Chloé Anastassiadis - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/chloe-anastassiadis/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Fri, 12 Feb 2021 19:53:13 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 La rencontre de la «Belle et la Bête» https://www.delitfrancais.com/2016/10/19/la-rencontre-de-la-belle-et-la-bete/ Wed, 19 Oct 2016 20:21:01 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26288 Le Délit dissèque pour vous le second débat de la présidentielle américaine.

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Ayant lieu quelques jours après la publication d’une vidéo de 2005 dans laquelle Donald Trump tenait des propos nauséeux sur les femmes, le deuxième débat de la présidentielle américaine promettait d’être au moins aussi tendu que le premier. Mais malgré les attentes déjà très basses des commentateurs, ce face-à-face entre Hillary Clinton et Donald Trump surprit par l’agressivité qui y régna du début à la fin.

Quelques heures avant la rencontre, Trump avait donné le ton en faisant une apparition publique entouré de trois femmes qui accusent Bill Clinton d’agression sexuelle. La tension monta d’un cran lorsque les deux candidats évitèrent de se serrer la main au début du débat. Puis s’ensuivirent 90 minutes durant lesquelles beaucoup d’attaques personnelles mais peu d’idées furent échangées.

Un format qui a nui à la qualité du débat

Le format «town hall» de la rencontre fut certainement un catalyseur. En effet, l’idée était que des internautes et des membres du public, sélectionnés par Gallup (un institut de sondage, ndlr) et a priori indécis quant à leur choix de candidat, posent des questions directement aux candidats. Clinton, qui souffre d’une image trop distante et froide, avait beaucoup à gagner avec ce format. Comme lors du premier débat, son attitude à la fois enjouée et posée, en contraste avec celle de son nerveux adversaire, fut sa meilleure carte, bien que certains la trouvent plus jouée qu’enjouée.

Malheureusement, le format town hall contribua aussi à rendre le débat plus personnel. Outre les questions d’internautes sur les commentaires obscènes de Trump, on eut aussi droit à «Sachant que beaucoup d’éducateurs demandent à leurs élèves de regarder le débat, pensez-vous que vous représentez un modèle approprié et positif pour la jeunesse d’aujourd’hui?» ou «Pouvez-vous nommer une chose positive que vous respectez chez votre adversaire?» (Clinton ne trouva rien d’autre que «ses enfants», pour la petite histoire). Bref, peu de sujets susceptibles d’amener une discussion sur le programme des candidats.

Ces derniers contribuèrent aussi à cette situation. Très souvent les questions-réponses virèrent en discussions enflammées entre Clinton et Trump, qui s’accusèrent de mauvaise foi voire de mensonge à répétition, et durant lesquelles le public était oublié. Trump à son habitude détourna presque toutes ses réponses en remarques sur la situation «désastreuse» laissée par Barack Obama ou en attaques contre Clinton et son mari. Ses excuses pour s’être vanté de pouvoir agresser sexuellement des femmes n’en furent pas, mais il trouva bien vite le moyen d’accuser Bill Clinton d’être un prédateur sexuel. Le manque de remord évident de Trump pour ce qu’il appelle des «discussions de vestiaires» était d’autant plus dérangeant que son attitude envers Hillary Clinton fut particulièrement menaçante durant tout le débat.

Un nouveau pas franchi dans la rhétorique de Trump

Comme les commentaires outragés, les arguments ad hominem, ou encore les tentatives de victimisation ont toujours été la marque de fabrique du candidat républicain, il n’y avait pas eu jusque-là de menaces directes contre Clinton. Il avait bien une fois fait une référence aux défenseurs du second amendement (synonyme de droit au port d’arme, ndlr), mais n’avait pas osé menacer Clinton ouvertement. Or cette fois, Trump a franchi un nouveau pas en déclarant que s’il était élu, il ferait mettre son adversaire en prison.

Son langage corporel durant le débat fut aussi remarqué par les commentateurs car particulièrement sinistre. Tandis que Clinton répondait aux questions en se tournant vers le public, son adversaire se tenait debout juste derrière elle, ou lui tournant parfois ostensiblement le dos. Bien que contribuant à son image de «bully» (tyran, intimidateur, ndrl), cette attitude a peu de chance de détourner les citoyens qui sont toujours prêts à voter pour lui malgré les révélations des derniers jours.

