Archives des Culture - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/artsculture/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 02 Apr 2025 03:24:35 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Calendrier culturel https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/calendrier-culturel-9/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58100 Avril 2025

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L’art de MC Snow : entre héritage et réappropriation https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/lart-de-mc-snow-entre-heritage-et-reappropriation/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58107 Échanges pour une meilleure reconnaissance des cultures autochtones.

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Depuis le début de l’année 2025, la crise culturelle au Québec est au cœur des discussions. On souligne à quel point les arts – littérature, cinéma, théâtre, musique – manquent cruellement de financement pour se développer et rayonner. On débat la valeur de cette culture, de son potentiel éducatif. Pourtant, un aspect demeure largement ignoré dans ces échanges : l’art autochtone.

La culture autochtone dans son ensemble subit une marginalisation au sein du territoire canadien. En effet, ce n’est que depuis quelques années qu’une démarche de réparation et de rétribution envers les peuples autochtones a véritablement pris forme. Et si le Québec aime se penser avant-gardiste en la matière, il accuse un retard considérable. Certes, le programme d’enseignement québécois a connu des réformes importantes à l’orée des années 2000, mais la province traîne encore de la patte. Certain·e·s aiment se convaincre que le racisme systémique n’est qu’un mythe, une invention.

Ailleurs, pourtant, des initiatives structurantes sont mises en place. En Alberta, les enfants apprennent à compter jusqu’à 10 en langue crie. Ils·elles visitent des tentes de sudation, mémorisent la reconnaissance de territoire et, surtout, en comprennent l’importance. En Colombie-Britannique, dès le primaire, des consultant·e·s autochtones dispensent des formations aux enseignant·e·s, afin qu’ils·elles puissent aborder la culture et le mode de vie des peuples autochtones de manière juste et éclairée, non seulement en histoire, mais aussi à travers l’art. Car dans la culture autochtone, l’art dépasse sa simple dimension esthétique : il porte une vision du monde, une mémoire, un vécu.

« On porte tous·tes notre passé en nous, et on le transforme en langage – en art. En tant qu’artistes et enseignant·e·s, on a la responsabilité de le faire vivre. C’est pour ça que c’est un tel poids à porter : on nous fait culpabiliser si on ne le fait pas »
MC Snow, artiste en résidence

C’est précisément ce que l’artiste en résidence à McGill MC Snow cherche à transmettre à travers ses sculptures et peintures, qui abordent les défis sociaux liés au contexte postcolonial et à la réappropriation culturelle. Son travail s’ancre dans les techniques et arts autochtones traditionnels, mettant en lumière la transmission des savoirs, des croyances et des pratiques. Il privilégie des matériaux et des techniques ancestrales, tout en explorant les contrastes entre l’art précolonial et moderne.

Le jeudi 27 mars, dans le cadre de l’Initiative d’études autochtones et d’engagement communautaire (ISCEI) l’artiste multidisciplinaire kanien’kehá:ka a pris part à un panel aux côtés de la chorégraphe mohawk Barbara Diabo, de Thomasina Phillips, directrice adjointe du Bureau des initiatives autochtones à McGill, et de Kurt Kershl, le coordonnateur de soutien autochtone de la Commission Scolaire de Montréal Ensemble. Ils·elles ont discuté de l’intégration de l’art autochtone dans les écoles et les universités, un enjeu fondamental pour la reconnaissance et la transmission des cultures autochtones.

Au-delà des identités fracturées

« Je n’ai pas grandi avec une grande connaissance de ma culture, et je pense que c’est une histoire qui ressemble à celle de beaucoup d’autres (tdlr) », confie MC Snow. « J’ai passé ma vie à chercher ce “quelque chose” sans vraiment savoir ce que c’était… » Ce vide identitaire, cette quête sans cesse renouvelée d’un héritage partiellement effacé, MC Snow la transforme désormais en outil de transmission et de guérison.

Face aux questions de Barbara Diabo – « Comment continuer à avancer? Comment donner de la force aux autres à travers notre art? » – MC Snow explique qu’il voit dans l’art un pont entre les mondes : « L’art est l’une de ces langues qui transcendent les barrières, qu’elles soient linguistiques ou culturelles. Il touche aux émotions, à l’humanité même. À ce niveau fondamental, on se comprend tous·tes. C’est un moyen d’expression universel, et c’est justement pour ça qu’il est si essentiel. »

« Certaines communautés ont peur de partager ce qu’elles ont, même quand c’est précieux. Parce qu’après tout ce qu’on a vécu, on craint encore de tout perdre »
MC Snow, artiste en résidence

« L’art transforme des vies. J’ai vu les réactions des gens, que ce soit dans les écoles, au théâtre ou ailleurs. L’impact est réel », témoigne Barbara Diabo. Pour la chorégraphe mohawk, la danse s’apparente davantage à un rituel qu’à une simple performance : « On danse pour nos ancêtres. Vraiment. Ce ne sont pas que des mots. On danse aussi pour les générations futures, pour la terre, pour guérir. C’est un moment de partage profond, une médecine précieuse. […] Quand j’ai commencé à apprendre les danses de ma culture, ma vie s’est dotée d’une toute autre richesse, bien au-delà de ce que pouvait m’apporter le ballet, par exemple. »

Le fardeau de la transmission

« Ce n’est pas seulement une question de transmission de l’histoire. L’art parle aussi de nos préoccupations actuelles, de l’avenir », précise MC Snow. « On porte tous·tes notre passé en nous, et on le transforme en langage – en art. En tant qu’artistes et enseignant·e·s, on a la responsabilité de le faire vivre. C’est pour ça que c’est un tel poids à porter : on nous fait culpabiliser si on ne le fait pas. »

Barbara Diabo aborde cette responsabilité sans détour : « Les danseur·se·s sont, de manière générale, un groupe anxieux. Mais en tant que danseur·se·s autochtones, on porte un traumatisme intergénérationnel qui nous touche encore aujourd’hui. Et en plus, on a un devoir envers nos communautés. On ne peut pas juste être dans le “moi, moi, moi”. Ce ne serait pas juste. On doit aussi transmettre, enseigner, redonner. C’est une grande responsabilité. »

Mc Snow ajoute : « Parfois, c’est ce qui nous freine aussi. Certaines communautés ont peur de partager ce qu’elles ont, même quand c’est précieux. Parce qu’après tout ce qu’on a vécu, on craint encore de tout perdre. » Cette crainte légitime façonne la manière dont les artistes autochtones abordent le partage de leur culture. « Quand j’enseigne nos danses à des non-Autochtones, il y a toute une réflexion derrière », explique Barbara Diabo. « Je leur explique toujours : “Je vous l’enseigne parce que je peux et parce que je veux que vous en fassiez l’expérience, que vous ressentiez quelque chose. Mais vous ne pouvez pas simplement prendre cette danse et la mettre en scène de votre côté.” Parce qu’en ce moment, notre peuple est encore en train de reconstruire sa culture. Elle nous a été arrachée pendant des siècles… Nous sommes encore fragiles face à ce partage. »

La renaissance identitaire par l’art

Cette fragilité se manifeste particulièrement chez les jeunes. « Cette crise identitaire, cette hésitation entre vouloir s’intégrer et vouloir revendiquer son identité… Cette peur est encore bien présente », observe Kurt Kershl. « Et pas seulement chez les jeunes Autochtones, mais aussi chez celles et ceux qui ont une identité mixte. »

Pourtant, les signes d’une renaissance culturelle se multiplient. Barbara Diabo en témoigne : « Quand il y a un·e élève autochtone dans une classe, il·elle se redresse soudain, il·elle se sent concerné·e. Quand j’arrive en classe et que je leur fait part de mon amour pour notre culture, il·elle se redresse encore davantage. »

Pour Kurt Kershl, ces moments de reconnexion justifient tous les efforts : « Ce qu’on fait, c’est avant tout du soutien direct aux élèves. Et c’est ce qui est le plus important dans notre travail : les aider à se sentir légitimes, à comprendre qu’ils·elles ont leur place. On fait parfois des erreurs, nos actions peuvent sembler performatives, pas toujours aussi relationnelles qu’on le souhaiterait. Mais si, de temps en temps, un·e élève trouve sa place grâce à ça, alors ça en vaut la peine. »

« Être ici, échanger avec vous, voir tout ce qu’on met en place pour l’avenir… C’est puissant », conclut MC Snow. « On ne fait pas que parler, on agit. Et c’est motivant. J’ai hâte de continuer chaque jour, parce que je ressens vraiment que ce qu’on fait a du sens

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En photos : plonger dans l’univers de la mode mcgilloise https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/en-photos-plonger-dans-lunivers-de-la-mode-mcgilloise/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58110 Le campus fourmille d’influences stylistiques : Unveil SS25 en est la parfaite incarnation.

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McGill n’est pas une école de mode, mais sa culture vestimentaire est un miroir fascinant des influences qui y cohabitent. Que ce soit dans les couloirs du campus, dans une salle de conférence sur la politique internationale, ou dans la queue du café Gerts, un éventail de styles se déploie, parmi lesquels s’entremêlent minimalisme européen, streetwear nord-américain et touches vintage montréalaises soigneusement choisies.

Certaines initiatives sur le campus permettent à cette créativité de s’exprimer pleinement : le vendredi 28 mars dernier, le défilé Unveil SS25 du club mcgillois P[H]ASSION a pris place au Bain Mathieu. Ancienne piscine publique, ce lieu s’est mué en un espace événementiel dans les années 90 grâce à l’initiative de la Société pour Promouvoir les Arts Gigantesques (S.P.A.G.).

Hasard ou symbole, la piscine apparaît ici comme une métaphore parfaite de la mode universitaire : un espace où certains plongent tête première, tandis que d’autres, apprennent doucement à flotter. Sous les néons du Bain Mathieu, les mannequins avancent avec une aisance feinte, dissimulant sous leur posture assurée l’adrénaline d’un instant qui, pour la plupart, frôle l’inédit.

Shayé
Shayé
Shayé
Lia Valente
Lia Valente

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À la recherche d’une mémoire fracturée https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/a-la-recherche-dune-memoire-fracturee/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58071 Une critique de La femme de nulle part.

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B ambino de Dalida résonne dans les quatre murs de la salle. Les écouteurs vissés dans les oreilles, des lunettes de soleil pour se dissimuler au monde, Nora danse. Une danse d’abandon, une danse qui lui permet d’oublier ce gouffre qu’elle ne parvient pas à combler.

La femme de nulle part, mise en scène par Anna Sanchez, explore l’histoire d’une famille oubliée. Nora, personnage principal, découvre une photo de sa grand-mère prise à Oran, en Algérie, mais, faute d’explications de la part de son père, elle décide de partir à la recherche de cette mémoire inachevée.

Une ignorance révolue

Étant Algérienne, cette pièce m’a laissée mitigée, un peu perdue entre ce dont je me sens proche et la perplexité qui m’envahit. Souvent, en tant qu’enfants d’immigrants, notre histoire subit une fracture qui nous écarte dans une ignorance douloureuse. Nous vivons dans une mélancolie, portant le poids d’une histoire que l’on ne connaît pas vraiment. Pour Nora, interprétée par Théa Paradis, cette mystérieuse photo semble être la clé de cette tristesse. Une image prise à Oran, durant l’ère coloniale en Algérie, où sa grand-mère se tient côte à côte avec une jeune femme algérienne, Lina. Après cette découverte, Nora se lance dans une recherche effervescente sur cette époque troublante.

Entre les manifestations dénonçant la mort de Nahel Merzouk au mains d’un policier français en 2023 et les archives de la guerre d’indépendance, Nora se sent déchirée ; coupable et révoltée d’être descendante d’une personne qualifiée de « pieds-noirs », terme désignant les populations d’origine européenne installées en Algérie durant la période coloniale française. La pièce s’efforce de mettre en lumière et, d’une certaine manière, de dénoncer le racisme et le colonialisme français. Je trouve cependant que cette dénonciation demeure limitée par le fait que l’histoire est racontée du point de vue d’une personne issue des pieds-noirs.

Mon attachement personnel à la guerre d’Algérie limite peut-être mon empathie envers cette grand-mère pieds-noirs. Pourtant, contrairement à mes parents, je comprends le sentiment d’arrachement que plusieurs pieds-noirs déplorent. Comme eux, je suis attachée à une Algérie composée de souvenirs évanescents et de personnes disparues. Au-delà de la déchirante séparation entre la grand-mère et son amie Lina, il n’en demeure pas moins que les pieds-noirs ont grandi en Algérie avec une vision trompeuse de la réalité. Cette vie en sol algérien ne leur appartenait pas, ni ses belles maisons, ni la nourriture dans leurs assiettes, et surtout pas ce pays.

Une tristesse inconnue

Cette quête débute par une tristesse que Nora peine à comprendre. Elle ressent un vide, un manque plus profond que celui que laisserait l’absence d’un parent. Cette mélancolie persistante ronge Nora et, après son départ spontané pour Paris, ne fait que croître, alimentée par l’incompréhension et le vide qui l’habitent.

Ce vide, beaucoup le connaissent bien : celui de l’identité, de l’histoire oubliée. Cette quête pour savoir d’où l’on vient, je la comprends également. La douleur de Nora dans sa recherche est incarnée avec une intensité poignante. À travers ses monologues emplis de questionnements et ses gestes souvent déséquilibrés, Nora se blottit dans des tissus qui l’enveloppent, comme une tentative fragile de se protéger du monde extérieur. La pièce transmet ainsi cette tristesse profonde, tout en la soulignant d’un subtil sous-ton d’humour. Ces interludes comiques sont stratégiquement placés, permettant de mettre en lumière l’absurdité de certaines situations, mais surtout l’inexprimable tristesse qui les habite.

