Anouchka Debionne - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/a-debionne/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 26 Mar 2024 23:23:43 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Écocide en temps de guerre https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/ecocide-en-temps-de-guerre/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55340 L’environnement, une victime silencieuse et collatérale des guerres.

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Entre 1961 et 1971, pendant la guerre du Vietnam, 80 millions de litres d’un « agent orange », puissant herbicide, sont envoyés depuis les avions militaires américains sur les forêts vietnamiennes pour y décimer les végétaux et les ennemis Vietcong qui s’y dissimulent. Trois générations plus tard, les enfants des régions touchées naissent encore avec de lourds handicaps, et l’ensemble de la chaîne alimentaire de la zone est contaminée. Depuis la prise de conscience des effets extrêmes des crimes écocides dans le temps d’une guerre, l’article 55 de la convention de Genève, traité qui régit le droit international de la guerre, établit que « la guerre sera conduite en veillant à protéger l’environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves ». La Convention entend prévenir, par exemple, la pollution de puits nécessaires à la survie des populations comme stratégie militaire. Ni les États-Unis, ni la Russie n’ont signé cet article. Les guerres menées contre les populations en Ukraine et à Gaza comptent déjà des victimes humaines par dizaines de milliers et des millions de déplacés qui se logent et se nourrissent dans des conditions humanitaires alarmantes. Alors que le risque sanitaire de la pollution du territoire expose la population d’un pays en guerre à d’importants dangers, il est nécessaire de comprendre et prévenir les impacts transgénérationnels des bombardement et des destructions massives infligés pendant une guerre.

Intoxication par la terre et l’eau
Comme les images de la guerre l’illustrent, les dommages sur l’environnement sont multiples. Les émissions militaires, dont les émissions de gaz à effet de serre de leurs outils (avions, tanks, bombes) et la destruction des sites touchés (puits de pétrole, industries chimiques et infrastructures des eaux usées) formeraient le quatrième plus gros pollueur mondial, derrière les ÉtatsUnis, la Chine et l’Inde – soit près de 5.5% des émissions globales. La pollution aux métaux lourds est particulièrement alarmante, puisqu’ils se dégradent très mal et polluent les nappes phréatiques. Cela met en danger la biodiversité de la région, la santé des populations qui en consomment l’eau, et la contamination des champs qui en sont irrigués.

À Gaza, le territoire est très urbanisé et dépend d’infrastructures souterraines pour son approvisionnement
en eau potable. En voulant stratégiquement démanteler le réseau souterrain du Hamas, Israël a bombardé
toutes les infrastructures de traitement des eaux usées, de l’eau potable et des égouts, touchant près de 55% des infrastructures hydrauliques dans l’enclave palestinienne après un mois de guerre, selon l’ONU. Au moins 100 000 mètres cubes d’eaux usées sont déversés chaque jour sur la terre ferme ou dans la mer Méditerranée à cause des dommages infligés aux infrastructures. Comme les installations qui permettent de traiter les ordures ont elles aussi été endommagées ou détruites, les déchets solides sont déposés un peu partout, ce qui accroît le risque que des substances dangereuses s’infiltrent dans le sol poreux et éventuellement dans l’aquifère. « Même si l’on survit aux bombardements, à la malnutrition, on ne survivra pas à la pollution de l’eau et de la mer », explique Bisan, une journaliste de Gaza.

Gestion des déchets
Il faudra des années pour évacuer les 23 millions de tonnes de débris après la destruction d’immeubles résidentiels et autres propriétés dans la bande de Gaza, a indiqué vendredi l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Les composantes des bâtiments détruits, telles que les peintures au plomb et l’amiante qui vont se dégager des débris auront des répercussions sur le long terme, notamment la pollution des nappes phréatiques et de la mer.

Les bilans de l’Ukraine
Plusieurs chercheurs se sont penchés sur les conséquences des offensives russes en Ukraine, et ont estimé des chiffres alarmants : 20% des aires naturelles sont détruites ou impactées par la guerre, et plus de 600 espèces animales sont mises en danger. La plus grande centrale hydroélectrique du pays à Zaporijia a été touchée par les bombes russes dans la nuit du 20 au 21 mars 2024. La catastrophe environnementale de la destruction du barrage de Cacova le 6 juin 2023 peut valoir à Moscou une plainte pour écocide devant les juridictions ukrainiennes et internationales. Bien que ces tribunaux n’aient pas d’impact sur les décisions politiques et judiciaires russes, le terme écocide aura peut-être pour conséquence de condamner plus justement un pays pour les destructions et abus de temps de guerre.

Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité à Montréal
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) tente de contrôler l’impact des écocides en temps de guerre. Depuis l’Accord de Paris, elle n’oblige pas, mais recommande fortement aux pays de déclarer leurs émissions dûes à leurs activités militaires. Seulement une poignée de pays publient le strict minimum requis par les directives de l’ONU en matière de rapport. De nombreux pays avec de grandes armées ne publient rien du tout. L’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ouvrira un Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité à Montréal, qui réunira des acteurs militaires et civils pour « mettre en place les capacités requises et les pratiques exemplaires et contribuer à l’objectif de l’OTAN de réduire l’incidence de nos activités militaires sur le climat ». L’OTAN entend sensibiliser ses États membres, s’adapter aux changements climatiques et en limiter les effets. Étant donné le manque de transparence militaire des États-Unis, plus gros acteur de l’OTAN, l’écocide ne semble pas encore être pris en considération à la juste valeur de ses conséquences désastreuses

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Scènes de cinéma… au théâtre https://www.delitfrancais.com/2023/10/25/scenes-de-cinema-au-theatre/ Wed, 25 Oct 2023 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=52991 Courville, ou l’enchaînement de décors grandeur nature.

