Camélia Bakouri - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/camelia-bakouri/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 26 Mar 2024 23:44:14 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.4.4 Vers une mode plus durable https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/vers-une-mode-plus-durable/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55306 La France propose une loi contre la mode éphémère.

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Le 14 mars 2024, l’Assemblée nationale française a adopté à l’unanimité la proposition de loi présentée par Anne-Cécile Violland, députée du groupe politique Horizons, visant à limiter la pollution engendrée par l’industrie de la mode éphémère (fast fashion). Cette initiative vise à freiner la croissance des entreprises liées à la mode éphémère et à promouvoir une consommation responsable et éthique de la mode.

Qu’est-ce que la mode éphémère?

La mode éphémère, aussi connue sous les appellations de « fast fashion », « mode éclair » ou encore « mode express », est un phénomène qui a révolutionné l’industrie textile au cours des dernières décennies. Cette tendance consiste à constamment produire de nouveaux vêtements en grande quantité et à renouveler sans cesse les collections. Cependant, derrière cette effervescence commerciale se cachent des conséquences sociales, économiques, et surtout environnementales majeures, comme l’a récemment souligné la proposition de loi nº258 en France, ayant pour objectif de diminuer l’empreinte écologique de l’industrie textile.

En effet, l’industrie de la mode est responsable de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), soit plus que les secteurs maritimes et aériens réunis. Avec ses « 7 200 nouveaux vêtements par jour », la marque de mode éphémère Shein incarne parfaitement les excès de la production de masse à bas coût. Cette production excessive est justifiée par les compagnies de mode express en réponse à une demande constante de nouveaux produits. Pourtant, 85% des textiles initialement produits pour le marché se retrouvent au dépotoir la même année. En plus des graves retombées écologiques de cette industrie, leurs méthodes éthiques et sociales, comme le travail des enfants et les rémunerations extrêmement basses, sont souvent critiquées.

Une loi ambitieuse

Pour contrer ces effets néfastes, la France a récemment adopté une proposition de loi visant à réguler l’industrie de la mode éphémère. Cette loi comprend plusieurs mesures clés, notamment une interdiction de la publicité pour les textiles les moins chers, ainsi qu’une taxe environnementale sur les articles à bas prix. Cette taxe, qui sera progressivement mise en place à partir de l’année prochaine, vise à sensibiliser les consommateurs aux impacts écologiques de leurs achats. Les revenus seront utilisés pour subventionner les producteurs de vêtements durables, favorisant ainsi une transition vers une industrie de la mode plus respectueuse de l’environnement. Une des dispositions les plus notables de cette loi est l’obligation pour les producteurs de mode éphémère d’informer les consommateurs quant à l’empreinte environnementale de leurs produits à l’aide d’un éco-score. L’interdiction de la publicité, la promotion de compagnies et l’affichage d’enseignes pour les produits de mode éphémère sera renforcée, avec des amendes allant de 20 000 à 100 000 euros, applicables en cas de non-respect de cette réglementation. Cette transparence permettra aux acheteurs de prendre des décisions plus éclairées et de soutenir les marques qui s’engagent pour la durabilité.

« L’industrie de la mode est responsable de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), soit plus que les secteurs maritimes et aériens réunis »

Sera-t-elle efficace?

Malgré ces mesures encourageantes, des défis subsistent. La mode éphémère est profondément ancrée dans les habitudes de consommation et les pratiques commerciales, ce qui rend difficile sa régulation. L’application et l’impact réel de cette loi restent à être évalués, notamment en ce qui concerne la capacité à réduire significativement les émissions de carbone et la production de déchets textiles. La proposition de cette loi française contre la mode éphémère marque une étape importante dans la lutte contre les pratiques néfastes de l’industrie textile. En mettant l’accent sur la sensibilisation des consommateurs, la transparence et la taxation écologique, la France montre la voie vers une mode plus durable et éthique. La promulgation de cette loi au Sénat français est toujours en attente.

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Dernière édition https://www.delitfrancais.com/2024/02/22/derniere-edition/ Fri, 23 Feb 2024 00:05:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55020 L’article Dernière édition est apparu en premier sur Le Délit.

