Victor Tricaud - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/victor-tricaud/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 22 Sep 2015 03:37:24 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 Une bonne leçon à tirer? https://www.delitfrancais.com/2014/10/28/21658/ https://www.delitfrancais.com/2014/10/28/21658/#respond Tue, 28 Oct 2014 19:02:33 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21658 Opinion

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Lorsque McGill tente de s’exprimer, elle bredouille. C’est en tout cas ce que laisse penser le vote organisé par l’AÉUM (Association Étudiante de l’Université McGill), mercredi dernier. La question était de savoir si l’AÉUM devrait ou non exprimer sa solidarité envers les populations civiles des Territoires palestiniens occupés. Néanmoins, à l’issue du rassemblement, la proposition n’avait nullement été débattue. Bien au contraire, le débat s’est trouvé «reporté indéfiniment». L’un des arguments avancé en faveur de cet ajournement s’inquiétait de la division du corps étudiant qu’occasionnerait cette clause contentieuse.

Cependant, la proposition n’avait rien de contentieux: tous s’accorderont pour condamner les violations des droits de l’Homme et l’oppression de populations innocentes — comme proposé par l’AÉUM à multiples reprises. De plus, les abus commis par l’armée israélienne s’avèrent un fait documenté par de nombreuses entités internationales, institutions juridiques et organisations tant palestiniennes qu’israéliennes. La discussion aurait certes pu porter sur l’étendue des condamnations en incluant les activités terroristes de tous bords. Toutefois, le contenu de la proposition n’aura pas eu l’occasion d’être amendé.

En effet, la discussion de mercredi dernier s’est plutôt portée sur la légitimité de l’AÉUM à s’exprimer au nom des étudiants sur de tels enjeux — une remarque tout à fait légitime. Cependant, cette préoccupation institutionnelle a pris le pas sur la question initiale. Ce détournement a permis à l’un des partis d’éviter de se prononcer sur une question humanitaire perçue comme une attaque identitaire: la condamnation d’Israël. Ainsi, la décision finale résulte d’un malentendu quant au contenu du vote. En fin de compte, il semblerait que de part et d’autre, la proposition aurait été entendue comme une prise de position politique concernant le conflit israélo-palestinien, plutôt qu’une considération éthique. 

Le résultat de ce mercredi soir souligne certaines particularités du conflit israélo-palestinien. L’une d’entre elles concerne le problème de l’identité communautaire. Ce qu’on a pu constater lors de cette Assemblée générale était l’extrême polarisation entre «pro ou anti». Cet attachement émotionnel pousse l’individu à confondre une critique envers un aspect de sa communauté — souvent indépendant de sa volonté — avec une attaque personnelle. Cependant, aucun État ne conduit de politique irréprochable. Ainsi, de telles violations des droits de l’Homme devraient être objectivement condamnées à domicile comme à l’étranger sans pour autant en revenir au débat «pro ou anti». 

Un détachement impartial est en effet chose rare dans tout débat émotionnel. Comme l’indique le vote de l’Assemblée générale, sans le recul nécessaire, les tensions se cristallisent autour d’un vote «oui» ou «non». Ce genre de procédure unilatérale ne peut amener de résultats constructifs; et subjuguer l’opinion de l’opposition ne résout pas un problème de cette envergure. Bien au contraire, il alimente le conflit en frustration. C’est pourquoi cette procédure s’est vue vouée à l’échec. Pour illustrer ce dernier point, une proposition similaire en faveur des droits des Palestiniens avait déjà connu les mêmes résultats en février 2009. Et tout laisse à penser que ce vote stérile sera à envisager de nouveau d’ici quelques années. 

Plutôt que de proposer un référendum à la communauté mcgilloise, peut-être vaudrait-il mieux se tourner vers une sollicitation plus constructive. Par exemple, créer un espace pour un échange d’expériences et d’opinions familiariserait chacun des partis avec les idées opposées. Que ce soit au travers d’une semaine thématique, ou par l’organisation de tables rondes, plusieurs options permettraient une discussion instructive pour les étudiants. D’autre part, cela positionnerait McGill parmi les universités engagées dans le conflit de façon positive. 

