Gwenn Duval, Sophie Chauvet - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/sophiechauvet/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Sat, 19 Sep 2015 21:29:03 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Quantum & Nimbes: La physique du rêve https://www.delitfrancais.com/2014/07/10/quantum-nimbes-la-physique-du-reve/ Thu, 10 Jul 2014 08:39:42 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=20924 Une installation numérique de la satosphère.

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«Sur cette volonté de regarder à l’intérieur des choses, de regarder ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne doit pas voir, se forment d’étranges rêveries tendues, des rêveries qui plissent l’intersourcilier»

(Bachelard, La Terre et les rêveries du repos)

Quantum and Nimbes, l’installation immersive présentée à la satosphère au mois de juin, semble incarner la réponse artistique à ces propos. La première partie, intitulée Quantum par François Wunschel et Fernando Favier, s’inspire de l’entre-choc de quark-pixels tels qu’imaginé par les théories de la physique. Nimbes, créé par Joanie Lemercier et James Ginzburg, présente un univers effrayant où les ténèbres et la lumière s’affrontent. Profitant de l’effervescence du festival EM15, la satosphère a invité les spectateurs à se détourner de la lumière estivale pour venir embrasser la part d’ombre de ses lieux. Dans un jeu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, le spectateur est saisi sous les projections démentielles.

 

Les portes se referment, et le public, qui se croyait confortablement installé sur de longs canapés, se voit happé dans les rouages d’une boule infernale. Dans un traveling inversé, celle-ci le mène à sa guise à travers les dédales d’un agencement de prismes qui constitue l’intérieur de la sphère 3D. Entre les écrous de cette métaphore du temps se transmet la sensation d’un vertige artificiel à teneur numérique. Les transitions sont fluides et succèdent aux tensions. L’accompagnement musical sonne, ça et là, le glas d’un chaos en crescendo; pendant ce temps le martèlement des aiguilles soutient l’inexorable oxydation de la matière, sur laquelle ruisselle un magma lumineux. Alors que le spectateur pense toucher le fond, un nouvel appel d’air le propulse à l’intérieur d’une géode cristallisée. Ses facettes reflètent les éclats de lumières, et dansent au rythme d’une litanie qui paraît émaner des profondeurs de la Terre.

 

Avant d’en venir aux Nimbes, le noir s’installe dans un quasi-soupir de soulagement.

L’interlude est brève, et l’on atterrit dans un forêt désenchantée. Le paysage est lugubre et les troncs désarticulés. Un souffle haletant empêche de délimiter les contours de ce mauvais rêve, et peu à peu un portail aux allures gothiques apparaît. On ne passera pas outre, il s’agit d’en explorer la teneur, de se fondre dans ses entrailles. Une nébuleuse forme un conduit aux parois concaves et granuleuses, et le spectateur continue à voyager malgré lui dans cette perspective atomique des choses.

 

Cette interprétation visuelle et sonore d’un flash onirique épouse parfaitement les contours du dôme de la satosphère. Dans ce lieu unique, la possibilité de tendre vers une traduction littérale d’une inspiration abstraite et multi-dimensionnelle, commune aux arts numériques, devient presque tangible. De Quantum & Nimbes se dessine une sensation d’infini qui nous ramène, lutteurs implacables, à notre intérieur extraverti dont les excroissances évoquent une sinistre toute puissance. On se heurte aux contours de l’œuvre artistique avec une force violente mais créatrice, et l’on comprend que l’exploration totale est vouée à l’éternel retour.

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Délires ‑Sophie Chauvet https://www.delitfrancais.com/2014/04/01/delires-sophie-chauvet/ Tue, 01 Apr 2014 21:50:12 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=20839 Cahier Création 2014

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Délires

I.

