assez intelligent pour retenir et recracher les grandes lignes de la révulsante idéologie trumpiste.

Mais gare à celui qui oserait le critiquer! La liberté d’expression défendue par le Premier amendement se métamorphose en une obligation de complimenter. On ne peut plus critiquer Trump ou son administration et ses alliés : il n’aime pas ça. Ça l’offusque et ça le frustre, quand les journalistes parlent en mal de lui. Il use de son pouvoir pour bannir certains médias de ses mêlées de presse, réduire au silence ses critiques médiatiques et se débarrasser de fonctionnaires qui osent se dresser contre lui.

Et on ne pourra pas dire que l’on ne s’y attendait pas! C’est un déjanté de la première heure, un malade à la tête de la nation la plus puissante au monde! L’élire une fois en 2016, je peux le comprendre. Une femme au pouvoir, pour nos voisins du Sud, c’était peut-être trop en demander. Mais le réélire? Quelle infamie! Un homme qui n’est loyal qu’envers lui-même, qui ne défend la Constitution que lorsqu’elle sert ses intérêts les plus égoïstes, et qui, en plus, est un criminel! C’est dystopique.

Fasciste, le Donald? Je n’irai pas jusque là, mais on n’en est pas très loin. On n’a pas non plus à se rendre bien loin pour en trouver un, un État fasciste, ethnonationaliste et génocidaire.

Le plus fidèle allié des États-Unis, Israël, est une autre nation qu’il semble impossible de critiquer sans s’exposer formellement à une panoplie d’accusations. Vous critiquez l’éradication du peuple palestinien? Antisémite! L’exécution d’enfants? Haineux! La famine orchestrée et planifiée? Menteur! Cette auto-victimisation est si efficace que les gens en oublient les images diffusées de massacres et de morts à longueur de journée, preuves directes des crimes israéliens. La famine devient un mensonge parce que quelques Gazaouis grassouillets existent. On transforme les enfants exécutés en apprentis terroristes. On parle du génocide des Palestiniens comme d’une guerre. Les mots et les images perdent leur sens, et les téléspectateurs y laissent leur raison.

À la lumière des discours remâchés cent fois truffés de mensonges éhontés, il est clair que la machine de guerre israélienne n’est pas qu’une puissance militaire financée par les États-Unis. Elle est passée maître dans l’art de nous flouer, de nous ensorceler et de nous aveugler. Elle est insidieuse, elle s’infiltre dans les rouages du pouvoir par l’intermédiaire d’organisations telles que l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et installe son narratif facétieux dans l’imaginaire collectif. Et l’argent, que dire de l’argent! Tout le monde a son prix, et chaque politicien un seuil d’intégrité.

Pour les vendus à l’entreprise israélienne, tout devient un affront. On leur parle de Palestine libre, et on dirait qu’on vient de leur annoncer que l’on voudrait éliminer les Juifs de la surface de la Terre. C’est absurde, toute cette gymnastique pour défendre ce que même l’ONU qualifie de génocide. J’ai de la difficulté à le mettre en mots, tellement c’est délirant. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus critiquer, on n’est véritablement pas libres de s’exprimer.

Je n’incite personne à la haine ou à la violence en m’exprimant ainsi. Je ne franchis aucun seuil passible d’une sanction selon la loi canadienne. Et pourtant, la publication d’un article tel que celui-ci pourrait m’attirer bien des ennuis. Pourquoi? Parce qu’il existe de toute évidence, comme Voltaire a su le dire, une sphère du pouvoir que l’on ne peut se permettre de critiquer. Il existe réellement des entités qui peuvent moduler le sens des mots, qui peuvent réduire au silence les critiques à leur égard de manière systématique.

« C’est en se lassant de défendre ses droits qu’on les perd pour de bon, et que l’on concède la victoire à ceux qui déploient tant d’efforts pour nous faire taire »

Je n’accuse pas Israël de contrôler le monde, de contrôler nos intérêts et nos industries. Vous ne ferez pas une Elisa Serret de moi! Mais il est impossible d’ignorer qu’Israël a mainmise sur de nombreux enjeux de la politique américaine. C’est factuel, rapporté par des intellectuels comme Mearsheimer et Sachs et des politiciens comme Bernie Sanders, tous trois Juifs, mais capables d’un jugement critique. Ils ne sont pas antisémites mais anti-ingérence, anti-génocide, anti-apartheid!

Il est important que les mots conservent leur sens, sans quoi tout débat devient complètement inutile et dépourvu de rationalité. Une critique de Netanyahou et son régime génocidaire n’est pas antisémite parce qu’il gouverne un état à majorité juive. Une critique de Trump, un président despotique et antidémocratique, n’est pas illégale parce qu’il le décrète.

Il ne faut pas rester muet ou indifférent face à toutes ces entraves à la liberté d’expression. Il ne faut pas avoir peur de les défier, sans quoi on risque de les normaliser. C’est en se lassant de défendre ses droits qu’on les perd pour de bon, et que l’on concède la victoire à ceux qui déploient tant d’efforts pour nous faire taire.

Je pense réellement que, si vous ne devez retenir qu’une chose de cet article, c’est de ne pas craindre les conséquences de l’expression de votre liberté. Je n’ai pas dit l’expression de votre haine, ou de vos insultes sans fondement. J’en appelle à votre liberté. À notre liberté à tous. Si vous vous taisez maintenant, vous le regretterez lorsque vous n’aurez plus de choix à faire entre la parole ou le silence. Vous le regretterez pour toujours.

Et aux despotes de se réjouir de votre apathie.

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Les impôts du contribuable n’ont pas été payés en vain… https://www.delitfrancais.com/2025/09/17/les-impots-du-contribuable-nont-pas-ete-payes-en-vain/ Wed, 17 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58533 Quelles seront les conséquences du scandale SAAQclic?

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À noter que la plateforme SAAQclic s’est vu attribuer un budget de 638 millions de dollars en 2017, qu’elle aura dépassé de 462 millions en 2027 (1,1 milliard en coûts totaux), selon un rapport de la Vérificatrice générale du Québec.

Permettez-moi de vous proposer cette semaine un format quelque peu inusité : l’opinion-experte. Moins clivante, à défaut d’être véritablement innovante. À mes opinions cinglantes, vous préférerez sans doute des opinions cinglantes, éduquées. Ma cible aujourd’hui : le scandale SAAQclic, un marasme administratif et financier dans lequel se sont égarés près de 500 millions de dollars de fonds publics. Mon expert : Maître Vincent Ranger, spécialiste en droit civil et procureur nommé à la commission Gallant, chargée d’enquêter sur la gestion de la modernisation des services informatiques de la Société de l’assurance automobile du Québec.

Évidemment, il est tenu à l’impartialité. Personne ne comprend mieux que lui les rouages de cette commission d’enquête ; je m’en suis donc tenu à sa compréhension de la procédure pour bâtir mon opinion. Cet article sera scindé ainsi : une pure présentation de faits suivie d’une envolée cynique, pour laquelle je prends l’entière responsabilité. Je m’assagis, sans doute. Je vous laisse donc, en premier lieu, décortiquer notre échange.

L’entrevue

Le Délit (LD) : Quelle forme de justice représente une commission d’enquête, et de quels pouvoirs est-elle investie?

Vincent Ranger (VR) : Une commission relève du pouvoir exécutif et non de la branche judiciaire de l’État, et n’a donc pas pour objectif d’arriver à un verdict ou une condamnation. Elle ne tranche pas de litige. Elle s’apparente davantage à une enquête qu’à un procès, et le travail du procureur se fond davantage dans le rôle d’un enquêteur.

LD : Quelle est donc votre responsabilité en tant que procureur? À quoi êtes-vous tenu dans la défense des intérêts des Québécois?

VR : Les audiences de la commission et l’entièreté de son contenu sont disponibles pour consultation publique. C’est l’objectif même d’une commission. Mon travail, c’est de présenter les bons documents et de décider d’une ligne directrice des interrogatoires pour assurer de brosser le portrait le plus complet possible de la situation.

LD : Comme procureur, que pouvez- vous nous dire sur le déroulement de la commission? Dans les témoignages publics, quel semble être le message principal?

VR : Je suis tenu à l’impartialité la plus stricte, et je ne peux donc formuler de commentaires sur la procédure en cours. Toute prise de position pourrait sembler éditoriale, et cela est strictement interdit d’un point de vue éthique. Je vous propose par contre d’aller consulter le site web officiel de la Commission, qui regroupe tous les témoignages et les preuves déposées durant les commissions.

LD : Que risquent les acteurs impliqués du gouvernement à l’issue de la commission? Je pense notamment à des ministres très influents comme Geneviève Guilbault, François Bonnardel ou même notre premier ministre, François Legault.

VR : Encore une fois, il est important de préciser que la commission ne prévoit pas de sanctions, pénales ou civiles. Son seul objectif est de dresser un rapport construit par les témoignages des acteurs impliqués et de formuler des recommandations. La commission est une demande du pouvoir exécutif, et son rapport pourra être décortiqué par des groupes d’opposition ou des organisations diverses.

LD : Quelles sont les dates clés dans le déroulement de la commission Gallant? Comment va se conclure cette saga quelque peu sensationnaliste?

VR : Pour ce qui est des conclusions durapport, je ne peux rien divulguer. Par contre, je rappelle que la date du dépôt du rapport est fixée pour le 15 décembre 2025 – date qui devrait aussi signifier la dissolution de la commission d’enquête. La suite des choses dépendra de la réception du public et des acteurs de la société civile. Il faudra aussi voir ce qu’en dira le pouvoir exécutif qui a demandé cette commission, et ce qu’il fera des recommandations formulées.

« À quand un système politique au sein duquel nos élus n’oseraient jamais prélever ne serait-ce qu’un dollar appartenant au contribuable sans en justifier la raison? »

L’opinion

Avouez qu’une entrevue avec ce procureur tenace et sympathique, ça crédibilise quelque peu mes opinions de frustré compulsif. Malgré son discours très neutre, on comprend que, pour qu’une situation fasse l’objet d’une commission telle que celle-ci, il faut quand même un scandale d’une certaine ampleur. J’admets que j’ai confiance en sa capacité à faire poindre la vérité des tréfonds de ce bourbier de partenariats public-privé truffé d’attributions de contrats à la valeur douteuse. Mais bon, là n’est pas la question.

Ils en on fait quoi de mon argent? De notre argent? C’est ce que chaque Québécois qui a financé cette initiative en payant ses impôts à reculons se demande. De ce que j’en comprends (et vous l’avez lu comme moi), la commission n’aboutira qu’à une suggestion, une humiliation publique de quelques figures emblématiques d’une administration caquiste de plus en plus impopulaire. Au lieu du bûcher, ce sera le pilori. On en fait quoi, de ce rapport? C’est enrageant de penser que les élus impliqués dans une négligence criminelle déprimante (ou un détournement volontaire) des finances de l’État s’en tireront sans aucune sanction tangible.

Cette immunité est un enjeu qui semble faire l’objet d’une considération cyclique, mais éternellement stérile. À l’occasion de la commission Charbonneau, en 2011, le public avait été sidéré par la corruption qui gangrenait alors le secteur québécois de la construction. Avait suivi un débat sociétal, politique et judiciaire qui s’était achevé par quelques sanctions financières, quelques destitutions, quelques démissions d’élus en disgrâce. Quelques emprisonnements anecdotiques. Mais c’est tout. Pas très cathartique. La preuve : on est aujourd’hui au même endroit, à quelques détails techniques près, qu’il y a quinze ans. Des élus qui contournent (plus ou moins habilement) les règles éthiques et les formalités d’attribution des contrats pour favoriser leurs amis. « Un chum, c’t’un chum », disait-on à l’époque. La formule est toujours d’actualité.

L’appât du gain y est certainement pour quelque chose. Mais enfin, combien d’Unités permanentes anticorruption (UPAC) allons-nous devoir créer pour empêcher nos élus de profiter de nous! Pourquoi est-ce que ça prend cinq, dix ou quinze ans avant que l’on se rende compte qu’on a été complètement floués! À quand un peu de responsabilisation? À quand un système politique au sein duquel nos élus n’oseraient jamais prélever ne serait-ce qu’un dollar appartenant au contribuable sans en justifier la raison?

De mon côté, je suis allé voir quelques extraits des témoignages de nos grands dignitaires démocratiques. Quelle honte! C’est à croire qu’on a élu une bande d’amnésiques aphasiques. Personne ne se parle, personne ne peut se rappeler exactement un échange ou une conversation, personne n’est au courant de rien. On ne se souvient pas des montants, des contrats, des courriels. On ne se souvient de rien. La devise du Québec en devient presque ironique.

Heureusement que les procureurs font un travail admirable. Ils sont le seul pont qui peut bien nous rattacher à une certaine vérité. Mais leur exemplarité a des limites. Leur travail herculéen ne produira qu’un rapport. Un maudit rapport.

Si vous me le permettez, je réponds d’office à ma propre interrogation. Quelles seront les conséquences du scandale SAAQclic? Si on se fie à notre modus operandi, un autre SAAQclic, dans quinze ans. Préparez-vous, pendant que vos futurs élus ourdissent déjà des plans pour contourner les réglementations factices proposées comme baume sur la plaie publique. Ne soyez pas surpris quand vous apprendrez que, pour une énième fois, les intérêts d’une caste dirigeante intouchable priment sur les vôtres. En 2039–40, si mes calculs se révèlent exacts.

462 millions. Quand même, il y a de quoi se laisser corrompre. Il y a de quoi trahir son peuple.

Et puis, comble de l’ironie, SAAQclic n’est pas foutue de fonctionner correctement!