Il semblerait effectivement que le candidat républicain ait entre le premier et le deuxième débat atteint un tournant, et ne se concentre plus que sur sa base d’électeurs les plus radicaux. Il a durant la dernière semaine perdu 40 soutiens officiels parmi les républicains, et ce n’est pas sa performance du deuxième débat qui changera la donne.

Clinton: Une victoire par défaut, voire pas de victoire du tout

Peut-on dire cependant que Clinton a «gagné» ce débat? En termes d’image, elle a su se montrer attentive et réfléchie, même si elle manquait de spontanéité. En termes de projets, elle pourrait difficilement être moins convaincante que Trump. Reste qu’elle a manqué beaucoup d’occasions d’enfoncer le clou avec son adversaire, qui est plongé jusqu’au cou dans différents scandales: le harcèlement d’une ancienne Miss Univers, ses affaires de fraude fiscales, ses frasques avec la justice sur le sujet de l’Université Trump, la vidéo de 2005…

Malgré son évidente préparation, Clinton semblait incapable d’attaquer son adversaire en profondeur. Par contraste, Trump ne s’est pas gêné pour mentionner son implication dans la guerre en Irak et ses serveurs de courriels confidentiels, tout en faisant régulièrement référence à Bernie Sanders, candidat malheureux de la primaire, et les critiques que ce dernier avait adressé à Clinton. C’est d’ailleurs peut-être en forçant Clinton à démentir chacune de ses accusations que Trump a assuré sa propre garde.

Le vainqueur du deuxième débat présidentiel serait donc en fin de compte Ken Bone, un des membres du public dont le pull-over rouge et la moustache ont fait des ravages sur Internet. Sauf que ce dernier se voit maintenant décrié par tous, après avoir tenté de monétiser sa notoriété fulgurante, et que des révélations ont fait surface quant à certaines de ses opinions politiques et penchants pornographiques litigieux.

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Contradictions humanitaires https://www.delitfrancais.com/2016/01/26/contradictions-humanitaires/ https://www.delitfrancais.com/2016/01/26/contradictions-humanitaires/#respond Tue, 26 Jan 2016 16:08:28 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24490 Idéalisme vs réalisme politique.

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Si le premier trimestre de Justin Trudeau à la tête du gouvernement fédéral vient de se terminer, sa «lune de miel» avec les Canadiens en revanche semble partie pour durer encore un bon bout de temps. Bien qu’elle ne soit pas inédite (même les Conservateurs avaient profité d’une telle faveur en 2006), cette popularité reste quand même surprenante, au vu de la multiplication des incohérences du gouvernement ces dernières semaines. Des incohérences particulièrement flagrantes lorsqu’il s’agit de Droits de l’Homme.

Il est vrai que les photos de Trudeau auprès des nouveaux arrivants syriens ont convaincu de nombreux spectateurs que le Canada retrouvait sa position de sanctuaire des Droits de l’Homme d’avant le règne Harper. La décision du gouvernement de cesser de bombarder un pays déjà en ruine semble également sage. En tout cas, si elle est un jour appliquée. Car le candidat qui a promis tant de fois de cesser de combattre la violence par la violence n’a toujours pas donné de date précise pour le retrait des troupes. Évidemment, rien ne peut se faire dans la précipitation. Pourtant, si la situation des Syriens est assez urgente pour que le gouvernement ait essayé d’en accueillir 6000 par semaine sans aucune préparation, il est difficile de comprendre pourquoi cesser de bombarder le pays d’origine de ces mêmes réfugiés peut attendre indéfiniment.

Charlie

Nos affaires en Arabie Saoudite

Il est encore plus difficile d’expliquer comment notre gouvernement humaniste a pu accepter de vendre du matériel militaire à l’Arabie Saoudite, un pays qui non seulement ne respecte pas le droit de ses propres citoyens, mais commet aussi des crimes de guerre chez son voisin yéménite. Trudeau peut bien affirmer qu’il ne s’agit là que de Jeeps. Si c’est vraiment le cas, il est encore plus incompréhensible que le Canada ait quand même tenu à vendre une marchandise qu’on aurait facilement pu revendre à d’autres pays. Mais apparemment les Yéménites ne sont pas exactement au centre des préoccupations du premier ministre. Pourtant, 93% des morts et blessés dans ce pays sont des civils, et en vendant ces Jeeps blindées, nous prenons le risque d’augmenter leur souffrance.

