Archives des Réflexions - Le Délit https://www.delitfrancais.com/category/environnement/reflexions/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 14 Jan 2025 19:01:59 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 À vous de jouer https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/a-vous-de-jouer/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56820 Environnement n’a pas dit son dernier mot.

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2024 a signé un record historique de chaleur, mais elle a surtout franchi une barrière symbolique avec une température moyenne supérieure de 1,6°C à la norme pré-industrielle. Ainsi, l’objectif de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris est désormais un rêve lointain. Même si une partie de l’augmentation des températures peut être attribuée au phénomène El Niño (un réchauffement anormal des eaux de surface de l’océan Pacifique équatorial, qui perturbe les régimes climatiques mondiaux), il ne faut pas se leurrer : l’urgence climatique est réelle et la nouvelle année ne va pas effacer tous les bouleversements qu’elle entraîne dans l’équilibre de nos sociétés, des écosystèmes et de la biodiversité. Les premiers jours de 2025, marqués par les immenses feux à Los Angeles, qui ravagent même les maisons des plus riches figures hollywoodiennes, rappellent que nous sommes tous vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique, qui ignore les frontières terrestres et remet en cause l’ordre naturel des saisons.

« Après un an de vulgarisation scientifique, sujets de réflexions et remises en question de nos modes de vie du quotidien, il est temps pour la section Environnement de laisser sa place à une autre voix »

À l’aube de cette nouvelle année, qui célèbre le premier anniversaire de la section Environnement au Délit, les menaces qui pèsent sur la planète sont toujours aussi inquiétantes. La perspective d’un nouveau mandat Trump, aux aspirations profondément anti-climatiques, a de quoi alarmer. Toutefois, il ne faut surtout pas baisser les bras, et au contraire redoubler d’effort. L’année 2024 a également été ponctuée par des bonnes nouvelles environnementales, et chaque jour de nouvelles personnes rejoignent les rangs du combat pour la planète. Au printemps dernier, la Suisse a été condamnée pour inaction climatique par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite d’une mobilisation citoyenne regroupant 2 500 Suissesses sous la bannière « Aînées pour la protection du climat », préoccupées par l’impact du réchauffement sur leur santé. Au Canada, le projet de loi C‑59, déposé à la Chambre des Communes le 1er février 2024, a renforcé les restrictions autour de la publicité mensongère et de l’écoblanchiment en étendant son application à un spectre d’entreprises plus large.

Il y a maintenant un an, nous avons débuté en force en nous demandant comment rendre le temps des Fêtes plus écologique. 2024 a aussi commencé sur une note encourageante, avec les bonnes nouvelles environnementales de l’année 2023. Depuis, nous avons discuté de l’intérêt de calculer son empreinte carbone, de véganisme, de la différence entre les changements et le réchauffement climatiques, de modèles à suivre, de racisme
environnemental et de plastique. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec des activistes impliqué·e·s sur le campus, une entrepreneure misant sur le partage, la fondatrice d’une organisation à but non lucratif mettant de l’avant des pratiques durables en communication, le directeur exécutif du Bureau du développement durable de McGill, la première femme a avoir terminé le Vendée Globe et plusieurs professeur·e·s, professionel·le·s et artistes engagé·e·s pour l’environnement. Nous nous sommes interrogées sur le vandalisme d’œuvres d’art comme manière de militer, le rôle du sport dans la transition écologique, la fatigue décisionnelle et la place de l’humour dans la crise climatique. Nous avons aussi passé une journée enrichissante au campus MacDonald à découvrir ses initiatives environnementales. Mais surtout, nous avons partagé nos réflexions personnelles sur notre quotidien, confié nos peurs et notre espoir, notre rage et notre bonheur à nous engager pour lutter contre la crise climatique. « Les archives de journaux gardent en eux les pensées, les intentions et les problématiques d’un temps. Ils révèlent toute l’essence d’une époque, d’une communauté, d’un environnement », a dit Marie, fondatrice d’Au Féminin, la section prédécesseure d’Environnement, dans son ultime publication.

« Nous souhaitons léguer au Délit un sens du devoir qui amènera chaque section à s’intéresser à la manière dont l’environnement peut y être abordé »

Après un an de vulgarisation scientifique, sujets de réflexions et remises en question de nos modes de vie du quotidien, il est temps pour la section Environnement de laisser sa place à une autre voix. Alors que cette étape prend fin, nous tenons à remercier toute l’équipe qui nous a fait confiance, qui nous a inspirées et qui nous a encouragées à nous dépasser. Nous voulons aussi remercier tous les contributeurs et contributrices qui ont fait vivre Environnement par leur engagement. C’est grâce à votre implication que la section et le journal au complet sont si uniques, et nous souhaitons encore vous lire! Ce n’est pas parce que l’environnement n’aura plus de section dédiée qu’il faudra arrêter d’en parler. Bien au contraire, nous souhaitons léguer au Délit un sens du devoir qui amènera chaque section à s’intéresser à la manière dont l’environnement peut y être abordé.