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T.O.C. (Trouble d’opposition colonial) https://www.delitfrancais.com/2025/09/10/t-o-c-trouble-dopposition-colonial/ Wed, 10 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58449 L’illusion du désir d’un McGill en français.

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Les opinions exprimées sur les retombées de la loi 96 (sur la langue officielle et commune du Québec) par la communauté mcgilloise sont pour le plus souvent articulées par des crétins, non-Québécois de surcroît. Je n’ai pas moi-même la prétention de ne pas être un crétin, mais au moins, je suis un Québécois. Francophone. Une précision quelque peu pléonastique, si vous voulez mon avis.

En premier lieu, je vous avertis. Ne vous avisez même pas de m’accuser frénétiquement d’être moi-même un avide colonialiste quant au sort linguistique des Premières Nations et des Inuit. Leur combat est le plus ardu de tous, et leur souveraineté se doit d’être une priorité étatique. Mais, par pitié, lisez la loi d’abord! Lisez le préambule! Elle n’est pas parfaite. Elle est même nettement insuffisante dans certains aspects. Mais elle vise à faire du français la seule vraie langue d’État québécoise. C’est tout. Il est carrément ignoble de démoniser les actions qu’un peuple prend pour assurer sa survie, et de présenter de manière malhonnête un projet de protection du français et de l’identité nationale. Un combat ne voit pas sa légitimité amoindrie par l’existence d’une autre injustice.

Il fallait bien sûr que la minorité anglophone y voie une tentative ethnonationaliste de les éradiquer, de faire de leur vie un calvaire, le français faisant office d’engin de torture moyenâgeux. Il en faudra davantage pour me soutirer des larmes. Ce sont ces mêmes geignards anglophones qui ont rendu nécessaires les mesures de protection démocratiques législatives de la langue officielle du Québec! Le français n’est parlé au Québec que grâce à la résistance, la survivance courageuse de nos ancêtres colonisés, rabroués, humiliés et vassalisés. Ils ont donné leurs vies pour se réapproprier les systèmes démocratiques et économiques du Québec, pour se retirer du joug étouffant d’une minorité d’aristocrates et de bourgeois voraces.

Vous avez encore le droit de parler en anglais, je vous rassure. Comme j’ai le droit de parler français en Hongrie. Ou bien de baragouiner quelques phrases d’italien en Indonésie. Mais ce n’est pas la langue d’État. On ne peut pas s’attendre à ce que toute une société se contorsionne et renie son identité pour accommoder nos caprices linguistiques. On doit bien être la seule nation qui doit se justifier de vouloir protéger sa langue! Au Québec, c’est en français que ça se passe. C’est en français que ça doit continuer de se passer.

Sauf à McGill, évidemment.

Le fier bastion du bilinguisme approximatif (on y alterne l’anglais et la langue de bois) mène des campagnes pour essayer de nous faire croire que le français lui importe. Qu’il faut vivre McGill en français, ou du moins être capable de le faire. Soyons sérieux : il est impossible de vivre McGill dans une autre langue que l’anglais, exception faite de quelques facultés. J’ai rarement vu plus hypocrite. Mais, je vais donner raison à l’administration sur un point : les hausses des tarifs pour les étudiants hors Québec sont paralysantes et administrées de manière bancale par les législateurs de la Coalition Avenir Québec (CAQ). C’est complètement contre-productif d’induire des coupes budgétaires alors que l’on souhaite que l’Université amplifie la prestation de services de francisation. Colossale erreur de jugement, sans doute.

Vous avez encore le droit de parler en anglais, je vous rassure. Comme j’ai le droit de parler français en Hongrie. Ou bien de baragouiner quelques phrases d’italien en Indonésie. Mais ce n’est pas la langue d’État. On ne peut pas s’attendre à ce que toute une société se contorsionne et renie son identité pour accommoder nos caprices linguistiques

Quand des mesures concrètes sont implantées par le gouvernement pour franciser la population étudiante, l’Université s’oppose. Et ça, il fallait s’y attendre. Pourtant, le seuil de francisation fonctionnelle des étudiants, établi à 80%, est bien loin d’être déraisonnable, quoi qu’en dise la Cour supérieure du Québec (dont les juges sont nommés, évidemment, par le fédéral). Ça pourrait même être 100%, quant à moi. Mais pour McGill, il n’en est pas question. Franciser, c’est trop cher, pas assez important, trop relatif, trop chronophage… franciser, ça les emmerde!

Et bon, pragmatisme oblige, les étudiants internationaux anglophones sont tellement plus lucratifs!

Je suis aussi tanné d’entendre régurgiter l’espèce d’adage débilitant qui affirme que « si on force les gens à apprendre le français, ils ne s’en servent pas sur le long terme, ils ne seront pas motivés à le faire ». Ils sont par contre assez motivés pour choisir consciemment de venir s’installer au sein d’une nation francophone, mais pas assez pour l’intégrer. Étrange. C’est sûr que la motivation tend à s’effacer quand on sait pertinemment que l’on peut s’établir dans une enclave unilingue anglophone et être parfaitement fonctionnel.

Si on veut s’installer au Québec, il faut apprendre à parler français. C’est enrageant de voir qu’une logique qui s’applique à absolument toutes les nations du monde (si on se refuse à appeler le Québec un pays) se bute à tellement de gens qui ignorent l’histoire et la réalité de l’endroit qu’ils habitent. Relisez (ou, pour la plupart, lisez) votre histoire québécoise : vous serez moins récalcitrants. Vous comprendrez pourquoi une multitude de gouvernements ont fait des efforts herculéens (et parfois maladroits) pour protéger la langue du peuple. Je me répète, me direz-vous, mais ça me paraît tellement simple! Tellement évident!

Un autre argument inventé pour s’opposer à la loi 96 repose sur un refus total de reconnaître le déclin du français au Québec. Refus complètement insensé : le français perd du terrain, surtout chez les jeunes, et les Québécois francophones ont le poids démographique le plus faible de leur histoire, en comparaison au reste de la population canadienne. Les Québécois francophones ont beau être majoritaires sur leur territoire, ils perdent du terrain, confinés à leur protectorat néocolonial. Nier un déclin qui crève les yeux, c’est vraiment un non-sens. Dites-le, si vous ne voulez pas parler français, mais ne faites pas semblant que vous n’avez aucun impact sur l’existence de notre société.

Bon, et quel rapport avec l’Université?

Dans l’imaginaire collectif francophone, elle reste le symbole de l’Anglo-patroneux-arrogant. L’université du petit bourgeois qui fait son chemin du manoir de Westmount de son papa, le grand bourgeois, jusqu’au pied du Mount Royal. En saisissant la Cour supérieure du Québec pour s’opposer à la francisation de son corps étudiant, elle entretient soigneusement cette image. McGill veut éduquer ses étudiants en anglais, strictement en anglais, toujours en anglais. Elle continue d’asseoir sa supériorité sur le peuple québécois francophone, ne lui jetant que quelques miettes minables pour calmer son appétit.

Je suis très loin d’aimer la CAQ. Même que je l’abhorre. Mais la loi 96, malgré ses défauts, sera assurément un outil de protection et de promotion de la langue assez formidable. Tout devra être produit ou traduit en français, des documents légaux aux promesses d’affaires… et c’est normal! Le français, c’est encore notre langue, et en dépit des efforts d’une minorité qui a longtemps agi comme une majorité, j’ose espérer que ce le sera toujours.

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Je suis un lâche… https://www.delitfrancais.com/2025/09/01/je-suis-un-lache/ Mon, 01 Sep 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58268 On vous attend dans la section Opinion.

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Prise de conscience estivale : je suis un lâche. J’écris mes articles et je règne en despote sur la section Opinion. Je critique tout ce qui me déplaît et je défends farouchement mes convictions. Borné? Pas vraiment. Opiniâtre? Peut-être. Acharné? Résolument. Mais quel est l’intérêt de cette section, si personne n’en discute, ne s’y oppose ou n’exprime quoi que ce soit d’autre qu’une indifférence apathique?

« Je me refuse à croire que, des 3 500 copies du Délit distribuées chaque semaine, aucune d’elles ne se trouve entre les mains d’une personne en désaccord avec le propos présenté! »

J’ai fait mon entrée au sein du Délit en critiquant un article – disons-le – propagandiste. Lèche-bottes. Ma lecture initiale achevée, j’avais immédiatement contacté mon patron actuel (le moins despotique Vincent Maraval) pour formuler une réponse – un peu dithyrambique, je l’avoue. Mais pas lèche-bottes. On peut m’accuser de bien des choses, mais on ne peut pas dire que je vis sur les genoux. Je suis certain de ne pas être le seul.

C’est là tout l’intérêt d’une section Opinion! Je ne veux pas vivre dans une chambre d’écho, comme les éditorialistes insipides de La Presse ou les loyaux sujets de Sa Majesté à Radio-Canada. Je veux que vous, les étudiants, donniez libre cours à vos idées, à vos argumentaires et à vos critiques.

Je veux bien me faire traiter d’imbécile, de petit provincial et d’impertinent, tant que c’est par le biais d’un argumentaire minimalement bien ficelé, pertinent et structuré. Je ne suis pas masochiste, quand même.

Je me refuse à croire que, des 3 500 copies du Délit distribuées chaque semaine, aucune d’elles ne se trouve entre les mains d’une personne en désaccord avec le propos présenté. Exprimez-vous! Écrivez, ça déniaise. Comme éditeur d’opinion, je m’engage à deux choses : ne pas être insignifiant et vous laisser la place que vous méritez au Délit. En retour, vous devez me laisser le droit de vous répondre. C’est de bonne guerre. Si vous y consentez, on s’engage, vous et moi, dans une entente tacite. Pas une guerre ou un conflit, mais un dialogue.

Voilà que, quelques paragraphes plus tard, je me suis délesté de ma lâcheté. Au sens journalistique du terme, à la rigueur. À vous de jouer.

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Le temps des bouffons https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/le-temps-des-bouffons/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58104 Réflexions sur la soumission volontaire.

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Dans une lettre ouverte publiée le 11 janvier dernier, Jean Chrétien, laquais loyal de sa Majesté Charles III des Rocheuses, défend son illustrissime pays, le Canada, contre des menaces d’annexion proférées par Donald Trump. Un monument poussiéreux des hautes sphères du Canadian Establishment qui fait la promotion des vertus de la souveraineté et de l’indépendance – mais quelle farce!

Les sparages incohérents du président des États-Unis ont l’effet pernicieux de rallier les pleurnichards fidèles à l’unifolié. L’union fait la force! Long Live the King! On veut nous voir ramper en rang docilement vers l’idéal d’une nation canadienne qui refuse de plier l’échine face au monstre américain. Moi, ramper, ça me fait mal aux genoux, je préfère m’abstenir. Pourtant, je l’avoue, je partage la complaisance fédéraliste pour nos arrogants voisins du sud. Leur cirque d’illuminés ploutocrates ne fait plus rire personne. Ce que j’abhorre, c’est plutôt l’utilisation canadienne des conjectures trumpiennes pour marteler d’éternelles tentatives hypocrites de suppression de l’identité québécoise.

L’ex-premier-ministre libéral Jean Chrétien (ministre de l’In-Justice sous Trudeau père, illustre mentor!) en profite pour jouer de sa réputation, nous rappelant dans sa lettre son fort goût pour les pirouettes politiques à l’intégrité douteuse. L’épouvantail de l’indépendance aura passé sa carrière à faire de l’ingérence son modus operandi, effrayant les Québécois pour mieux les assimiler à une confédération restrictive et abusive. Le Scandale des commandites? C’est lui. Le love-in du Non quelques semaines avant le référendum? Encore lui. Chrétien ne recule devant rien pour frauduleusement dilapider les fonds publics et détruire le projet indépendantiste apportant des contributions déterminantes aux défaites du Oui en 1980 puis en 1995. Effronté tout de même de faire la leçon à qui que ce soit sur l’importance de l’autodétermination d’un peuple quand on a dédié sa vie politique à l’éradiquer systématiquement.

« Avides de pouvoir et d’influence, ils s’entretuent pour gravir les échelons de l’administration néocoloniale. Premier-bouffon. Bouffon-général. Bouffon-gouverneur. Quand on est tanné de se battre, mieux vaut se vautrer dans une lâcheté aseptisée et défendre une ribambelle d’enjeux minables »

La quête pour l’indépendance n’est pas un caprice. La frayeur fédéraliste actuelle, ironiquement, le démontre parfaitement. La campagne de propagande pro-Canada orchestrée par les élites du pouvoir martèle que jamais le pays ne cédera sa terre, son pouvoir, sa culture et son identité – peu importe les bienfaits socio-économiques proposés par l’envahisseur. Voilà qui est curieux. La menace hypothétique auquelle fait face le Canada s’avère étrangement similaire au traitement que celui-ci réserve aux Québécois depuis 265 ans déjà. On redoute ce que l’on sème. Destruction de la langue et de la culture, partage des pouvoirs inéquitable, chantage économique… toutes les méthodes sont bonnes pour bâillonner le peuple québécois et le priver de son identité distincte. On réduit le passé de notre glorieux pays francophone à quelques allusions folkloriques dont les souvenirs s’effacent graduellement de la mémoire collective. Le gouvernement canadien résiste à « l’envahisseur » tout en servant d’exemple aux États-Unis quant à l’assimilation répugnante d’une nation souveraine. Pathétique. À des fossiles néo-colonialistes comme Trudeau (le père, le fils et le Saint-Esprit) et Chrétien, l’Histoire ne donne que très peu souvent raison.