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Rose Chedid | Le Délit

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Capitalisme Noir : Entre solidarité et exploitation https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/capitalisme-noir-entre-solidarite-et-exploitation/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54505 Que croire, le succès ou ses mirages?

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En ce Mois de l’histoire des Noir·e·s, une multiplication de produits, de collaborations et de campagnes de commercialisation mettent en avant cet événement. Chaque année, mes amis et moi nous interrogeons sur la pertinence de ces pratiques et discutons de la signification derrière cette soudaine solidarité. La plupart du temps, nous sommes d’accord sur le caractère performatif de ces représentations, qui visent principalement à attirer une clientèle plutôt qu’à exprimer une réelle pensée authentique. Cette année, notre réflexion s’est tournée vers une situation au caractère ambigu : qu’en est-il des entrepreneur·euse·s noir·e·s?

Le capitalisme noir propose d’encourager les afro-américain·e·s à supporter des entreprises dirigées par des personnes noires oeuvrant au profit de la communauté. Ce mouvement réactionnaire essaye de combattre les infrastructures économiques américaines qui ont historiquement rendu l’enrichissement des Noir·e·s américain·e·s presque impossible, comme le détaille Earl Ofari Hutchinson dans The Continuing Myth of Black Capitalism. Bien que l’attrayante proposition de la création d’une nouvelle économie noire soit basée sur la collectivité et la fraternité, plusieurs activistes critiquent ce genre de capitalisme. Le problème récurrent avec cette méthode est le succès d’un petit nombre d’entrepreneur·euse·s uniquement. La majorité des communautés noires continue à participer à cette économie ségrégationniste en achetant et en travaillant avec l’espoir de surmonter leurs inégalités financières. À première vue, l’encouragement d’entreprises noires est bénéfique, mais ne change pas les systèmes économiques racistes dont plusieurs sont victimes. Pour les penseur·euse·s comme Angela Davis, combattre le racisme par l’intérim du capitalisme est une mission impossible.

« À première vue, l’encouragement d’entreprises noires est bénéfique, mais ne change pas les systèmes économiques racistes dont plusieurs sont victimes. Pour les penseurs comme Angela Davis, combattre le racisme par l’intérim du capitalisme est une mission impossible »

Camélia Bakouri

Le livre Marxisme noir de Cedric Robinson, un politologue américain, introduit une notion importante, celle du capitalisme racial. Robinson explique que le capitalisme n’est pas une révolution contre le système féodal comme la pensée marxiste l’interprète, mais plutôt une évolution du système féodal et du racisme. Le capitalisme racial dépend de l’exploitation humaine se traduisant en esclavage, en impérialisme et en violence. En d’autres termes, le système capitaliste a historiquement utilisé des mécanismes racistes pour justifier et perpétuer l’oppression, en particulier à travers des structures économiques et politiques qui ont favorisé l’exploitation des groupes raciaux spécifiques.

Ces dynamiques de disparité peuvent être reprises par des entrepreneur·euse·s noir·e·s. En effet, en 2021, Beyoncé s’est associée à Tiffany & Co, la marque de bijoux estimée à plus de 16 milliards de dollars, pour la campagne de l’album About Love en collaboration avec son mari, Jay‑Z. Dans les photographies promotionnelles, l’artiste portait fièrement le diamant jaune Tiffany, un diamant de 128,54 carats. Elle fut la première femme noire à arborer ce joyau. Cependant, le diamant jaune Tiffany a été extrait en Afrique du Sud en 1877, durant la période coloniale où l’exploitation des mineurs africains et la destruction de leurs communautés était monnaie courante. Cette image présentée par Beyoncé n’est pas celle de la libération noire, mais plutôt une représentation de richesse et surtout d’un « symbole douloureux de colonialisme » comme le décrit Karen Attiah, rédactrice et chroniqueuse au Washington Post dans l’article intitulé « Sorry, Beyoncé, but Tiffany’s blood diamonds aren’t a girl’s best friend ».