Même si l’action individuelle est limitée et qu’il faut changer les structures de notre société pour pouvoir véritablement adopter des comportements éco-responsables, cela ne nous empêche en rien d’agir dans le cadre des contraintes qui nous sont imposées. Les efforts de chaque individu additionnés ont souvent bien plus d’incidence que l’on ne peut le penser et se traduisent souvent à une échelle plus large. En créant la section Environnement, nous avons cherché à provoquer du changement à une échelle locale et communautaire en nous adressant aux étudiants mcgillois. Notre objectif était de les sensibiliser, les informer, afin de les influencer vers des pratiques plus durables, tout en les motivant à réfléchir et à s’engager eux-mêmes dans leur communauté. La vie militante du campus est vibrante et les initiatives environnementales continuent de s’y multiplier. Se rendre aux évènements organisés par le Bureau de durabilité de McGill, rejoindre un club environnemental, sont des occasions de rencontrer de nouvelles personnes, d’échanger des idées et de réduire son éco-anxiété. L’environnement n’a pas dit son dernier mot, car c’est à votre tour de prendre la parole et de vous impliquer dans sa défense.

À vous de jouer!

Vous pourrez toujours retrouver tous les articles de la section Environnement dans les archives sur le site web du Délit! delitfrancais.com

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Comment représenter la crise climatique? https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/comment-representer-la-crise-climatique/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56673 Entrevue avec le bédéiste Martin Patenaude-Monette.

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Si les requins ont si mauvaise réputation dans la culture populaire, c’est en partie à cause de la représentation qu’en ont fait à l’écran des films comme Les Dents de la mer de Spielberg. L’image de monstres terrifiants qui leur a été attribuée a suscité un manque d’empathie et de protection pour cette espèce pourtant menacée. Que ce soit à travers le cinéma, la photographie, le dessin de presse ou de bande dessinée, les images façonnent notre manière de percevoir le monde qui nous entoure et orientent nos opinions. Ainsi, ceux qui véhiculent de l’information et des messages à travers les images, qu’elles soient sous forme artistique, médiatique ou de propagande politique, ont un pouvoir d’influence incommensurable. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, nous consommons des images en lien avec le changement climatique toujours plus effroyables : l’embrasement des forêts canadiennes, les ravages causés par les ouragans aux États-Unis, et plus récemment les inondations meurtrières en Espagne. Mais comment représenter la crise climatique sans provoquer le désarroi?

J’aime vraiment le fait de raconter des histoires en images.

Martin Patenaude-Monette

Le Délit s’est entretenu avec l’illustrateur québécois Martin Patenaude-Monette qui a publié cette année une nouvelle bande dessinée intitulée Un sacrifice tout naturel. Au cours de cette rencontre, l’illustrateur et biologiste nous a parlé des avantages de la bande dessinée et de ses choix dans la manière de représenter les questions environnementales par ce médium.

Pourquoi la bande dessinée?

La particularité de la bande dessinée, contrairement à d’autres médiums visuels ou textuels, est qu’elle s’immisce dans une sphère intime. Elle se lit en vacances sur la plage ou lors d’une pause, pour occuper son temps libre. Dans Un sacrifice tout naturel, Martin PM (son nom de plume) a cherché à être au plus proche de ses lecteurs, en suivant et documentant le combat administratif de citoyens à l’encontre des projets de chantiers dans le Sud du Québec. Parmi ceux-ci, on retrouve entre autres un projet d’écoquartier menaçant la forêt du Lac Jérôme et la construction d’un lotissement à Notre-Dame-de‑l’Île-Perrot, dans le secteur du boisé Saint-Alexis. Le bédéiste permet de rendre les questions environnementales plus concrètes à ses lecteurs, en s’intéressant à ces grands dossiers qui affectent directement leur quotidien.

« J’aime vraiment le fait de raconter des histoires en images », nous confie l’illustrateur. Dans son enfance, Martin PM aimait réaliser des montages vidéos et il retrouve le même plaisir de l’assemblage de scènes dans le dessin de vignettes de bande dessinée. Dans les deux cas, il explique qu’il s’agit de « prendre des segments qu’on met bout à bout, qui créent des enchaînements, tant dans la narration que dans le mouvement ». Cela permet de « plonger le lecteur et de le transporter facilement dans le lieu ». Toutefois, la bande dessinée a ses avantages propres. Contrairement au cinéma, l’équipement est très léger, il suffit d’un carnet et d’un crayon. « On peut reproduire visuellement beaucoup de scènes du passé ou des endroits où on n’a même pas été à partir d’informations », témoigne Martin PM, « mais avec des moyens hyper accessibles et de manière beaucoup plus facile ». D’ailleurs, un dessinateur est nettement moins intimidant qu’un réalisateur doté d’une armée de caméramans, ce qui lui permet d’approcher plus facilement les habitants des lieux dont il souhaite raconter l’histoire. Enfin, la principale différence avec un film ou un documentaire, dans lesquels les images deviennent parfois accessoires et servent de support à la narration, c’est « la complémentarité entre le texte et l’image » qui est fondamentale dans la bande dessinée. Elle permet « une danse entre le texte et l’image », car certaines choses sont plus faciles à représenter par l’image que par le texte.

Il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre la représentation d’une réalité préoccupante et les messages d’espoir.