Le prétexte selon lequel l’Arabie Saoudite est garante de stabilité dans la région est difficilement défendable au vu des événements des dernières semaines, durant lesquelles le pays a multiplié les provocations à l’encontre de son voisin iranien. Car, quoi qu’on pense de la réaction des Iraniens à la mort du Cheikh chiite al-Nimr, elle était prévisible. Tout comme leur réaction à un bombardement proche de leur ambassade au Yémen. Et la tentative de rapprochement de l’Arabie Saoudite avec le Pakistan indique que les dirigeants saoudiens se préparent à une possible escalade des tensions, ce qui n’augure rien de bon pour la région.

Alors, pourquoi les Canadiens ferment-ils les yeux sur toutes ces contradictions? Contrairement à l’époque d’Harper, avec le nouveau gouvernement tout est public, couacs inclus. Mais le réalisme politique est devenu une excuse des défenseurs du jeune Ppremier ministre pour accepter tout ce qui ne collait pas avec l’image humaniste de ce dernier. Ceux que les Conservateurs accusaient d’être des idéalistes clament à présent qu’annuler un contrat serait irresponsable, ignorant volontairement le fait que les Suédois l’ont fait. Ce soutien inconditionnel à la politique de Justin Trudeau est un amour aveugle, avec de lourdes conséquences humanitaires à la clé. La question, maintenant, est donc de savoir quand les aléas de la vie de couple vont enfin commencer pour les jeunes mariés. 

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Réfléchir avant de parler https://www.delitfrancais.com/2015/11/16/reflechir-avant-de-parler/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/16/reflechir-avant-de-parler/#respond Tue, 17 Nov 2015 04:42:32 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24069 Le rôle du langage dans la réaction des politiques.

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À la suite du drame survenu à Paris, nombreux sont ceux qui ont pris la parole pour exprimer leur soutien aux Français et, parfois, tirer les conclusions qui les arrangeaient. Souvent, des mots trop évocateurs et lourds de conséquences ont été utilisés pour porter des idées qui mériteraient plus de nuance en ces temps d’instabilité et de tensions.

Guerre n.f.

En période de détresse et d’incertitude, il est en effet facile pour une fgure forte d’abuser de l’espoir populaire qu’on mette fin à l’horreur. Ce n’est donc pas surprenant que le président de la République française ait déclaré l’état d’urgence dès vendredi soir, dénonçant un «acte de guerre». Mais une guerre contre qui?

Comme nous le rappelle notre compagnon de toujours qu’est Le Larousse, une guerre se fait entre plusieurs États, et par extension entre plusieurs entités reconnues au niveau international, des entités «légitimes» en un sens. Or l’autoproclamé «État islamique» n’a pas une telle légitimité et c’est précisément sa plus grande faiblesse. En choisissant un tel nom, l’organisation exprimait son besoin d’être reconnue, tandis qu’en pratique elle n’est pas traitée comme un État; l’utilisation de ce nom restait controversée mais tolérée. Cependant François Hollande, en parlant de guerre, met la France au même niveau que les terroristes, une victoire symbolique pour ces derniers.

La civilisation vs les «barbares»?

François Hollande n’est pas le seul à voir les attentats de Paris comme une provocation à laquelle il faut répliquer par la force brute; au Québec, Philippe Couillard, clame haut et fort qu’«on va donner une leçon à ces barbares». Malgré son ton revanchard, il ne répond pourtant pas à la question suivante: qui sont nos «ennemis mortels»?

Cette année, la France a été visée à plusieurs reprises; certains des terroristes étaient des citoyens français, ayant grandi en France. Sont-ce eux les «barbares» qui «cherchent à détruire notre société», dont parle M. Couillard?

Le mot «barbare» contient en lui la notion de division; on est civilisé ou on ne l’est pas, et si on ne l’est pas on est un «barbare».  C’est ainsi que les Grecs l’utilisaient. C’est ainsi que les politiques l’utilisent aujourd’hui. Or cette division simpliste ne reflète pas la réalité et ces terroristes ont bien grandi dans notre «civilisation».