Pour faire oublier à un peuple qu’il existe, il faut lui faire oublier qu’il a pu exister. Chrétien et ses sbires sont les artisans de cette identité canadienne illusoire, un nationalisme artificiel financé par les bénéficiaires du fédéralisme néocolonial. Les grands aristocrates du Beaver Club, les quartermasters et autres voraces WASPs (White Anglo-Saxon Protestants) se liguent depuis des siècles pour faire des Québécois un petit peuple, un bassin de cheap labor insignifiant. Quand il s’agit d’exploiter les ressources québécoises, l’amour canadien est sans mesure. Même chose quand un référendum s’annonce.

On est exploités par nos geôliers, jusqu’à ce que leurs chaînes nous meurtrissent trop et que par la force du nombre on gagne la volonté d’aspirer à la libération absolue de notre peuple.

Nous sommes les victimes inféodées d’un Canada hypocrite, profiteur, menteur, assimilateur un Canada bâti sur les larmes et la sueur des Québécois francophones. Un pays de Frobisher, de Molson et de McGill, aidés
dans leur funeste entreprise par quelques déserteurs opportunistes trahissant leur peuple. On me dira que ces temps sont révolus, que le patronat anglo-protestant n’est plus une menace à l’épanouissement de notre Québec, que le combat pour l’indépendance est un vestige archaïque dans un système de mondialisation frénétique. Voilà une belle pensée d’adorateur du Commonwealth, qui frémit d’excitation quand on aligne statu quo, oppression et assimilation dans un plan de société. Quand on profite de la misère de l’autre, il suffit de le nourrir juste assez pour ne pas qu’il crève de faim. Les boss sont peut-être bien morts, mais leur héritage gruge encore la détermination des Québécois. L’enjeu de la libération du Québec, tout comme sa culture et son identité, n’est pas un combat statique, monolithique. Par la montée de mouvements de valorisation de l’identité québécoise et de la nécessité de son indépendance au 20e siècle, le peuple condamné à se prostrer pour l’éternité prend son destin en main. Ainsi naissent le Rassemblement pour l’indépendance nationale, le Front de libération du Québec, le Parti Québécois déterminés à octroyer une souveraineté chèrement payée et amplement méritée aux Québécois.

Le sabotage fédéral s’amorce aussitôt que le mouvement se démocratise et gagne en importance pas question de laisser un petit peuple réaliser qu’il peut devenir grand. On nous menace de refuser le résultat du référendum, de nous soutirer nos maigres pensions, de faire du Québec le paria miteux de l’Amérique. Le Québec, étouffé par un Canada qui dépend de lui, ne trouve pas la force de se séparer. Les chaînes sont rouillées mais on se refuse à s’en débarrasser, on y est trop habitués.

À l’incertitude, certains préfèrent la servitude.

L’internalisation de l’oppression canadienne donne naissance à un infect regroupement de bouffons fédéralistes obsédés par l’unité d’un pays dysfonctionnel depuis sa création. Avides de pouvoir et d’influence, ils s’entretuent pour gravir les échelons de l’administration néocoloniale. Premier-bouffon. Bouffon-général. Bouffon-gouverneur. Quand on est tanné de se battre, mieux vaut se vautrer dans une lâcheté aseptisée et défendre une ribambelle d’enjeux minables. Pour essayer d’oublier qu’on trahit son peuple, rien de plus efficace que se liguer avec ceux qui affirment qu’il n’existe pas. Le pire dans tout ça? L’oppresseur fédéraliste originel cède sa place à une confrérie de bouffons qui se portent volontaires pour assujettir leurs frères québécois contre un titre, médaille de l’Ordre du Canada en option.

Les Québécois libéraux fédéralistes comme Chrétien, ils pullulent. Ils empestent la petite bourgeoisie (ou la grande aristocratie) et les idées de grandeur opportunistes. Par leurs manigances, ils corrompent la pureté
du débat identitaire québécois. Ils s’appliquent minutieusement à rendre le statu quo alléchant, indispensable. Ils rendent l’indépendance partisane, ils profanent l’idéal de liberté, ils crachent sur l’identité québécoise.

L’indépendance, je le répète, ce n’est pas une idéologie qu’on peut placer bêtement sur un spectre. C’est une évidence, un instinct, une nécessité à la condition humaine.

Sont Québécois tous ceux qui aiment la culture québécoise et veulent s’en faire les bâtisseurs.

Sont Québécois tous ceux qui désirent l’avancement collectif de la société qu’ils intègrent.

Sont Québécois tous ceux qui veulent voir la nation prospérer loin du joug abusif d’une confédération qui ne voit en nous qu’une vache à lait gouvernée par une assemblée de bouffons.

Sont Québécois tous ceux qui rêvent d’indépendance.

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À la petite fille que j’étais https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/a-la-petite-fille-que-jetais/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58033 Et à la femme que je deviens.

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Ê tre une fille, c’est souvent apprendre à se surveiller. À être jolie mais pas trop, brillante mais pas arrogante, gentille mais pas soumise. Être rayonnante sans être fake, être forte sans être envahissante. Être intelligente, mais en n’osant jamais faire d’ombre aux hommes qui nous entourent. Occuper la place qui nous est réservée sans jamais trop sortir du moule.

Être une fille n’a jamais été simple. Au 19e siècle, on attendait des femmes qu’elles soient silencieuses et décoratives, confinées à la sphère domestique et réduites au statut de simples accessoires. Au 20e, elles ont acquis des droits, mais pas sans devoir se révolter. On leur a demandé de travailler sans déranger, de s’émanciper sans trop ébranler le statu quo, de devenir modernes tout en demeurant modestes. Aujourd’hui, la femme — et la fille qui l’a précédée — jongle avec cette myriade d’injonctions contradictoires, mais tellement normalisées : être ambitieuse mais douce, indépendante mais désirable aux yeux des hommes, affirmée mais jamais trop bruyante, jamais trop dérangeante.

Ce texte se veut un rappel, à moi et à toutes les filles de ce monde. Un rappel qu’on a le droit de vivre pleinement, sans permission. Que le regard des autres ne devrait en rien influencer notre trajectoire, qu’elle est valide quelle qu’elle soit, que l’indulgence est le secret d’une relation saine avec soi-même.

Girlhood : grandir fille

À l’école primaire, j’étais en tout point ce qu’on attendait d’une jeune fille. Relativement performante à l’école, avide de lecture, attirée par les arts plastiques. J’étais douce, calme, je ne faisais jamais trop de bruit. J’étais celle qui faisait tout comme il faut, celle qui plaisait aux adultes. Mais en vieillissant, quelque chose a changé. J’ai pris de l’assurance. J’ai commencé à parler plus fort, à défendre mes idées, à dire non. J’ai occupé un peu plus d’espace, sans m’excuser. Et ça, ça n’a pas toujours plu.

On nous apprend à être sage, pas à être libre. À être aimables, pas affirmées. Très tôt, on intègre — pas par choix, mais par une sorte de mimétisme des femmes qui nous ont élevées — l’idée qu’il faut se faire petite pour être acceptée, pour plaire. Qu’il faut mériter l’amour, l’attention, l’écoute. Qu’il ne faut surtout pas déranger. Alors, chaque fois que je m’autorise à vivre un peu plus pleinement — sortir, danser, dire ce que je pense — une petite voix me demande si je ne vais pas trop loin. Être une fille, c’est souvent avoir peur d’être trop. Trop bruyante, trop visible, trop vivante. Et paradoxalement, pas assez : pas assez mince, pas assez jolie, pas assez douce, pas assez parfaite.

Chaque petite chose que je fais pour moi, pour ma propre jouissance, vient avec un prix : culpabilité, justification, jugement. Comme s’il fallait mériter la joie. Comme si vivre librement, c’était déjà transgresser quelque chose. Être une fille, c’est souvent être sa première ennemie. Mais j’apprends, doucement, à devenir ma meilleure alliée.

Vivre comme des filles

Hier, on m’a tirée au tarot. La scène illustrait parfaitement les meilleurs aspects du girlhood : un groupe de copines assises au sol après une longue soirée à danser, à chanter. Il devait être quatre heures du matin quand une amie a sorti ses cartes et m’a demandé de réfléchir à ce que je voulais vraiment. Instinctivement, avec tous les questionnements qui me hantent à l’aube de ma graduation, c’est d’être acceptée par mon entourage qui m’est immédiatement venu à l’esprit.

Pourquoi toujours vouloir plaire? Vais-je toujours me soucier du regard des autres? Et si mes amies me disent souvent envier ma confiance, à quel point d’autres peuvent-elles sentir les yeux constamment rivés sur elles?

On en a parlé longuement avec ces copines, et la conclusion à laquelle nous sommes parvenues est que c’est un sentiment quasi universel, et ce, encore plus chez les filles. Cette conversation faisait écho aux idées d’une professeure qui nous parlait des pressions sociétales ressenties par les femmes partout à travers le monde : d’être de bonnes mères tout en contribuant à l’économie nationale via l’intégration professionnelle des femmes. Elle comparait ces pressions au panoptique décrit par Michel Foucault dans Surveiller et punir ; l’idée d’une société disciplinaire et contrôlante.

Se faire plaisir et dire oui

Ces derniers temps, je pense souvent aux petits plaisirs. Ceux qu’on minimise, qu’on croit anodins, presque superficiels ou dispensables. Une soirée improvisée entre copines. Un café en terrasse quand il fait juste assez doux. Complimenter quelqu’un dans le métro. Être une fille, bien que la société nous indique le contraire, c’est aussi se faire plaisir, traiter ces moments qui peuvent sembler superflus comme des choses précieuses. Parce qu’à quelque part c’est ça, la vraie résistance : se faire plaisir.

La vie est courte, mais surtout, elle est imprévisible. Et, dans un monde qui pousse les jeunes filles à la performance constante, au contrôle de soi et au dépassement, ralentir, savourer et dire oui à ce qui nous fait du bien devient un acte presque radical, une forme de défiance de l’ordre établi. S’autoriser ces petits plaisirs, ce n’est pas être égoïste, c’est être vivante, c’est se permettre de vivre sans entraves ou inhibitions.

Et ça, ça commence souvent par l’entourage. Par les gens qu’on choisit d’aimer, avec qui on se sent pleinement soi. Ceux — et souvent celles — qui nous célèbrent sans nous comparer, qui nous applaudissent quand on ose, qui nous accueillent et nous tiennent la main quand on en a besoin. Ce sont ces personnes qui comptent vraiment, parce que ce sont celles-ci qui ne nous jugeront jamais, qui nous aideront à bâtir la vie dont on rêve.

« Et, dans un monde qui pousse les jeunes filles à la performance constante, au contrôle de soi et au dépassement, ralentir, savourer et dire oui à ce qui nous fait du bien devient un acte presque radical, une forme de défiance de l’ordre établi »

Pour mes amies, j’essaie d’être celle qui dit toujours oui. Qui dit « vas‑y ». Qui dit « t’as le droit, c’est important ». Celle qui applaudit, qui admire : on m’a déjà dit que j’étais la plus grande fan de mes amies, et cette idée résonne encore aujourd’hui en moi. Le regard extérieur a la tendance pernicieuse de dresser une compétition malsaine et factice entre les filles, alors qu’entre nous, on devrait cesser de se comparer et enfin s’autoriser à vivre notre vie.

Et après?

Il n’y a pas de conclusion parfaite à ce genre de texte. Pas de leçon toute faite, pas de mode d’emploi préétabli pour se libérer du regard des autres. Seulement une main tendue. Un rappel qu’être fille, c’est quelque chose de beau. Quelque chose qui devrait être célébré. Et que sortir du moule, c’est ce qui fait de chacune de nous celle que nous sommes. Sois douce avec toi. Sois ta meilleure amie. Sois honnête, mais indulgente avec celles qui t’entourent. Danse un peu plus longtemps. Ris fort. Pleure sans gêne. Dis oui à ce qui te fait réellement envie, et non à ce que les autres attendent de toi. Parce que la vie est trop courte pour se priver de vivre au maximum, et que, en tant que fille, tout est à portée de main.

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Pop : Éclater l’enseignement sélectif https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/pop-eclater-lenseignement-selectif/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57915 Des cours gratuits proposés par l'UPop Montréal.

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Pourquoi notre éducation supérieure devrait-elle se cloisonner à l’apprentissage d’une seule discipline, de nos 18 à nos 25 ans? Comment se fait-il qu’il faille payer et s’investir à temps plein ou partiel pour se renseigner, discuter, débattre en société? À l’heure où le président américain tente d’étouffer la science pour en balancer les cendres sous le tapis, des chercheur·se·s bénévoles et passionné·e·s continuent de solidifier les bâtisses de notre démocratie avec le ciment de leurs questions, hypothèses, découvertes et critiques. Ils·elles s’appliquent à partager des cours compréhensibles et accessibles pour nous tous, acteur·rice·s de notre démocratie.