Vulgariser pour mieux éduquer

Il est difficile de ranger l’œuvre de Martin PM dans une catégorie fixe. Est-ce une enquête citoyenne? Du journalisme militant? L’illustrateur lui-même est incapable de le dire : « je considère que mon travail est relativement rigoureux et repose sur des documents, des faits, et des entrevues que j’ai menées », déclaret-il. Son ouvrage est une bande dessinée documentaire qui a pour but principal « d’informer en critiquant et en alertant ». Son rôle est ainsi pédagogique. Dans chaque grand dossier qu’il a suivi, Martin a constaté le manque de connaissance du public quant au mode de délivrance des autorisations environnementales pour les projets de développement. C’est le ministère de l’environnement qui a le pouvoir d’approuver ou non les demandes de nouveaux chantiers, qu’il refuse rarement. Comprendre la procédure juridique est crucial pour pouvoir bloquer un projet qui met en danger un milieu naturel. De la même manière, il s’est rendu compte des lacunes gouvernementales en matière de compréhension des mécanismes de protection de la biodiversité et des écosystèmes. Un sacrifice tout naturel cherche à combler ce manque d’éducation et à faire le lien entre les différentes sphères citoyenne, scientifique et politique.

Bien souvent, il s’agit simplement d’un problème de communication, qui nous empêche de nous comprendre. Afin de devenir ce pont pour la connaissance, l’enjeu de la représentation devient crucial. Comment rendre l’information accessible et intéressante pour tous?

Traiter des questions environnementales dans une bande dessinée demande un travail important de vulgarisation. Parce que la crise climatique est un problème complexe mêlant enjeux politiques, économiques, sociaux, et scientifiques, il n’existe pas de solution unique, ce qui peut souvent sembler décourageant. Le rôle du vulgarisateur est de simplifier l’information pour que le plus grand nombre y soit réceptif. « Quand tu fais de la vulgarisation, tu ne veux pas perdre les gens dans tous les détails. Mais en même temps, je ne voulais pas rester trop en superficie », nous expliquet-il. Pour atteindre le public le plus large possible, il agrémente le récit de multiples anecdotes qui exposent des cas concrets et permettent « d’humaniser le sujet, et de rejoindre les gens ». L’usage de la satire apporte une « petite touche d’humour qui peut aider à canaliser un peu la frustration de l’auteur et peut-être des lecteurs et des lectrices [vis à vis du manque d’action gouvernementale dans la protection de l’environnement, ndlr] », précise Martin PM.

Trouver le juste équilibre

Dans la représentation artistique comme pour la communication médiatique, il n’est pas toujours facile de parler de l’environnement sans adopter un ton alarmiste et évoquer les nouvelles négatives liées aux ravages causés par le changement climatique. Toutefois, il est nécessaire de trouver le juste équilibre entre la représentation d’une réalité préoccupante et les messages d’espoir. Si les deux approches sont primordiales pour susciter une prise de conscience et le partage de l’information, l’une ne doit pas déborder sur l’autre. L’espoir motive à agir contrairement à l’absence de perspective future et le sentiment de fatalité inspiré par trop de pessimisme. De même, l’excès de positivité et la certitude d’une issue heureuse peuvent aussi conduire à la passivité et faire oublier la notion d’urgence. Trouver la juste nuance a été la mission que s’est donnée la section Environnement au cours de cette dernière année en intégrant pistes de solutions à mettre en place au quotidien, bonnes nouvelles environnementales et réflexions sur des sujets complexes nécessitant plus de détails et de profondeur.

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Comprendre le Vendée Globe avec Catherine Chabaud https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/comprendre-le-vendee-globe-avec-catherine-chabaud/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56498 Rencontre avec la première femme à avoir bouclé la course mythique.

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Le 10 novembre, 40 skippers (navigateur·rices, tdlr) prendront la barre pour débuter la plus grande course de navigation du monde, le Vendée Globe. Tous les quatre ans depuis sa création en 1989, quelques-uns des meilleurs skippers du monde partent des Sables‑d’Olonne en Vendée, en France, et font un tour du monde complet à voile, parcourant environ 45 000 kilomètres à travers les océans Atlantique, Indien et Pacifique pour retrouver le point de départ plus de 100 jours plus tard. Le Vendée Globe a la particularité d’être une course en solitaire et sans assistance : mis à part les situations d’avarie mettant en danger la vie des marins, les skippers sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient d’aucune aide pour parcourir le globe et accomplir cette épreuve souvent considérée comme étant « l’Everest des mers ».

Afin de mieux comprendre cette course, ses enjeux humains, sportifs, technologiques, et environnementaux, Le Délit a eu l’opportunité de s’entretenir avec Catherine Chabaud. Ex-navigatrice française ayant participé à deux reprises au Vendée Globe, elle a été la première femme de l’histoire à terminer cette course mythique, lors de l’édition 1996–1997. À la suite de sa carrière professionnelle, Catherine Chabaud s’est engagée en politique pour mettre en avant la question environnementale et la protection des océans.

Le Délit (LD) : D’où vient cette passion pour la navigation, et qu’est-ce qui vous a poussé à devenir navigatrice professionnelle?

Catherine Chabaud (CC) : Ma passion est d’abord venue d’un intérêt pour la mer. Avec ma famille, on faisait souvent de la plongée sous-marine. Ensuite, j’ai pratiqué un petit peu le bateau et plus j’en faisais, plus je trouvais ça formidable. Comme il n’y avait pas de bateau dans la famille, j’ai commencé à pratiquer la navigation avec une bourse des équipiers [un partenariat entre marins et propriétaires de navires, ndlr]. Au début des années 80, pour les femmes, ce n’était pas forcément facile de trouver des embarquements, donc j’ai dû très vite monter mes propres projets. J’ai d’abord exercé mon métier de journaliste et j’essayais d’aller naviguer dès que je pouvais. Un jour, j’ai décidé de mettre la priorité sur la navigation. En 1990, j’ai fait construire mon premier bateau. J’ai commencé par des courses, au début plus courtes, et plus ça allait, plus j’avais envie d’un peu plus de durée et de grandeur de bateau. Lorsque le premier Vendée Globe a été organisé en 1989, je me suis dit : « Un jour, je serai au départ ». En 1996, j’ai pris le départ de mon premier Vendée Globe.

« Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens mon premier passage du Cap Horn, parce que j’ai mis beaucoup de temps pour arriver à le franchir. Et bien sûr l’arrivée de mon premier Vendée Globe, qui était incroyable »

Catherine Chabaud

LD : Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans votre expérience de navigation?

CC : Ce que j’ai beaucoup aimé dans la navigation, c’est le sentiment de responsabilité, d’autonomie et de liberté que tu as quand tu es seule en mer. Et ce sentiment est multiplié par dix dans le cadre du Vendée Globe. Ce qui m’a aussi beaucoup plu, c’est le voyage, l’aventure, la découverte mais aussi plus simplement la vie en mer. Encore aujourd’hui, après des années de navigation, je suis toujours émerveillée par un lever ou un coucher de soleil, un albatros, ou par un dauphin. Parmi mes meilleurs souvenirs, je retiens mon premier passage du Cap Horn, parce que j’ai mis beaucoup de temps pour arriver à le franchir. Et bien sûr l’arrivée de mon premier Vendée Globe, qui était incroyable.

LD : À quoi ressemble le quotidien d’un skipper pendant le Vendée Globe? Comment arrive-t-on à trouver un équilibre entre le sommeil et la navigation?

CC : Comme tu es en course, la priorité est à la marche du bateau, tu essaies d’avoir les bonnes voiles réglées comme il faut, et tu essayes surtout d’aller dans la bonne direction avec les vents. Pour tenir sur le long terme, il faut aussi s’entretenir soi-même. Dans la journée, tu étudies beaucoup la météo, tu fais des manœuvres, tu manges, et dès que tu peux, tu vas dormir. Tu dors par petites tranches dont la durée dépend du contexte. Lorsqu’il y a des risques de collision avec des obstacles, comme des bateaux par exemple, tu ne dépasses pas les tranches de 20 minutes de sommeil. En revanche, tu peux aller jusqu’à 1h30 dans des conditions météorologiques stables.

LD : Le Vendée Globe est une course dans laquelle les femmes sont jusqu’à aujourd’hui sous-représentées. Pour l’édition qui arrive, sur 40 skippers, seules six sont des femmes. En 1997, vous devenez la première femme à avoir terminé cette épreuve, et à boucler un tour du monde en solitaire sans assistance. Est-ce que cela est source de fierté, et considérez-vous que cet accomplissement vous donne un rôle particulier auprès des femmes navigatrices?

CC : Par concours de circonstances, le titre de gloire m’est revenu, mais devenir la première femme à finir le Vendée Globe n’était pas du tout ma motivation à aller en mer. À l’époque, je m’étais dit que peut-être que lorsque je serais grand-mère, ce serait objet de fierté. Et en effet, 20 ans plus tard, c’est une fierté de se dire qu’on est pionnières [faisant référence à Isabelle Autissier, seule autre navigatrice ayant participé en même temps que Catherine, ndlr]. Je pense qu’on a inspiré des navigatrices mais aussi des femmes sur la terre ferme, en leur donnant envie de réaliser leurs rêves.

LD : Depuis 1989, les bateaux et les moyens de communication ont beaucoup changé grâce aux avancées technologiques. À votre avis, quelle est la différence entre participer au Vendée Globe dans les années 90 et aujourd’hui?

CC : Ne serait-ce qu’entre mon premier Vendée Globe en 1996 et celui en 2000, il y a eu énormément de changements. On est passé de la radiocommunication à la communication par satellites. Aujourd’hui, les skippers sont très connectés et communiquent beaucoup [sur les réseaux sociaux et à la télévision notamment, ndlr], voire un peu trop. Ils se mettent presque en scène, ce qui n’était pas du tout le cas avant. Selon moi, la surmédiatisation des skippers banalise un peu l’épreuve et l’aventure que représente le Vendée Globe. Cela dénature un peu l’idée d’une course en solitaire face à la nature. En même temps, c’est sympathique, parce que tu vois presque en direct comment les marins vivent. À l’époque, on essayait de ramener des images qu’il n’était pas possible d’envoyer en direct.

« Toutes ces avancées n’enlèvent aucun mérite aux skippers. Faire le Vendée Globe aujourd’hui reste une grande aventure. Mais il faut constater que le Vendée Globe des années 1990 et celui de 2024 sont deux courses profondément différentes »

Catherine Chabaud

Les bateaux ont aussi beaucoup changé d’un point de vue technologique. Depuis une dizaine d’années, il y a des bateaux bien plus performants qui volent sur l’eau [grâce aux ailes portantes (foils) notamment, ndlr]. Les accélérations et les décélérations sont extrêmement brutales et les skippers sont donc obligés de naviguer avec des protections pour le dos, les genoux, les chevilles ou encore avec des casques. C’est extrême, mais en même temps, c’est magique de voir qu’ils ont réussi à faire des bateaux si performants. Pour revenir sur la question du quotidien des marins, je ne sais pas comment ils organisent leur vie à bord, ils ne bougent quasiment plus. Aujourd’hui, les cockpits [postes de pilotage, tdlr] sont de plus en plus fermés, les bateaux vont parfois presque sous l’eau, et mouillent beaucoup plus. Lors de mes Vendée Globes, mon poste de pilotage était ouvert, je devais mettre des bâches pour le fermer dans les mers du Sud pour ne pas avoir trop froid.