Luce Engérant

Simplifier pour mieux diviser

Marine Le Pen (dirigeante du parti français d’extrême droite, le Front National, ndlr) espère le «désarmement des banlieues», et il est clair qu’elle vise particulièrement les citoyens français issus de l’immigration. Il est suffisamment évident que stigmatiser une partie de la population vivant en France ne fera que favoriser le dessein des terroristes…

Cette dernière question rappelle certains propos tenus depuis les attentats, et même avant, stigmatisant les réfugiés en provenance de régions sous l’emprise de l’EI. Des réfugiés régulièrement assimilés aux «barbares» qu’eux-mêmes fuient. S’il est naïf de croire que tous les migrants fuient les horreurs de la Syrie, il l’est encore plus de penser que leur fermer nos portes nous protégera du chaos remuant le monde entier à l’heure actuelle.

Car c’est en effet cela que promet François Hollande: «un pacte de sécurité». Et c’est pour nous faire croire en cette promesse que les politiques de gauche comme de droite ont recours à un langage si manichéen. S’il y a des «bons» et des «mauvais» migrants, des «bons» et des «mauvais musulmans», quoi de plus simple que de déclarer la guerre aux mauvais? Ce manichéisme est devenu tellement présent dans notre langage que certains musulmans en viennent eux-mêmes à se mettre dans des boîtes. Des imams parlent de «vrai Islam», comme si c’était le «mauvais Islam» que nous devrions condamner dans les attentats. Mais c’est oublier qu’avant d’être des musulmans, les terroristes sont des êtres humains; leur faute est la leur et non celle d’une religion ou d’une nationalité. Ne les jugeons pas pour ce qu’ils sont, mais bien pour ce qu’ils ont fait. 

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Nous venons en protecteurs https://www.delitfrancais.com/2015/03/31/nous-venons-en-protecteurs/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/31/nous-venons-en-protecteurs/#respond Tue, 31 Mar 2015 18:16:53 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22810 La peur du terrorisme pave la route à Big Brother.

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Au lendemain du crash de l’A320 de Germanwings, «l’hypothèse terroriste», bien que non privilégiée par les experts, a très vite trouvé un grand support sur Internet. Même maintenant que l’enquête pointe du doigt la piste du suicide, l’adjectif «terroriste» continue d’être utilisé par beaucoup pour parler du copilote dépressif. Celui-ci, dans le cas où les soupçons des enquêteurs seraient avérés, est effectivement un meurtrier; son acte reste isolé cependant, sans aucune revendication particulière, et ne semble donc pas mériter l’appellation de «terroriste». Que son acte ait vocation d’instaurer un climat de terreur sans être lié à une organisation, est-ce suffisant pour parler de terrorisme? Du moins donne-t-il l’occasion de se pencher encore une fois sur la question et sur les mesures que les gouvernements prennent, se nourrissant de la crainte inspirée par les actes violents perpétrés contre la population. Tout attentat n’est pourtant pas terroriste.

Durant les dix dernières années, de nombreux gouvernements se sont targués de défendre la sécurité nationale en s’arrogeant de nouveaux droits. C’est ce qui justifie le projet de loi C‑51 sur les pouvoirs d’enquête au 21e siècle. Si dans ses principes il peut sembler approprié, dans l’application le texte est trop vague pour permettre le contrôle de l’exécutif et de ses agences fédérales. Il peut paraître raisonnable que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ait le droit d’enfreindre certaines lois dans le cadre de la lutte antiterroriste. Qu’il puisse le faire avec le simple accord d’un juge et sans qu’aucune commission parlementaire ne puisse surveiller les faits et gestes de ses agents est simplement une aberration.

Une aberration que les Québécois semblent pourtant accepter à présent, malgré leur opposition initiale à des projets de loi donnant trop de pouvoir aux agences fédérales. Pourquoi? Outre les attentats ayant visé le Canada, les attentats de Paris ont eu un grand impact émotionnel au Québec, où beaucoup de citoyens sont sensibles aux malheurs des «cousins français». Ce qui expliquerait que 74% des Québécois interrogés entre le 2 et le 5 février 2015 sont d’accord avec ce projet de loi. Le sondage a été réalisé auprès du grand public dans l’ensemble des régions du Québec pour Le Devoir et publié le 7 février.

