Alizée Doucet - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/alizeedoucet/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 31 Oct 2023 23:44:53 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 Rassemblement pro-Palestine à McGill https://www.delitfrancais.com/2023/11/01/activisme-palestine/ Wed, 01 Nov 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=53147 Manifestation et réaction de la communauté mcgilloise.

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Le mercredi 25 octobre dernier, les étudiants de McGill se sont rassemblés pour exprimer leur solidarité envers la cause palestinienne et demander à l’administration « d’écouter les avis des étudiants et d’agir en conséquence (tdlr) ». Le groupe de Solidarité pour les Droits Humains Palestiniens (SPHR) a organisé ce rassemblement sur le campus de McGill pour dénoncer les bombardements israéliens, qui ont causé plus de 8 000 morts palestiniennes. Le siège total imposé par Israël a jusqu’à présent forcé 1,4 million de Gazaouis à se déplacer au sein même de la bande de Gaza.

McGill et le gouvernement canadien sous pression

Ce mercredi, vers 14 heures, devant le bâtiment des arts McCall MacBain de McGill, des centaines de personnes ont répondu à l’appel de la SPHR en se réunissant pour montrer leur soutien à la Palestine. Le groupe a appelé au « désinvestissement immédiat de l’Université vers les fabricants d’armes qui soutiennent le génocide israélien à Gaza » et demande que McGill se positionne en faveur de l’arrêt du siège de Gaza, et l’arrêt du soutien financier canadien et américain pour Israël. Enfin la SPHR appelle à « cesser les programmes d’échanges avec les institutions israéliennes et couper les liens avec les donateurs sionistes ».

Du début à la fin de la marche, des membres de la SPHR ont déclaré dans un microphone « Libérez, Libérez », laissant place à la réponse « Palestine », de la foule. Plusieurs personnes – y compris des étudiants, d’anciens élèves de plusieurs associations et des professeurs – ont pris parole afin de questionner ce qui peut être fait pour réellement s’éduquer et participer activement à la justice sociale. Parmi les orateurs, Lucas*, un membre de La Riposte Socialiste, a pris le micro pour dénoncer ce qu’il considère comme une deuxième Nakba – en référence à l’exil de 700 000 Palestiniens en 1948. Lucas a appelé les étudiants qui souhaitent soutenir la lutte palestinienne à se joindre à des groupes syndicalistes, et a souligné le fait qu’un cessez-le-feu ne suffit pas. Il a affirmé : « Je ne veux pas revenir au statu quo du 6 octobre. Ce n’était pas la paix, c’était la guerre sous un autre nom. » Il pointe du doigt le gouvernement canadien ainsi que le Conseil d’administration de McGill. Lucas considère que ces derniers « profitent de l’assujettissement, de l’oppression et du meurtre continus des Palestiniens ». L’un des orateurs a fait référence à d’autres combats, comme celui contre la colonisation des continents de l’Amérique et de l’Afrique. « Notre mémoire collective est terriblement courte et nous oublions souvent les atrocités commises au nom de la conquête de territoires. » Entre ces discours, des chants et des slogans tels que « McGill, McGill, prends position, ne soutiens pas les terres volées » et « Solidarité avec la Palestine » ont résonné sur le campus.