Toutes ces avancées n’enlèvent aucun mérite aux skippers. Faire le Vendée Globe aujourd’hui reste une grande aventure. Mais il faut constater que le Vendée Globe des années 1990 et celui 2024 sont deux courses profondément différentes.

LD : Comment avez-vous perçu l’évolution du réchauffement climatique et de la pollution des océans, et quels sont leurs impacts sur une course comme le Vendée Globe?

CC : La première fois que j’ai vu du plastique en mer, c’était en 1991. Aujourd’hui, je constate surtout une augmentation de la pollution en mer Méditerranée, parce que dans les eaux plus agitées comme l’Atlantique, on les voit moins flotter. Seul 1% des plastiques en mer flottent. Par contre, quand j’ai navigué encore l’été dernier au Groenland, je me suis aperçue d’un écart important entre les glaces que l’on peut observer et les glaces cartographiées – souvent répertoriées dans les années 50 ou 60. Alors que les cartes te disent que la navigation est bloquée à certains endroits, en réalité, tu es souvent capable de parcourir 10 kilomètres de plus parce qu’il y a 10 kilomètres de glaciers qui ont fondu. C’est une différence colossale!

L’impact sur le Vendée Globe est bien réel. Avec le réchauffement climatique et l’augmentation du nombre d’icebergs, les eaux les plus au sud sont moins facilement navigables et le risque de collisions avec un iceberg non répertorié sur le radar est plus élevé. Les eaux sont donc plus dangereuses. C’est d’ailleurs pour cela qu’à partir du Vendée Globe 2000, pour assurer la sécurité des skippers, la direction a commencé à mettre des zones interdites à la navigation comme la Zone d’Exclusion Antarctique.

Plus récemment, on a commencé à créer des Zones de Protection de la Biodiversité, des zones où il y a beaucoup de cétacés, pour éviter de les heurter et de les tuer. L’impact existe donc vraiment d’un point de vue sportif, parce que les zones d’exclusion contraignent les skippers dans leurs manœuvres autour de ces zones-là. Mais tout le monde est à la même enseigne, et si cela permet de ne pas dégrader la biodiversité, alors tant mieux. Ce qu’on pourra aussi craindre dans plusieurs années, c’est que l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques de plus en plus violents, ainsi que l’allongement des périodes de cyclones entraînent le report des courses.

LD : À la suite de vos Vendée Globe en 1996 et en 2000, vous vous êtes investie en politique à différents échelons, notamment en tant que députée européenne. En quoi votre expérience en mer vous a‑t-elle été utile dans votre travail au Parlement européen et dans votre carrière politique?

CC : Il y a un véritable bénéfice à avoir une expérience de navigatrice pour aller naviguer en politique. Avoir vécu des situations fortes, intenses, et avoir eu à me débrouiller seule pour trouver des solutions ça me donne la conviction qu’on peut être ambitieux dans la vision politique qu’on porte, et que l’être humain est capable de mettre en œuvre des choses formidables, à condition d’entreprendre et de persévérer. Une autre leçon que m’a donnée la mer, c’est de faire avec la situation. Dans l’océan, tu navigue malgré les contraintes, tu ne domines pas la nature, il faut arriver à s’adapter. En politique c’est la même chose, il faut s’adapter et travailler pour trouver des compromis.

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Alléger son empreinte sans faire de choix https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/alleger-son-empreinte-sans-faire-de-choix/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56349 Quand nos biais nous aident à mener des comportements pro-environnementaux.

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On est souvent en faveur des options vertes, des actions qui minimisent notre impact sur l’environnement : recycler, privilégier les transports en communs, moins prendre l’avion, et ainsi de suite. Pourtant, les actions que l’on mène réellement sont souvent moindres que nos intentions. De nombreuses barrières psychologiques, comme des biais inconscients, ralentissent ou empêchent notre passage à l’action. Ces barrières nous amènent à adopter la mentalité « qu’il est déjà trop tard ». Certains finissent par se retirer de cette lutte sous prétexte que « ça ne sert à rien de continuer ». Pourtant, cet état d’esprit ne fait que nuire à l’environnement et à ceux qui font des efforts.

Et si une façon d’alléger à la fois sa charge mentale et son empreinte environnementale n’était pas de se battre contre les biais freinants, mais de réduire le nombre de situations où ils pourraient nous influencer?

Ai-je un impact?