Le fait qu’une majorité de citoyens acceptent le projet C‑51 ne le rend pas plus légitime cependant. Il n’est fondé ni dans le droit, ni dans l’équité, ni dans la justice – principes de base de la légitimité selon le Larousse. C’est d’ailleurs ce que la chef du Parti vert, selon le Journal de Québec, remet en cause. Le parti propose 60 amendements au projet de loi, dont «le retrait du mot “légitime” de la section “bizarre et obscure” de l’article de C‑51 portant sur les manifestations et l’expression artistique». En opposition avec les principes de la Charte canadienne des droits et libertés, la loi sur les pouvoirs d’enquête est aussi un moyen légal facile pour stigmatiser certaines initiatives citoyennes plus que d’autres, notamment celles des dits «éco-terroristes»; il n’y a donc pas de principe d’équité qui vaille. Quant à la justice, elle se base sur les deux premiers principes; la loi C‑51 est donc une loi injuste.

Donner plus de pouvoirs à l’exécutif n’est pas la voie à suivre; celui-ci dispose déjà de nombreux moyens, tels la loi C‑36, et savoir s’appuyer sur ces outils pourrait déjà éviter des bavures comme l’affaire Maher Arar.

Le Canada n’est pas le seul pays où le terrorisme justifie, selon certains, l’augmentation des pouvoirs «spéciaux» de l’État. Au Japon, le gouvernement Abe tente actuellement d’imposer un projet de loi sur le secret d’État, malgré l’opposition grandissante des citoyens japonais. Afin de «préserver la sécurité nationale», l’exécutif aurait le droit de faire taire les voix trop dérangeantes.

Que font les citoyens? Assez peu de choses en règle générale. D’où le mérite de ceux qui luttent. La SASPL (Students Against Secret Protection Law) organise, à l’aide de slogans dans un anglais douteux et de manifestations pacifiques, la résistance. Un mouvement jeune, relativement peu populaire dans une société japonaise en mode «pilote automatique» selon les mots mêmes d’un de ses membres, Aki Okuda; mais malgré les moins de 4000 «J’aime» sur leur page Facebook, nos confrères japonais continuent de manifester, quitte à ce qu’on leur dise de «retourner étudier sagement».

«Retournez étudier.» Voilà l’éternel refrain adressé à tout étudiant qui tente de se faire entendre, quel que soit le motif de sa protestation, au Canada comme au Japon. Pourtant, il s’agit bien de notre avenir, et il est donc légitime que les étudiants aient voix au chapitre. Si nous voulons un État qui respecte sa propre Constitution, il faudra bien que nous fassions valoir nos droits nous-mêmes. Remettre la menace terroriste à sa juste place est le premier pas. Étudier oui, mais l’esprit critique que l’on aiguise à l’université doit bien servir aux citoyens que nous sommes.

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La Grèce accoste au Vieux-Port https://www.delitfrancais.com/2015/03/10/la-grece-accoste-au-vieux-port/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/10/la-grece-accoste-au-vieux-port/#respond Tue, 10 Mar 2015 18:00:15 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22570 Exposition d’envergure sur la naissance, l’histoire et l’héritage de la Grèce antique.

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«Connais-toi toi-même». Cette phrase attribuée à Socrate, et que je suis loin d’être la première ou la dernière à reprendre, semble être le fil conducteur de l’exposition «Les Grecs – D’Agamemnon à Alexandre le Grand» présentée au musée Pointe-à-Callière. Bien que tout musée d’histoire se targue de créer des liens entre le passé et le présent, les organisateurs de cette exposition auraient pourtant pu se contenter d’un simple inventaire d’antiquités. Les objets présentés représentent près de cinq mille ans de création continuelle, et certains sont tellement précieux qu’ils n’avaient jamais quitté la Grèce jusque-là.

Parmi eux, le fameux masque mortuaire dit «d’Agamemnon», que Schliemann, qui le découvrit, nomma d’après le tristement célèbre chef mycénien. L’archéologue entre ainsi dans la lignée de tous ces Européens, puis Américains qui, passionnés de mythologie, cherchèrent dans la Grèce contemporaine les traces d’un passé glorieux. Un passé parfois lourd à porter, de l’aveu même des Grecs, et la source d’un (petit) complexe d’infériorité dont l’écrivain Nikos Dimos se moque gentiment: les Grecs ne sont plus ni guerriers au pied léger, ni beautés diaphanes aux rondeurs assumées, ni éphèbes aux sourires de sphinx.