Un peu plus tard dans l’après-midi, les manifestants se sont dirigés vers le bâtiment des Arts pour de nouveaux discours. Des participants considèrent qu’il y avait environ 700 personnes présentes à ce moment-là. Au même moment, les Mères Mohawk, un collectif de mères autochtones présentement en procès contre McGill, sont intervenues pour afficher leur solidarité avec la Palestine. Kwetiio, l’une des Mères Mohawk, sortait d’une conférence d’information à McGill, et a rejoint le rassemblement palestinien. Invitée aux côtés des orateurs, elle a fait un lien entre la cause menée par les populations autochtones – y compris les Mères Mohawk – et celle des Palestiniens face à Israël. « Nos terres sont violées et c’est inacceptable. C’est pour cela que nous sommes là, pour nos terres. » Leur combat a été grandement honoré par des orateurs du rassemblement pro-palestinien, qui leur ont dit : « Vous nous apprenez le sens de la résilience. Nous avons de l’admiration pour vous. » Ensuite, les manifestants ont marché et se sont rassemblés devant l’entrée du bureau de l’administration James, où ils ont continué les discours et ont entrepris un sit-in pour confronter l’administration. Une dizaine d’étudiants – pour la plupart masquant leur visage pour cacher leur identité – se sont assis devant les portes du bâtiment pour empêcher l’administration de sortir. Un manifestant a grimpé sur les échafaudages du bâtiment pour y accrocher un drapeau palestinien. La professeure d’histoire islamique, Rula Abisaab, a exprimé une grande fierté de la jeunesse présente, « qui lève la voix et dit “non” au génocide, “non” à l’injustice raciale, “non” au colonialisme et “non” à l’apartheid ». Le professeur en sciences politiques et philosophie, William Clare Roberts, a également effectué un discours condamnant le manque de réactivité de nos gouvernements : « Nous devons nous adresser aux humains et non aux États qui ne réagissent pas. Nous devons les réveiller. Nous devons obliger notre gouvernement à arrêter la guerre ». L’Association étudiante des études du monde islamiques et du Moyen-Orient (WIMESSA) s’est exprimée lors d’un discours pour dénoncer l’administration de McGill, qui a appelé à « faire preuve de compassion en ces temps de grands tumulte » mais qui, selon WIMESSA, n’a pas, une seule fois condamné explicitement le génocide commis par l’État d’Israël. L’association a rappelé le rôle majeur des associations étudiantes et de l’activisme étudiant dans l’histoire de McGill. Dans une entrevue avec Ruby, nouvelle membre la SPHR, elle a affirmé avoir assisté à la manifestation, car « il est nécessaire que McGill comprenne que nous ne resterons pas les bras croisés pendant que notre Université soutient un génocide ».

« Notre mémoire collective est terriblement courte et nous oublions souvent les atrocités commises au nom de la conquête de territoires »

Des réactions variées à McGill

Cette manifestation n’a toutefois pas fait l’unanimité au sein de la communauté étudiante de McGill. La communauté juive pro-israélienne de McGill a démontré sa solidarité avec Israël, à la suite des 1 400 morts, victimes des attaques du Hamas. À côté du rassemblement, des étudiants présents sur le campus ont débattu avec des petits groupes de manifestants sur la notion de génocide et sur la convenance de certains messages inscrits sur des pancartes. Un des étudiants n’était pas d’accord avec la pancarte inscrivant « Israël est un État d’apartheid », et a ainsi déclaré que « nous existons [la communauté juive, ndlr] depuis 3 000 ans, et nous avons été expulsés d’Israël ». Quelques heures plus tard, Le Délit s’est entretenu avec Julia*, une étudiante juive prenant régulièrement part aux événements de Chabad – une organisation qui offre des dîners de Shabbat, met en place des événements pour les fêtes juives et d’autres activités sociales pour les étudiants juifs de McGill et de Concordia.

Julia nous a fait part de ses inquiétudes quant à la croissance de l’antisémitisme sur le campus et à Montréal depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas. Interrogée sur son sentiment de sécurité sur le campus, Julia a d’abord mentionné : « J’ai récemment commencé à m’habiller plus visiblement comme une femme juive et je porte fièrement mon collier en forme d’étoile de David. Je ne vois aucune raison de cacher mon appartenance à la communauté juive. » Puis, elle nous a fait part d’un événement qui a eu lieu la semaine dernière sur le campus : « Alors que je participais à une table d’information avec Chabad la semaine dernière, la plupart des passants étaient respectueux, mis à part un incident qui m’a choquée ; plusieurs étudiantes portant des keffiehs (foulards traditionels arabes, dont la déclinaison en noir et blanc est utilisée comme symbole national palestinen) se sont subtilement rassemblées autour du stand et ont commencé à prendre des vidéos de nous. Quinze minutes plus tard, un étudiant est passé devant la table et a crié “les Juifs sont dégoûtants, Israël devrait mourir en arabe, puis a commencé à cracher sur nous.»

Selon Julia, l’administration et la sécurité du campus ont ouvert une enquête.

Margaux Thomas | Le Délit

La SPHR condamnée par McGill

Dans un courriel adressé à toute la communauté mcgilloise par le vice-principal exécutif, Christopher Manfredi, le 10 octobre dernier, McGill a annoncé s’être dissociée de la SPRH. L’administration de McGill a condamné des publications faites par la SPHR, considérant que celles-ci célébraient des actions de terreur et de violence, et a révoqué le droit de la SPHR d’utiliser le nom de l’Université. Les participants de la manifestation ont exprimé que cette décision met en évidence la position pro-israélienne de l’Université. SPHR a souligné l’importance
de la liberté d’expression dans le milieu académique, et aussi dans des lieux publics, au sein et hors du campus. Ruby estime qu’« en affirmant que la SPHR soutient le terrorisme, McGill ignore le contexte de violence historique exercée sur les Palestiniens par l’occupation israélienne depuis 75 ans ». Interrogée sur sa réaction face à la réponse de l’Université, Julia a observé que « la déclaration du vice-principal Manfredi était justifiée, et je suis heureuse qu’il ait reconnu qu’elle était nécessaire. Je pense que l’administration doit faire davantage pour responsabiliser les étudiants qui tiennent des propos haineux. »

Contactée par Le Délit pour réagir sur les accusations portées lors de la manifestation, l’Université nous a répondu qu’à l’heure actuelle, « notre priorité porte sur le maintien d’un discours respectueux et sur la préservation du bien-être de notre communauté universitaire ».