Créer une société vivante

UPop Montréal, créée en 2010, est un organisme à but non lucratif qui s’inspire du mouvement alternatif des universités populaires européennes. Sa mission est de rendre le savoir accessible, en créant des lieux de rencontre, de réflexion et de partage des connaissances, le tout dans des espaces conviviaux, tels que des cafés et librairies. L’UPop soulève le couvercle de questions socialement vives : des objets de débats et d’incertitudes qui invitent les gens à enquêter sur leur quotidien de façon interdisciplinaire. « La gestion des déchets est une question socialement vive », soutient Blandine, le micro en main, éclairée par un projecteur d’appoint dans le Café les Oubliettes près du métro Beaubien. Postdoctorante en éducation à l’écocivisme, la chercheuse présente à une quarantaine de participant·e·s le deuxième panel de son cours : « Décoloniser la gestion des déchets. »

« C’est l’esprit critique du citoyen qu’elle veut stimuler plutôt qu’enseigner une technique ou une théorie »

L’intervention de Blandine est suivie d’une heure de discussion ouverte où le micro chemine entre les mains des différent·e·s participant·e·s, une « petite communauté éphémère », peut-on lire sur le site, composée de personnes de tous âges et origines. Ici, les gens viennent et reviennent à chacune des quatre séances du cours organisé par Blandine. Les cours proposés ne présentent pas un savoir tout clé en main : le propre d’une question vive est qu’elle n’a pas de solution évidente, ne suit ni une théorie prescrite ni un activisme particulier. Un angle de recherche est une prise de position, surtout quand il s’agit d’en faire une histoire ludique pour enseigner à des novices. Il s’agit avant tout d’une proposition, qui est ensuite enrichie par les débats de groupe. On se rend alors compte qu’il y a dans ce même café des professionnel·le·s du milieu, des enseignant·e·s, des gens qui travaillent pour la ville ou qui partagent leur expérience personnelle. On peut lire sur le manifeste de l’UPop : « Les personnes présentes seront des peintres, des plombiers, des sculptrices, des charpentiers, des informaticiennes. Peut-être bien des astronomes, des architectes, des musiciennes, des poètes. Des libraires, des typographes, des flâneurs. Nous aurons besoin de beaucoup de flâneurs. Beaucoup. »

Des chercheur·se·s engagé·e·s

À l’hiver 2025, la programmation annonce six thèmes présentés chacun par un·e chercheur·se qui décline sa recherche sous ses différentes facettes lors de deux à quatre rencontres. Les présentateur·rice·s bénévoles, sont conscient·e·s que la recherche ne doit pas être choyée et noyée dans une pile d’articles scientifiques, et que le savoir n’a de portée que si reçu par un·e citoyen·ne. Blandine explique qu’elle a contacté l’UPop pour proposer son cours quand elle est arrivée au Canada l’année dernière. Elle mène une recherche transculturelle en Corse, au Cameroun, et au Québec. Même si elle venait à enseigner dans un contexte universitaire traditionnel, c’est l’esprit critique du citoyen qu’elle veut stimuler plutôt qu’enseigner une technique ou une théorie : « J’aimerais enseigner aux professionnels, aux ingénieurs de l’environnement. Je pense qu’on devrait les aider à travailler leur propre rapport à l’environnement pour voir des répercussions positives sur leur travail. » Lors de son cours sur la gestion des déchets, elle a apporté une valise entière de livres qui ont nourri sa recherche. Elle les dispose sur une table du café pour que les participant·e·s puissent les regarder, voire les emprunter.

« Au-delà des droits et des devoirs du ou de la citoyen·ne, l’éducation est un muscle d’empathie et d’émerveillement pour tout ce qui nous entoure au quotidien »

Ouvrir notre troisième oeil

Une question socialement vive donne l’occasion d’enquêter sur son quotidien et d’aiguiser un regard sur la réalité de nos rues, de nos voisin·e·s, du contenu sur notre flux en ligne, des aliments que l’on mange. C’est ce qui peut manquer à l’université, qui nous apprend des cas pratiques et des théories du 20e siècle alors que le 21e siècle continue de se dérouler, qu’on y participe activement ou non. Blandine soulève que « 60 à 80% des apprentissages se font en dehors des institutions ». Rien qu’en assistant à l’intervention engagée de Blandine, le jet d’ordures dans la rue, l’emballage de tofu jeté après la préparation d’un repas et le passage du camion poubelle le lundi matin peuvent être perçus différemment. L’œil est aiguisé sur le présent parce qu’il a compris le passé : la recherche est contextualisée dans l’Histoire et les définitions de ses termes clés. Par exemple, Blandine brosse le portrait du déchet dans son contexte sociohistorique, en comparant des sociétés, la représentation du déchet pour les pauvres et les riches, sa symbolique, et se concentre ensuite sur le présent et la façon dont il est abordé aujourd’hui. Elle compare sa place dans nos rues et dans les rues du Cameroun et de Corse, où elle a aussi mené sa recherche. Blandine mentionne la façon dont les objets ont remplacé les mots dans les déclarations d’amour, d’amitié, de félicitations : on offre des cadeaux plutôt que de parler, ce qui participe à une consommation démesurée.

Une organisation qui reflète la mission

Au sein de l’UPop, il n’y a pas de recteur·rice ni d’administration : tous les membres du collectif bénévole proposent des chercheur·se·s à contacter et reçoivent les propositions de chercheur·se·s enthousiastes. La mission de l’UPop ne s’arrête d’ailleurs pas à l’organisation des rencontres : les séances sont publiées sur leur site sous forme de balados ou de vidéos. « On fait avec ce qu’on a! », s’enthousiasme Alex, membre du collectif organisationnel. Un pot est placé à la fin de la séance pour amasser des dons qui servent au bon fonctionnement de l’UPop, comme l’achat de micros-cravates pour enregistrer les prochaine séances.

Dans les universités classiques, des conférences ouvertes au public rendent accessibles des angles d’actualité aux citoyen·ne·s – souvent les étudiant·e·s de l’université – dans tous les départements. Au-delà des droits et des devoirs du ou de la citoyen·ne, l’éducation est un muscle d’empathie et d’émerveillement pour tout ce qui nous entoure au quotidien.

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Une année de plus, mais toujours pas plus certaine https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/une-annee-de-plus-mais-toujours-pas-plus-certaine/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57921 Choisir entre études, travail, voyage ou tout ce dont on rêve.

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Hier, je célébrais mon anniversaire. Aujourd’hui, je suis une année plus vieille, et une année plus proche de la fin. Malgré tout, je vois cette nouvelle année comme un nouveau début. Cette année marque aussi la fin d’un chapitre important, avec ma remise de diplôme qui arrive à grands pas. Bien que je tente de me rassurer et de rester optimiste face au futur, ça reste une période d’instabilité, d’incertitude, et je ne sais à quoi m’attendre des mois qui viendront.

On parle souvent de la vingtaine comme des plus belles années d’une vie, d’une ère de liberté teintée par la frivolité et la légèreté d’esprit. On en parle comme d’une période d’exploration de soi. On souligne ces soirées qui ne finissent jamais, ces départs en voyage sur un coup de tête, cette liberté intarissable. Et quelque part, il y a du vrai dans ce portrait de la vingtaine. Mais, on parle beaucoup moins souvent du vertige que cette période peut impliquer, surtout vers la fin des études. Ce moment étrange où les repères tombent un à un, où les échéances changent de nature. Ce ne sont plus des devoirs à remettre ou de la matière à apprendre par cœur, mais plutôt des candidatures à envoyer, des décisions à prendre, et des portes qui se ferment parfois avant même qu’on ait pu les pousser.

Depuis que je suis toute jeune, les différentes étapes de la vie étaient relativement balisées : l’école primaire, le secondaire, le cégep, puis l’université. On avançait tous ensemble à travers ces étapes préétablies, ce calendrier commun. Notre vie était dictée par un rythme que l’on partageait tous plus ou moins, qu’on suivait tous. Et maintenant? Il n’y a plus de sentier battu. Certains d’entre nous cesseront leurs études, certains poursuivront des études universitaires de deuxième cycle. Certains travailleront dans le champ professionnel auquel ils ont dédié leurs études. D’autres changeront complètement de milieu. Il n’y a plus de guide : nous sommes, plus que jamais, libres. Cette liberté, bien qu’elle ait une part de beauté, est profondément angoissante — du moins, pour moi.

J’ai 23 ans. Je suis jeune. C’est ce qu’on me répète souvent. Mais pourquoi, alors, ai-je l’impression d’être en retard? Pourquoi est-ce que chaque jour passé à ne pas « avancer » me semble perdu? Ce sentiment, je sais que je ne suis pas seule à le ressentir. Autour de moi, plusieurs amis vivent la même chose : une sensation d’être suspendus dans les airs, entre deux mondes, celui de la vie académique et l’autre de la vie professionnelle, à la fois pressés d’agir et paralysés par la peur de se tromper. Détenteurs de baccalauréats, nous espérons pouvoir faire ce que nous désirons, mais rien n’est si simple. Un dilemme se présente à moi et à tous ceux qui graduent : poursuivre ses études, entrer sur le marché du travail ou voyager, lâcher tout pour voir le monde? Faire une maîtrise, accepter n’importe quel emploi en attendant, prendre une année de pause, déménager loin d’ici, rester? Chaque option semble valide. Et chaque option semble risquée. Chaque option a une part de bien, mais peu importe ce qu’on choisit, des sacrifices devront être faits.

Ajoutons à mes angoisses un marché du travail extrêmement compétitif qui n’aide en rien.

Trouver un emploi à Montréal en ce moment, ce n’est pas une mince affaire. Même avec un baccalauréat en main, même en étant bilingue, même en ayant fait tout ce qu’il fallait. Les stages, le bénévolat, les jobs étudiants. On m’avait dit que ça paierait. Pourtant, tous les emplois qui semblent intéressants exigent souvent plusieurs années d’expérience ou des qualifications qu’aucun jeune diplômé ne peut espérer avoir. Comment peut-on commencer au bas de l’échelle si ce bas est lui-même inatteignable? Comment puis-je prouver que j’en vaux la peine?

« Autour de moi, plusieurs amis vivent la même chose : une sensation d’être suspendus dans les airs, entre deux mondes, celui de la vie académique et l’autre de la vie professionnelle, à la fois pressés d’agir et paralysés par la peur de se tromper »

Tout ce qu’il reste à faire, c’est se comparer. Comment peut-on l’éviter? On se compare à ceux et celles qui ont obtenu la maîtrise de leurs rêves, qui partent en Europe vivre leurs ambitions, qui démarrent un projet, qui semblent avoir trouvé leur voie. Une part de moi est heureuse pour eux, mais il est quasi impossible d’éviter de ressentir un peu de jalousie. Je tente de me convaincre que chaque parcours est unique, que ce n’est pas une course. Et surtout, que même ceux qui semblent les plus confiants ont aussi des doutes, des échecs et des questionnements.

Le plus important, à mon avis, c’est d’apprendre à normaliser l’incertitude. À se dire que c’est pas si
mal de ne pas savoir tout de suite. Qu’il est acceptable de prendre une pause, de réfléchir, de se tromper de chemin pour mieux avancer par après. Que de faire un choix maintenant ne signifie pas se condamner à jamais à cette décision. C’est mon cas actuellement, et on ne m’a pas assez souvent dit que c’était normal de se tromper, de se questionner, d’angoisser face au futur.

On a grandi dans un monde qui valorise la productivité, la performance, la rapidité. Ce que j’ai envie de dire aujourd’hui, c’est que ce qui demande le plus de courage, c’est de ralentir, de se poser les questions, de prendre le temps de se demander ce qu’on veut vraiment. J’ai eu envie moi aussi de sauter immédiatement vers la maîtrise, parce que c’était un choix qui impliquait peu de remise en question, peu de changement dans mes habitudes. Il aurait été bien plus facile pour mon esprit de continuer dans la lignée où j’évolue déjà, mais il est bien plus courageux que je me pose pour réfléchir à ce que je désire vraiment. Bien que cela puisse donner l’impression de stagner, c’est un travail qui représente largement plus pour mon futur.

Je ne sais pas exactement où je serai dans six mois. Peut-être ici, peut-être ailleurs. Peut-être à la maîtrise. Peut-être en plein changement de domaine — pas parce que je n’aime pas ce que je fais, mais parce que ça fait longtemps que je me suis demandé si j’aimais vraiment ce que je faisais. Peut-être que je serai encore à la recherche de ce qui me passionne réellement. Et honnêtement, ce n’est pas aussi dramatique qu’on nous le fait croire.

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Étudier en anglais comme francophone https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/etudier-en-anglais-comme-francophone/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57735 Travestir sa francophonie.

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N ous n’étudierons plus en anglais. Voilà où, après trois années à suivre des cours dans la prestigieuse université qu’est la nôtre, nos pensées s’arrêtent lorsqu’il s’agit d’envisager la suite. Que ce soit pour la maîtrise ou pour se lancer dans le monde professionnel, il est certain (ou presque) que nous chercherons désormais un environnement qui fait place à notre langue maternelle. Malgré tous les efforts que McGill puisse entreprendre afin de valoriser la langue française, choisir une université anglophone en tant que francophone nous apparaît aujourd’hui comme un travestissement d’une part intégrale de notre identité. Nous sommes avant tout francophones, et nous espérons ne pas l’oublier.

L’expérience d’une française à McGill

Éloïse : Venue de France comme un bon nombre de mes compatriotes afin de profiter d’une expérience internationale et d’une certaine renommée universitaire, j’ai laissé derrière moi ma langue maternelle lors de mes heures de cours. J’avais en effet décidé d’étudier à McGill car elle me permettait à la fois de conserver mon français en dehors de l’enceinte de l’université, ainsi que de remettre mes devoirs dans la langue qui me chantait (comprendre en français ou en anglais).

Finalement, la langue, avant même les frais universitaires — les universités hollandaises, plus abordables pour les Européens, ayant également été dans mon viseur —, a été le facteur déterminant de mon choix d’établissement. J’y voyais l’opportunité de confirmer un niveau d’anglais universitaire tout en gardant un pied dans une communauté francophone qui m’est chère.

À l’instar des communautés latines ou chinoises qui peuplent Montréal, il me semble que le français ne m’a jamais tant paru agir comme un ciment entre les habitants, une marque de nos origines respectives mais aussi un sujet à débat brûlant. En effet, tant pour les questions de protection de la francophonie, que pour ceux qui s’aventurent à mettre le doigt sur la bonne façon de parler le français, la francophonie est un sujet qui exalte le Québec et qui me paraît vivre à travers tout un chacun, bien davantage encore que dans la France que j’ai quittée depuis maintenant quelques années.