Cependant, la beauté de cette exposition, c’est qu’elle nous rappelle que cet héritage est aussi le nôtre: si la démocratie n’est pas encore universellement acceptée, nous avons tous le droit de se l’approprier. Enfin, se l’approprier; il y a aussi un art et une manière de le faire. Lorsqu’au 19e siècle les Européens partirent à la découverte des merveilles d’une Grèce qui se libérait du joug ottoman, certains de ces touristes se firent assez mal remarquer. Byron, qui gravait son nom sur les ruines, fut pardonné car il participa à la guerre d’indépendance; en revanche, Lord Elgin, diplomate britannique duquel les agents avaient obtenus auprès des Turcs l’autorisation de s’approprier les marbres de l’Acropole, faisant scier les morceaux «encombrants», ne fit pas grand bien à la réputation des Britanniques. Si aujourd’hui le Royaume-Uni est l’absent remarqué de cette tournée mondiale, c’est bien un pied de nez fait à l’ancien ambassadeur.

Cependant, les objets exposés ne représentent pas seulement l’âge classique de la Grèce, époque à laquelle Athènes dominait le monde grec tant sur le plan artistique que politique et militaire, et où le Parthénon fut bâti. L’exposition commence avec le néolithique, puis les époques cycladique, minoenne, mycénienne, protogéométrique, géométrique, archaïque, classique et hellénistique suivent. Chacune de ces époques est marquée par l’essor puis la perte d’influence d’une région, d’une cité, d’un royaume. Par des styles aussi: la simplicité des statuettes des Cyclades forme un contraste brutal avec la richesse des ornements mycéniens. D’ailleurs, la transition entre les différentes époques n’est pas claire. Comment à la somptueuse dague mycénienne ornée de tortueux motifs taillés dans l’or peuvent donc succéder les candides dessins géométriques? Je vous le dis tout de suite, la réponse n’est pas donnée explicitement dans l’exposition. Beaucoup de réponses n’y sont pas, et c’est cela une des qualités de l’exposition. Le public n’en sort pas repu, mais au contraire assoiffé.

À première vue bien sage, l’exposition «Les Grecs – D’Agamemnon à Alexandre le Grand» est pourtant loin de se contenter de chanter les louanges d’un âge d’or heureux. Les Spartiates étaient en effet de redoutables soldats, mais difficile d’oublier, même devant le buste d’un Léonidas, la sinistre pince que les soldats emmenaient avec eux pour extirper les flèches du corps des blessés. Ou encore, devant les pendentifs d’or finement ciselés des princesses, de ne pas penser au triste sort des sept femmes de Philippe II. Se rappeler le passé pour le comprendre, non pour le pleurer, c’est en somme le but de l’exposition. Se rappeler que nous devons beaucoup aux Grecs, même notre langue. Au moment où les terroristes de Daech détruisent leur propre histoire, cela fait peut-être mal quand on se rappelle à quel point celle-ci fait partie de notre identité; mais on se sent un peu mieux en se disant que l’histoire ne meurt pas complètement, quelles que soient les attaques lancées contre elle. Sous les yeux émerveillés des enfants, des vidéos montrent un artisan grec reproduire, armé des mêmes outils que ses ancêtres, les boutons dorés trouvés dans les tombes mycéniennes. Une tradition que l’on crut un jour perdue, mais qu’historiens, archéologues, artisans, et bien d’autres ont pu ressusciter.

En sortant de l’exposition, on se repose la question: qui sont donc les Grecs? Tant de traditions, de modes de vie, de lieux, et pourtant une seule culture. Comment Athéniens et Spartiates ont-ils pu s’unir contre les barbares? «Barbares»… C’est justement là que réside la réponse. Le barbare est celui qui ne parle pas le grec, celui qui n’est pas humain par conséquent. C’est un terme qui oppose deux mondes, celui de l’Autre sans culture, et celui de l’homme civilisé. Les Grecs avaient leur propre façon de catégoriser les humains. Nous ferions bien cependant, nous dont la langue a tant hérité de la leur, de réfléchir à deux fois avant d’ouvrir la bouche. Appeler l’autre un barbare, c’est admettre qu’aucun accord, aucune communication n’est possible. C’est renoncer à la paix et déjà parler de domination et de guerre. C’est la peur de l’inconnu. Comprendre les Grecs, les voir tels qu’ils étaient et non tels qu’ils sont pleurés, c’est aussi ouvrir son esprit.

Grâce à la participation de plus de vingt musées grecs, le musée Pointe-à-Callière réussit le pari de nous faire nous sentir un peu plus proches de ces Grecs, qui jusqu’au tombeau pleuraient la mort et célébraient la vie.

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