Une fin en Istikhbar*

Malgré mes divergences avec le point de vue narratif de cette pièce, la composition musicale, les accessoires simplistes et des dialogues empreints de force parviennent magnifiquement à transmettre cette émotion de mélancolie face à l’inconnu. Un sentiment qui s’ancre profondément dans l’estomac, une sensation à la fois douloureuse et douce. Cette histoire de découverte est belle dans son interprétation, oscillant entre hauts et bas. À la manière du chaâbi, une musique traditionnelle algéroise, la pièce se construit progressivement, accélérant jusqu’à une fin qui marque en réalité un nouveau commencement. Le début d’une Nora un peu moins perdue, une jeune femme qui commence à comprendre d’où elle vient.

*L’introduction musicale d’une chanson chaâbi, qui peut durer de quelques minutes à plusieurs heures.

La pièce La femme de nulle part est présentée jusqu’au 12 avril au Théâtre Denise-Pelletier.

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Ça fait quoi, de mourir? https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/ca-fait-quoi-de-mourir/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58089 Critique de Mickey 17.

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Peu de films arrivent à l’écran en 2025 avec autant d’attentes que Mickey 17. Pour le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho, l’enjeu était de faire suite à l’un des meilleurs films de la décennie, Parasite. Six ans plus tard, le cinéaste est de retour avec Mickey 17 (adapté du livre Mickey7 d’Edward Ashton), un film ambitieux qui dépeint la cruauté de l’humanité dans un univers de science-fiction. Les studios de production étaient au rendez-vous, avec un budget de plus de 100 millions US et, après quelques désaccords, ont concédé au réalisateur une liberté rarissime, notamment lors du montage final.

Le prologue nous met en appétit. On est en l’an 2054 et Mickey (Robert Pattinson) s’engage dans une mission de colonisation sur une planète glacée, baptisée Niflheim, pour se soustraire à une dette accumulée sur Terre. Comme il ne possède aucune compétence particulière et que les places à bord sont limitées, Mickey s’engage en tant que « Remplaçable » (Expendable). Son rôle est simple : servir de cobaye aux scientifiques du vaisseau. Il faut trouver la formule d’un vaccin? Déterminer le taux de microbes néfastes sur une planète inconnue? Fureter en terre périlleuse? Envoyez Mickey! Grâce à une imprimante innovante, Mickey peut esquiver la mort et se réimprimer en Mickey 1, 2, 3… à chaque dérive.

Je tire mon chapeau à Robert Pattinson. Mourir n’est jamais simple, mais il le fait avec justesse tout au long du film. Lorsque ses doubles se rencontrent à l’écran, c’est un régal pour le spectateur. Mignon, mou, enflammé et sinistre, Pattinson passe par toutes les émotions dans le(s) corps de(s) Mickey(s) et confirme ainsi sa polyvalence en tant qu’un des plus grands acteurs de sa génération.

« Le conflit, trop cliché et prévisible, oppose le mal absolu contre les héros humanistes et s’achève par une séquence interminable »

La mission spatiale est dirigée par Kenneth Marshall (Mark Ruffalo), qui semble vouloir faire appel à un amalgame de figures d’actualité avec son maquillage bien orange, son appétit pour les conquêtes spatiales et ses casquettes rouges. Quelques années plus tôt, cette caricature nous aurait bien amusés. Bong a été inspiré par les dirigeants autoritaires les plus notoires, tels que Nicolae Ceaușescu en Roumanie et Ferdinand Marcos aux Philippines. Mais aujourd’hui, ce personnage nous fait plutôt penser à un sketch de Saturday Night Live, décortiquant les maelströms médiatiques de la semaine d’avant.

Bong Joon-ho a ses habitudes. En termes de message politique, le film exprime un anticapitalisme prégnant : Marshall et sa femme Ylfa (Toni Collette) symbolisent la classe sociale des huppés, se nourrissant de steak et de vin, alors que les moins chanceux ingèrent leurs calories en bouillie. Nous remarquons aussi les créatures monstrueuses saturées d’effets spéciaux et très appréciées de Bong, qui rappellent, celle culte, de The Host. Comme toujours, elles viennent semer le désordre parmi les humains, ces derniers n’étant que rarement irréprochables.

Malheureusement, le film sombre dans la grisaille, elle-même engloutissant la planète où résident les personnages. Le conflit, trop cliché et prévisible, oppose le mal absolu contre les héros humanistes et s’achève par une séquence interminable. Par ailleurs, en dehors de Mickey, les rôles ne sont pas très développés et manquent de profondeur. Certains personnages cruciaux de l’intrigue, comme l’amoureuse de Mickey, Nasha (Naomi Ackie), ne laissent guère d’impression durable.

Emporté par le gros budget et les effets spéciaux à revendre, Bong Joon-ho s’est un peu perdu avec Mickey 17. Les innombrables thèmes du film – l’innovation hasardeuse de la technologie, la colonisation, et évidemment la mort – noient le spectateur. Le film reste finalement sans éclat, malgré quelques gags intermittents, et souffre d’une comparaison inévitable avec les chef-d’œuvre précédents du même réalisateur. Une fois ressortis de la salle de cinéma, nous restons sur notre faim.

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Une approche trop tiède pour un sujet brûlant https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/une-approche-trop-tiede-pour-un-sujet-brulant/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57891 Critique de Jouer avec le feu.

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L e dernier film des sœurs Delphine et Muriel Coulin, Jouer avec le feu, s’attaque à un sujet brûlant d’actualité : la radicalisation d’un jeune homme au sein de l’extrême droite. Le long-métrage adopte une approche intimiste en suivant le parcours d’un père veuf incarné par un Vincent Lindon bouleversant, confronté à la dérive de son fils aîné. Mais si l’ambition est louable, l’exécution laisse perplexe.

Un drame familial avant tout

« C’est un film sur l’amour filial plus que sur la menace que représente l’extrême droite, et c’est là que le bât blesse »

Plutôt que de documenter la radicalisation, le film en capte l’écho à travers le prisme familial. Si ce choix permet une plongée sensible dans la sidération et l’incompréhension du père, il frustre néanmoins par son refus d’aller au-delà de la sphère domestique. Tout comme Pierre, on ne peut qu’assembler des bribes, sans jamais être un témoin direct de l’endoctrinement de Fus (Benjamin Voisin). Ce parti pris narratif, bien que défendable, atténue la portée politique du récit : les antifascistes restent hors champ, les victimes de l’idéologie de Fus invisibles, et la violence qu’il perpétue, quasi inexistante à l’écran. C’est un film sur l’amour filial plus que sur la menace que représente l’extrême droite, et c’est là que le bât blesse.

Une radicalisation hors champ

Ce n’est pas par manque d’expertise ou par prudence que les réalisatrices se contentent de suggérer la déchéance du fils aîné : des documentaires sur la résurgence des discours masculinistes et du fascisme, en France ou ailleurs, il y en a d’excellents, comme Generation Hate (2018), qui ne filtrent pas cette réalité à travers le tamis de la fiction. Non, pour les Coulin, il s’agit plutôt d’observer les répercussions au sein de la famille de ce soudain virage à droite. Comment peut-on en arriver là? La réponse n’est jamais énoncée clairement. Pas par pudeur, mais parce qu’il n’y en a pas.

L’aveuglement involontaire du père est d’ailleurs évoqué subtilement à travers plusieurs scènes : lorsqu’il éteint la radio pile au moment où l’on aborde la désillusion politique des jeunes, ou quand il zappe sans un mot le téléjournal dénonçant la résurgence des rassemblements nazis pour se réfugier dans un match de foot. Ce n’est que lorsqu’il est déjà trop tard qu’il commence à s’opposer aux comportements de son fils. Sans condamner Pierre, le film pointe du doigt cet aveuglement, cette complaisance qui laisse le terrain libre aux idéologies toxiques. Et dans un monde où les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces discours, cette mise en garde résonne avec une acuité troublante.

Entre retenue et insuffisance

Malgré le souci catégorique des sœurs Coulin d’éviter le manichéisme, elles proposent pourtant un scénario assez bancal : le fils ainé se révolte, s’embrigade, se radicalise. Quelques moments doucereux en famille. Fus est peut-être fasciste, mais il n’est pas un si mauvais garçon. Oh! Il se fait tabasser par des antifas à un rassemblement nazi. Pauvre lui. Est-ce ce qui le convaincra enfin qu’être nazi, c’est mal? Et non, il se venge en s’en prenant à ses persécuteurs. Il écope d’une sentence de 20 ans en prison. Vincent Lindon est triste. Générique de fin. Conclusion : le nazisme, ça craint. Le meurtre, c’est mal. Je n’avais pas besoin de visionner un film de 120 minutes pour l’apprendre.

Jouer avec le feu laisse une impression d’inabouti. La nuance, revendiquée par les réalisatrices, se transforme parfois en esquive. Certes, on comprend que le but n’était pas d’humaniser Fus, mais de questionner jusqu’où l’amour parental peut survivre à l’horreur. Pourtant, en évacuant toute analyse approfondie de la radicalisation, le film semble contourner son propre sujet. S’intéresser aux relations familiales est une chose, mais quand le contexte implique le fascisme, peut-on vraiment se permettre de rester en surface? À vouloir éviter la démonstration frontale, Jouer avec le feu risque de minimiser l’ampleur du problème qu’il prétend observer.

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Le brutalisme : appréciable ou détestable? https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/le-brutalisme-appreciable-ou-detestable/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57898 Point architecture sur ce style controversé

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HISTORIQUEMENT

Origine post-Seconde Guerre mondiale : regain de popularité du style international (courant qui désire construire des bâtiments en rupture totale avec les traditions du passé) introduit par Le Corbusier. Nécessité de reconstruire rapidement l’Europe dévastée. Besoin urgent de logements à haute densité tels que l’Unité d’habitation du Corbusier à Marseille.

Deuxième phase du modernisme : le style international développé par le CIAM (Congrès international d’architecture moderne) est présenté comme la solution ultime pour reconstruire les villes après la guerre en Europe. Il devient également la nouvelle norme aux États-Unis avec l’apparition de hautes tours aux façades entièrement recouvertes de fenêtres en verre.

Remise en question par le Team 10 : dans les années 50, au Royaume-Uni, un groupe d’architectes dont font partie Alison et Peter Smithson décide de s’écarter des dogmes du CIAM.
→ Ils rejettent l’approche trop rigide et désincarnée du style international.
→ Ils revendiquent une architecture enracinée dans le réel et le quotidien.
→ Les Smithson ont pour volonté de retrouver l’élan créatif du mouvement moderniste des années 1920, perdu après la guerre. Contrairement à ce que l’on pense souvent, leur conception du brutalisme n’est pas radicalement opposée au modernisme.

Début du brutalisme : le premier projet précurseur du brutalisme fut l’école Hunstanton, conçue par les Smithson et construite en 1954. C’est un bâtiment aux finitions brutes et aux matériaux apparents qui se veut architecturalement honnête, c’est-à-dire qu’il ne dissimule pas les éléments structuraux par des ornements superflus. Par la suite, les Robin Hood Gardens sont construits à Londres en 1972. Ce projet résidentiel à haute densité met en avant l’effet massif du béton brut. Avec ses fenêtres en retrait et sa monumentalité, ce bâtiment est reconnu pour son architecture brutaliste révolutionnaire.

EN THÉORIE

« La forme exprime l’usage » : ce principe fondateur hérité du modernisme incite les bâtiments brutalistes à répondre aux besoins concrets, pratiques, technologiques, sans décoration superflue ou références historiques.

Une réaction au modernisme lisse : si le brutalisme naît dans la continuité du modernisme, il s’en distingue par une esthétique plus rugueuse, texturée, radicale.

Pluralisme architectural : bien qu’il consiste en un style différent, le brutalisme n’a pas pour but d’effacer le modernisme. Au contraire, ils coexistent. Cette coexistence est particulièrement importante, car elle marque une période de pluralité des styles dans le milieu architectural.

Un nouveau départ idéologique : en se détachant progressivement du style international perçu comme trop rigide et abstrait, le brutalisme a pour volonté de renouer avec les idéaux des avant-gardes des années 1920. Il devient symbole d’espoir, d’engagement social et d’utopie du logement pour tous.

Un style avec une portée politique et sociale : l’architecture devient un outil de transformation du quotidien, en imaginant des structures qui permettent le vivre-ensemble. Logements collectifs, écoles, bibliothèques, bâtiments publics : l’idée est avant tout de rassembler.

ÉLÉMENTS PRINCIPAUX

Béton brut

Fenêtres en retrait

Géométrie lisible et symétrie

Masse et monumentalité

Honnêteté architecturale

Toscane Ralaimongo | Le Délit

APPRÉCIABLE OU DÉTESTABLE?

L’architecture brutaliste est particulièrement présente dans les institutions et les milieux académiques en Amérique du Nord. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle n’est pas très populaire, souvent critiquée pour sa monumentalité peu accueillante, son aspect grisâtre qui ne motive pas à l’apprentissage et son manque d’humanité. Le béton brut, lorsqu’il n’est pas poli, se détériore rapidement et se dégrade avec le temps. La raison pour laquelle de nombreux bâtiments sur le campus de McGill sont brutalistes est simple : après la Seconde Guerre mondiale, on observe une explosion du nombre d’étudiants aux États-Unis et au Canada. Il y a donc un besoin urgent de bâtiments afin de donner des cours et faire de la recherche. Le brutalisme est une solution peu coûteuse.