Seulement, aussi reconnaissante que je puisse être d’étudier ici et de pouvoir y pratiquer mon anglais, chaque conférence à laquelle j’assiste ou chaque publication scientifique que j’ai à lire m’apparaît comme un effort me distançant jour après jour d’un plaisir que j’avais jadis à étudier. Je ne sais pas entièrement quelle est l’origine de ce sentiment, s’il repose sur la frustration de ne pas pouvoir m’exprimer et élaborer ma pensée avec la même facilité qu’en français, sur la manière de réfléchir et d’enseigner, inévitablement influencée par la langue, ou encore sur le simple manque du plaisir de lire et d’entendre ma langue. Je sais néanmoins que ce sentiment est loin de m’être propre.

Et les Québécois?

Jeanne : Je ne prétends en rien parler au nom de tous les Québécois, mais je crois juste d’affirmer que pour une majorité d’entre nous, le français est un pilier identitaire indéniable.

Ayant grandi dans une famille francophone où j’ai toujours parlé le français à la maison, le choix d’une université anglophone en a surpris plus d’un. Certains amis de mes parents l’ont même perçu comme une insulte à mes racines francophones, estimant ce choix comme une forme de trahison, voire un quasi-blasphème, réaction largement plus dramatique qu’elle n’aurait dû l’être.

En toute franchise, choisir d’étudier en anglais était avant tout un choix pratique. J’en avais marre qu’on ridiculise mon accent, et je me disais que l’immersion dans un milieu anglophone serait la meilleure stratégie pour ne plus me sentir limitée. Après quelques années à remettre mes travaux en anglais, à me mettre au défi de prendre la parole en public dans cette langue, je ne ressens plus la même angoisse qu’autrefois à la simple pensée de devoir m’exprimer en anglais.

Pourtant, aujourd’hui, c’est un tout autre sentiment qui m’habite quand je pense à l’anglais : celui d’un certain détachement de ma langue natale.

Le paradoxe de la francophonie québécoise, c’est d’évoluer dans un environnement où le bilinguisme est omniprésent, mais continuellement critiqué de part et d’autre. Comme francophone, c’est dès l’enfance qu’on nous apprend que notre langue est fragile, qu’il faut la défendre, qu’il faut surveiller l’utilisation d’anglicismes et qu’il faut résister à l’attrait du bilinguisme. Pourtant, parler anglais est un atout, voire une nécessité, dans de nombreux domaines professionnels, et il est difficile d’ignorer la pression qui nous pousse à maîtriser cette langue pour réussir. On est en quelque sorte tiraillé entre notre langue maternelle et l’anglais, cette langue qui représente souvent une ouverture vers un monde d’opportunités académiques et professionnelles autrement inaccessibles. Que ce soit pour travailler à l’étranger, poursuivre des études supérieures à l’international ou simplement élargir son réseau, l’anglais nous est présenté comme la clé du succès.

« L’anglais a certes ouvert mon horizon, multiplié mes chances et renforcé ma confiance. Mais en même temps, il a créé une distance insidieuse avec mon français natal, me laissant cette impression étrange de naviguer entre deux mondes sans totalement appartenir ni à l’un ni à l’autre »

Jeanne, étudiante à McGill

J’ai senti que l’anglais prenait peut-être une place trop grande dans ma vie lorsqu’une dame nous a interpellés dans la rue, un ami et moi, pendant que nous discutions en franglais. Nous parlions comme nous avons l’habitude de le faire, dans une langue hybride qui me semble propre à Montréal. Cette dame, bien que plaignarde et quelque peu effrontée, complètement désemparée par le fait que nous parlions un français tant influencé par l’anglais, tenait une part de vérité : notre langue évolue, et avec elle, notre manière de nous exprimer, mais à quel prix? Cette interaction m’a fait prendre conscience que, sans m’en rendre compte, je m’éloignais peut-être de cette langue que j’avais pourtant toujours considérée comme acquise.

Bien que je chérisse ce franglais si propre à mon identité, j’ai parfois l’impression d’être coincée entre deux réalités. L’anglais a certes ouvert mon horizon, multiplié mes chances et renforcé ma confiance. Mais en même temps, il a créé une distance insidieuse avec mon français natal, me laissant cette impression étrange de naviguer entre deux mondes sans totalement appartenir ni à l’un ni à l’autre.

Retrouver sa langue

Que l’on soit Français, Québécois ou francophone d’ailleurs, il arrive un moment où l’on se rend compte que notre rapport à la langue s’étend au-delà de l’utile. C’est une part de nous, une façon de penser et d’exister. Après ces années, nous savons maintenant que nous n’étudierons plus en anglais, et qu’il nous faut désormais renouer pleinement avec le français pour nous retrouver.

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L’abandon des travailleurs étrangers temporaires https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/labandon-des-travailleurs-etrangers-temporaires/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57590 Précariser pour mieux s’en laver les mains.

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L e ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale a annoncé le 23 janvier dernier qu’à compter du 1er février 2025, les travailleurs étrangers temporaires n’auraient plus accès aux services publics d’aide à l’emploi. Cette décision s’inscrit dans une vague plus importante de mesures restrictives sur l’immigration – on peut notamment penser aux mesures visant les étudiants étrangers annoncées en 2024 – qui cherchent visiblement à limiter l’afflux de résidents non permanents au Québec. Cette politique soulève de véritables questions sur la justice et la logique derrière les politiques d’immigration de la Coalition Avenir Québec (CAQ), qui continue de reléguer au second plan la population immigrante québécoise.

Contre-intuitive et injuste

Il semble absurde de refuser des services d’aide à l’emploi à des personnes dont le statut est défini par leur capacité à travailler. L’existence même des travailleurs étrangers temporaires repose sur leur contribution à l’économie du Québec. Pourquoi leur retirer un soutien qui les aiderait à mieux intégrer le marché du travail? C’est une décision qui ne tient pas debout d’un point de vue économique ou social. Le gouvernement prétend favoriser l’emploi des résidents permanents et des citoyens, notant une hausse du taux de chômage au Québec. D’ailleurs, en ce qui concerne le taux de chômage au Québec, il se trouvait en janvier à 5,4%, demeurant largement inférieur au taux de chômage canadien de 6,6%. Il a même connu un recul depuis novembre dernier, alors qu’il atteignait les 5,9%.

Malgré tout, cette politique ne répond pas aux besoins réels du marché du travail. Au lieu d’encourager une intégration efficace des travailleurs temporaires, on leur complique l’accès à l’information et aux ressources essentielles. Les organismes mandatés d’offrir de l’aide en employabilité servent à faciliter l’intégration professionnelle des travailleurs temporaires en les outillant, en les informant sur les standards québécois et en les préparant au milieu de l’emploi spécifique au Québec. À mon avis, ce qui ressemble à une stratégie électoraliste populiste cache d’autres motifs : cette mesure se traduit plutôt par une précarisation forcée de travailleurs étrangers, ceux-ci représentant déjà une part vulnérable de la population.

Une stratégie d’usure calculée

Il ne faut pas voir cette décision comme un simple ajustement administratif, mais plutôt comme une tactique de fragilisation volontaire et consciente. La CAQ est connue pour ses mesures abusives, voire dérisoires quant à l’immigration : l’apprentissage du français en six mois ou une maîtrise préalable de la langue, restrictions accrues sur les domaines d’emploi prioritaires, et j’en passe.

Aujourd’hui, c’est l’exclusion des services publics d’aide à l’emploi pour les travailleurs temporaires. Demain, ce sera autre chose. Ces mesures ne font pas disparaître le besoin de main‑d’œuvre – le gouvernement estime qu’il y aura au-delà de 1,4 million de postes à combler d’ici 2030 – mais rendent le parcours plus difficile pour les étrangers souhaitant s’établir au Québec.

« Aux yeux de la CAQ, ils sont une population transitoire, au même titre que les étudiants étrangers, dont la pré- sence est tolérée tant qu’elle sert les intérêts économiques de la province, mais dont l’intégration durable n’est ni souhaitée ni encouragée »

J’irais même jusqu’à dire qu’on peut lire entre les lignes une volonté caquiste de pousser ces travailleurs à quitter la province, ou le pays, d’eux-mêmes. En rendant leur séjour au Québec plus complexe, la CAQ espère qu’ils repartiront plutôt que de s’accrocher à un système qui leur met constamment des bâtons dans les roues. Il s’agit d’un moyen de réduire la présence des travailleurs étrangers sans avoir à en interdire officiellement l’entrée. Aux yeux de la CAQ, ils sont une population transitoire, au même titre que les étudiants étrangers, dont la présence est tolérée tant qu’elle sert les intérêts économiques de la province, mais dont l’intégration durable n’est ni souhaitée ni encouragée.

Fragiliser l’économie québécoise

D’un point de vue purement pragmatique, cette décision me semble risquée pour l’économie québécoise. Je ne suis en rien économiste, mais, alors que la province fait face à une pénurie de main‑d’œuvre dans plusieurs secteurs, il me semble irrationnel de restreindre l’accès aux services qui facilitent l’employabilité des travailleurs déjà présents sur le territoire. Comment peut-on se permettre de renvoyer ces travailleurs alors que certains secteurs – pensons à l’agriculture, la santé, la restauration – dépendent grandement de la main‑d’œuvre immigrante? En rendant l’accès à l’emploi plus difficile pour ces travailleurs, la CAQ ne fait qu’aggraver la pénurie et met en péril des chaînes de production et de services essentielles. On s’attendrait plutôt à des mesures facilitant l’accès à l’emploi, pas l’inverse.

Une dérive politique plus large

Cette restriction s’inscrit dans un mouvement plus large de fermeture à l’immigration, au Québec et ailleurs. Le gouvernement Legault, souvent critiqué pour sa gestion de l’immigration, semble pourtant s’insérer dans une tendance mondiale de durcissement des frontières et de rejet des populations immigrantes. Dans un contexte où les crises économiques poussent plusieurs pays à resserrer leurs politiques migratoires, la montée de l’extrême droite et de la xénophobie alimente des mesures qui fragilisent les tissus sociaux et s’attaquent aux populations les plus vulnérables. Ces politiques ne règlent en rien les défis structurels du marché du travail, mais répondent plutôt à aux pressions populistes qui cherchent des boucs émissaires plutôt que de véritables solutions.

Dans un climat de compressions budgétaires, les premières victimes de ces politiques sont toujours les plus précaires. Les coupures dans le domaine de la santé, par exemple, affecteront d’abord de manière disproportionnée les personnes à risque ayant un accès limité aux soins. De la même manière, les restrictions sur l’emploi visent un groupe déjà marginalisé, renforçant leur isolement et leur vulnérabilité. Si on regarde à l’échelle mcgilloise, les compressions budgétaires de 45 millions annoncées le 7 février dernier par l’administration impacteront en premier les plus fragiles, les étudiants.

Ce qui se cache derrière ces mesures, c’est une vision de l’immigration comme un fardeau plutôt qu’une ressource. Pourtant, dans un Québec confronté à un vieillissement de la population et à un manque de travailleurs, les travailleurs temporaires, et plus largement, la population immigrante, sont plus que jamais essentiels. L’immigration au Québec est ce qui fait sa beauté, sa richesse, pas le contraire.

Main dans la main

Plutôt que d’imaginer des stratégies pour exclure les travailleurs étrangers temporaires, le gouvernement Legault ferait mieux de reconnaître leur rôle crucial dans le tissu économique et social du Québec. Cette politique est non seulement injuste, mais aussi contre-productive. Elle affaiblit la main‑d’œuvre locale, exacerbe les pénuries et véhicule un message de rejet aux immigrants qui pourraient autrement choisir de s’installer de façon permanente au Québec. Face à ces enjeux, il est essentiel de résister à ces discours d’exclusion et de rappeler que l’immigration n’est pas une menace, mais une force. Les travailleurs étrangers méritent mieux qu’un système qui les pousse vers la sortie au lieu de leur offrir des opportunités.

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Pour la prochaine fois… https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/pour-la-prochaine-fois/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57658 Proposition pour la libération d’un Québec souverain.

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L’acharnement, si la cause est juste, on appelle ça de la persévérance. On dira peut-être que je m’acharne contre la servilité libérale et sa détestable propension à faire de la politique un risible culte de la personnalité. Pouvez-vous vraiment m’en vouloir? À peine débarrassés du fanatisme frénétique pro-Trudeau, les Québécois vont devoir subir une énième campagne de séduction importée cette fois-ci au provincial. Les dignitaires et attachés (pour ne pas dire ligotés) de presse du Parti libéral du Québec (PLQ) ont jeté leur dévolu sur Pablo Rodriguez – ancien ministre de l’Assimilation québécoise (plus formellement, du Patrimoine canadien) et ministre des Transports sous Trudeau. Moi, l’Honorable Pablo Rodriguez, je le trouve parfaitement correct, parfaitement libéral. Il est aussi parfaitement digne de s’incliner devant un Parti Québécois renaissant de ses cendres. Mais de là à déclencher la Pablomania, à faire de moi (ou quiconque de minimalement sagace) un Pablophile : il y a tout de même des limites!

L’insipide et artificielle partisanerie dont est affublée la politique québécoise paralyse toute possibilité pour le Québec de s’arracher à l’emprise de l’oppresseur fédéral par mesure référendaire. Chaque minuscule enjeu fait l’objet d’une décortication chirurgicale suivie d’une prise de position plus ou moins cohérente, contribuant à la polarisation toujours plus excessive de l’électorat québécois. En voulant faire des gains modérés au prix de pertes mineures, chacun des partis se crée une base militante toujours plus radicale et intolérante au message d’autrui. On veut nous voir voter pour la meilleure politique migratoire, économique, socio-développementale – secteurs essentiels, mais voués à une éphémérité dépendante des allégeances politiques du parti au pouvoir. La plateforme caquiste (CAQ) devient alors complètement incompatible avec les valeurs promulguées par le Parti québécois (PQ) ou Québec Solidaire (QS) – les Québécois reléguant l’idéal indépendantiste au rang d’enjeu secondaire, minable, inatteignable.