Quotidien, comme ton goût est fade aux heures de l’insomnie. Lorsque le gras de ta paresse aura fondu, peut-être laisseras-tu entrevoir un halo. Il s’agira, alors, de se tendre un miroir, le plus obliqué possible, pour y refléter les facettes de l’âme. Gare aux allures de démiurge, le miroir est déformant. Prêterais-je serment à mon propre monde de contemplations, clos, isolé, fantasmé? Passons au travers de la glace, le délire m’a pris par la main. Comme le poète sculpte ses précieux cristaux d’intensité. Comme le chirurgien charcute ses chimères. Comme le savant manipule les fioles protégeant l’essence de sa mort, mobilisée pour l’honneur de l’alchimie créative. Il faut se perdre, pour la création. Dangereux désirs, on vous bâtirait une tour de Babel, ne serait-ce que pour provoquer votre sublime courroux, calamités divines. Des cathédrales, aussi, dont les vitraux ornés se fissureraient en mille écailles sous la pression d’une illumination. Un masque aux infinis reflets ne cesse d’envahir mon champ de vision. Il parvient à  perforer les digues de ma raison. Quel autre prix à ma liberté que de me laisser dompter, que de me rendre maître masochiste de cette sauvage folie?

III. 

Les chrysanthèmes ont repris leurs droits sur la terre désertée des morts. Au milieu des câbles béants s’emmêle un amas de gris. On distinguerait presque au loin les remparts figés d’une forteresse de rêves, sur lesquels un lierre cendré s’échine éternellement. Un clapotis discret s’élève des douves vidées des sanglots de naguère. C’était le temps où la seule chaleur gisait dans les yeux humides et gonflés d’une veuve. Ici-bas, les nuages sont lourds des âmes n’ayant pu trouver de refuge dans la sérénité. Comme les ailes noires bruissent en dévoilant les spectres d’amours passées, comme les reflets ondoyants des prairies scandent tout doucement leur liturgie de l’absence.

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La promesse d’un voyage intersidéral https://www.delitfrancais.com/2014/01/28/la-promesse-dun-voyage-intersideral/ Tue, 28 Jan 2014 05:33:17 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19670 La nouvelle installation numérique du duo Maotik & Fraction à la SAT.

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Qui n’est jamais allé s’égarer dans la «satosphère» passe à coté d’un autre univers, d’une autre dimension. Au 1201 Saint-Laurent, des marches illuminées conduisent à ce dôme de 18 mètres de diamètre, qui forme un écran de projections sphériques. Les spectateurs sont invités à s’allonger sur des coussins, et on plonge dans une expérience multisensorielle.

C’est dans cet espace que le duo Maotik & Fraction frappe à nouveau avec ObE, fort de son succès au très respectable festival Mutek. On peut qualifier cette création d’installation audiovisuelle interactive. Au centre de l’espace, un demi-diamant incrusté dans le sol clignote déjà. Tout autour se trouvent des chevalets d’acier, que les spectateurs sont invités à manipuler pendant les trente-cinq minutes de la représentation. Les portes se ferment, le voyage peut commencer. Les graphismes 3D déboulent dans tout le champ de vision et évoluent au rythme de sons industriels. Le ballet des lignes parallèles aux couleurs froides mime un mouvement d’ascension, direction la stratosphère. Mais pas question de nuages, ici on s’engouffre dans la matière. Les figures fractales au comportement erratique dessinent pourtant les traits d’une entité. On baigne dans une vision organique du processus artistique. Des atomes s’entrechoquent pour faire et défaire cette créature. Des code-barres aux accents cosmiques monopolisent l’espace. Ils semblent répondre aux pulsations du son, et participent à l’hypnotisation du spectateur.

Soudain, les lasers semblent se calmer. On peut alors accoster les chevalets aux allures futuristes. Dotés de capteurs infra-rouges, ils réagissent à l’approche de la main et coordonnent des notes industrielles à des apparitions sur la sphère. Le spectateur est rendu démiurge pour l’occasion. Un simple mouvement et des figures 3D d’influence glacière surgissent de tous les côtés. Les palettes s’illuminent et chacune produit un son différent. Des ampoules au sol viennent compléter cette réinterprétation de la matrice. Morpheus, sort de ce corps.

Les fractales reprennent ensuite leur danse effrénée et englobent l’audience, médusée.

On pourrait penser à une métaphore, mais ce n’est plus de mots dont il s’agit. À ce stade de la métaphysique, le spectateur en est remis à ses sensations, et peut interagir avec un concept abstrait. Les couleurs chantent en canon avec les tons syncopés, on sent l’adrénaline monter.