Pourtant, il existe aussi des éléments positifs à ce style d’architecture mal-aimé. En effet, son côté modulaire est un réel atout. Ce type de bâtiment peut être modifié et étendu rapidement et facilement, pour s’adapter en fonction des besoins de la population. Je vous invite à regarder au-delà de ces surfaces grises et à prendre un moment pour observer le rythme, la symétrie, l’emplacement des fenêtres. De trouver peut-être un peu de réconfort dans la régularité de Leacock ou la bibliothèque McLennan. Asseyez-vous devant le bâtiment de l’AÉUM et appréciez la fantaisie de la façade, le jeu de fenêtres, l’alternance ludique entre béton et verre qui crée un rythme singulier. Pour moi, ce bâtiment subversif et surprenant représente l’essence même du brutalisme.

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Le combat invisible de Masafer Yatta https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/le-combat-invisible-de-masafer-yatta/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57876 No Other Land : une histoire d’injustice et de résilience.

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L e générique défile ; mes amis et moi sommes cloués à nos sièges, incapables de nous lever ou de nous regarder. En essuyant nos larmes, nous sommes restés assis plusieurs minutes en silence. Pendant 90 minutes, nous avons assisté à une violence inexplicable et injustifiable. Une violence sans logique, sans précédent. Mais surtout, une violence sournoise et vicieuse.

ظُلْم – dulm – Injustice

No Other Land, réalisé par un collectif palestino-israélien, regroupe le travail de Basel Adra, un activiste palestinien qui, depuis 2019, filme les opérations extrêmes d’expulsion menées par l’occupation israélienne dans son village, Masafer Yatta, situé en Cisjordanie.

Je ne crois pas nécessaire d’étaler le malheur des villageois de Masafer Yatta. La destruction constante de leurs maisons, de leurs écoles, de leurs poulaillers, de leurs sources d’eau, de leur village et de leur peuple, montrée dans ce long-métrage, n’a pas pour but de susciter la pitié. Ce qui est montré dans ce documentaire, c’est plutôt la tentative de Basel Adra, un jeune Palestinien coréalisateur de ce long métrage, de documenter sa réalité afin de justifier son existence. Comme l’exprime si bien un homme plus âgé dès le début du film, l’État israélien tente de réduire le peuple palestinien à des « étrangers sur leur propre terre (tdlr) ». Ce sentiment d’aliénation qui émerge dans l’esprit des villageois est exactement ce que Basel cherche à démontrer. Une existence constamment remise en question par des déplacements forcés, mais qui persiste néanmoins grâce à une force et un courage inédits.

صبر – sabr – Patience

Cette force, je ne saurais pas vous la décrire en français ; elle dépasse la portée linguistique de ce mot. Pour moi, la meilleure façon d’illustrer la résilience et le courage des villageois de Masafer Yatta, c’est « صبر (sabr) ». Traduit par « patience » en français, ce mot n’a pourtant pas tout à fait la même signification. Contrairement au français, il n’évoque pas la passivité ; il ne s’agit pas d’attendre ou de tolérer, mais d’avoir foi en quelque chose de plus grand que soi, tout en persistant dans sa lutte pour ce que l’on sait juste.

« Une histoire de survie se dessine, une histoire qui défie un système colonial et abusif, en n’utilisant que la patience, le courage et, surtout, الصبر (al-sabr) »

C’est cette qualité, qui réside dans l’âme des petits comme des grands, qui permet à Masafer Yatta de subsister. Chaque semaine, une nouvelle demeure est détruite. Chaque semaine, les villageois se confrontent aux soldats israéliens lourdement armés. Ceux qui se retrouvent sans abri se réfugient dans des grottes, et, dès qu’un certain calme retombe, ils se remettent tous à construire une nouvelle maison. L’armée israélienne revient alors, et sous prétexte d’une absence de permis de construction, elle détruit les chantiers érigés sur les terres palestiniennes. Ce mode de vie cyclique est entravé par des événements qui brisent les cœurs. Des mères perdent leurs enfants, des fils voient leurs parents emprisonnés, et pourtant, malgré les agressions coloniales sans cesse récidivées, le village continue d’exister. Une histoire de survie se dessine, une histoire qui défie un système colonial et abusif, en n’utilisant que la patience, le courage et, surtout, الصبر (al-sabr).

قوة – qua – Pouvoir

Ce documentaire a gagné en notoriété grâce au fameux discours à la 97e cérémonie des Oscars. Les réactions qu’il a suscitées furent diverses, mais l’identité binaire de l’équipe de production a souvent été mise en lumière, tantôt saluée, tantôt critiquée. Portée par les médias, l’histoire de l’amitié entre deux hommes, l’un de chaque côté du conflit, a pris des airs de tragédie à la Roméo et Juliette. Pourtant, ce documentaire s’efforce précisément de déconstruire cette image médiatique simpliste. En effet, il remet en question l’idée d’une relation égalitaire entre les protagonistes, une vision souvent véhiculée par les médias, qui ne reflète en rien la réalité complexe du conflit. Pour moi, il incarne parfaitement les relations de pouvoir sur un territoire occupé. Il est crucial de saisir qu’en Palestine, la liberté de vivre est une illusion. Les habitants subissent un système d’apartheid impitoyable. Leurs déplacements sont étroitement contrôlés, leurs besoins fondamentaux dépendent de l’État colonial israélien. Bien que leurs diplômes témoignent de leurs compétences, les opportunités d’emploi sont rares ; ils sont réduits à une main-d’œuvre exploitée, notamment dans le secteur de la construction.

À la lumière de cette dynamique raciste, il devient évident que, pour créer et diffuser un tel documentaire, l’appui d’Israéliens opposés à leur régime s’avère essentiel. Même Yuval Abraham, coréalisateur, qui se présente comme un activiste israélien, fait constamment l’objet de remises en question de la part des villageois. « C’est l’heure de rentrer chez toi », lui dit Basel chaque soir. Il monte dans sa voiture, arborant une plaque d’immatriculation qui lui garantit une certaine sécurité, et rentre chez lui, un chez-soi où la certitude et la protection prévalent. Malgré son soutien à Basel, il demeure privilégié. Il côtoie l’injustice infligée par son propre régime, il en est témoin, mais il ne pourra jamais pleinement comprendre la souffrance des Palestiniens, car il n’en fera jamais l’expérience de façon totale.

L’illusion du statu quo

Malgré les débats identitaires qui entourent ce documentaire, son véritable exploit réside dans la remise en question de tous les status quo imposés par l’image médiatique de ce système d’apartheid. En mettant en scène deux jeunes cinéastes, qui n’auraient jamais dû se croiser ni s’apprécier, le film défie un système de ségrégation et de discrimination profondément enraciné. Plus loin encore, il s’attaque à l’idée même de la vision selon laquelle le génocide n’aurait débuté qu’après l’attaque du 7 octobre 2023, dans un but de légitime défense. Il rejette ce mensonge, cette tentative de dissimuler la réalité : celle d’un peuple qui, depuis la Nakba qui a eu lieu il y a 76 ans, résiste inlassablement à une entité coloniale. Ce documentaire (qui n’a toujours pas de distributeur américain) réussit sa mission qui consiste à briser un narratif tordu et raciste, en exposant au grand jour les tactiques injustes du régime israélien. À travers son regard courageux, il fait naître une vérité que certains tentent d’effacer, mais que le monde ne peut plus ignorer.

« Malgré les débats identitaires qui entourent ce documentaire, son véritable exploit réside dans la remise en question de tous les statu quo imposés par l’image médiatique de ce système d’apartheid »

Malgré les acclamations et les prix, Hamdan Ballal reste une cible du régime israélien. Le 24 mars dernier, il aurait été lynché par un groupe de colons israéliens, avant d’être kidnappé au moment de son déplacement vers l’hôpital. Cette agression témoigne de l’acharnement et de la violence atroce auxquels l’État colonial israélien peut recourir afin de censurer tout message de libération palestinienne.

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On écrit parce qu’on aime https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/on-ecrit-parce-quon-aime/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57925 Un poème par Ivan Gaspart.

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On écrit parce qu’on aime … écrire! Aujourd’hui, c’est ma bile qui implose, on n’écrit ni pour soi ni pour autrui, on écrit parce qu’on aime tellement toutes les choses que l’on lit que c’est uniquement le mélange de toutes ces lectures qui nous pousse à faire le choix d’écrire. Au commencement, on créa le mot et son sens. C’est là que de toutes les entrailles enivrées, on s’exclama « Que l’harmonie soit ! », et l’harmonie fut. C’est l’humain que l’on déchaîne, les mots virevoltent et toutes les âmes se révoltent, car écrire c’est tellement beau qu’on écrit pour écrire, pour l’harmonie de tous les mots. Comme cent bols de soupe font une marmite, cent mots font un passage et dans ce passage, on perd sa boussole, noyée dans la soupe ; les mots forment un corps et à ce corps il y a deux yeux, et moi, c’est dans ces deux yeux que je me perds ; c’est comme un trou béant qui avale les mots, tranche la langue, rend muet ; et pourtant dans un regard des milliers de mots sont dits, et des regards, y’en a des douzaines qu’on échange, et on aimerait tellement que le corps comprenne mais il manque le mot, et sans mot pas d’harmonie, et sans harmonie on se perd dans les choses futiles jusqu’à ce qu’un jour, on lève le regard et on regarde la Lune parce que elle, elle ne disparaît jamais, elle est toujours là pour qu’on s’y perde les soirs où on devient bleu.

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L’ONU, miroir du monde : quand la culture façonne la diplomatie  https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/lonu-miroir-du-monde-quand-la-culture-faconne-la-diplomatie/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57928 Les Nations Unies à travers les yeux de la McGill Youth Advisory Delegation.

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Loin des salles de classe et au cœur du siège des Nations Unies, chaque année, la Délégation Consultative des Jeunes de l’Université McGill (McGill Youth Advisory Delegation ou MYAD) s’engage dans un travail minutieux de recherche et de plaidoyer pour que les voix des jeunes soient entendues sur la scène internationale. En tant qu’organisation bénéficiant d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2006, la mission de l’ONG mcgilloise est claire : façonner des politiques qui reflètent les préoccupations et aspirations de notre génération.

L’année scolaire des délégués est rythmée par la rédaction de recommandations politiques centrées sur la jeunesse, destinées aux trois grandes commissions de l’ONU à New York : la Commission du développement social (CSocD) en février, la Commission de la condition de la femme (CSW) en mars et la Commission de la population et du développement (CPD) en avril. Leur engagement culmine avec la publication du Youth Policy Report, un document entièrement rédigé par les délégués de MYAD, et présenté aux missions permanentes ainsi qu’aux délégués jeunesse de l’ONU lors de leurs commissions respectives.

« Plus qu’une commission, la CSW69 a été une célébration du multiculturalisme, alors que la diversité se manifestait à travers le partage »

C’est dans ce cadre que sept étudiantes mcgilloises et moi-même avons pris la route pour New York la semaine du 10 mars 2025, pour participer à la 69e session de la Commission de la condition de la femme (CSW69), le plus grand rassemblement mondial dédié à la promotion de l’égalité des genres. Au-delà des discours et des panels, notre présence à l’ONU fut remplie de rencontres diplomatiques stratégiques, où nous avons eu des échanges avec la mission permanente de la Roumanie, les représentants de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de UN Women, ainsi qu’avec les délégués jeunesse de la Suède et de l’Allemagne, parmi tant d’autres. Ces discussions nous ont permis de comparer nos approches respectives en matière de plaidoyer, tout en mettant en lumière une perspective essentielle : la diversité culturelle au cœur de la commission.

CSW69 : microcosme de la culture internationale

Dès notre arrivée au siège des Nations Unies, une mosaïque culturelle s’est dévoilée sous nos yeux. Les couloirs résonnaient de conversations en dizaines de langues, les habits traditionnels côtoyaient les tailleurs de bureaux, et les événements reflétaient la richesse des perspectives. Plus qu’une commission, la CSW69 a été une célébration du multiculturalisme, alors que la diversité se manifestait à travers le partage. En effet, parmi les nombreuses initiatives culturelles, le Royaume d’Arabie saoudite offrait aux participants la possibilité d’écrire leur nom en calligraphie arabe et a organisé un grand souper général d’iftar en l’honneur du ramadan, tandis que plusieurs événements interconfessionnels mettaient en lumière l’importance du dialogue entre croyance et tradition.

L’un des moments les plus marquants de notre séjour fut la cérémonie d’ouverture de la CSW69, lors de laquelle le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a pris la parole pour souligner l’urgence de l’émancipation et de la liberté des femmes à travers le monde. Son discours, empreint de gravité et de détermination, fut ponctué d’un moment de légèreté lorsqu’un membre du public lui posa la question fatidique : « Quand aurons-nous enfin une femme secrétaire générale? (tdlr) » Ce à quoi il répondit, avec humour : « Je ne vais pas m’excuser de ne pas être une femme quand même. » Un éclat de rire a traversé la salle, rappelant que, même dans des discussions aussi sérieuses, l’humour peut aussi être un vecteur de connexion.

En tant que déléguées, nous nous sentions honorées de participer à la plus grande commission de l’ONU à New York. Le fait d’être témoins des stratégies déployées pour faire avancer l’égalité des genres nous a rappelé que notre rôle en tant que jeunes étudiantes est essentiel dans la construction d’un avenir plus juste. Entre traditions partagées et dialogues engagés, la CSW69 nous laisse avec la conviction que les identités culturelles ne sont pas des barrières, mais des ponts vers une compréhension commune – un aspect clé de l’idéologie onusienne.