L’impact des actions pro-environnementales que l’on entreprend au quotidien n’est pas évident à visualiser. À moins que la décision ne soit de jeter l’emballage de notre bonbon d’Halloween sur le trottoir ou dans la poubelle, il est difficile de voir et de réellement comprendre les conséquences de nos gestes. Dr Ross Otto, chercheur en psychologie à McGill, étudie les différentes influences de notre milieu sur nos décisions : « Les gens pensent-ils vraiment que l’on peut changer les choses de manière appréciable ? Je pense que c’est l’une des choses les plus difficiles pour amener les gens à changer leurs comportements. (tdlr) »

Chaque individu a des biais cognitifs, qui sont des déviations de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Le chercheur en psychologie environnementale Robert Gifford, de l’Université Victoria, a regroupé les biais qui régissent l’inaction climatique sous forme de liste de « Dragons », à comprendre comme des forces puissantes et destructrices. Un de ces biais est la perception de notre manque de contrôle et d’efficacité personnelle dans les actions individuelles pour l’environnement. Est-ce qu’un régime végétarien va vraiment changer le monde? Bien que ses impacts soient connus et sous-estimés, un régime végétarien à lui seul demande beaucoup de maîtrise de soi au quotidien (par exemple, refuser de la viande à un repas ou au restaurant). Les inconvénients et les bénéfices à court terme semblent peser plus que ceux à long terme. C’est un des problèmes avec la crise climatique : on avance dans le flou, on sait quelles actions sont bonnes à poser mais on ne peut pas en voir les conséquences positives.

Une loi, moins de choix

Un autre « Dragon de l’inaction climatique » important est celui de l’incertitude : « Quand on n’est pas sûr des actions à entreprendre, on hésite, et l’hésitation c’est de l’inaction. » En politique, lorsque la crise n’est pas immédiate, beaucoup de facteurs viennent freiner une prise de décision radicale. Le Dr Ross Otto soulève que l’hésitation politique à agir pour préserver l’environnement est la plus néfaste. « Pourquoi le gouvernement fédéral hésiterait-il, par exemple, à essayer de réduire les activités liées aux combustibles fossiles ou à l’extraction en Alberta? Les politiciens sont élus, et le passage à l’action pour l’environnement peut être dangereux politiquement. » soulève Dr Otto. « Imaginez que le gouvernement du Québec dise : “Plus de camions à diesel.” Ce serait incommode et dispendieux pour beaucoup de monde, et ce serait un grand risque politique. C’est selon moi le type d’hésitation qui a le plus de conséquences. Je pense que le mieux qu’on puisse faire, c’est adopter des lois pour que l’on n’ait plus que le choix d’agir tous dans le même sens. » Les lois, les règles et les guides sont des manières d’éviter d’être confronté à un choix. Le fait d’adopter une façon de faire régulière peut alléger la charge mentale associée à l’action environnementale. Un exemple de règle à appliquer dans sa vie quotidienne pourrait être de privilégier la marche au lieu de prendre la voiture si le temps de trajet pour arriver à une destination est de moins de 30 minutes à pied.

Surcharge et abstraction

Robert Gifford aborde aussi le sujet de l’engourdissement environnemental par l’un de ses « Dragons ». C’est un dragon à deux têtes. D’une part, un engourdissement peut se produire lorsque nous recevons des messages très fréquents sur le changement climatique ou l’environnement, et qu’on s’habitue au message plutôt que de l’écouter activement. D’autre part, cet engourdissement peut se manifester par une abstraction des aspects lointains du changement climatique qu’on ne peut pas identifier ou qui n’ont pas d’impact immédiat. Pour illustrer la première « tête », on pourrait prendre l’exemple des catastrophes naturelles. Le sujet revient souvent dans les nouvelles, que ce soit à cause d’événements récents (comme les ouragans ayant eu lieu cet automne sur la côte est des États-Unis) ou de prédictions environnementales. La surcharge d’informations et leur similarité peut nous habituer à celles-ci, et on finit par ne plus accorder la même attention aux informations. Pour illustrer la deuxième « tête », on pourrait encore une fois reprendre l’exemple des catastrophes naturelles de plus en plus intenses. Au Québec, on a la chance d’être moins affectés par ces événements qu’ailleurs dans le monde. Pourtant, on sait qu’éventuellement, dans un avenir relativement proche, on le sera. Puisqu’on ne sait pas exactement à quoi s’attendre ni quand cela va se produire, on s’engourdit.

Stu Doré | Le Délit

Les mesures COVID

En politique, ne pas donner le choix semble garantir la prise d’action. La pandémie fut révélatrice de la rapidité à laquelle les changements de comportements peuvent s’opérer à grande échelle : le couvre-feu à 20h, ne plus se retrouver en groupe, porter un masque dans tous les espaces intérieurs. Le professeur souligne que la situation du « ici et maintenant » a poussé les gouvernements à agir. Bien que la crise était incertaine et que l’efficacité des mesures n’était pas connue, les gouvernements sont passés à l’action. « La différence avec la prise d’action climatique, c’est que le gouvernement a dit : “Voilà ce que nous devons faire maintenant”. Il n’y avait plus de choix. Dans une large mesure, les gens y ont adhéré. Je pense que les effets obtenus [la baisse des cas, ndlr] étaient observables à court terme. » Le professeur Otto souligne que les crises porteuses d’action nous montrent que les politiciens sont capables d’agir quand ils y mettent les moyens : « Je pense que le côté optimiste de la chose est que si l’on confronte des organisations, des gouvernements ou des personnes à une crise suffisamment importante, cela montre qu’ils sont capables d’agir. »

« L’inaction est plutôt due au fait que ces actions ne sont pas encore des habitudes de vie »
Ross Otto, professeur en psychologie à McGill

Réglages « par défaut »