Aux charognards fédéralistes de se pourlécher devant la carcasse que devient le camp du OUI. La mort de l’identité québécoise passe par une incompréhension de ce qui la garde réellement en vie. Les trois partis dont la plateforme n’exige pas une soumission humiliante à un Canada néocolonial anglophone sont incapables de délaisser leurs différends idéologiques dans la poursuite de l’indépendance. Un Québec socialiste, dadaïste, anarchiste ou gaulliste : quelle importance s’il est placé sous le joug étouffant d’un Poilièvre ou d’un Carney – deux maudits « francophones » de téléprompteur! La valorisation du Québec comme une nation francophone et identitairement détachée du Canada est une partie intégrante (à des degrés variables) de l’idéologie de la CAQ, du PQ et de QS – comment orienter leurs électorats vers la souveraineté?

Dépolitiser l’indépendance

Ma hantise de la partisanerie factice m’amène à présenter une solution focalisée sur la simple formation d’un Québec par un parti dont c’est le seul objectif. Pas de plateforme compliquée et orchestrée par le désir du plus offrant : un message, une promesse de poursuite acharnée de l’indépendance. Un parti qui, si élu démocratiquement, prévoit le déclenchement d’un référendum – permettant à un éventuel Québec souverain de décider de ses propres fondations par la suite. Il ne faut pas s’imaginer qu’en gagnant son indépendance, le Québec perdrait l’immense richesse politique qui le compose, mais plutôt qu’il serait enfin maître de toutes les facettes de son existence. La protection de la langue, de la culture et de l’autodétermination ne peut se faire autrement que par un référendum, pouvant n’être gagné que par l’union idéologique des Québécois pour la survie de leur identité.

Les fédéralistes dotés d’une capacité pour la lecture insisteront sur le fait qu’une telle initiative est un gaspillage de temps, l’appui référendaire étant d’à peine 34% en date de février 2025. Si seulement ils savaient interpréter ce déclin, forcé par la politisation de l’enjeu de l’indépendance! Si le PQ est encore le meilleur vaisseau disponible pour la sauvegarde du Québec, il reste imparfait, étant donné son incapacité à faire de l’indépendance son unique objectif. Il gagne de précieux votes en se prononçant sur différents enjeux pour gagner une bataille, l’élection de 2026 : en agissant ainsi, est-il en train de perdre la guerre pour la souveraineté du Québec? De ce questionnement émane la pertinence de proposer une alliance nationaliste, souverainiste, indépendantiste (peu importe la désignation de notre libération) : le futur du Québec en dépend. Peu importe le nom qu’elle porte ou le poids idéologique qu’elle sous-tend, notre nation doit prioriser le rejet de l’opprobre fédéral et la création d’un pays francophone.

Le réel combat

Il pourrait m’être proposé qu’être un fédéraliste n’empêche pas d’aimer le Québec, de vouloir son bien par sa présence dans un Canada fort et uni. Quelle manifestation épouvantable du syndrome de Stockholm! Quelle idée insensée de suggérer que le Québec s’épanouit au sein de la Royal Colonial Administration : toutes les mesures prouvent le contraire! Son identité s’effrite, sa langue disparaît inexorablement et sa richesse est partagée avec des profiteurs canadiens qui ne professent leur amour pour le Québec que pendant les campagnes référendaires. Les adorateurs commandités du système fédéral assurent que l’unité est la seule manière de résister à des despotes comme Donald Trump, mais ils plient lâchement l’échine dès la première confrontation! Comment oser prétendre que le Canada ferait mieux que le Québec alors que sa gestion étouffante le détruit de l’intérieur?

Nous, Québécois et Québécoises, plions l’échine depuis 265 ans face au colonialisme, tantôt britannique, depuis canadien. Non pas par lâcheté, mais à cause de l’influence pernicieuse qu’ont exercée le Doric Club, le PLQ et leurs sous-fifres dans la répression des Québécois nés pour la libération de leur peuple. Il est primordial de le constater et de passer outre les divisions artificielles créées dans des efforts de gain en capital politique. Qu’on ne me dise pas que je soutiens un Québec gouverné de manière totalitaire, par une idéologie monolithique! Je veux simplement l’alliance de la multitude pour un objectif qui va permettre la survie de la nation, qui continuera de voir sa politique fluctuer d’un côté à l’autre du spectre politique. L’indépendance, ce n’est pas une idée de droite, de gauche, du centre : c’est une valeur fondamentale de l’existence humaine.

Ce que les Québécois doivent comprendre lorsqu’ils exercent leurs droits démocratiques, c’est que la survie du Québec qu’ils aiment dépend de son indépendance, de sa libération de l’assujettissement fédéral anglophone. La disparition de la culture et de l’identité nationale serait la pire catastrophe dont notre peuple pourrait être la victime : elle est déjà solidement enclenchée. Battons-nous pour l’indépendance, envers et contre tous les opposants fédéralistes qui veulent étouffer la volonté d’exister d’un peuple francophone! La prochaine fois approche… saurons-nous enfin nous unir?

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Pablo Rodriguez, pour l’amour du Québec https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/pablo-rodriguez-pour-lamour-du-quebec/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57353 Le PLQ en reconstruction, on a la solution.

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C’est officiel : depuis le 13 janvier, la course à la chefferie du Parti libéral du Québec (PLQ) est lancée. Il faut le dire, cette course est loin d’être anodine, bien au contraire. En fait, elle s’amorce à un moment crucial pour notre formation politique, un moment où le parti est en reconstruction identitaire, allant des valeurs aux politiques. Depuis la défaite de Philippe Couillard en 2018 et celle de Dominique Anglade en 2022, beaucoup se demandent ce qu’il adviendra du parti, qui est désormais réduit à une députation enclavée à Montréal et dans l’Outaouais. Dans ces moments de réflexion, l’identité libérale elle-même est remise en question par plusieurs militants. Après tout, dans une arène politique jusque-là dominée par la Coalition Avenir Québec de François Legault, qu’est-ce que ça signifie d’être libéral? Les jours où le parti de Robert Bourassa, Jean Lesage et Jean Charest remportait le cœur des Québécois semblent révolus. Après de tels rebondissements, il ne restait qu’à mettre la clé sous la porte pour ce parti, qui a pourtant façonné la vie politique québécoise durant les 150 dernières années.Cependant, en politique, il y a parfois des surprises, des coups de théâtre. Cette fois-ci, c’est ce qui est arrivé. Après avoir traversé la rivière des Outaouais, quittant Ottawa pour revenir au Québec, Pablo Rodriguez, l’excellent député fédéral d’Honoré-Mercier, annonce qu’il se lance pour la chefferie du PLQ. On a désormais une course, une vraie

Pablo et le Québec

Né en Argentine de parents opposés au régime brutal de Videla, Pablo quitte la dictature alors qu’il n’a que huit ans, direction Sherbrooke. C’est dans les magnifiques Cantons-del’Est qu’il grandit. Il y apprend le français, se plonge dans la culture, tombe amoureux de nos artistes, comme Paul Piché et Robert Charlebois, et poursuit ses études universitaires. À Sherbrooke, Pablo Rodriguez choisit le Québec et le Québec le choisit. L’histoire de la famille Rodriguez, c’en est une de réussite et d’adaptation à la société québécoise. Cette appartenance au Québec n’est pas que culturelle, elle est aussi politique. Pendant les débats constitutionnels, Pablo se joint à l’influente Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec (CJPLQ) – vraie force politique qui continue de faire vibrer le parti à ce jour. Il y fait ses premiers pas politiques, militant pour un Québec fort dans une union canadienne tout aussi forte. Pendant son temps à la CJPLQ, il parcourt les quatre coins du Québec, rencontre le monde, le vrai, et c’est là qu’il adopte son style bien à lui : l’authenticité. Croyez-moi sur parole, j’ai rencontré de nombreux de politiciens dans ma vie, du municipal au fédéral, en passant par le provincial. Pourtant, je n’ai jamais rencontré une personne comme Pablo ; c’est ce genre de personne spéciale, tout aussi à l’aise de parler avec mon père de la dernière partie de hockey que d’enjeux nationaux à la table des ministres.

« Après avoir traversé la rivière des Outaouais, quittant littéralement Ottawa pour revenir au Québec, Pablo Rodriguez, l’excellent député fédéral d’Honoré-Mercier, annonce qu’il se lance pour la chefferie du PLQ. On a désormais une course, une vraie »

Le bagarreur

Après un parcours remarqué à la CJPLQ, je crois qu’il est devenu évident qu’un tel talent politique ne pouvait pas être perdu dans les limbes. Cela aurait été un vrai gâchis. En 2004, Rodriguez se lance donc sous la bannière du Parti libéral du Canada, alors dirigé par Paul Martin, pour briguer la circonscription montréalaise d’Honoré-Mercier. Alors que le parti se voit retirer la majorité dont il disposait depuis 1993, Pablo conserve la circonscription. Il fait donc son entrée dans l’enceinte de la démocratie canadienne. Il joue un rôle de premier plan dans le caucus du Québec dès son premier mandat. À mes yeux, le plus intéressant dans la carrière de Pablo, ce ne sont pas ses nombreuses victoires, mais sa manière de réagir à la défaite. En 2011, alors que le parti allait mal et qu’il était pris dans multiples scandales, le Nouveau Parti démocratique se présente comme la première force d’opposition face aux conservateurs. C’est donc dans ce contexte que les néodémocrates emportent 59 sièges au Québec ; et, par la même occasion, remportent Honoré-Mercier, une forteresse libérale. Monsieur Rodriguez se retrouve donc évincé du parlement.

Comme tant d’autres, il aurait pu passer à autre chose, il aurait pu se trouver un emploi payant dans le secteur privé. Au lieu de cela, poussé par l’amour de la fonction et par la passion de servir ses concitoyens, pendant les quatre années qui le séparent de la prochaine élection générale, il prépare le terrain pour son grand retour et celui du parti. Alors que le bateau coule, Pablo s’adonne corps et âme pour regagner la confiance de la population. Il construit des ponts entre le parti et les québecois déçus par le passé des libéraux, et soutient un parti en reconstruction. Pour vous démontrer l’ampleur de son implication, il a pigé dans ses économies personnelles pour aider au financement du parti. Donc, ceux et celles qui pensent que Pablo agit en opportuniste en quittant Ottawa pour revenir au Québec se trompent. Rodriguez, c’est un battant. Je le sais, parce qu’en 2015, après de nombreux soupers spaghetti pas toujours glamour et des tonnes d’épluchette de blé d’Inde, il redevient député dans un gouvernement libéral majoritaire. La victoire du parti aurait été impossible sans les personnes qui, comme Pablo, ont mis la main à la pâte pour préparer le terrain.

Le Québec et Pablo

Pour moi, le choix pour Pablo de revenir à ses racines québécoises n’est pas le fruit du hasard. Ce n’est pas seulement le PLQ qui, à l’instar du PLC en 2011, est à la croisée des chemins. C’est aussi le Québec tout entier. En 2018, la CAQ de François Legault se présentait devant la population en offrant des remèdes à tous nos maux. En santé, en éducation, en immigration, les candidats caquistes nous disaient comment ils allaient être en mesure de tout régler. Il n’en demeure pas moins que, près de huit ans plus tard, très peu a été accompli. On attend toujours autant dans les salles d’attente, il y a encore des défis importants en éducation, et l’immigration a été utilisée comme un levier pour faire des gains politiques. Aujourd’hui, avec des enjeux comme celui de la sécurité de la frontière avec les États-Unis, il nous faut une personne d’expérience qui soit capable de nous guider avec brio. Dans des moments incertains, il nous faut un bagarreur. Dans le moment présent, il nous faut un Pablo Rodriguez. Collectivement, on ne peut pas se permettre de faire fi d’une telle candidature

Pablo et moi

En conclusion, je vous avoue que je connais bien Pablo. Je l’ai rencontré pour la première fois en 2015, alors qu’il faisait le tour du Québec pour préparer le parti aux élections générales. Depuis, je l’ai revu à plusieurs reprises, assez pour être convaincu qu’il est la bonne personne pour diriger le Québec lors d’un moment aussi décisif. Une chose qui me frappe à chaque fois que je revois Pablo, c’est son authenticité. C’est une personne qui est aussi drôle que sérieuse, aussi réfléchie que terre à terre. Avec Pablo, what you see is what you get. L’ayant fréquenté à quelques reprises, je ne peux vous dire à quel point il est l’homme de la situation, la personne dont nous avons besoin pour faire rayonner le Québec et le remettre sur les rails. Pablo, tu peux compter sur moi!

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Rage féminine : refuser d’être silencieuse https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/rage-feminine-refuser-detre-silencieuse/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57369 Notre colère est essentielle.

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Cette semaine, j’ai lu un article du Financial Times qui expliquait que l’un des échecs du mouvement woke – idéologie prônant la prise de conscience des inégalités entre les genres, les orientations sexuelles, et autres dénominateurs minoritaires, ainsi que le racisme systémique – accordait une importance trop grande aux différences. Selon l’auteur, il serait plus judicieux de cesser d’insister sur ce qui nous distingue et de plutôt célébrer ce qui nous unit. L’argument, bien qu’il puisse sembler séduisant pour certains, m’a immédiatement repoussée, répugnée même. Comment peut-on ignorer les différences, alors qu’elles sont au cœur même de nos identités et qu’elles façonnent nos existences? Comment demander aux opprimés de taire ce qui les rend marginalisés, invisibilisés?