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Aux portes de la Franche-Comté https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/aux-portes-de-la-franche-comte/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57946 Critique de Vingt Dieux.

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Comté, comté et comté. Oui, Vingt Dieux, le premier long métrage de la réalisatrice Louise Courvoisier, est un film qui trace les escapades d’un jeune adulte délinquant, Totone, incarné par Clément Faveau (son premier rôle à l’écran). Laissé à lui-même, contraint de s’occuper de sa petite sœur sans travail fixe, il picole et commet des tas de bêtises. Finalement, ne serait-ce pas un film qu’on a déjà vu mille fois, démontrant ce passage à l’âge adulte rugueux rempli d’incertitude et de quête de soi? Pas si vite. Il y a aussi du fromage et l’accent jurassien.

Pour son premier long métrage, Louise Courvoisier a choisi la région où elle a grandi, la Franche-Comté, située à l’Est de la France. Le paysage y est pittoresque, vallonné, brumeux et c’est là qu’on trouve l’essentiel de la production du fromage comté. Dans cette campagne auprès des vaches, elle réussit à évoquer cet air frais jusqu’aux salles de cinéma calfeutrées.

Pour les comédien·ne·s, le lieu est aussi familier. Le film repose sur un « casting sauvage », c’est-à-dire que la réalisatrice elle-même a parcouru la région à la recherche de ses acteur·rice·s. Nous sommes donc très loin des divas et des studios hollywoodiens. Les jeunes ne trichent pas sur leur âge et les vaches sont bel et bien laitières. Dans cette distribution, on ne trouve pas d’acteur·rice·s de formation, mais plutôt des agriculteur·rice·s de métier : notre personnage principal, Clément Faveau, est issu de l’industrie volaillère.

« Dans cette campagne auprès des vaches, elle [Louise Courvoisier] réussit à évoquer cet air frais jusqu’aux salles de cinéma calfeutrées »

À l’arrivée, une authenticité notable transpire de ce film. Prenons Maïwène Barthélémy, dans le rôle de l’agricultrice Marie-Lise, qui fait son entrée dans la vie de Totone, lui fournissant le lait nécessaire à la production du fromage. Parmi ses vaches, elle est très à l’aise. Devant la caméra, idem. À la fois bourrue et sensible, elle est d’un naturel convaincant dans son premier rôle au cinéma. D’ailleurs, elle poursuivait un brevet de technicien supérieur (BTS) en production animale dans un lycée agricole au moment du casting. Bien qu’inexpérimentée, une distinction de taille lui est attribuée : le 28 février, elle est récompensée avec le César de la meilleure révélation féminine. D’un tapis en foin jusqu’au tapis rouge.

Parfois, le réalisme est tel qu’on se demande si on ne serait pas face à un documentaire. Les fêtes de village, les ateliers fromagers, et les caves d’affinages ne ressemblent pas à des décors de tournage, mais à des lieux de vie et de travail. De plus, on en apprend énormément sur la manufacture du comté : l’ingrédient clé pour la coagulation du lait cru (la présure), le temps de maturation d’un Comté d’appellation d’origine protégée (AOP) (il faut de la patience), et surtout comment arriver à transporter une roue entière de comté sur une petite mobylette (le jugement bien naïf de Totone !).

Si le thème des jeunes qui grandissent à la campagne a déjà été exploité souvent au cinéma, Louise Courvoisier réussit néanmoins à y apporter sa propre empreinte. Vingt Dieux dévoile les difficultés – parfois clichées – de la vie rurale, en ne s’appuyant toutefois pas trop sur une vision sombre. Cela reste un film d’aventure doux, amusant et sensuel. Si vous cherchez un film pour accueillir les beaux jours de printemps, Vingt Dieux est un film rafraîchissant qui vaut le détour. Retrouvez-le en salle au Cinéma Beaubien et à la Cinémathèque québécoise.

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Le brutalisme : appréciable ou détestable? https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/le-brutalisme-appreciable-ou-detestable-2/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57951 Critique du film The Brutalist de Brady Corbet.

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Le 2 mars dernier, le film The Brutalist (Le brutaliste) du réalisateur Brady Corbet a remporté trois Oscars : meilleur acteur pour Adrien Brody, meilleure musique de film ainsi que meilleure photographie. Avec ses 3 heures 45 minutes, entre le scandale d’intelligence artificielle et son choix audacieux d’un tournage en 70 mm, The Brutalist a su provoquer la discussion à Hollywood et marquer les esprits – ainsi que la saison des Oscars.

Renouveau à Hollywood

L’œuvre de Brady Corbet s’empare d’un sujet déjà largement traité à Hollywood, abordant le sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et les migrations forcées qui ont suivi. Bien que The Brutalist n’innove pas en matière de récit, il apporte un angle inédit avec le thème du rêve américain. Le film raconte l’histoire de László Tóth, incarné par Adrien Brody, un architecte renommé d’origine juive hongroise, qui immigre à New York après la Seconde Guerre mondiale. Il travaille dans un premier temps dans un magasin de meubles, puis dans les mines de charbon, avant de refaire son prestige dans l’architecture en adoptant le style brutaliste des années 1950. L’œuvre est divisée en deux parties, chacune correspondant à une tranche d’années. La première (1947- 1952) offre un aperçu réel et brut de la réalité des immigrants des années 40 : de New York à Philadelphie, les tensions familiales, les banques alimentaires et la dépendance à l’héroïne sont tous des thèmes qui offrent un aperçu cru et sombre des réalités du « rêve américain ».

La deuxième partie (1953–1958) suit László Tóth dans son nouveau projet architectural : l’Institut Van Buren, financé par le riche homme d’affaires Harrison Lee Van Buren (Guy Pearce). Ce dernier souhaite construire un centre communautaire à l’architecture grandiose en Pennsylvanie, en l’honneur de sa mère. Au fil des années, les retrouvailles familiales, les tensions professionnelles entre László et Harrison Lee, ainsi que les traumatismes passés se croisent et s’entrelacent. Cette deuxième partie met en lumière l’exceptionnelle performance d’Adrien Brody, qui incarne un homme déchiré entre ses ambitions de grandeur et son identité d’immigrant, un conflit qui entrave son intégration dans la société américaine. Entre les retrouvailles familiales, les difficultés liées à l’identité et les luttes personnelles, tant physiques qu’émotionnelles, les traumatismes et le désir de renouveau se mêlent et se confrontent tout au long de l’histoire.

D’entrée de jeu, la qualité cinématographique de The Brutalist est évidente. L’oeuvre a été filmée avec une caméra 70 mm, un choix que le directeur Brady Corbet justifie : « La meilleure façon d’accéder [aux années 1950] était de filmer quelque chose qui avait été conçu dans la même décennie (tdlr) ». Cette décision artistique s’avère un franc succès. Dès le premier plan, l’immersion est parfaite : le protagoniste est dans un train, en route vers ce que l’on croit être un camp de concentration. Mais dès l’ouverture des portes, un plan sublime révèle la Statue de la Liberté, symbole d’espoir pour les immigrants. Grâce au format 70 mm, nous sommes instantanément projetés dans l’atmosphère des années 50. Tout au long de l’œuvre, les plans statiques (mines de charbon, chantiers de construction, carrières de Carrare en Italie, maisons grandiose de Pennsylvanie, ou encore plans d’architecture illuminés) se dotent d’une dimension sublime grâce au style de caméra et au travail du cinématographe Lol Crawley. Composée par le compositeur Daniel Blumberg, la bande originale de The Brutalist est aussi une partie clé de sa réussite. Les 10 premières minutes du film sont accompagnées d’une musique ininterrompue, qui établit l’atmosphère pour le reste de l’œuvre.

Un prix mérité ?

Les qualités esthétiques du film ne l’ont pourtant pas exemptées de scandale. En effet, en janvier dernier, l’éditeur de The Brutalist Dávid Jancsó a révélé que les voix d’Adrien Brody (László) et de Felicity Jones (Erzsébet) avaient été modifiées avec l’intelligence artificielle afin de peaufiner l’accent hongrois dans quelques scènes. Si certains ont critiqué cet usage, arguant qu’il diminue le talent du jeu d’acteur, d’autres y ont simplement vu une campagne de diffamation avant la saison des Oscars. Bien que cela n’altère en rien le travail des acteurs ni la beauté du film, nombreux sont ceux qui sont restés perplexes lorsque Adrien Brody a remporté l’Oscar du meilleur acteur, considérant que d’autres nominés, dont la performance n’avait pas été enrichie par l’intelligence artificielle, l’auraient davantage mérité.

Ce film comporte des scènes de violence sexuelle.

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Consommer local, aussi en musique https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/consommer-local-aussi-en-musique/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57765 Visibiliser la musique francophone grâce à MUSIQC.

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L a guerre tarifaire des États-Unis a ravivé un discours déjà bien connu : l’importance de consommer local. Mais au-delà des produits manufacturés, cette nécessité s’étend aussi à la culture. Si la musique québécoise et francophone peine à exister sur les grandes plateformes de diffusion en continu, ce n’est pas faute de production, mais faute de visibilité. Marginalisée par des algorithmes qui favorisent l’anglais, reléguée à la périphérie des recommandations, elle se retrouve prisonnière d’un système qui ne la met pas en avant.

« Un projet qui ne se contente pas de dénoncer le problème, mais qui agit concrètement pour contrer, dans une démarche plus large de préservation linguistique et identitaire »

C’est précisément pour répondre à cette crise culturelle que MUSIQC a vu le jour. Espace numérique québécois, la plateforme agrège et met en valeur la musique francophone et instrumentale d’ici, tout en accueillant des artistes francophones d’ailleurs. Un projet qui ne se contente pas de dénoncer le problème, mais qui agit concrètement pour résoudre, dans une démarche plus large de préservation linguistique et identitaire.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Ariane Charbonneau, directrice générale dela SPACQ-AE, association qui représente les auteur.e.s compositeurs.trices et artistes entrepreneur.e.s, qui est l’instigatrice de MUSIQC, qui m’a dressé un portrait sans complaisance de la situation actuelle de la musique francophone au Québec. Notre discussion a mis en lumière les défis existentiels auxquels fait face la musique d’ici – et les solutions audacieuses que propose MUSIQC pour y remédier.

Une crise de visibilité

« Le premier constat, c’est que les Québécois n’écoutent pas leur propre musique, surtout la musique francophone », me lance d’emblée Ariane Charbonneau. Les chiffres qu’elle avance donnent le vertige : selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ), en 2023, seulement 5 % des 10 000 chansons les plus écoutées étaient de la musique francophone québécoise. Si l’on élargit le spectre pour inclure la musique francophone, ce chiffre grimpe à peine à 8,5 % – un pourcentage dérisoire pour une population qui représente pourtant 23 % du Canada et dont la langue officielle est le français. Plus alarmant encore, les nouveautés francophones québécoises ne représentent que 2 % des écoutes totales. « Clairement, il y a un problème de proportion », souligne Charbonneau.

« La raison pour laquelle les gens ne consomment pas cette musique, c’est qu’ils ne la voient pas […] Les artistes, en fait, ne sont simplement pas mis en valeur, ils ne sont pas recommandés »

Ariane Charbonneau

Ce n’est pas seulement un problème de chiffres, mais bien d’une érosion identitaire dont les conséquences dépassent largement le cadre strictement musical. L’OCCQ, branche de l’Institut de la statistique du Québec, dresse un portrait sans appel d’une musique francophone en voie de marginalisation sur son propre territoire – une sorte d’exil intérieur qui frappe de plein fouet les créateurs d’ici.

Ce premier constat s’accompagne d’un second, tout aussi préoccupant : la difficulté chronique pour les artistes québécois d’atteindre leur public. « La raison pour laquelle les gens ne consomment pas cette musique, c’est qu’ils ne la voient pas », m’explique-t-elle. « Les artistes, en fait, ne sont simplement pas mis en valeur, ils ne sont pas recommandés. […] Puis on a beaucoup de recommandations d’algorithmes qui poussent plutôt des contenus anglophones. »

Un troisième constat vient s’ajouter aux deux premiers : le soi-disant « déclin de la langue française » au Québec. « Il y a eu un plan pour la langue française construit avec six ministères différents pour freiner l’érosion de la langue dans toutes les sphères de la société québécoise », me rappelle Charbonneau. Or, la musique représente un vecteur particulièrement puissant pour la préservation du français dans toutes les sphères de la société québécoise. « Même dans ce plan, on reconnaît l’importance de la musique comme un véhicule clé pour préserver notre langue », souligne-t-elle avec conviction. Dès lors, comment agir concrètement pour favoriser la visibilité de cette musique qui porte en elle une part de notre identité collective?

Le modèle MUSIQC

C’est en réponse à ces constats alarmants qu’est née MUSIQC, une initiative qui se distingue par son approche innovante. Contrairement à une plateforme de diffusion traditionnelle comme Spotify ou Apple Music, MUSIQC se définit comme un véritable « quartier général » de la musique francophone.