Et si l’on acceptait que nous sommes des êtres qui agissent majoritairement par habitude, souvent paresseux, et qui acceptent largement les conditions qui leur sont imposées? Peut-on changer les réglages « par défaut » des fournisseurs d’énergie par des options plus vertes pour éviter l’effort du choix? Une étude menée en Allemagne a trouvé que la présentation de l’information a un grand impact sur la perception du choix et la prise d’action environnementale. Bien que la plupart des citoyens se disaient en faveur de l’électricité verte, les foyers étaient automatiquement alimentés par le fournisseur conventionnel en Allemagne, qui utilise du charbon et des centrales nucléaires. Lorsque le fournisseur a prodigué de l’électricité verte « par défaut », très peu de foyers s’y sont opposés. Ces résultats ont été justifiés par ce que représente un réglage « par défaut » : il peut être interprété comme une recommandation des fournisseurs, et soulage les gens d’un choix malaisant au vu de sa connotation morale (faire quelque chose de « bien » pour l’environnement).

Le pouvoir de l’habitude

« Dans le cas des actions pour l’environnement, ce n’est pas que les gens ont trop de choix entre les actions à poser, l’inaction est plutôt due au fait que ces actions ne sont pas encore des habitudes de vie », remarque le Dr Otto. Prendre l’habitude de toujours se déplacer en vélo (ou en Bixi) pour aller à ses cours évite de se demander si on veut prendre la voiture.

« Selon les théories d’apprentissage de base, ajuster un comportement nécessite de se débarrasser des déclencheurs de la situation qu’on veut changer. C’est une manière de changer les habitudes d’addiction, par exemple. Prenez quelqu’un qui a l’habitude de conduire alors qu’il [serait mieux pour l’environnement, ndlr] de ne pas le faire. Je pense que si vous modifiez tout son environnement, il sera forcé de réévaluer les actions et les résultats associés aux options. Les changements peuvent s’opérer à petite échelle, comme mettre ses clés de voiture dans un endroit ennuyeux qui se trouve de l’autre côté de la maison. Quand vous partez, c’est peut-être un exemple tiré par les cheveux, mais vous pourriez être enclin à penser : “Ok, maintenant, quelle est la séquence d’actions que je dois prendre pour aller au travail?” » Cela permet, selon le Dr Otto, de ralentir les actions qui ne sont pas bénéfiques pour l’environnement, de les rendre légèrement pénibles, jusqu’à ce que le comportement change. On pourrait imaginer un café où il faille faire la file pour demander une boisson dans une tasse à usage unique, et en faire encore une autre pour payer. Si l’on y apportait sa propre tasse, on n’aurait à faire la file qu’une seule fois!

Par exemple, dans le cadre de la diminution des déchets afin d’atteindre le Zéro Déchet à McGill d’ici 2030, il sera nécessaire de changer nos habitudes de consommation. Chaque tasse de café jetable qui peut être évitée est une avancée vers cet objectif commun. Même si ce n’est pas facile de devoir penser tous les jours à prendre une tasse réutilisable, c’est en se conditionnant qu’on arrive à transformer cela en une habitude au quotidien. Les habitudes sont difficiles à bâtir, et difficiles à défaire. Si chaque jour on se « programme » à prendre sa tasse réutilisable avant de partir et qu’on l’apporte au café pour qu’elle soit remplie, on n’aura plus besoin de tasses jetables. Lorsqu’on ne se crée pas d’habitudes, ces petites choses, qui s’accumulent rapidement, deviennent trop difficiles à mettre en œuvre au quotidien. Il y a une forte efficacité dans le fait de mettre en place des habitudes. Il existe également des barrières : aller acheter une de ces tasses sur son temps libre, et ensuite se souvenir à chaque fois du geste de la mettre dans son sac, jusqu’à ce que l’habitude se crée. Il y a toujours un coût initial à l’établissement d’une habitude, mais c’est toujours un excellent investissement, qui rapporte des bénéfices dont on profite à long terme.

Ne pas faire de choix revient essentiellement à choisir de toujours vivre de la meilleure manière possible pour ne pas nuire à l’environnement. Cela peut paraître difficile à atteindre et à maintenir, mais si l’on décortique le mode de vie environnemental idéal, on remarque que c’est une accumulation d’habitudes qui le bâtissent. Ces habitudes s’apprennent avec le temps et l’expérience, et il ne faut pas s’attendre à changer son mode de vie en quelques jours seulement.

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Rouge, bleu… mais où est le vert? https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/rouge-bleu-mais-ou-est-le-vert/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56357 La place de l’environnement dans les élections américaines.

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À l’aube des élections américaines du 5 novembre, à l’issue desquelles nous connaîtrons le futur président des États-Unis, la planète entière retient son souffle. Le prochain mandat apportera-t-il un nouveau vent d’espoir, porteur de promesses pour faire face au changement climatique? Ou anéantira-t-il davantage toute perspective d’avenir durable? En tant que première puissance et économie mondiale, la participation des États-Unis dans la lutte climatique est indispensable pour atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2030. Depuis le mois d’août, le pays est ravagé par des ouragans puissants, comme ceux qui ont touchés la Floride (Helene, Milton). Conséquences du réchauffement climatique, ces catastrophes naturelles, qui bouleversent la vie de nombreux Américains, n’empêchent pas l’enjeu climatique de rester un sujet anecdotique dans la campagne présidentielle. Ceci reflète le faible intérêt que portent les citoyens américains des états clés quant au sort de l’environnement. Mais alors entre les deux candidats en lice, Kamala Harris pour le parti démocrate et Donald Trump pour le parti républicain, y a‑t-il un meilleur choix pour l’environnement?