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L’insécurité alimentaire à McGill https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/linsecurite-alimentaire-a-mcgill/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52957 Quelles sont les solutions durables? Une discussion avec des experts.

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Remédier à l’insécurité alimentaire au sein du campus est devenu un enjeu majeur pour la communauté étudiante mcgilloise. Récemment, les coûts exorbitants des repas fournis par les établissements réfectoires de l’Université ont suscité des critiques. Payer 18 dollars pour une salade dans une cafétéria de bibliothèque, ou débourser plus de cinq mille dollars pour un plan de repas en résidence sont des prix immoraux pour Nilly, membre du Groupe de recherche d’intérêt public de McGill (QPIRG). Dans une entrevue avec Le Délit, elle a exprimé que l’administration de McGill privilégie le profit au détriment du bien-être de leurs étudiants. Nilly souligne que les repas proposés sur le campus de McGill étaient autrefois gérés par des coalitions étudiantes, qui ont depuis été remplacées par des grandes entreprises indépendantes comme le café Redpath.

Pour répondre à ces problèmes, des organisations dirigées par des étudiants ont été mises en place au sein de l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM), avec pour objectif principal de remédier à l’insécurité alimentaire vécue au sein de McGill. En mars dernier, l’organisation étudiante Let’s Eat McGill a réuni plus de 200 étudiants dans le but de sensibiliser sur les différentes initiatives alimentaires afin de réduire le coût et d’augmenter la qualité des repas sur le campus. L’Association étudiante de nutrition et d’accessibilité (SNAC) (tdlr) de McGill a participé à l’assemblée et continue à apporter des solutions durables et accessibles à la communauté étudiante. Lors d’une entrevue avec Alexa, étudiante en économie et sciences cognitives à McGill et co-présidente de SNAC, elle a souligné les avancées significatives, telles que Good Food Box, réalisées depuis leurs premières rencontres. Cependant, elle a également relevé que cela ne constitue qu’un point de départ, et que SNAC doit aujourd’hui faire face à de nombreux défis, notamment en termes de logistique et de priorisation des personnes les plus vulnérables.

« La solution se trouve dans l’expansion de fermes urbaines dans le centre-ville de Montréal et sur les campus universitaires »


La discussion du Panel


Lundi dernier, le QPIRG a accueilli trois panélistes pour animer une discussion portant sur l’insécurité alimentaire, explorant ses causes, ses conséquences et les solutions possibles. Ayub Alleyne est le directeur des affaires à la Fondation Soeur Sabria, une organisation non gouvernementale montréalaise qui apporte un soutien aux membres les plus vulnérables de la communauté en matière de nourriture et d’hébergement, en particulier auprès des femmes et des enfants, et au sein de la communauté musulmane. Sona Sadio est co-coordinatrice du collectif Sankofa qui vise à aborder l’insécurité alimentaire, touchant selon eux de manière disproportionnée la communauté noire et autochtone. Enfin, le professeur Erik Chevrier de l’Université Concordia est un activiste impliqué dans de nombreux groupes travaillant à construire des modèles économiques favorisant la durabilité de la biosphère.

Les panélistes ont d’abord discuté des causes historiques et sociales de l’insécurité alimentaire. Le professeur Chevrier a souligné que l’insécurité alimentaire est un problème mondial : aujourd’hui, un huitième de la population de la planète souffre de famine. Il est donc indispensable de réfléchir à des solutions qui nourrissent les personnes en besoin à Montréal, mais qui bénéficient aussi à la durabilité mondiale. Dans la région de Montréal, près de 900 000 personnes ont eu besoin d’aides alimentaires en 2022. L’impact disproportionné de l’insécurité alimentaire des communautés immigrées, noires et autochtones de Montréal a été souligné par Mme Sadio. Elle a particulièrement souligné la responsabilité du néocolonialisme et de la surconsommation, dans la perte de compétences agricoles traditionnelles respectueuses de l’environnement.