« L’idée, c’est de prendre la musique qui est déjà disponible en ligne, de la centraliser et de la remettre en circulation à travers des listes de lecture faites par des humains », m’explique Charbonneau. Elle précise : « Pour notre secteur, l’accessibilité à la musique, ce n’est pas un enjeu. Tout le monde met de la musique sur Spotify, tout le monde met de la musique sur YouTube. C’est impensable aujourd’hui qu’un artiste ne le fasse pas. La musique est déjà disponible. L’idée, c’est de recentraliser tous les contenus qui sont déjà disponibles, puis de les regrouper dans un lieu seul lieu central. »

Les propositions musicales y sont entièrement gratuites et ne requièrent aucun identifiant, supprimant ainsi toutes les barrières qui freinent habituellement la découverte des artistes locaux. Le fonctionnement de la plateforme se veut simple mais redoutablement efficace : chaque jour, le site propose de nouvelles recommandations, renouvelant constamment l’offre musicale. « On est constamment dans la mise en valeur, constamment dans la recommandation. Quand tu visites le site, on te propose toujours une nouvelle liste de lecture, un nouveau programmateur. […] Tu vas toujours trouver du contenu à découvrir », affirme Charbonneau. Et il semblerait que cette approche rencontre un écho favorable bien au-delà des frontières du Québec : « MUSIQC est déjà utilisé en ce moment dans 55 pays, dont la France, le Canada, les États-Unis et le Mexique, dans le top quatre. » Une preuve tangible que la musique francophone québécoise peut rayonner internationalement lorsqu’on lui donne les moyens de se faire entendre et apprécier.

L’adoption rapide de la plateforme dépasse même les attentes initiales de ses fondateurs : « On a eu une adoption très rapide de MUSIQC. On a même eu des écoles qui nous ont demandé de leur envoyer des posters, des trucs comme ça pour les faire circuler. » Les demandes ont été si nombreuses qu’ils ont dû mettre en place un formulaire pour les centraliser, signe indéniable que la plateforme répond à un besoin réel et pressant.

Encourager la découvrabilité

« Les artistes québécois francophones ne sont pas mis en avant sur les grandes plateformes », m’explique Charbonneau. Sur Spotify et Apple Music, la majorité des recommandations des algorithmes favorisent les artistes anglophones, qui génèrent plus d’écoutes. Cette marginalisation n’est pas qu’une simple conséquence des préférences individuelles des auditeurs – elle est le fruit d’un déséquilibre structurel ancré dans les modèles de recommandations numériques. Les grandes plateformes fonctionnent avec des algorithmes optimisés pour maximiser l’engagement et les écoutes répétées. Or, la musique anglophone dominant le marché mondial, cela crée un cercle vicieux où la visibilité entraîne plus d’écoutes, qui entraînent à leur tour plus de visibilité – un système qui s’auto-alimente et laisse peu de place à la diversité culturelle et linguistique.

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10 chansons qui vous feront pleurer https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/10-chansons-qui-vous-feront-pleurer/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57785 Le nouveau concert de Pierre Lapointe.

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A cclamé par la critique à la suite des premières représentations de son plus récent album Dix chansons démodées pour ceux qui ont le cœur abîmé, Pierre Lapointe entame au Québec la tournée de son 15e album. J’ai eu l’immense privilège d’assister à la deuxième représentation de son spectacle le 15 février, à Mont-Tremblant.

Pierre Lapointe est une véritable icône de la musique québécoise, un monument que dis-je! L’artiste flamboyant, connu pour ses mélodies inspirées de la chanson classique française mêlées aux rythmes pop, a sous son chapeau 15 prix Félix et plus d’une dizaine d’albums certifiés disques d’or. À l’âge de 24 ans, Pierre Lapointe connaît son plus grand succès en écrivant La Forêt des mal-aimés. Les pièces comme Deux par deux rassemblés ou Au 27–100 rue des Partances demeurent parmi les titres forts qu’il emportera avec lui de l’autre côté de l’océan pour agrandir sa renommée auprès des Français. Ce soir-là, à Mont-Tremblant, j’ai bravé la tempête jusqu’à la somptueuse église du lac Mercier, reconvertie en salle de spectacle, pour me laisser transporter par les paroles mélancoliques de Pierre Lapointe, cette icône toujours au sommet de son art, de retour en force après une pause musicale bien méritée.

L’auteur-compositeur-interprète nous revient avec des paroles intimes accompagnées de mélodies épurées. Détonnant des accents excentriques ou « grandioses » de ses albums précédents, celui-ci est percutant et émouvant. Pas très loin de sa trame narrative habituelle, le chanteur explore des thèmes qui lui sont chers – l’enfance, la mort et les relations amoureuses – qu’il réinvente d’une main de poète en nous amenant plus loin dans son univers.

Que le spectacle commence…

Pierre Lapointe entame de grands pas théâtraux vers le public, immédiatement subjugué par son charisme naturel. Avec son premier morceau Le secret, il nous plonge au cœur de sa vie amoureuse sans pour autant révéler l’identité de sa nouvelle muse. Les paroles de sa chanson ne font que suggérer le mystérieux prétendant : « Mon cœur veut crier le nom de celui que j’aime, mais je ne lui en donne pas le droit. » Accompagnée de seulement un piano, sa voix résonne harmonieusement au son du duo de pianistes, composé de Amélie Fortin et Marie-Christine Poirier, à qui il dédiera, à la grande surprise du public, une pièce de leur spectacle qu’elles exécuteront sans préparation! Ce moment spontané fut tout simplement incroyable!

Les mots « authenticité » et « intimité » résument à merveille le spectacle de près de deux heures. Pierre Lapointe renoue avec les influences classiques de la musique française qui ne l’ont jamais quitté pour présenter sur un ton nouveau les 10 chansons de son nouvel album. Chaque pièce musicale renferme un tableau dépeignant un passage charnière de la vie de Pierre, mais à travers lequel chacun d’entre nous peut s’identifier. Le public se retrouve plongé au cœur de l’enfance, l’adolescence et même l’entrée dans l’âge adulte de l’artiste. Au fil de ses chansons, le chanteur de La Forêt des mal-aimés explore des thèmes éminemment personnels et profondément humains : la vieillesse, les blessures d’enfance, les remises en question douloureuses et la quête imparfaite du bonheur. Assister au spectacle de Pierre Lapointe est un véritable manège d’émotions.

« Chaque pièce musicale renferme un tableau dépeignant un passage charnière de la vie de Pierre, mais à travers lequel chacun d’entre nous peut s’identifier »

Comme il l’affirme à la blague à maintes reprises, il s’agit d’un de « nos doux moments de déprime ». Une chose demeure certaine, on ne se lasse guère de sa voix singulière et enveloppante, qui accompagne une poésie classique, mais assumée. Le clou du spectacle est sans aucun doute la pièce Comme les pigeons d’argile. La réalité chantée d’un fils promettant à sa mère atteinte d’Alzheimer de veiller à son chevet en émeut plus d’un parmi l’assemblée. Les larmes vous couleront, c’est certain.

J’ai eu un faible tout particulier pour Dans nos veines, un morceau qui, selon Pierre, requiert presque un entraînement « sportif » afin de le livrer à la perfection. Il va sans dire que Pierre Lapointe nous démontre encore une fois le travail méticuleux qu’il fournit pour chaque prestation. De toute évidence, ce monument de la chanson québécoise réaffirme sa place en tant que génie du classicisme réinventé dans son nouveau spectacle Dix chansons démodées pour ceux qui ont le cœur abîmé présenté partout au Québec dès maintenant, et ce, jusqu’au 14 février 2026. Il sera de passage à Montréal le 13 et 14 juin 2025 au Théâtre du Nouveau Monde.

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L’art de jouer avec la langue https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/lart-de-jouer-avec-la-langue/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57801 Entretien avec l’auteur Francis Ouellette.

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Pour cette édition spéciale de la Francophonie, en Culture, nous avions l’embarras du choix : la langue française, qu’elle soit parlée ici ou ailleurs, est à la source d’une panoplie d’œuvres littéraires, cinématographiques, picturales, musicales, etc. Tellement d’artistes de talent la manient, la renouvellent, l’enrichissent.

Au Québec, je ne vous apprends rien, notre rapport à la langue française en est un bien particulier, qui conjugue honte et fierté. On nous martèle sans cesse que nous nous devons de « préserver le français au Québec ». Mais de quel français parlons-nous? Celui, joualisé, de Michel Tremblay? Celui, institutionnel, de Molière? Un franglais « contaminé »? Devons-nous à tout prix nous méfier de la « menace » de l’anglais et éviter ce français imprégné d’anglicismes qui nous caractérise pourtant si bien? Comment peut-on parler de préservation de la langue sans vraiment savoir quelle langue nous nous évertuons à défendre?

Une chose est claire, la langue est au cœur de notre identité, et, inévitablement, la littérature devient le reflet de cette obsession linguistique : dans Mélasse de fantaisie, premier roman de Francis Ouellette, récipiendaire du Prix des collégien·ne·s en 2022, le français québécois devient pleinement littéraire. Francis propose un rapport décomplexé à la langue, dans une prose qui manie la langue de façon presque instinctive. Pas de distinctions cantonnées entre la narration et les dialogues, les registres s’entrelacent, dans une hybridité où la langue populaire devient matière littéraire.

Le 26 mars prochain, c’est l’histoire du personnage de Frigo, l’attachant sans-abri de Mélasse de fantaisie, qui nous sera racontée dans Sirop de Poteau, à paraître chez les éditions La Mèche. Pour l’occasion, j’ai eu le privilège de rencontrer l’auteur, afin d’en apprendre plus sur son prochain roman, mais surtout pour discuter de littérature, de langue québécoise et de francophonie.

« Francis propose un rapport décomplexé à la langue, dans une prose qui manie la langue de façon presque instinctive »

Le Délit (LD) : Ton premier roman, Mélasse de fantaisie, a été récompensé du Prix littéraire des collégien·ne·s. Qu’est-ce que cette reconnaissance signifie pour toi, et qu’est-ce que cela t’a appris sur la réception de ton œuvre par un lectorat plus jeune?

Francis Ouellette (FO) : C’est le meilleur prix qu’une œuvre littéraire peut espérer recevoir. Ce qui est génial avec ce prix-là, c’est que tu es en contact avec la prochaine génération de lecteurs, mais aussi potentiellement avec une prochaine génération d’auteurs. Tu es en contact avec ce qui va former la littérature de demain. […] À chaque conférence que tu fais, à chaque classe que tu rencontres, il y a des germes d’idées qui s’installent dans les conversations. Je me rends compte, moi, que le troisième livre que je suis en train d’écrire est inspiré par plusieurs commentaires que j’ai reçus. Ça nourrit l’imaginaire.

C’est aussi la fréquentation avec les étudiants dans le contexte du prix des collégiens qui a fait que j’ai commencé à faire confiance à la possibilité que j’écrive un cycle qui se passe dans un même univers, avec les mêmes personnages, dans une espèce d’itération un peu involontaire de Michel Tremblay. Les chroniques du Centre-Sud, les chroniques du Faubourg à m’lasse! J’ai vraiment la possibilité de faire un cycle, avec la même langue, avec le même environnement, avec les mêmes personnages. J’ai envie de faire ça. Pourtant, c’est justement ce que j’essayais de contourner avec Mélasse de fantaisie. Je ne voulais pas être « coincé » ou cantonné à un seul style d’écriture. Mélasse de fantaisie, ce n’est pas mon style d’écriture en soi. C’est un exercice littéraire volontaire.

Je me rends compte en me promenant dans les cégeps que les gens ont peut-être envie de voir l’histoire d’autres personnages. Le monde veut en savoir plus sur Ti-criss, sur Frigo. Pour l’instant, j’ai Sirop de poteau qui sort dans deux semaines, que je préfère à Mélasse de fantaisie, en fait. J’ai eu du fun à l’écrire, celui-là. Je me suis permis d’aller dans de l’exploration littéraire plus poussée.

« J’ai toujours trouvé que l’idée que quelque chose soit une histoire vraie ou inspiré d’une histoire vraie, ça peut brouiller les codes de la personne qui lit, qui regarde le film. Ça devient obsessif, un peu »

LD : Comment appréhendes-tu l’étiquette de l’autofiction associée à ton roman?

FO : Je la revendique. Autofiction en réalisme magique. J’ai toujours trouvé que l’idée que quelque chose soit une histoire vraie ou inspiré d’une histoire vraie, ça peut brouiller les codes de la personne qui lit, qui regarde le film. Ça devient obsessif, un peu. […] Plus c’est farfelu, intense, violent et trash, plus c’est vrai. Là où il y a de l’invention, c’est dans la structure littéraire, dans la manière dont l’espace-temps est vécu ou perçu. Je ne peux pas être un narrateur omniscient. Dans le cas de Frigo, c’est un personnage qui est un peu « métaconscient ». Il y a une forme de communication intradiégétique entre le personnage et moi.

LD : J’imagine aussi que le réalisme magique te permet justement plus de liberté créative.

FO : Ça me permet effectivement de pousser l’exploration formelle. Ça me permet aussi – d’où le titre – de m’appuyer sur une notion de fantaisie, qui laisse avoir une certaine forme de distance. Mais ça me permet aussi, moi, en tant que narrateur et en tant qu’individu qui partage ses histoires personnelles, de me cacher, de trouver une zone de recul où tout ça n’est pas non plus totalement épidermique. Donc, j’ai toujours trouvé que le titre à lui tout seul évoque un peu cette espèce de bipolarité. La mélasse, c’est le réalisme, c’est le tangible, c’est le matériel. La fantaisie, c’est ce qui est déterré. Dans Sirop de Poteau, il y aura question d’endroits comme le fameux parc Belmont, qui était un centre d’attraction avant la Ronde, ou le Jardin des Merveilles, un jardin zoologique qui était au milieu du parc Lafontaine. À un moment donné, il y a un éléphant qui s’est sauvé sur la rue Dorchester. Ça va déjà dans l’espace du mythe un peu.

