Célia Martin - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/celiamartin/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 20 Mar 2024 01:25:03 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Face à la danse https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/face-a-la-danse/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55202 Une nouvelle série documentaire à découvrir sur Télé-Québec.

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Disponible sur la plateforme web et l’application de Télé-Québec, la nouvelle série documentaire Face à la danse propose une exploration des coulisses du monde de la danse à Montréal. J’ai eu la chance d’être assistante à la production lors du tournage de la série.

Il est bien connu que la ville de Montréal est un pôle culturel. Des artistes de tout genre s’y rencontrent et reflètent par leur art la richesse de la métropole. Il n’en est pas moins pour les danseur·euse·s professionnel·le·s, qui sont nombreux·euses à évoluer dans les programmes de danse de l’Université Concordia, l’UQAM, ou dans les écoles de formations professionnelles dont regorge Montréal.

Mais qu’en est-il de ce qu’on appelle le street dance, ce style de danse qui s’est développé à l’extérieur des studios? Produite par Picbois Productions, la docu-série Face à la danse lève le voile sur le parcours des street dancers de Montréal. À travers cinq protagonistes : Maude, Waldo, Axelle, Destiny et DKC et leurs styles de danse différents, la série nous fait découvrir une communauté qui, malgré le peu de reconnaissance institutionnelle qu’elle reçoit – et qu’elle rejette, car perçue comme contradictoire au street dance – est vibrante et soudée.

« On s’attache à eux·elles, et en découvrant leur univers, on voudrait en apprendre toujours plus »

Composée de six épisodes de vingt minutes, Face à la danse est parfaite pour une session de binge-watching. Chaque épisode se termine sur un suspense, ce qui rend l’envie de cliquer sur le prochain épisode encore plus irrésistible. En tant qu’étudiante en cinéma, je me dois de mentionner qu’esthétiquement, les images sont sensationnelles. C’est peut-être parce qu’il a réalisé Drags – Les reines de la pop!, que Christian Lalumière, le réalisateur de la série, sait faire briller les stars de la scène.

En plus de la bonne dose d’action que nous font vivre les battles auxquelles prennent part tous les protagonistes de Montréal à New York, ceux·celles-ci nous ouvrent la porte aux moments plus intimes de leurs vies. On y découvre la belle complicité père-fille de DKC et Destiny et le rôle de mentor que joue Axelle pour Maude. On en vient à admirer la bienveillance et l’entraide qui caractérisent les relations entre les cinq danseur·euse·s. Tous·tes en sont à un stade différent dans leurs battles, autant comme danseur·euse·s que comme personnes. On s’attache à eux·elles, et en découvrant leur univers, on voudrait en apprendre toujours plus. D’ailleurs, la série nous laisse un peu sur notre faim : on a l’impression de quitter les personnages trop tôt dans leur parcours. Pour le téléspectateur qui ne connait pas grand-chose au milieu du street dance, la série est extrêmement pertinente, parce qu’à travers la découverte du waacking, popping, break et hip hop, Face à la danse s’impose comme un cours d’histoire. Derrière ce projet créatif, il y a une réelle intention d’être fidèle à la réalité et de faire honneur aux communautés qu’elle met à l’écran. Axelle Munezero, l’une des protagonistes, a joué un rôle clé comme productrice de contenu et directrice artistique, tandis qu’Alexe Lebelle-Faille, l’une des danseuses de waacking qu’on aperçoit sous le pseudonyme « Lex » a également endossé le rôle de monteuse en post-production.

Léa Villalba, à l’origine de l’idée de la série, danse depuis qu’elle a quatre ans. Après avoir découvert 100Lux, l’organisme à but non lucratif co-fondé par Axelle, qui oeuvre pour donner de la visibilité au street dance et offre un lieu où les danseur·euse·s peuvent perfectionner leur art, elle a décidé d’écrire son mémoire de maîtrise à l’UQAM, sur les communautés du street dance. « J’ai compris que le hip hop était bien plus qu’un style de danse, mais une culture à part entière, avec son histoire et ses valeurs », m’a‑telle confié dans une entrevue. Bien que Léa ne danse pas dans la série, son attachement à la communauté de la danse est pertinent parce que lorsque l’on s’infiltre dans un milieu qui n’a pas l’habitude de recevoir des visiteur·euse·s, le respect et l’écoute doivent régner.

À mon sens, c’est le double rôle des gens qui ont travaillé sur le projet qui a rendu Face à la danse aussi unique. Ça a fait en sorte que ce qui aurait pu être le portrait flou d’une communauté observée de loin s’est avéré être
une réelle immersion dans un monde riche et éclectique. J’étais dans la salle lorsque les protagonistes et certain·e·s de leurs ami·e·s danseur·euse·s ont visionné les épisodes pour la première fois, et je peux confirmer, par les applaudissements et rires qui retentissaient, que l’effort d’être authentique (des deux côtés de la caméra) a porté fruit.

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Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/terrorisme-de-velours-la-russie-des-pussy-riot/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54398 Immersion dans un art protestataire percutant.

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Organisée par la galerie islandaise Kling&Bang et présentée au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) grâce au conservateur d’art John Zeppetelli et à la chargée de projet et d’expositions Marjolaine Labelle, Terrorisme de velours est une exposition à ne pas manquer. Du 25 octobre 2023 au 10 mars 2024, elle transporte ses visiteur·euse·s à travers l’histoire de la Russie par le biais des interventions activistes et artistiques du groupe punk-féministe Pussy Riot. Par son caractère authentique, percutant et éducatif, l’exposition révèle avec brio la portée d’un art engagé.