Les panélistes ont ensuite abordé le choc culturel lié à l’alimentation pour les communautés immigrées au Canada. Mme Sadio a partagé que son premier choc culturel en arrivant à Montréal du Tchad n’était pas le froid ou la neige, mais la nourriture. Le manque d’accessibilité à une variété d’ingrédients culturellement diversifiés constitue une barrière culturelle importante pour les immigrants. Ayub a aussi souligné que le problème de l’insécurité alimentaire ne réside pas uniquement dans la distribution de nourriture, mais aussi dans la qualité des aliments proposés. Comment peut-on nourrir les populations les plus vulnérables à un coût responsable en priorisant la nature et la valeur nutritionnelle des aliments? Le professeur Chevrier a donc relevé le paradoxe capitaliste de l’insécurité alimentaire : afin d’aider ceux qui souffrent d’insécurité alimentaire, il est essentiel de réduire le coût de la nourriture. Toutefois, il est tout aussi crucial de garantir des revenus justes pour les agriculteurs, en particulier ceux qui sont noirs ou autochtones. Les panélistes se sont alors interrogés : « Les prix alimentaires bas sont-ils toujours synonymes d’exploitation des agriculteurs? »


Le panel a donc exploré les solutions que les étudiants et l’administration de McGill peuvent mettre en place pour donner accès à une nutrition durable et responsable. En exerçant une pression sur les gouvernements et les grandes institutions, la communauté étudiante peut influencer les politiques et les pratiques agricoles à l’échelle provinciale et nationale. De plus, se familiariser avec le quotidien des fermiers et aussi les longues étapes nécessaires pour cultiver les aliments est essentiel pour mieux saisir la réalité du travail agricole. Le professeur Chevrier estime qu’observer le processus laborieux de la culture d’une pomme de terre pourrait inciter à en éviter le gaspillage à l’avenir. En outre, l’apprentissage sur l’agriculture permettra de développer des compétences pratiques dans ce domaine, préparant ainsi le terrain pour la mise en place de fermes urbaines. Pour le professeur Chevrier, la solution se trouve dans l’expansion de fermes urbaines dans le centre-ville de Montréal et sur les campus universitaires. Il a affirmé qu’en promettant l’instauration de fermes urbaines sur le campus de McGill, l’Université renforcera non seulement la disponibilité d’aliments saisonniers, mais garantira également une qualité optimale grâce à une supervision directe des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. De ce fait, les étudiants et l’administration pourront bénéficier d’un accès facilité à une alimentation saine et locale, tout en contribuant activement à la réduction de l’empreinte écologique de l’institution. Enfin, les panélistes ont rappelé que les solutions doivent être de nature communautaire. Ils ont expliqué que en formant des organisations étudiantes et en créant une coalition avec d’autres universités, en partageant nos connaissances et nos expériences et en élaborant des solutions créatives et durables, nous sommes capables d’apporter un réel changement quant à l’insécurité alimentaire à McGill et à Montréal.

« Afin d’aider ceux qui souffrent d’insécurité alimentaire, il est essentiel de réduire le coût de la nourriture. »

Quelles initiatives ont déjà été mises en place pour soutenir les étudiants?

Alexa a souligné que le travail accompli par les organisations étudiantes a eu un impact important : Midnight Kitchen participe à un système alimentaire alternatif qui privilégie l’entraide, les mouvements populaires, les droits des travailleurs, les soins communautaires et la durabilité. Les services offert incluent des déjeuners gratuits le mercredi et jeudi à 13h dans la Salle de bal de l’AÉUM, des services de traiteur gratuits pour les événements en accord avec leur mandat politique, des jardins sur le campus Macdonald, ou encore des cartes d’épicerie d’urgence (actuellement suspendues). SNAC McGill privilégie la durabilité, la nutrition et l’accessibilité au sein du campus, proposant des ateliers de cuisine et des programmes de distribution alimentaire. D’après Alexa, SNAC a déjà aidé plus de 1 100 étudiants, commandant près de 1 000 dollars d’aliments par semaine. Enfin, l’organisme Partage et Solidarité a comme objectif de récupérer la nourriture non vendue des magasins pour la distribuer gratuitement à la communauté de Montréal, au-delà de celle de McGill. Alexa, Mme Sadio, M. Alleyne et le professeur Chevrier encouragent les étudiants de McGill à se renseigner sur les enjeux liés à l’agriculture durable, à la nutrition et aux ressources qui sont à leur disposition pour combattre l’insécurité alimentaire.

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