« J’ai vraiment la possibilité de faire un cycle, avec la même langue, avec le même environnement, avec les mêmes personnages. J’ai envie de faire ça »

LD : Penses-tu que la littérature qui se déroule en ville, comme Mélasse de fantaisie, par exemple, c’est un mouvement littéraire en soi?

FO : Peut-être un peu, mais surtout sous la bannière de l’éditeur. Sébastien Dulude, qui est l’éditeur de La Mèche, a écrit Amiante. Amiante, c’est du néo-terroir. Il a publié et épaulé beaucoup de romans qui sont dans des quartiers urbains, qui fonctionnent un peu comme des villages. Donc, ça finit par être une espèce de roman de néo-terroir, à cause de l’appartenance à l’environnement, à la terre, qui est un milieu urbain. La terre façonne le personnage et les individus, mais aussi, en même temps, les traumatismes, les abus, les violences. Il y a assurément des romans publiés à La Mèche qui sont dans cette mouvance-là, une espèce de néo-terroir traumatique.

LD : Crois-tu que l’écriture du trauma peut permettre de guérir un peu, ou du moins, que c’est un exutoire pour le traumatisme?

FO : Selon mon point de vue, totalement. Mais ça dépend de comment tu perçois cet exercice-là. Moi, l’exercice, dans ce cas-ci, il n’était pas que littéraire, il était aussi psychologique. Je n’ai pas juste écrit mon histoire, j’y ai replongé. C’est comme une volonté de reprise, dans mon cas, de reprise de pouvoir par la réinvention de la réalité. C’est de reprendre son histoire personnelle, puis de l’envoyer là où on veut. Un mot qui me plait beaucoup dans le féminisme, dans les autofictions féministes, souvent à caractère traumatique, c’est « empowerment », l”« empuissancement ». Je trouve ça beau « empuissancement ». Le mot est fort. C’est une reprise de pouvoir sur son destin, sur son histoire personnelle. […] Mais c’est intéressant que ça soit si féminin. Quand les hommes font dans le registre de l’autofiction, il n’est pas traumatique.

LD : Il est plus ludique.

FO : Oui, il est plus ludique. On parle de mariage, on parle de consommation d’alcool, de partys. Il y a assurément plus d’hommes victimes d’abus sexuels ou de viols que ce que les statistiques indiquent. Mais la culture patriarcale fait que l’homme autosuffisant trouve sa force intérieure pour se soigner et n’en parlera pas. C’est le vestiaire de hockey. Je n’osais pas croire que j’allais être un défricheur sur ce plan-là. Mais en écrivant Mélasse de fantaisie, je me rendais compte que pas beaucoup d’hommes l’avaient fait.

LD : Au Québec, certains défendent une approche plus puriste de la langue, d’autres prônent son adaptation aux réalités contemporaines, notamment face à l’influence de l’anglais. Où te positionnes-tu dans ce débat?

FO : […] Je ne vois pas ça d’un mauvais œil, la mutation. C’est important, c’est nécessaire. À partir du moment où l’anglais décrié dans mon environnement est entré dans ma propre culture, pour moi, ce n’était pas un effet de colonisation, ça a juste été un élargissement de la pensée, un enrichissement de la langue. Cette richesse polysémique, quand on la travaille bien, elle peut aller très loin.

Souvent, on me dit que j’ai un point de vue modéré. Mais pour moi, ce n’est pas modéré du tout comme point de vue, bien au contraire. C’est nécessaire. Les mutations, dans un futur presque imminent, sont incontournables. Ce n’est pas quelque chose qu’on va pouvoir négocier. Ça va se faire malgré nous. D’emblée, si on considère que le territoire modifie la langue, cette mutation-là est inévitable et je pense qu’il faut l’épouser.

Je pense que c’est mon thème obsessif, le déchirement identitaire. À toute échelle ; la crise identitaire du Québécois, la crise identitaire de l’individu né en milieu ouvrier et qui a eu accès à l’éducation, qui n’appartient plus à rien, qui est deux en même temps, dans deux environnements. La mixité entre la langue québécoise, la langue française, la mixité jusqu’au titre. Il y a une musicalité là-dedans. La musicalité du joual est très, très, très importante pour moi. La musicalité du joual, la trituration du langage. Je suis fasciné par toutes les formes d’expression du français qui ont été modifiées par leur environnement, la Louisiane, la Belgique […] Quand on parle de la musicalité, il y a aussi la conviction profonde que la langue québécoise est une contribution d’une richesse inouïe à la francophonie. Et là-dedans, j’ajoute aussi les fameux sacres, qui sont d’une richesse rare. Ce n’est pas un appauvrissement de la langue. Comme dit Fred Pellerin – en ce qui me concerne, une autre influence involontaire – « ce n’est pas une pauvreté de langage, c’est une puissance de sentiments ». Moi j’ai du plaisir à jouer avec la québécité, la langue québécoise, le français international et littéraire.

LD : Quand tu écris, est-ce que tu parles à voix haute?

FO : Tout le temps, puis je me relis à voix haute aussi. Le slam et le hip-hop ont une influence aussi. Straight out du Faubourg à m’lasse. Le jazz aussi. Beaucoup, beaucoup. Donc oui, vraiment, je fais beaucoup ça, ce sont quasiment des monologues de théâtre. Et ce n’est pas l’influence de Tremblay, vraiment. Mon rapport avec Tremblay est super ambigu. Il est fabuleusement important, mais ce n’est pas de lui que je m’inspirais quand j’écrivais. Étrangement, il y a des inspirations chez Tremblay, mais pas celles qu’on devrait croire.

« Je pense que c’est mon thème obsessif, le déchirement identitaire. À toute échelle ; la crise identitaire du Québécois, la crise identitaire de l’individu né en milieu ouvrier et qui a eu accès à l’éducation, qui n’appartient plus à rien, qui est deux en même temps, dans deux environnements »

LD : Pas celles qui sautent aux yeux du moins.

FO : Non, exact. C’est plus le fait d’être dans un quartier, d’avoir sa langue, d’avoir les « petites gens ». C’est beaucoup plus, pour moi, c’est la construction d’un univers, mais aussi sa capacité [à Tremblay] à donner à des histoires ouvrières d’un milieu pauvre, des accents de grandes tragédies grecques, de grandes comédies de Molière.

LD : Faire du grand avec du petit.

FO : Exact.

LD : Tu publies Sirop de poteau le 26 mars, qui va raconter l’histoire du personnage de Frigo. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce deuxième roman?

FO : Même niveau de langue, mais qui va parler plus de réalisme magique. De base, Sirop de poteau était paru dans la revue L’itinéraire, sous forme de roman-feuilleton mensuel. Donc, cette version-là – je vais encore utiliser un mot en anglais ici – c’était une version raw, une version crue. C’est un exercice littéraire intéressant d’écrire tous les mois un chapitre. Après ça, je ne pensais pas que ça serait publié, vraiment pas. Je pensais que ça existerait juste au sein de L’itinéraire, et qu’on allait peut-être sortir un livre à même la revue pour que les camelots le vendent et fassent de l’argent avec. Et c’est en partie ce qui va se passer, parce que les camelots vont avoir le livre avec eux ; le cash leur revient.

« Je veux être le porte-parole d’une seule chose : la fierté de cette langue-là. That’s it. Qu’on puisse utiliser cette langue-là, l’ennoblir, la traiter avec respect. Autant les idiomes que les expressions »

LD : Peut-on lire Sirop de poteau sans avoir lu Mélasse de fantaisie?

FO : Je crois que oui. Je crois que le travail éditorial a fait en sorte qu’on se retrouve dans une zone où il existe par lui-même, mais on a aussi travaillé de sorte qu’en lisant Sirop de poteau, le monde va avoir envie d’aller lire Mélasse de fantaisie. J’essaie vraiment de m’enligner pour quelque chose qui ressemble à un cycle. Je veux être le porte-parole d’une seule chose : la fierté de cette langue-là. That’s it. Qu’on puisse utiliser cette langue-là, l’ennoblir, la traiter avec respect. Autant les idiomes que les expressions.

Une phrase comme « les bottines suivent les babines », c’est magnifique. Ces choses-là sont magnifiques. Elles ne doivent pas se perdre, mais elles peuvent faire partie d’une mutation. Elles peuvent rester. Elles doivent rester, en fait.

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Place au français! https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/place-au-francais/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57805 L’équipe partage ses recommandations littéraires francophones.

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J’aime particulièrement les éditions Mémoire d’encrier, fondées à Montréal en 2003, qui réunissent auteurs de diverses origines. Leurs livres ont pour but de sensibiliser les lecteurs à l’histoire et aux inégalités. Si vous souhaitez découvrir des voix uniques et parvenir à apprécier le monde sous un regard différent, je ne peux que vous conseiller un de leurs livres!

Pierre Falardeau. Un vrai révolutionnaire. Son œuvre est le combat d’une vie – authentique, percutante, véritablement québécoise. Commencez par Octobre ou Rien n’est plus précieux que la liberté et l’indépendance et n’arrêtez jamais!

Je recommande les livres de René Barjavel à celles et ceux qui ont envie de rêver pendant un moment. Impossible de ne pas être marqué par son livre Ravage, le plus connu, mais je recommande avant tout son livre La Nuit des Temps, un chef‑d’œuvre qui fait aussi bien rire que pleurer. Les chemins de Katmandou est moins chargé en émotion, mais tout aussi agréable à la lecture!

J’aime la non-fiction d’Emmanuel Carrère, où les récits de vie se dévoilent dans leur crue réalité, chargés d’émotions puissantes. D’autres vies que la mienne est une mer déchaînée où la douleur du deuil se mêle à l’espoir. Dans L’adversaire, c’est une révélation psychanalytique, une plongée vertigineuse dans l’âme humaine. Mais il y a aussi la poésie, qui sculpte les mots comme des ornements délicats, suspendus dans le temps. Lisez Paul Éluard et Louis Aragon.

Je recommande vivement les pièces de théâtre de Yasmina Reza – Conversations après un enterrement, La traversée de l’hiver et Art ont de quoi plaire à tous les lecteurs. Reza parvient à construire de véritables drames, touchants et universels, à partir de sujets qui paraissent souvent banals au premier abord. Ses pièces vous feront rire et pleurer.

J’ai découvert un de mes récits coups de cœur à travers le film d’animation L’homme qui plantait des arbres (basé sur la nouvelle de Jean Giono) du réalisateur québécois Frédéric Back. L’histoire est par elle-même vivante, et les dessins ainsi que la narration du film magnifient son message en plongeant le spectateur dans un univers poétique et bouleversant, où la nature reprend peu à peu ses droits grâce à la détermination et l’altruisme d’un homme. C’est un court métrage à voir plusieurs fois dans sa vie, pour sa douceur et son rappel franc de la fragilité de l’environnement et notre indissociabilité avec celui-ci.

Yasmina Khadra, auteur algérien de renommée internationale et maintes fois primé, demeure pour moi l’un des meilleurs écrivains francophones. Il maîtrise l’art de décrire des réalités souvent ignorées ou incomprises avec une complexité et une profondeur rares. Ses œuvres, généralement ancrées dans des contextes musulmans, vont bien au-delà des stéréotypes et archétypes associés à l’image de l’arabe. Il dépeint des personnages d’une richesse, pris dans des dilemmes existentiels et des contradictions multiples. Ce qui m’impressionne toujours, c’est sa capacité à faire ressentir l’aliénation de façon aussi saisissante et vivante, plongeant le lecteur dans un questionnement qu’il ne peut oublier.

Je ne peux que soutenir ces propos. Si Ce que le jour doit à la nuit, le plus connu des romans de Yasmina Khadra, allie merveilleusement l’histoire de son protagoniste au contexte de la guerre d’Algérie, j’ai particulièrement aimé lire L’Écrivain. Dans cette autobiographie, l’auteur nous raconte son amour pour la langue française et la littérature, et narre le développement de son processus d’écriture au sein du cadre militaire rigide et disciplinaire qui l’a vu grandir.

Parce qu’à mes yeux, aucune œuvre ne peut égaler la gigantesque fresque d’Émile Zola des Rougon-Macquart, je vous recommande en particulier le roman Au Bonheur des Dames. Le récit décrit la naissance des grands magasins en pleine révolution industrielle en France à une époque qui n’avait encore jamais connu la surconsommation. Se replonger dans les classiques demande un peu d’effort, mais cela vaut toujours le coup. Dans le même registre, et pour un format plus court, je suggère la lecture de la nouvelle Boule de Suif de Maupassant.

La bande dessinée est un média accessible qui réussit à communiquer aux tout petits comme aux plus vieux. J’aime particulièrement Le petit astronaute de Jean-Paul Eid. C’est un récit qui touche le cœur et qui vient chercher la beauté par la tristesse.

Je trouve aussi que les bandes dessinées permettent d’explorer des sujets profonds, tout en gardant un élément visuel qui permet à nos cerveaux sursollicités de rester plongés dans des récits complexes. Un des classiques récents du genre est évidemment Le monde sans fin de Blain et Jancovici, qui offre une réflexion percutante sur le changement climatique. Je recommande aussi fortement Shenzhen, de Guy Delisle, une autobiographie visuelle savamment construite qui retrace la période de vie du Québécois dans cette ville chinoise bourdonnante, surprenante, et parfois incompréhensible.