L’aboutissement de ce débat aura donc échoué, de par sa forme. Néanmoins, cet épisode aura permis de sensibiliser la population mcgilloise. Ainsi peut-on espérer une évolution dans l’approche du problème, pourvu que chacun se souvienne de ces conclusions.

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« La République est son régime » https://www.delitfrancais.com/2014/02/11/la-republique-est-son-regime/ Tue, 11 Feb 2014 06:43:48 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19942 Le 26 janvier dernier, la Tunisie a adopté une nouvelle constitution.

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Il y a tout juste deux semaines, l’Assemble nationale constituante (ANC) tunisienne votait à 200 voix sur 216 en faveur de la nouvelle constitution. Durant les deux dernières années, l’ANC a été le centre de débats agités opposant les différents partis tunisiens. L’un des principaux terrains de désaccord récurrent concernait la place de l’Islam dans la constitution. D’un côté, les partis religieux – à l’instar d’Ennahda – voulaient assurer une place importante à la religion, tandis que les partis laïcs tenaient à modérer les rapports entre religion et État.

Ces deux années de discussions mouvementées –qui auront entraîné l’assassinat de deux parlementaires (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi)– ont finalement abouti à un compromis équilibré entre les désirs des différents bords politiques. L’Islam est reconnu comme la religion d’État dans le premier article de la constitution: «la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime.» Mais le gouvernement tunisien s’engage aussi à garantir «la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes» (article 6). La charia n’est pas non plus citée dans le texte.

De manière générale, la communauté internationale a reçu le vote de cette constitution très positivement. Barack Obama a «félicité le peuple tunisien pour la constitution et ce qu’elle contient de garanties pour les libertés», tel que rapporté par le quotidien La Presse. D’après Eric Goldstein, membre important de l’organisation non-gouvernementale internationale «Human Rights Watch», «l’Assemblée nationale constituante de Tunisie a voté en faveur d’un texte qui défend hardiment les droits humains», ainsi qu’il l’a déclaré dans une allocution publique le 31 janvier dernier. Bien d’autres organismes et chefs d’États ont aussi soutenu l’adoption de cette nouvelle constitution.

Néanmoins, certains remettent en question la capacité d’un État à être à la fois, comme l’indique l’article 2, «civil» –terme souvent associé au concept de laïcité– et à se réclamer d’une confession particulière, comme l’indique l’article 1 de la constitution. Pour certains, cette constitution se contredit, favorisant parfois une vue libérale et à d’autres moments une vue plus religieuse et conservatrice. Si le document semble ainsi présenter quelques paradoxes, c’est pour au moins deux raisons. D’abord, des concessions ont dû être faites pour arriver à un accord entre parlementaires. Ainsi, aussi bien les partis laïcs que religieux ont pu se faire entendre. La Tunisie avait besoin d’une constitution et l’assemblée a su en présenter une qui serait acceptée par la majorité de l’ANC sans causer trop de troubles.

La seconde raison pour laquelle un certain nombre d’articles peuvent donner l’impression de se contredire est que la plupart des médias occidentaux n’en savent pas assez sur les conditions qui ont amené à leur rédaction, et constatent donc des discontinuités. Ségolène Lapeyre, une étudiante en troisième année à McGill se spécialisant sur la Tunisie a partagé son opinion avec Le Délit. Elle fait remarquer qu’une des justifications pour l’article 6 –qui a fait polémique car il semble rapprocher la religion et l’État car il fait mention de «protéger les sacrés»– était la protection des sites saints non-reconnus –et par conséquent détruits– par des Salafistes extrémistes tunisiens. On est donc loin de la proclamation d’une religion d’État.

Enfin, le caractère le plus impressionnant de cette constitution est sans doute la grande importance qu’elle porte à l’égalité entre les citoyens et citoyennes et aux quotas établis pour les femmes dans les institutions gouvernementales.

 

 

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