On se laisse forcément porter par cette pause vis-à-vis du monde extérieur. La projection se termine, et on s’éveille doucement de ce rêve. Quelques instants se passent avant que le public ne se décide d’applaudir de façon parsemée. Le temps de ne pas comprendre ce qui vient de se passer. Par un séduisant minimalisme, Maotik & Fraction auront convaincu tout le monde. Respectivement artiste multimédia et plasticien sonore, le duo Maotik & Fraction réussit avec ObE le pari d’une expérience unique. Déconseillé aux épileptiques.

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L’éternel conflit? https://www.delitfrancais.com/2014/01/14/leternel-conflit/ Tue, 14 Jan 2014 06:24:26 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19453 Kaddisch pour un ami: rencontre entre un retraité juif et un adolescent palestinien.

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Présenté par le Goethe-Institut, le film Kaddisch pour ami inaugure la série Achtung Film! (un film allemand tous les premiers jeudis du mois au cinéma Excentris).

«Qui sauve un homme sauve l’humanité entière». Tels sont les mots d’un octogénaire juif russe à Ali, réfugié palestinien. Ali, 14 ans, vit depuis peu à Berlin. Sa famille et lui tentent de s’intégrer dans le quartier multiculturel de Kreuzberg, après avoir fui un camp de réfugiés au Liban. Quelle n’est pas leur surprise de découvrir que leur voisin du dessus n’est autre qu’un vétéran juif, Alexander, qui est, lui aussi, un immigré, venu de Russie. Si on se laisse convaincre par les bons sentiments de ce film, c’est grâce à la capacité du réalisateur Leo Khasin à jouer talentueusement avec les clichés pour les retrouver là où ne les attend pas. Brillamment interprété par Ryszard Ronczewski, Alexander est un homme seul, vaquant à ses activités de retraité, et luttant pour ne pas se faire envoyer en maison de retraite. Le jeune Ali, pour qui les hostilités d’une guerre fratricide résonnent encore dans la tête, se laisse influencer par une bande de voyous de la cité, et participe au saccage de l’appartement d’Alexander. Malheureusement pour lui, Alexander ne reconnaît qu’Ali et porte plainte. Le sort de sa famille est alors en jeu, puisqu’ils risquent d’être renvoyés au Proche-Orient. L’adolescent n’a alors d’autre choix que de surmonter la haine inculquée par ses origines, et doit donc refaire tout l’appartement à neuf. De là naît une amitié surprenante, faisant fi des barrières de la religion, de l’âge, et de la nationalité.

Le spectateur est alors tenu en haleine malgré un dénouement prévisible, mené par des rebondissements toujours plausibles. Avec un ton juste, Leo Khasin parvient à livrer une belle réponse à la difficile question des inimitiés Israélo-Palestiniennes, mais pas seulement. Cette amitié singulière entre Ali et Alexander dévoile aussi les dimensions des relations père-fils, de la position de la femme, de la communauté juive et des barrières culturelles dans cette tour de Babel 2.0 qu’est l’Allemagne contemporaine, nouvelle terre d’immigration. Les personnages déjouent la fatalité avec humour et offrent un bel exemple de tolérance, sans jamais tomber dans le piège d’une morale universaliste aux accents trop mièvres. Alors que les protagonistes proviennent d’horizons on ne peut plus conflictuels, ils doivent affronter les mêmes difficultés de la vie. Tous deux font face aux services sociaux qui mènent la vie dure à leur désir d’intégration, à leur entourage dont les idées sont bien arrêtées, et à tous ces gens qui pensent savoir mieux qu’eux comment se comporter devant le fait accompli. Pourtant ceux-là ne réfléchissent que par leurs habitudes à prendre un parti et à remuer les plaies du passé. Mais l’amitié et le présent sont ici plus forts que l’Histoire pour Alexander et Ali. Comme la lumière détruit à un moment la pellicule qu’Alexander conservait comme une relique, les clichés du passé sont oblitérés par la fraîcheur humaine née de leur rencontre.

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