Entièrement d’accord! L’univers de la BD nous emmène dans des réalités à la fois visuelles et narratives qui marquent durablement. Dans cette même lignée, je recommande J’y vais mais j’ai peur de Clarisse Crémer. Ce récit graphique explore avec sincérité et passion le monde de la voile, un domaine où les femmes sont encore trop peu représentées. C’est une BD qui parle d’aventure, mais aussi d’engagement et de dépassement de soi, le tout raconté avec une authenticité qui résonne. Aussi, je recommanderai toujours les livres que j’ai pu lire petite, et qui se relisent encore et encore, bien plus tard dans la vie. Ce sont ces livres-là qui m’ont le plus marqués, parce que je les ai lus ou écoutés en livre audio des dizaines de fois, et les relire plus tard leur fait prendre un tout autre sens. Je ne pourrais jamais me lasser de la version audio de Zazie dans le métro, par Raymond Queneau. C’est cru, c’est vivant, c’est drôle, et on en apprend beaucoup plus en redécouvrant ça des années plus tard.

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Les Rendez-vous Québec Cinéma https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/les-rendez-vous-quebec-cinema/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57604 Célébrer notre cinéma, affirmer notre culture.

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L e cinéma québécois traverse une période charnière. À l’heure où certains remettent en question son identité même, un festival comme le Rendez-vous Québec Cinéma (RVQC) devient plus qu’un simple événement : il s’impose comme un acte de résistance, un rappel essentiel de la vitalité et de la singularité de notre cinéma. Depuis plus de 40 ans, il demeure le seul festival entièrement consacré à notre filmographie nationale, offrant un panorama foisonnant du 7e art d’ici, des premières œuvres audacieuses aux films des cinéastes les plus établis.

« Pendant neuf jours, le RVQC devient le cœur battant de notre culture, un espace où le cinéma d’ici n’a pas à se justifier, mais simplement à exister, sous toutes ses formes »

Avec près de 200 films, dont une centaine de premières, et une programmation riche en rencontres, discussions et événements gratuits, le RVQC s’acharne à faire vivre le cinéma québécois en rassemblant public, créateurs et artisans de l’industrie. Car qu’est-ce qui définit véritablement notre cinéma? L’origine de ses créateurs? Son financement? Ses thèmes récurrents? Si l’identité du cinéma québécois semble insaisissable, ce festival prouve qu’elle existe bel et bien : mouvante, riche, profondément enracinée dans notre imaginaire collectif. Pendant neuf jours, le RVQC devient le cœur battant de notre culture, un espace où le cinéma d’ici n’a pas à se justifier, mais simplement à exister, sous toutes ses formes.

Premières mondiales

Parmi les nombreuses premières mondiales présentées cette année, deux films se démarquent par leur caractère incontournable : les œuvres sélectionnées pour inaugurer et clôturer le festival.

Le 19 février, Les perdants, documentaire coup-de-poing de Jenny Cartwright, a lancé les festivités. En suivant trois candidats aux élections provinciales de 2022, tous promis à une défaite certaine, le film expose avec une lucidité mordante les failles du système électoral québécois : ses obstacles accrus pour les femmes et les personnes racisées, son financement inéquitable, le poids écrasant des sondages et des médias. Ici, la défaite n’est pas qu’individuelle : c’est celle d’un jeu politique truqué, conçu pour écraser plus qu’élever.

Le jeudi 27 février, lors de la soirée de clôture, c’est MAURICE, documentaire intime de Serge Giguère, qui prendra le relais. Plus qu’un simple portrait de Maurice Richard, icône du hockey et figure emblématique de la culture québécoise, le film puise dans 35 ans d’archives inédites pour révéler l’homme derrière la légende. Entrelacé de témoignages exclusifs et de collaborations artistiques, MAURICE promet une immersion rare dans la vie du « Rocket ».

Les chambres rouges : un lancement sous haute tension

Dans le cadre du festival, j’ai pu assister au lancement du scénario du film Les chambres rouges (2023), à la Cinémathèque québécoise. Gratuit et accessible au public, l’événement proposait une performance en direct de la trame sonore du film, en présence de Pascal Plante, son réalisateur. Le film de Pascal Plante trouble autant qu’il fascine. On y suit une jeune femme, obsédée par le procès du « Démon de Rosemont », un tueur qui diffuse ses crimes sur le dark web. Muée par une curiosité maladive, elle tient mordicus à pénétrer la salle d’audience.

La musique oppressante était reproduite sur scène sans interruptions. Des projecteurs rouges illuminaient les trois musiciens, achevant de créer une ambiance lugubre, parfaitement accordée à l’affiche du film, celle-ci hissée en arrière-plan. Les morceaux oscillaient entre le doux grattement d’une guitare et le martèlement soudain de la batterie : le batteur, Dominique Plante, jouait avec une telle intensité qu’autour de moi, plusieurs spectateurs sursautaient au son des percussions, frappées avec vigueur.

Difficile d’imaginer Les chambres rouges sans sa trame sonore suffocante. Entendue en salle, elle vous prend à la gorge. Performée en direct, comme dimanche soir, elle devient presque physique : un grondement sourd, lancinant, qui pulse sous la peau, comme si l’angoisse avait trouvé sa fréquence. Une expérience à la fois troublante et captivante, qui prolonge l’impact du film bien au-delà de l’écran.

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Essence : quatre artistes montréalaises à l’honneur https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/essence-quatre-artistes-montrealaises-a-lhonneur/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57645 Une célébration de l’art et de l’identité noire dans cette exposition collective.

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Février, Mois de l’histoire des Noirs. Une période où l’on se retrouve, où l’on s’observe dans les reflets de celles et ceux qui nous ont précédés, et où l’on tente, à travers l’art, de raconter nos propres histoires.

Le 22 février dernier, au Quartier Jeunesse de Montréal, Cultur’elles MTL, un organisme dédié à la mise en avant des femmes issues de la diversité dans le domaine de la culture, des arts et des médias, nous a offert un espace pour le faire avec Essence.

Cultur’elles MTL

Dans cette exposition collective mettant en avant le travail de quatre artistes noires de la scène montréalaise, les visiteurs ont pu admirer photographie, peinture, crochet et multimédia dans un même espace. Les artistes mises en avant dans l’exposition étaient Sarah Béguineau, présentant des tableaux où la couleur dorée, symbolisant son vécu, domine ; Toromba Diawara, illustratrice et peintre, explorant ses émotions à travers l’utilisation de cordon et de fil ; BLCKQ, artiste et designer, qui fusionne art et tricotage pour créer des œuvres célébrant l’expression de soi ; et moi, Harantxa Jean, une artiste mêlant photographie conceptuelle et direction artistique, avec des projets comme ma série d’autoportraits CONTRAPPOSTO, engageant une réflexion sur la place des femmes noires dans l’histoire de l’art.

Cultur’elles MTL

Verres à la main, une communauté s’est rassemblée non seulement pour admirer l’exposition, mais aussi pour créer. Les participants ont eu l’opportunité de prendre part à des ateliers de perlage et de tressage animés par l’artiste Amanda Préval, tandis que les sœurs Rivera du spa Rivera Beauty ont ouvert un espace dédié à l’expression à travers le nail art. Assma, étudiante passionnée par le henné, a quant à elle proposé des designs inspirés de son héritage tchadien, et Frizzygyal, une artiste visuelle, nous a éblouis avec une performance de bodypainting en direct où elle a transformé des corps en véritables toiles vivantes.

Cultur’elles MTL

Pour compléter cette expérience immersive, Cultur’elles MTL a organisé un panel de discussion, où les artistes exposées ont été invitées à prendre la parole.

Quatre chaises sur scène, une lumière chaude, et une question posée d’emblée par l’animatrice : Comment intégrez-vous votre identité dans votre art ? Un silence dans la salle suit. Pas un silence pesant, mais plutôt celui d’une attente, d’une introspection collective. Puis Sarah a pris la parole : « Pour moi, l’art est un cheminement vers mes racines. Étant antillaise et française, il y a toujours eu une recherche de mon propre centre. Donc, mon travail, c’est un dialogue avec mon héritage. » Torumba a enchaîné, un sourire en coin : « Moi, c’est simple : mon art, c’est mon mood. Ce que je ressens, ce que je vis, tout passe par mes mains. Et avec cette expo, je voulais explorer de nouvelles matières, tester l’association entre la corde et la peinture. »

Cultur’elles MTL

Quand mon tour est venu, je parle d’absence. Le manque d’images non stéréotypées des femmes noires, l’absence d’un espace où notre beauté et notre force ne sont pas simplement tolérées, mais affirmées : « Grandir en aimant les médias, tout en n’y voyant personne qui me ressemblait, c’est un sentiment complexe. Mon travail, c’est une tentative de renverser ce narratif. De combler ce vide. »

Dans la salle, on acquiesce, on murmure, on se reconnaît. Et dans cette énergie collective, notre décision est claire : continuer de créer.

Le 22 février dernier au Quartier Jeunesse de Montréal, Essence fut une soirée où Montréal a répondu présent et où l’essence même de notre créativité et de notre identité a pleinement trouvé sa place.

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Vierge : une adolescence à l’envers de la foi https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/vierge-une-adolescence-a-lenvers-de-la-foi/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57677 Une jeunesse qui choisit sur quoi faire une croix.

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Touchées par ce portrait fidèle d’une jeunesse noire réunie dans des sous-sols d’église éclairés aux dalles DEL d’un blanc quasi hospitalier, mon amie et moi sommes assises l’une à côté de l’autre dans l’auditoire. Une première pour nous deux : ce témoignage du beau et du laid coexistant dans ces lieux de communauté, sacrés à plus d’un égard. Ode à ces réalités incomprises, Vierge est authentique, candide, mais avant tout nécessaire.

Produite par le Black Theatre Workshop et la Great Canadian Theatre Company, cette œuvre de Rachel Mutombo met en scène la rencontre de quatre adolescentes congolaises qui se réunissent hebdomadairement pour une étude biblique. Or, leurs apprentissages débordent rapidement du texte religieux, alors que se tisse, entre embarras de l’inexpérience et désirs d’appartenance, une amitié. Avec une naïveté enfantine, ces personnages féminins naviguent à travers leurs défis personnels, une prière à la fois.

« Ode à ces réalités incomprises, Vierge est authentique, candide, mais avant tout nécessaire »

Divine, interprétée par Espoir Segbeaya, apparaît la première sur scène, rayonnante de toute cette candeur propre à une jeune fille de 16 ans, plaçant table et chaises avec fébrilité. Cet enthousiasme est vite terni par l’entrée de Grace (Seeara Lindsay) et de Sarah (Joy Mwandemange), demi-sœurs vêtues respectivement des couleurs orange et mauve, qui, comme elles, s’opposent mais se complètent. Un échange gênant s’ensuit, ponctué des rires de l’auditoire, et s’interrompt finalement par l’entrée de Bien Aimé (Symantha Stewart), qui s’auto-désigne médiatrice. C’est au fil de cette dynamique tendue que les quatre personnages apprennent à s’apprécier, au meilleur de leurs capacités. Investi dans le devenir de ce petit groupe, le public tente de déchiffrer les non-dits de leurs conversations, alors que le poids de ces fameux songi-songi (rumeurs) pèse lourd. Notre immersion dans cette intrigue est facilitée par le travail de Zoe Roux à la conception du décor et de l’éclairage. Aux moments charnières, le portrait de Jésus et les longs vitraux placés en hauteur s’illuminent, lueurs d’espoir dans l’obscurité de cette salle pédagogique. L’éclairage se tamise, se concentre sur un personnage ou s’intensifie, marquant les changements de ton. Or, par moments, le jeu des acteurs peine à traduire ces variations d’ambiance : je pense notamment à une scène marquée par un éclairage glacial, austère, de style « salle d’interrogatoire » sans variation conséquente dans l’attitude des personnages.

Les symboles catholiques traversent la pièce, certains plus évidents que d’autres. Le choix des noms, des vêtements et du livre biblique à l’étude, tous porteurs de sens, racontent d’eux-mêmes une histoire sous-jacente. Lors d’interludes musicaux, l’orgue, instrument religieux par excellence, se fond dans une rythmique africaine dansante, représentation du tableau culturel que composent les jeunes filles. Les actrices embrassent leurs rôles avec aisance. Leur jeu est dynamique, et leurs personnages aux éthos distincts interagissent avec humour et tact. Cependant, notre attention se gagne et se perd au fil des échanges, alors que les voix peinent parfois à se projeter et qu’un emboîtement des paroles, dans la frénésie d’une dispute, limite la compréhension de l’auditoire.

Malgré ces bémols, cette pièce a été pour moi un réel coup de cœur. En plus d’être à la fois amusante et émouvante, Vierge était, et je l’ai ressenti, une œuvre sincère. Mon amie et moi avons vu sur cette scène nos souvenirs joués de style grandeur nature dans ces personnages nous rappelant nos cousin·e·s. Et alors qu’au début de la pièce, une voix hors champ nous rappelait les horreurs se déroulant présentement en République démocratique du Congo, j’ai repensé à l’importance de pièces de théâtre montrant au grand public québécois le portrait de communautés que trop peu représentées.

La pièce Vierge est présentée jusqu’au 2 mars au Centre Segal des arts de la scène. Des billets sont en vente sur le site segalcentre.org.

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Dandysme, histoire et fierté : aux origines du Met Gala 2025 avec Dre Monica L. Miller  https://www.delitfrancais.com/2025/02/20/dandysme-histoire-et-fierte-aux-origines-du-met-gala-2025-avec-dre-monica-l-miller/ Thu, 20 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57518 Entrevue exclusive avec la co-commissaire de l’exposition Superfine : Tailoring Black Style, inspirant le thème du Met Gala 2025.