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Pour aller voir Courville, présentée du 12 septembre au 15 octobre au Théâtre du Nouveau Monde, il faut laisser derrière soi ses attentes d’un théâtre classique de Molière. On plonge plutôt dans un univers grandeur nature, avec des marionnettes géantes, des jeux de lumière et un enchaînement audacieux de décors dignes du grand écran!

Courville se démarque par ses personnages principaux qui ne sont pas des comédiens, mais des marionnettes à taille humaine. Leurs voix sont portées par le talent d’un seul interprète, Olivier Normand, tandis que trois marionnettistes habillés
de noir manient habilement les personnages. La cohésion entre les mouvements et les répliques permet de comprendre facilement les conversations entre les personnages : l’acteur offre des tons de voix et des accents propres à chacun, correspondant au langage corporel des pantins. La finesse du jeu des accents québécois et anglophone reflète d’ailleurs pertinemment notre société bilingue.

La pièce dresse le portrait de Simon, un garçon en proie à la phase sombre de l’adolescence, dans la petite ville de Courville. La sexualité, la cohabitation avec sa mère et son oncle qu’il déteste et les traumatismes de l’enfance sont les pistes d’exploration du spectacle. Ce n’est pas tant l’originalité de l’histoire que l’ingéniosité des décors qui rend la pièce mémorable. Le metteur en scène, Robert Lepage, et le directeur de création, Steve Blanchet, ont réussi un coup de maître : proposer une dizaine de tableaux différents, en utilisant la structure d’une maison à deux étages. Le plafond du sous-sol se « baissait » pour devenir le sol d’un nouveau décor. L’ambiance est construite pour recréer des situations au plus proche de leur réalité, avec les contraintes du théâtre. Par exemple, la piscine est représentée par une projection mouvementée d’eau, avec des effets de vaguelettes et un nageur qui fait ses longueurs.

Courville offre beaucoup de talents combinés sur un seul projet, et il aurait été bon de susciter plus d’empathie pour le personnage de Simon. Il semble que ces thèmes de l’adolescence ont déjà été explorés à de nombreuses reprises, et qu’ils ne sont pas assez approfondis pour justifier les trois heures d’attention demandées au spectateur. L’audace de la mise en scène de la pièce est toutefois à saluer.

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« Le silence, c’est la violence » https://www.delitfrancais.com/2022/11/09/le-silence-cest-la-violence/ Wed, 09 Nov 2022 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=49764 Les manifestations en soutien aux femmes iraniennes continuent.

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Le samedi 29 octobre dernier avait lieu à Montréal une nouvelle manifestation en soutien aux femmes iraniennes, qui continuent leur lutte contre le régime théocratique autoritaire en Iran. Depuis le décès de la jeune Iranienne Mahsa Amini, survenu le 16 septembre dernier à Téhéran, les Iranien·ne·s ont pris la rue pour demander la fin de ce régime, et leurs manifestations ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre. La lutte des femmes iraniennes a trouvé un fort écho à l’international. Au Canada, des manifestations de soutien ont lieu depuis plusieurs semaines. La semaine dernière, l’une d’entre elles a même été rejointe par le premier ministre du Canada Justin Trudeau. La manifestation montréalaise de samedi dernier, qui comptait près de 500 personnes, avait lieu devant l’Université McGill et s’étendait le long de la rue Sherbrooke. Le Délit s’est rendu sur place.

Anouchka Debionne | Le Délit

Des manifestant·e·s sont vêtu·e·s de toges blanches tachées de rouge, symbolisant les victimes de violences du gouvernement iranien. Il·elle·s portent au centre la photo de Mahsa Amini et lèvent leurs mains en signe de protestation et de soutien.

Anouchka Debionne | Le Délit

Les manifestant·e·s brandissent une affiche portant le slogan «Femme, vie, liberté (Women, Life, Freedom)». Un peu plus loin, sur le long de la clôture qui ceinture l’enceinte du campus de l’Université McGill, les manifestant·e·s tiennent une longue affiche sur laquelle on peut lire «Non à la République islamique (No to the Islamic Republic)».

Anouchka Debionne | Le Délit

Le slogan des manifestations «Femme, Vie, Liberté» en Iran faisait écho ici à Montréal. L’organisation était remarquable: les manifestant·e·s laissaient la place aux piéton·ne·s sur le trottoir pour les interpeller avec leurs panneaux, sur lesquels on pouvait lire «Il·elle·s tuent des enfants (They kill children)», «Le silence, c’est la violence (Silence is violence)» et «Cessez de serrer leurs mains ensanglantées (Stop shaking their bloody hands)». Les manifestant·e·s invitaient également les passant·e·s à se renseigner et à signer des pétitions d’Amnistie internationale.

Anouchka Debionne | Le Délit

Une ligne de manifestant·e·s s’était formée le long de la rue Sherbrooke. Chacun·e brandissait un panneau, un drapeau iranien ou une affiche montrant le visage et le témoignage d’individus ayant observé la violence infligée par le gouvernement iranien. La plupart des personnes ainsi représentées étaient des jeunes de 16 à 18 ans, tué·e·s ou emprisonné·e·s pour avoir «manqué de pudeur» selon le gouvernement iranien.

→ Voir aussi: « Femme, vie, liberté ! »

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