Cette volonté de nier les fractures sociales ne fait que les creuser davantage, et ne sert que les classes dominantes qui continueront de profiter de l’illusion d’une harmonie factice, tout en maintenant intactes les structures d’oppression qui les avantagent. En essuyant les différences, on ne fait que perpétuer un statu quo où seuls ceux qui n’ont jamais eu à justifier leur place continuent de prospérer, au détriment de celles et ceux dont l’existence même est une lutte pour la reconnaissance. Je ne peux en rien parler au nom de tous les groupes qui subissent en silence le poids du patriarcat blanc, mais je peux parler longtemps du fait que les femmes sont encore aujourd’hui trop souvent mises de côté, ridiculisées et regardées de haut par cette pseudo-élite masculine toute puissante.

Ni dociles, ni désolées

En classe, au travail, à la maison, je raidis – de colère ou d’inconfort, je l’ignore – à l’écho même de l’opposition masculine qui suit, trop souvent, mes interventions – ou celles de mes consœurs. C’est comme si les femmes ne pouvaient jamais avoir raison, ou du moins, pas sans l’approbation des hommes. Comme si chaque prise de parole était un défi lancé à l’ordre établi, une intrusion dans un territoire qui ne nous appartient pas et qui, semblerait-il, ne nous appartiendra jamais. C’est épuisant, insupportable et ça doit cesser. Malgré les avancées en termes d’égalité des genres, paraît-il que nos voix n’écraseront jamais celles de nos contreparties masculines. Le privilège d’être un homme est encore une réalité, malgré ce que ces influenceurs masculinistes tenteront de nous faire avaler. J’en ai marre, c’est dit.

Chaque jour, comme presque toutes les femmes, j’en suis sûre, je me heurte à ces murs invisibles. Des regards condescendants, des interruptions incessantes, des ricanements à peine voilés lorsqu’une femme ose hausser la voix. C’est après une conversation avec une amie que j’ai réalisé l’ampleur du problème : elle soulignait comme quoi, au travail, les hommes prenaient systématiquement plus de place en réunion, s’appropriant ses idées ou reformulant ses propos pour mieux se les attribuer. Elle me racontait aussi comment, lorsqu’elle avait exprimé une opinion tranchée et avait refusé de flancher devant un homme, elle avait été rencontrée par sa supérieure – une femme, d’ailleurs – à la suite d’une plainte la décrivant comme agressive et trop émotive. Ses collègues masculins, dans la même situation, auraient été qualifiés de fermes ou auraient été loués pour leur confiance en eux. J’ai réalisé que ce schéma se répétait partout, dans tous les espaces, peu importe l’échelle, l’expertise ou l’assurance. 2025 avait fait promesse de renouvellement, mais à ce niveau-là, c’est toujours la même galère.

« La féministe enragée dérange. La FEMEN, les seins nus en pleine rue, scandalise. On ne supporte pas l’image d’une femme qui ne demande pas poliment son dû, mais l’exige, qui ne sourit pas, mais hurle »

Ce schéma oppressif à l’égard des femmes n’existe pas que dans les cadres professionnels, mais s’étend aussi aux cercles plus progressifs, comme dans le milieu du militantisme. Le masculinisme s’infiltre partout, au sein même des espaces progressistes. Les manarchistes, ces hommes qui se revendiquent alliés féministes tout en maintenant des comportements patriarcaux, ne sont pas moins oppressants que les conservateurs assumés. Ils prennent la parole en premier, s’arrogent le rôle de représentant des luttes qui ne les concernent pas directement et exigent reconnaissance pour leur simple présence. Pire, ils demandent aux femmes de tempérer leur colère, d’être « constructives », « pédagogues », « ouvertes au dialogue ». Comme si notre rage était un caprice, une impolitesse, plutôt que la réaction légitime à des siècles d’oppression. L’ego masculin est si important qu’il exige d’être ménagé, de ne jamais être confronté aux réalités dénoncées par les femmes, même dans les cercles les plus privilégiés, ceux dotés du capital social pour se révolter.

La femme en colère

La rage féminine est méprisée, ridiculisée, caricaturée. La femme en colère est hystérique, irrationnelle, hors de contrôle. On l’infantilise, on la discrédite. Pourtant, cette rage est essentielle. Elle est la flamme qui alimente les révolutions, la force qui ébranle le statu quo. Chaque cri, chaque manifestation, chaque refus d’obtempérer est une victoire en soi. Mais encore faut-il avoir le droit d’exister en tant que femme en colère, que quelqu’un, quelque part accepte de nous écouter.

Dans cette ère teintée par un masculinisme indécent, les femmes se soulèvent, et avec raison. Nous voyons actuellement les droits des femmes, tenus comme acquis depuis plusieurs décennies dans certains cas, être remis en question juste au sud de notre frontière. Des hommes comme Trump et Musk gagnent de plus en plus de soutien, et il faut se révolter. Des Zuckerberg qui demandent plus « d’énergie masculine (tdlr) » doivent impérativement mener à des soulèvements. Leur misogynie décomplexée se doit d’être combattue avec la même ferveur qu’ils mettent à l’imposer. Comment rester silencieuses face à ce discours qui n’est plus simplement le fruit d’une rhétorique réactionnaire isolée, mais bien un système d’oppression révolu qui se reconstruit petit à petit? L’espace public, politique et médiatique appartient encore majoritairement à ces hommes aux fortunes ahurissantes, et lorsqu’une femme tente de s’y imposer, elle est attaquée, harcelée, réduite au silence. Il suffit d’observer le traitement réservé aux femmes journalistes, aux militantes, aux figures politiques pour comprendre que l’expression féminine représente toujours une menace aux yeux de plusieurs.

La féministe enragée dérange. La FEMEN, les seins nus en pleine rue, scandalise. On ne supporte pas l’image d’une femme qui ne demande pas poliment son dû, mais l’exige, qui ne sourit pas, mais hurle. Pourquoi le cri d’une femme est-il toujours perçu comme un acte de provocation et non comme un acte de justice? Parce que la colère des femmes est subversive, parce qu’elle menace l’équilibre fragile d’un système qui ne fonctionne que si nous acceptons d’y jouer un rôle secondaire. C’est pourquoi il faut réhabiliter la rage féminine. Ne plus la craindre, ne plus s’en excuser. L’assumer, la revendiquer comme un droit fondamental. Être en colère, c’est être vivante. C’est refuser de plier. C’est dire non. Non à la condescendance, non aux inégalités, non à cette injonction au silence. Notre colère n’est pas un caprice. Elle est notre puissance.

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Noir·e·s, ici aussi https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/noir%c2%b7e%c2%b7s-ici-aussi/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57372 L’importance de connaître son histoire noire québécoise et canadienne.

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En ce début de Mois de l’histoire des Noir·e·s, peut-être réfléchissez-vous à la manière dont vous choisirez de le célébrer. Sans doute allez-vous démarrer d’importantes réflexions avec des gens les ayant déjà entamées : un échange réfléchi sur les activistes marquants du mouvement des droits civiques, suivi d’une suite mémorisée d’extraits du discours de Dr Martin Luther King ; l’amorce d’une lecture sur le féminisme intersectionnel signée bell hooks ; la succession rapide de dates importantes, à commencer par 1865, la mise en place du 13e amendement ; un rappel de la contribution trop souvent oubliée des personnes noires à la culture états-unienne : « Savais tu que ce sont eux·elles qui ont inventé la musique country? » ; ou alors un autre remerciement, un autre moment de silence, pour ces figures ayant lutté pour la liberté et la dignité de ceux et celles me ressemblant. Or ce mois-ci, j’ai décidé de faire les choses autrement, géographiquement parlant. Car en énumérant le nom de ces activistes, ces écrivain·e·s, ces féministes et ces militant·e·s, le motif m’a happée : j’étais incapable d’en nommer un·e seul·e provenant du Canada. Pire encore, je constatais tout bonnement ne pas être capable de raconter l’histoire noire du pays dans lequel j’étais née, dans lequel j’avais grandi et vécu toute ma vie. Et j’ai très rapidement compris ne pas être la seule dans cette situation. Alors s’est déclenché mon processus de réflexion. Longuement ai-je songé à notre propension généralisée d’omettre le Canada lors de nos commémorations. Un comportement que j’ai souvent adopté, à tort. Notre réflexe est de pointer du doigt les Américain·e·s, d’adopter un ton moralisateur, et de le ponctuer d’un sourire suffisant, nous permettant de passer sous silence les squelettes entassés dans notre placard. Or j’insiste qu’on mette fin à cette habitude une fois pour toutes, car entre le voisin et nous, aucun ne peut se vanter d’avoir une pelouse verte.

« Notre réflexe est de pointer du doigt les Américain·e·s, d’adopter un ton moralisateur, et de le ponctuer d’un sourire suffisant, nous permettant de passer sous silence les squelettes entassés dans notre placard »

En remontant le fil de mes souvenirs, cette omission me semble se manifester dès mon plus jeune âge. À l’école primaire, les éducateur·ice·s nous enseignent ce passé esclavagiste, alors que certain·e·s élèves apprennent pour la première fois de leur vie ce qu’est le racisme contre les Noir·e·s. L’année de l’abolition de l’esclavagisme aux États-Unis devient matière à examen, alors que la date canadienne tarde à être mentionnée. On invoque le rôle de terre de refuge joué par le Canada pour les esclaves émancipés lors du Underground Railroad, sans aucune mention de la traite d’esclaves noir·e·s et autochtones ayant eu lieu seulement une décennie avant. Une dédramatisation des horreurs commises contre les Noir·e·s mettant en vedette les États-Unis d’Amérique dans le rôle du grand méchant loup prend lieu, pour les nombreuses années à suivre. C’est de s’acquitter de tous torts, avec une petite tape dans le dos, pour éviter un travail d’introspection que trop désagréable. C’est d’éviter de reconnaître notre participation et notre complicité dans un passé que trop récent. Bref, c’est de la déculpabilisation pure et dure, et personnellement j’en suis tannée.

Pour moi, être en mesure d’identifier cette histoire est un moyen de consolider mes identités noire et québécoise. C’est un moyen de comprendre un passé commun pour pouvoir mieux comprendre mon présent. Lorsque j’entends François Legault refuser de reconnaître l’existence d’un racisme systémique au Québec, je demeure perplexe. La colère et la frustration infusent mon discours, alors que mon propos s’interrompt, embarrassée par ma méconnaissance d’une histoire qui me permettrait de défendre mon point. Or, comment expliquer au premier ministre qu’une province où la brutalité policière envers les personnes autochtones et noires atteint de nouveaux sommets à chaque année, et où les médecins s’autorisent à faire preuve de négligence médicale envers les minorités visibles, est bâti sur un système foncièrement discriminatoire?

« Pour moi, être en mesure d’identifier cette histoire est un moyen de consolider mes identités noire et québécoise »

Alors, un article à la fois, j’ai appris mon histoire. En débutant avec ce que je connaissais, j’ai ouvert les pages web, cliqué sur les liens URL, naviguant d’un site à un autre. Parmi les onglets ouverts : les photos archivées des expropriations dans le quartier noir de la Petite-Bourgogne au profit d’un réaménagement urbain. Un autre quartier, cette fois-ci en Nouvelle-Écosse, du nom d’Africville, rasé par la ville de Halifax, et encore ce terme, réaménagement urbain. Un nom en bleu, souligné, Portia White : l’une des premières canadiennes noires à recevoir une reconnaissance internationale par sa voix envoûtante. Un lien qui me mène à un article sur la culture musicale noire à Montréal. Le jazz à Montréal. L’histoire du jazz à Montréal. Des initiatives de clubs pour les minorités noires montréalaises : le Colored Women’s Club. Des photos de femmes sans noms. Une exposition d’art au Musée McCord ayant pris fin il y a une semaine. Moi qui me lève dans un café et paye avec un billet de 10$, le visage de Viola Desmond, une pionnière noire, au creux de ma main. Un autre nom gardé près de moi.

Puis, plus récemment : un article sur le racisme vécu par des étudiant·e·s infirmier·ère·s africain·e·s dans un hôpital en Abitibi, des commentaires sur l’offense causée par le discours d’Haroun Bouazzi sur la création d’un « Autre » en Chambre d’Assemblée, un rapport de l’OCPM sur le racisme et la discrimination systémiques. Et finalement, un moment de célébration, en compagnie de mes ami·e·s et collègues, à fêter le début du mois, à consulter la programmation mise en place par La Table Ronde du Mois de l’Histoire des Noirs et à participer à des évènements, à des discussions et à des festivals culturels dans ma ville.

En cette première semaine du mois de février, je vous invite, à mes côtés à reconnaître ce passé, à prendre action localement, à demander à vos politicien·ne·s de reconnaître ces injustices en allouant un budget à cette lutte contre le racisme. À rappeler à votre entourage ce pan oublié de l’histoire, à exiger à ce que ce passé soit enseigné au même titre que celui des États-Unis, mais surtout, à célébrer la contribution et le travail des noir·e·s, ici aussi.

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Votre Trudeau https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/votre-trudeau/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56965 Réponse d’un jeune souverainiste pour le futur de notre pays.

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Cet article se veut une réponse à l’article « Notre Trudeau » – paru dans l’édition du 15 janvier dernier dans la section « Opinion » du journal Le Délit.