Des œuvres audacieuses

Terrorisme de velours s’ouvre et se clos sur une œuvre qui incarne tout ce que représentent les Pussy Riot :
la protestation obstinée, sans honte et sans limites. Taso Pletner, membre du groupe depuis 2022, est filmée dans
l’atelier de l’artiste islandais Ragnars Kjartanssonar alors qu’elle urine sur le portrait de Vladimir Poutine. Cette
œuvre, qui peut paraître choquante à première vue, semble tout à fait appropriée à notre sortie de l’exposition, après avoir été informé·e·s de toutes les atrocités qu’ont vécues et que dénoncent les Pussy Riot. En parcourant les murs colorés du musée, nous apprenons à connaître les membres du groupe et leur résilience. Nous découvrons leurs tenues colorées et leurs balaclavas emblématiques, leur art de protestation unique et les conséquences que celui-ci a entraîné sur le groupe. L’une des fondatrices du groupe, Maria (Masha) Alyokhina, nous ouvre la porte à son vécu par ses écrits explicatifs dispersés sur les murs du musée. Ainsi, chaque image et chaque vidéo est accompagnée de textes qu’elle a écrits à la main, à la manière d’un journal intime ou d’un scrapbook punk. Malgré la densité du contenu, Masha réussit à nous garder captivé·e·s. En effet, l’extravagance et la diversité de ses mésaventures, à l’image excentrique du collectif, forment un tout authentique et fascinant.
On comprend rapidement que le travail artistique des Pussy Riot est réfléchi. Il ne s’agit pas simplement d’être punk pour provoquer. Les Pussy Riot ont comme mission de se servir des outils de répression de l’État, autant comme cible que comme canevas. Par exemple, en 2018, lors de la finale de la Coupe du monde de soccer, quatre des membres déguisé·e·s en policier·ère·s s’étaient précipité·e·s sur le terrain. Après coup, comme nous l’explique Masha, le groupe s’était attribué le mérite de cette action et avait précisé que celle-ci visait à dénoncer la manière brutale, soudaine et injuste dont les forces de l’État s’immiscent dans la vie des citoyen·nes russes.

Un cours d’histoire éclectique

Sur les murs du musée sont dessinées des dates et des flèches qui nous indiquent que l’exposition est chronologique. Ainsi, parmi les actions protestataires des Pussy Riot, on retrouve des bribes d’histoire
de la Russie ; des dates importantes, des politiques adoptées, ainsi que des illustrations et des explications de la réalité des habitants de ce pays et de ceux et celles qui osent s’en indigner. Parmi leurs expériences les plus choquantes, on découvre le séjour de trois des membres dans des colonies pénitentiaires de la Russie, à la suite d’une performance punk dans une cathédrale orthodoxe à Moscou en 2012. Cette performance, nommée Prière
Punk
, dénonçait les injustices perpétrées par Vladimir Poutine ainsi que le brouillement de la frontière entre l’État et l’Église que celui-ci orchestrait. Par leurs récits poignants, elles lèvent le voile sur le peu de liberté d’expression que permet l’État russe ainsi que sur les horreurs que vivent les détenu·e·s des colonies pénitentiaires. Des photos ponctuants l’espace illustrent, entre autres, les trois (seules) toilettes collées auxquelles ont droit les quelques 60 détenu·e·s par bâtiment, les chambres au confort atroce, et bien plus. Quoique par instants difficile à suivre (les quatre murs de chaque pièce du musée sont exploités et les dates ne sont parfois
indiquées qu’à la fin d’une section), le cours d’histoire qu’offre l’exposition reste extrêmement pertinent, surtout dans le contexte actuel. En effet, il nous permet de mieux comprendre ce qui a pu mener à la guerre en Ukraine. Par ailleurs, la confusion face à la ligne du temps contribue à l’esthétique d’album de l’exposition et rend en quelque sorte l’expérience plus intime et personnelle : on a l’impression d’écouter une amie raconter son histoire. Ce n’est pas toujours linéaire, parfois elle se trompe dans ses mots (Masha étant russe, elle a tout écrit en anglais), mais on finit par comprendre l’essentiel. On finit aussi par mieux la connaître, et surtout, par avoir envie de se garder informé·e·s sur la suite des choses.

Espace cacophonique

Si j’ai une critique négative à faire, c’est que l’espace est un peu trop cacophonique. En effet, malgré les dizaines d’écrans mettant en scène diverses performances, chansons, et entrevues, pas une fois l’exposition ne nous laisse la chance d’entendre réellement le groupe. On les lit, mais on ne les entend pas, ou plutôt, on les entend trop. Toutefois, je me dois de lever mon chapeau à l’espace de détente offert par le MAC (l’Espace M) en cas de sur-stimulation, de fatigue, ou tout simplement de désir discursif. Malgré le chaos sonore de l’espace, qui était sans doute intentionnel, les visiteur·euse·s ont l’option de prendre une pause.

Somme toute, Terrorisme de velours est une exposition à voir parce qu’elle présente un groupe d’activistes qui font de l’art politique, authentique et audacieux en confrontant l’autorité pour dénoncer des injustices. C’est
une exposition instructive qui nous laisse sur notre faim en s’éparpillant un peu trop, mais en demeurant fidèle à sa direction artistique de journal punk.

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