Plus récemment, la compagnie Savage X Fenty, dirigée par Rihanna, récolte les résultats les plus bas selon le Fashion Accountability Report, une évaluation comprenant une analyse de la transparence et de la responsabilité des marques sur les catégories suivantes : la traçabilité, le salaire et le bien-être des employé·e·s, les pratiques commerciales, les matières premières, la justice environnementale et la gouvernance. Sur 150 points, Savage X Fenty n’a obtenu que quatre points. Pourtant, la chanteuse, interprète et designer a inspiré des groupes marginalisés à travers le monde en partant de la Barbade, un petit pays des Caraïbes, pour devenir une femme d’affaires accomplie. La marque de Rihanna tire profit de l’utilisation de l’inclusivité comme un élément central des stratégies de marketing, tout en négligeant les mesures de base pour protéger les droits fondamentaux de ses travailleur·se·s.

Au-delà de la perpétuation du cycle d’exploitation par les riches noir·e·s, le capitalisme noir attire également d’autres entreprises. La demande pour plus de diversité dans les médias est constante. Depuis quelques années, les industries sautent sur l’opportunité d’agrandir leur marché en créant l’illusion d’une réussite imminente, en utilisant l’image de personnes noires prospères. Dans le monde de la mode, l’utilisation de l’inclusivité est souvent commercialisable et évite la nécessité d’un changement structurel substantiel. Pour répondre à la demande, des mannequins noir·e·s sont souvent engagés. Pour ce faire, les agent·e·s ne cherchent pas de nouveaux profils, mais plutôt des jeunes femmes qui ressemblent à une tendance préétablie. Avec l’émergence de mannequins tels qu’Alek Wek, née au Soudan du Sud et arrivée en Angleterre en tant que réfugiée, l’industrie de la mode pourrait jouer le rôle d’actrice humanitaire. Cette histoire inspirante, comme celle de Rihanna, est précisément ce que les agences de mannequins tentent de reproduire en cherchant de nouveaux talents dans le camp de réfugié·e·s de Kakuma. Situé dans le comté de Turkana, au nord-ouest du Kenya, ce camp a été créé en 1992 par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans le but de relocaliser les personnes déplacées du Soudan et de l’Éthiopie. Plus de la moitié de ses habitant·e·s viennent du Soudan du Sud en raison de l’insécurité alimentaire extrême et de la violence causée par la deuxième guerre civile ayant duré 22 ans. Les aspirant·e·s mannequins du camp de réfugié·e·s de Kakuma sont recruté·e·s avec la promesse d’une opportunité de quitter le camp, d’obtenir un permis de travail et de se lancer dans l’industrie du mannequinat. En Europe, on leur propose un logement et une allocation hebdomadaire bidon de 70 à 100 euros. Cependant, l’industrie du mannequinat fonctionne sur un système de dette. Toutes les dépenses initialement couvertes par les agences doivent être remboursées, et si les mannequins échouent à obtenir suffisamment de travail rémunéré ou sont jugé·e·s inaptes par les agences, les mannequins sont renvoyé·e·s au camp avec une dette importante. Selon une enquête du Sunday Times, la facture envoyée aux mannequins « échoué·e·s » peut atteindre jusqu’à 3 000 euros. Cette forme brutale d’exploitation se cache derrière une poursuite de diversification des distributions artistiques. Comme l’a écrit le directeur général de l’agence Select Model Management, Matteo Puglisi : « Voulez-vous revenir à des défilés de mode tous blancs? (tdlr) » Ce système de repêchage pseudo-inclusif exploite l’image d’une personne noire accomplie pour attirer des client·e·s qui souhaitent soutenir des figures qui les représentent.

Le capitalisme noir n’a pas pour but de perpétuer les inégalités raciales, mais plutôt d’offrir une voie de sortie d’un système généralement discriminatoire. Néanmoins, il est difficile de s’éloigner des habitudes néfastes profondément ancrées lorsqu’on utilise un modèle basé sur l’exploitation, comme le capitalisme. Ces instances d’abus ne devraient pas être considérées comme une impossibilité de libération, alors qu’elles mettent plutôt en valeur le besoin d’une solidarité noire. Aaron Ross Coleman, journaliste spécialisé en économie, propose dans son article « Black Capitalism Won’t Save Us » une entraide qui ne considère pas les personnes noires comme des consommateur·rice·s, mais comme des citoyen·ne·s actif·ve·s. Les organisations sociales, les mouvements de boycott et les médias servent de tribunes pour mettre en lumière les inégalités sociales et économiques, une profondeur que les entreprises ne peuvent pas offrir.

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