L’abdication de Justin Trudeau a déclenché une interminable procession de ses laquais serviles, ses lèchebottes opportunistes carriéristes et autres adorateurs d’un fédéralisme abject. On en appelle à la pitié, au respect, à la consternation ; on fait venir les pleureuses grecques et la Castafiore pour louanger et regretter ce premier ministre de bas étage issu d’un népotisme flagrant. Un similipoliticien, un élu par défaut, un fils à papa médiocre que nul Québécois ne devrait applaudir ni n’aurait dû élire! Et pourtant, voilà qu’ils défilent, larmoyants, ces jeunes qui donneraient tout pour prendre une photo avec le beau Justin en complet-cravate – tu parles d’un culte de la personnalité!

Alors que les stagiaires et porteurs de cafés des ministres fédéraux font leur deuil, rappelons-leur les inconduites de leur patron et guide spirituel. SNC-Lavalin, WE Charity, une gouverneure générale qui ne parle pas français… si c’est ce que le gratin intellectuel libéral considère comme inspirant, on n’a pas fini de souffrir! Leur éloge funèbre relève de la confabulation : on dépeint Justin comme un homme inspirant, déterminé et intègre. On oublie ses inconduites fiscales, ses pitreries en Inde et ses politiques influencées par le plus offrant.

En lisant « Notre Trudeau », je ne peux m’empêcher de me demander comment le Parti libéral du Canada fait pour ensorceler certains jeunes Québécois. Ils deviennent des petits moutons fédéralistes bêlant en cœur un abrutissant refrain : We love you Quebec! You can’t survive without us! Restez dans notre belle confédération franglophone! Scandaleux de ne pas connaître son histoire, de se faire les collaborateurs d’un système qui opprime les Québécois depuis maintenant 265 ans. Trudeau le fils, égal à son père : Trudeau le corrompu, le fédéraliste, le guignol international… comme quoi la pomme est encore solidement accrochée à l’arbre mort et pourrie jusqu’au cœur.

J’aurai sûrement droit au discours typiquement fédéraliste, pratiqué devant le miroir en anglais puis en franglais, prétendant que le projet indépendantiste est contre-productif, administrativement impossible et économiquement abruti. Je mériterais de me faire dire d’arrêter de me plaindre sans cesse, de prendre mon trou, de vivre sous la tutelle canadienne et d’accepter mon sort de confédéré. Pourtant, je me refuse à concéder ma culture, ma langue et mon pays à quelques oligarques et leurs fanatiques sous prétexte que ce serait trop difficile de créer de la monnaie et qu’on ne saurait pas quel hymne national jouer aux parties des Canadiens!

Les hypocrites tout cravatés de rouge défendent l’autodétermination des peuples partout ailleurs sur la planète, mais se contrefichent royalement de leur Québec, leur pays.

Ce que le beau Justin tente de nous faire avaler, c’est la même chose que son père Pierre Elliott Trudeau a voulu faire avaler à nos parents – il faut croire que l’esprit de soumission est congénital! C’est ce qu’on nous fait avaler depuis la Conquête, la crise d’Octobre, le scandale des commandites : on nous dit que nous sommes une fière partie d’un tout. On dit que l’indépendance, c’est dépassé! Le Québec doit lécher les semelles d’un Canada oppressif et anglophone : il doit se résigner, se prostrer et s’humilier. Grâce aux jeunes libéraux québécois, la tâche est plus simple : ils se ridiculisent sans qu’on le leur demande, adulent un Canada qui ne leur donne rien et se mettent à genoux pour une publication LinkedIn dans les bras du fils prodigue!

« Jamais vous ne laisseriez un empire néo-colonialiste contrôler toutes les facettes de votre existence, s’emparer de votre territoire et détruire votre beau patrimoine canadien. Le Québec soumis au Canada, le Canada soumis aux États-Unis : chacun sa souffrance! »

Maudits Québécois, maudits souverainistes! Quand a‑t-on arrêté de s’indigner pour un combat qui est le nôtre? On s’indigne – heureusement et justement – pour les Irlandais et les Catalans, la veuve et l’orphelin – qu’en est-il de la nation souveraine québécoise? En quoi la cause est-elle différente, la portée moindre?

On voit le Canada complètement désemparé, sur le qui-vive face à une menace semi-pertinente d’annexion par les États-Unis. Mes camarades fédéralistes, percevez-vous l’ironie? Jamais vous ne laisseriez un empire néo-colonialiste contrôler toutes les facettes de votre existence, s’emparer de votre territoire et détruire votre beau patrimoine canadien.

Le Québec soumis au Canada, le Canada soumis aux États-Unis : chacun sa souffrance!

Les esprits les plus astucieux et dociles avanceront que le gouvernement fédéral ne largue pas de bombes sur le sol québécois et n’envoie pas la GRC exterminer du petit Québécois de fond de rang. Un raisonnement servilement impeccable : si personne ne meurt, l’indépendance ne peut être qu’un combat capricieux, un trouble d’opposition puéril de quelques hurluberlus qui n’aiment pas Terry Fox ou les Rocheuses.

L’exercice de la polarisation artificielle des enjeux de justice sociale et d’autodétermination fait en sorte que le sensationnel l’emporte sur le concret. C’est dommage qu’on exige des piles de cadavres et des beaux publireportages larmoyants pour grader l’importance d’une lutte. Philosopher avec des « oui, mais » c’est vraiment une aberration, un gaspillage de cortex frontal : pour faire l’indépendance, il faut arrêter de jouer au plus souffrant. Avec un minimum d’introspection, on se rend compte que notre peuple est précaire, en proie à la disparition de sa culture, de sa langue et son identité – pas besoin de se comparer pour comprendre ça! Les statistiques trompeuses des Libéraux ne bernent personne : le français – pilier central de la culture et de l’identité québécoise – est menacé sur tous les fronts. Pour achever notre féodalité, pas besoin d’envoyer le Royal Colonial Regiment : il suffira simplement de continuer vos maintes contributions à l’agonie de la langue québécoise!

Le Québec est un pays, c’est dit.

Le futur du Parti libéral, dans le fond, je n’en ai rien à faire. Ce qui m’écœure vraiment, c’est la trahison de jeunes Québécois qui renient leur identité et choisissent de louanger un homme et son parti au-delà de toute logique idéologique. Paul St-Pierre Plamondon pourrait démissionner demain, je voterais encore pour le Parti québécois : c’est le projet d’indépendance qui m’attire. C’est en se laissant avoir par le marketing de la Hill, par des enjeux mineurs et minables, par le charisme manufacturé d’une belle tête creuse que l’on perd de vue les enjeux qui comptent le plus pour notre peuple.

Je suis loin de m’attaquer ici à la liberté d’opinion, de presse ou bien celle d’être un suiveux soumis. Je critique une mentalité qui fait souffrir le Québec depuis bien trop longtemps, une association volontaire à un mouvement dont le fédéralisme néocolonial est un catalyseur. C’est mon opinion, j’y ai droit. Rendezmoi la pareille, dites-moi ce que vous pensez de mon idéologie ; j’ai hâte de vous voir vous battre contre la liberté, l’autodétermination et l’indépendance.

Je n’arrêterai jamais de m’opposer aux fédéralistes insipides, aux adorateurs du régime et autres employés fédéraux propagandistes. La liberté est le combat d’une vie : il faut croire que, comme Québécois, un jour nous vaincrons, nous arriverons à bout des arrivistes déloyaux qui paralysent le combat pour l’indépendance.

Pour le dire dans des mots que vous devriez comprendre : Just watch me, criss!

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Ma vieille amie, la dépression saisonnière https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/ma-vieille-amie-la-depression-saisonniere/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:50 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56866 Doit-on réellement craindre les mois hivernaux?

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La dépression saisonnière, ce mal insidieux qui s’immisce avec les premières bourrasques de novembre, avec le changement d’heure, ne m’est plus étrangère. Pendant des années, j’ai redouté cette période. Je redoutais les journées qui raccourcissent, le froid qui s’épaissit et les nuits qui semblent s’allonger infiniment. Mais cette année, quelque chose a changé. Cette année, j’ai décidé de l’apprivoiser, d’y voir le beau qu’elle a à offrir.

Cette année, je me soumets à la dépression saisonnière, je choisis d’y trouver du réconfort. Je sors de la bibliothèque et il fait un noir dense. Il me neige gentiment dans les yeux. Je marche vers le métro. Par les années précédentes, la simple pensée du froid montréalais et de la tristesse caractéristique du campus à ce temps-ci de l’année m’aurait donné envie de me mettre en petite boule et d’hiberner jusqu’en mars. Mais cette année, je vois les choses différemment. Cette année, je trouve un charme à la mélancolie hivernale, au froid et à sa solitude.

Cette évolution dans ma perception me surprend et me réjouit à la fois. L’an dernier, à cette même période, j’avais confié au Délit que ma résolution pour l’année 2024 était de « vaincre la dépression saisonnière ». Ironique, me direz-vous, que je choisisse de l’accueillir pleinement cette année. Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti.

Profiter de l’hiver

Il se trouve que dans la dépression saisonnière, cette année tout particulièrement, je trouve un appel à ralentir, à contempler. Les journées qui s’allongent lentement offrent maintenant une promesse presque imperceptible, celle du retour de la lumière. Mais, en attendant, la noirceur m’impose un rythme plus doux, plus intime. Le silence de l’hiver et l’immobilité de la neige encouragent une introspection profonde. Dans l’éloignement et la réflexion, il y a l’occasion de grandir, de regarder en soi, loin de la superficialité souvent associée à l’été. Cette année, je lis plus – pas pour l’école, mais pour mon plaisir personnel. J’écris plus aussi. Je dirais même que je pense plus, plus à moi, plus à ce qui se passe dans ma tête.

En soit, c’est beau de se dire que c’est l’inertie de l’hiver qui me force à me plonger au plus profond de ma tête et à contempler mon esprit. En réalité, il est quelque peu regrettable que je n’en sois pas venue à cette conclusion plus tôt : le calme de l’hiver se doit d’être porteur de changement intérieur, doit me servir à grandir et devenir meilleure.

Pendant l’été, l’insouciance nous porte. Les jours longs et les nuits courtes, les terrasses animées, les amis réunis – tout cela est distrayant et ne permet pas, à mon avis, le même type de réflexion que l’hiver. En hiver, c’est qu’il n’y a nulle part où fuir, nulle part où se cacher. On se retrouve seul avec ses pensées. Et c’est là que réside peut-être la beauté cachée de cette saison : elle nous force à affronter nos démons, à explorer des parties de nous-mêmes que nous n’avions pas osé regarder en face – ou que nous avions ignorées, réprimées, jusque là.

Des résolutions productives

Cette année, je profite de la dépression saisonnière. Je m’alimente mieux, j’ai un horaire stable de sommeil, je prends du temps pour moi. Après des mois de sorties et de sommeil chaotique, cela fait du bien de se concentrer sur soi. Ce sont des gestes simples, mais qui font toute la différence. Peut-être que cette possibilité de me détacher de l’anxiété hivernale provient d’une forme de privilège, un privilège me permettant de ne pas réellement craindre la noirceur de l’hiver. Après tout, j’ai un toit, de quoi manger, et des gens qui m’aiment. Mais je crois aussi qu’il y a quelque chose d’universel dans cette capacité à rééquilibrer ses attentes face à l’hiver québécois. Il y a aussi peut-être une forme de responsabilité qui réside en chacun de nous de s’assurer qu’on ne se laisse pas engloutir par le noir de l’hiver. Alors, plutôt que d’espérer vivre dans les mêmes conditions que l’été, pourquoi ne pas se réjouir de ce que l’hiver a à nous offrir? Pourquoi ne pas tenter de maximiser son potentiel trop souvent sous-estimé, en prenant le temps de se recentrer sur ce qui est important?

L’hiver impose une lenteur qui peut paraître oppressante, mais qui peut aussi être libératrice. On apprend à apprécier les petits plaisirs : mon café matinal, les rayons du soleil qui réchauffent le fond de mon cuir chevelu, les flocons qui se posent sur mes cils. L’an dernier, je vous aurais dit que comme je ne suis pas particulièrement adepte des sports d’hiver, cette saison n’avait rien de bien à m’offrir. Malgré tout, cette année, ce sont ces moments, si insignifiants soient-ils, qui prennent une ampleur nouvelle, puisque j’ai choisi de les remarquer, de les célébrer.

« Mais peut-être est-ce justement cela, l’astuce : ne pas chercher à la combattre, mais à la comprendre, à l’accepter, voire à en tirer parti »

S’adapter à elle

Pour moi, le secret réside dans l’adaptation. Il ne s’agit pas de nier la rudesse de l’hiver ou de prétendre qu’il est facile d’y survivre. Mais on peut – et on devrait – apprendre à danser avec cette réalité, à régler son mode de vie sur le tempo imposé par cette saison. Cela passe par des ajustements concrets : des sorties planifiées pour contrer l’isolement, des activités qui nourrissent l’esprit, et un soin particulier accordé à sa santé mentale et physique. Avec toutes ses stratégies réunies, je crois fermement que l’hiver saura nous révéler toute sa splendeur, et nous permettra de grandir durant ces mois de froid.

Ce processus demande de l’humilité. Accepter que l’hiver ne soit pas parfait, qu’il soit dur, et que la mélancolie qu’il apporte ne puisse être entièrement évitée. Mais dans cette acceptation réside une forme de paix. L’hiver, avec sa solitude, son froid et sa lenteur, devient alors une période de gestation, une pause nécessaire avant le renouveau du printemps. C’est pourquoi cette année, je choisis de ne pas lutter. Je choisis de me laisser porter par la saison, de trouver la beauté dans ses ombres et la chaleur dans ses silences. Et qui sait, peut-être que cette dépression saisonnière, loin d’être une ennemie, pourrait devenir une guide, une muse, une opportunité de grandir, et ma plus grande alliée en cet hiver.

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