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Depuis 1948, le Met Gala marque le lancement de l’exposition de l’Institut du costume du Metropolitan Museum of Art de New York (Met). Chaque premier lundi du mois de mai, la crème de la crème d’Hollywood se réunit au Met, transformant ses marches mythiques en un théâtre où haute couture rencontre mise en scène, réinterprétant ainsi le thème de l’exposition annuelle à travers des créations spectaculaires.

Cette année, le thème du Met Gala, qui se tiendra le 5 mai sous la coprésidence d’Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue, rend hommage à un héritage stylistique majeur avec Superfine : Tailoring Black Style, une exposition explorant l’importance du dandysme noir dans la construction des identités et du style afro-descendant. Pour donner vie à cette célébration, Wintour invite à la coprésidence le septuple champion du monde de Formule 1 Lewis Hamilton, l’acteur nommé aux Oscars Colman Domingo, les rappeurs récompensés aux Grammy Awards Pharrell Williams et A$AP Rocky, ainsi que l’icône de basketball LeBron James, qui officiera en tant que président honorifique.

Sport, cinéma, et musique confondus, ces hommes incarnent à la fois l’audace et le raffinement du dandy, soit d’un homme pour qui le style vestimentaire est un mode d’expression. Leurs origines afro-descendantes et leur port fréquent de complets sur-mesure renforcent d’autant plus le thème du dandysme noir et du tailleur (tailoring), nous laissant déjà entrevoir les looks du gala et les œuvres de l’exposition, qui seront dévoilées en mai prochain.

Pour enrichir mes réflexions, je prends contact avec celle qui a imaginé cette exposition seize ans auparavant : Dre Monica L. Miller, créatrice et architecte intellectuelle du thème du Met Gala 2025. En effet, c’est son étude magistrale sur le dandysme noir publiée en 2009, intitulée Slaves to Fashion : Black Dandyism and the Styling of Black Diasporic Identity, qui sert d’inspiration pour l’exposition Superfine : Tailoring Black Style, dont elle est également la co-commissaire. C’est dans cet ouvrage que la professeure au Barnard College de l’Université Columbia m’éclaire notamment sur l’importance du vêtement comme outil de liberté.

Alors, en me préparant à notre échange, je décide d’incarner, à ma manière, l’esprit dandy. J’enfile ma veste de complet bicolore aux boutons d’argent, prête à converser avec celle qui a donné au dandysme noir son badge de noblesse.

Pourquoi le dandysme?

Il est surprenant d’apprendre – lorsque l’on considère l’influence majeure du dandysme sur l’évolution de la mode – que Superfine : Tailoring Black Style est la première exposition de l’Institut du costume du Met à se concentrer sur la mode masculine depuis Men in Skirts (2003). Originaire du 18e siècle en Angleterre, puis adopté en France, le dandysme est avant tout un art de vivre, centré sur l’attitude flamboyante et l’apparence raffinée d’un homme de la haute société. Nombreux sont ceux, moi incluse, qui découvrent cette tradition à travers des figures européennes, telles qu’Oscar Wilde ou Charles Baudelaire. Mais pour Dre Miller, c’est tout le contraire.

Elle m’explique que son intérêt pour le dandysme est né d’un moment précis, une découverte lors de ses études supérieures à l’Université Harvard : « Lors de mes études doctorales, j’ai eu le plaisir de suivre un cours enseigné par Cornel West sur le sociologue W.E.B. Du Bois. Nous avons fait une lecture approfondie de The Souls of Black Folk [1903], (tdlr) », raconte Dre Miller. C’est dans ce contexte que l’idée du dandysme noir s’est imposée à elle, à travers une note de bas de page mentionnant que Du Bois avait été caricaturé en tant que dandy, et qu’il détestait cela. « Du Bois était toujours impeccable dans son apparence, donc ça n’avait pas de sens pour moi parce que d’après ce que je pouvais voir, le dandysme qu’il représentait était positif et au service de sa dignité. »

Mais la réaction de Du Bois, selon Dre Miller, révèle un enjeu plus profond : celui de la perception et de la représentation. « Ce qu’il n’aimait pas, c’est que l’on associait son style aux formes de divertissement de grimage en Noir [blackface], qui, au début du 19e siècle, se produisait encore régulièrement », poursuit Miller. Elle m’explique qu’il n’a jamais voulu que son éducation, ses choix vestimentaires et son attitude soient associés à la moquerie et à la dévalorisation du peuple noir. Ce moment a été un tournant décisif, l’amenant à creuser davantage sur le sujet, devenant ainsi le sujet de sa thèse à Harvard.

Au-delà de ses recherches universitaires, la professeure se souvient aussi de ses premières influences, qui remontent à son adolescence : « En réalité, mon intérêt pour la mode remonte plus loin que l’école doctorale. En parlant avec un ami, je me suis rendu compte qu’au secondaire, j’avais déjà commencé à écrire sur la mode et sur ses éléments classiques dans un journal étudiant. » C’est un moment d’introspection que nous avons en commun, alors que je lui partage que j’ai moi aussi commencé à écrire sur la mode dans mon journal étudiant, alors que j’étais encore au primaire ; une habitude que j’ai d’ailleurs ravivée dans la section Culture du Délit. Cependant, notre intérêt commun pour la mode est peut-être moins anodin que je ne le pense.

L’histoire du dandysme noir peut, en effet, être envisagée sous deux angles. « Il y a, d’une part, une origine liée aux premiers contacts entre Africains et Européens et, d’autre part, une origine plus individuelle, marquée par une inclinaison personnelle à jouer avec le style vestimentaire », m’explique Dre Miller. Durant la traite négrière transatlantique, la professeure souligne que les captifs étaient dépouillés de leurs vêtements durant la traversée, pour ensuite recevoir une tenue uniforme en arrivant en Amérique. Cette observation peut projeter l’idée que l’élégance des Noirs serait née uniquement au contact des Européens, mais ce que Dre Miller nous montre, c’est que, même dans la contrainte de l’esclavage, il y avait une intention, un choix.

« Il y a cette tension entre la manière dont les Noirs ont été représentés par les autres, et la manière dont ils se sont toujours efforcés de se représenter eux-mêmes, et la politique de cette représentation est à la fois difficile et libératrice. Pour les esclaves, leurs identités étaient effacées par ces vêtements standardisés, mais, en même temps, certains tentaient de se distinguer. Parfois, c’était un simple bouton, un accessoire, une manière particulière de porter une pièce qui signalait une identité propre. » Elle rajoute un élément essentiel : certains esclaves domestiques [house slaves] étaient vêtus avec ostentation pour refléter la richesse de leur maître, un phénomène qu’elle qualifie de « déshumanisant, car ce n’était pas leur choix ». Cependant, sous cette obligation, les domestiques comprennent « immédiatement que l’habit a un pouvoir, et qu’il peut être utilisé pour façonner une identité ».

« Cette année, le thème du Met Gala rend hommage à un héritage stylistique majeur avec Superfine : Tailoring Black Style, une exposition explorant l’importance du dandysme noir dans la construction des identités et du style afro-descendant »

Cet aspect identitaire se révèle important lorsqu’elle évoque également l’influence de sa famille dans son attrait au dandysme noir : « Chaque famille noire compte des membres qui accordent une attention particulière à leur style, et la mienne ne fait pas exception. » En effet, ce désir de s’habiller soigneusement dépasse une question du goût : il relève d’une science, celle de l’enclothed cognition – la manière dont nos habits façonnent notre attitude. Dre Miller nous fait comprendre que cette notion est en relation avec le dandysme : « La mode, le vêtement, le style, et le dandysme en particulier, ont été utilisés par les Noirs comme un outil. Parfois pour affronter des réalités difficiles, mais aussi pour transcender ces réalités, pour atteindre la joie, pour s’autodéfinir, autant que possible. »

Donc, pourquoi le dandysme? Parce qu’il est partie intégrante de l’émancipation des Noirs. Durant et après l’abolition de l’esclavage, le dandysme est pour les peuples afro-descendants un outil de résistance face aux perceptions sociales. Désormais présenté sur la plus grande scène de l’industrie de la mode, le Met Gala et l’exposition inspirée de Slaves to Fashion démontreront comment l’héritage du Black dandy continue d’évoluer.

Superfine : Tailoring Black Style

S’appuyant sur l’essai Characteristics of Negro Expression (1934) de Zora Neale Hurston, l’exposition Superfine: Tailoring Black Style explore les caractéristiques du dandysme noir à travers 12 catégories, allant de Propriété, Présence et Distinction, à Beauté, Cool et Champion. Bien que Dre Miller ne m’ait mentionné dans quelle catégorie figurera une partie fondamentale de l’exposition, c’est en apercevant un dessin de Toussaint Louverture dans la vidéo promotionnelle de l’exposition que mon cœur a bondi.

Étant d’origine haïtienne, je ne pouvais ignorer la résonance entre la Révolution haïtienne de 1804 et la manière dont le dandysme noir, à travers l’histoire, a façonné la perception du héros noir. Dre Miller acquiesce : « C’est une excellente observation. Ce qui est fascinant, c’est que, dans mon livre, Haïti n’est mentionné que brièvement, mais dans l’exposition, le pays occupe une place centrale. » Elle poursuit : « Nous avons une section entière de l’exposition qui explore la tenue militaire et la façon dont elle confère une certaine prestance. Nous avons des images de Toussaint Louverture, avec son habit militaire soigneusement porté, mais aussi une galerie entière de portraits d’hommes politiques haïtiens qui lui ont succédé. Ils dégagent une prestance royale qui, bien que semblable à celle des dirigeants européens, avait une signification radicalement différente. »

Je l’écoute, fascinée. La Révolution haïtienne ne représente pas seulement un moment clé dans l’histoire des Noirs, mais aussi un tournant dans la manière dont ils se sont représentés à travers le vêtement. Dre Miller enfonce le clou : « À l’époque, voir des Noirs libérés s’auto-représenter ainsi suscitait un mélange de fascination et de crainte. Une crainte respectueuse, car ces hommes s’imposaient non seulement par leur statut libre, mais aussi par la manière dont ils se présentaient au monde. » Combien de fois a‑t-on parlé de la mode haïtienne sous cet angle? Trop rarement. « C’est pourquoi il était essentiel pour nous d’en faire un point central de l’exposition », affirme-t-elle.

Avançons à l’ère actuelle, et l’héritage du dandy noir est omniprésent. Impossible de ne pas créditer l’influence d’André Leon Talley, le premier directeur artistique noir de Vogue, dans la conception du dandy moderne que l’on peut voir chez Colman Domingo par exemple, que Dre Miller qualifie d’ailleurs comme « l’un de [ses] dandys modernes préférés ».

« La mode, le vêtement, le style, et le dandysme en particulier, ont été utilisés par les Noirs comme un outil. Parfois pour affronter des réalités difficiles, mais aussi pour transcender ces réalités, pour atteindre la joie, pour s’autodéfinir, autant que possible »

- Dre Monica L. Miller, créatrice du thème du Met Gala 2025

Je demande alors à Dre Miller si, malgré les racines coloniales du dandysme, son esthétique conserve sa portée radicale, ou si elle a été récupérée par le mainstream [le courant dominant]. Quelles sont les implications, par exemple, lorsque des icônes comme A$AP Rocky sont célébrées pour leur « swagger » ou leur « drip », alors que les racines historiques de ces expressions stylistiques sont ignorées? Cela amoindrit-il la signification du dandy noir?

Dre Miller secoue la tête : « Non, je ne pense pas que cela la diminue. Une des choses qui m’a frappée en transformant mon livre en exposition, c’est à quel point cette histoire, même quand elle n’est pas explicitement reconnue, est toujours là, présente, implicite, vivante. » Pour Miller, ce n’est pas seulement une question de vêtements, mais d’attitude : « Le dandysme, on le définit souvent par le complet. Mais ce qui compte, ce n’est pas juste le complet, mais ce que la personne fait avec. Comment il est porté, comment il est stylisé, comment il bouge. J’étudie comment la personne habite le vêtement. »

Elle insiste sur le fait que des styles populaires, enracinés dans les cultures afro-descendantes, ne disparaissent pas, même lorsqu’ils ne sont pas revendiqués ouvertement : « L’histoire ne s’arrête pas. Quand on regarde les figures contemporaines du style, on voit ces traditions évoluer, parfois explicitement, parfois implicitement. Même si elles ne sont pas reconnues par tous, certaines personnes les perçoivent. Et avec cette exposition, j’espère que davantage de gens apprendront à les voir. »

Dre Miller souligne également que le dandysme est une performance : « Il y a une part d’incarnation et une part de public. Et parfois, ce public, c’est soi-même. » Sans même le savoir, j’assiste à une exclusivité. La semaine dernière, le code vestimentaire du Met Gala a été révélé : Tailored for You [Conçu pour soi-même]. Les invités devront honorer la thématique du sur-mesure en revisitant l’élégance du complet, une pièce propre à l’histoire du dandy noir.

Avec cette réflexion en tête, comment anticiper les choix vestimentaires des invités? Dans Slaves to Fashion, Dre Miller écrit à la page 14 que « deux hommes, un noir et un blanc, vêtus du même complet et du même chapeau, ne le porteront presque jamais exactement de la même manière. » Il ne reste plus qu’à attendre l’apothéose annuelle de la mode, le 5 mai prochain, pour voir quelles célébrités et designers s’approprieront le plus efficacement ledit complet…

Le Met Gala aura lieu le 5 mai 2025 au Metropolitan Museum of Art de New York. Présentée par Louis Vuitton, l’exposition Superfine : Tailoring Black Style sera visible au Met du 10 mai au 26 octobre 2025.

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