Le paradoxe américain

Depuis la création de l’État fédéral, l’environnement occupe une place ambiguë dans l’histoire des États-Unis, à cheval entre sa protection et son exploitation. Ils ont largement participé à la prise de conscience mondiale quant à la nécessité d’agir pour la protection de l’environnement, entre autres par la création du premier parc national au monde, Yellowstone, fondé en 1872. Par ailleurs, en 1892, l’américain John Muir fonde le Sierra Club, l’une des premières organisations environnementales, qui avait pour objectif de préserver la « wilderness » (naturalité, tdlr), à savoir une zone exempte d’exploitation humaine. L’agence de protection de l’environnement a été créée sous le mandat républicain de Richard Nixon, peu de temps après la publication du livre Silent Spring de Rachel Carson, en 1962, qui dénonçait la toxicité des pesticides comme le DTT, et le danger que ceux-ci représentent pour la biodiversité.

« L’éthique capitaliste aux États-Unis est un élément important de la culture américaine, pour le meilleur et pour le pire. Et depuis les années 1980, il y a eu une forte opposition à de nombreuses réglementations environnementales »

Professeur Brendan Szendrő

Ces débuts d’un mouvement environnementaliste de conservation de la nature se sont accomplis au détriment des peuples autochtones, qui vivent depuis longtemps en harmonie avec la nature. Ces derniers ont été déplacés de force par les colons européens, qui ont saisi leurs terres, en justifiant cet acte au nom de la conservation de la nature. Interrogé par Le Délit, le professeur Brendan Szendrő, qui enseigne le cours de politique américaine POLI 325 à McGill, remarque qu’ « il y a toujours eu un chevauchement entre ces politiques de protection de l’environnement et les politiques à l’égard des populations autochtones, [qu’elles soient positives ou non, ndlr], (tdlr) ». On peut citer comme exemple les politiques instaurées sous le mandat de Nixon, où la création de l’Agence de protection de l’environnement a coïncidé avec l’abolition de la politique indienne d’assimilation, qui ne reconnaissait pas la souveraineté des tribus autochtones et forçait leurs membres à s’assimiler à la société américaine.

Aujourd’hui, les États-Unis sont l’un des plus gros pollueurs de la planète. En 2022, un Américain émettait en moyenne 14,9 tonnes de CO2 par an. Le pays se classe derrière la Chine comme deuxième plus grand pays émetteur d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Pour comprendre ce paradoxe, il est nécessaire de rappeler l’importance accordée à la liberté et au culte de l’individualisme, qui s’enracinent au plus profond
de l’histoire des États-Unis. La Déclaration d’indépendance, qui a donné naissance à la nation, cherchait à s’affranchir de la domination coloniale britannique ; c’est pourquoi le premier amendement de la Constitution scelle la liberté d’expression et de religion comme droits fondamentaux du peuple américain. Les États-Unis ont également vu naître l’idéologie néolibérale sous le mandat de Ronald Reagan dans les années 1980, qui repose sur « l’idée que la croissance économique est la plus efficace lorsque l’on réduit les réglementations et que l’on laisse les investisseurs faire ce qu’ils veulent », explique le professeur. Il ajoute : « L’éthique capitaliste aux États-Unis est un élément important de la culture américaine, pour le meilleur et pour le pire. Et depuis les années 1980, il y a eu une forte opposition à de nombreuses réglementations environnementales, simplement sur la base de cette culture de l’esprit d’entreprise et de la ferveur anti-réglementaire. » Par ailleurs, la classe ouvrière de l’Amérique rurale se méfie de la bureaucratie et résiste, comme les populations plus aisées, aux régulations gouvernementales en matière d’environnement, qu’elle considère comme « un moyen d’interrompre le mode de vie que les communautés ont construit sur plusieurs générations ».

« S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections »

Realpolitik

Dans la campagne présidentielle actuelle, l’environnement est laissé de côté, mais ce n’est pas le seul enjeu oublié. « L’élection actuelle est pratiquement dépourvue de propositions politiques sérieuses », observe professeur Szendrő. Il poursuit : « Donald Trump fait campagne sur le thème “Je vais expulser les gens que je n’aime pas”. Et Kamala Harris fait campagne sur le thème “Pourquoi diable élire Donald Trump?” » Cela relève de la Realpolitik ou l’art du compromis, comme le souligne le professeur Norman Cornett, ancien professeur d’études religieuses de McGill, car « la politique doit être ancrée dans la réalité » et néglige les considérations idéologiques. S’ils souhaitent être élus, les deux candidats doivent composer avec les préoccupations des électeurs des états pivots, dont le choix va déterminer le résultat des élections. Or, bien souvent, leur réalité touche aux enjeux économiques dont les effets sont immédiats, comme l’inflation. Brendan Szendrő note que « le programme en faveur des combustibles fossiles est meilleur pour l’économie à court terme. À long terme, ce n’est pas le cas. Mais le long terme ne permet pas de gagner des élections. Les gens s’intéressent à l’inflation aujourd’hui, pas à l’inflation dans 20 ans ».

Eileen Davidson | Le Délit

Les enjeux géopolitiques de sécurité sont aussi prioritaires aux questions environnementales : « Si vous ne forez pas pour trouver du pétrole dans votre pays, vous allez dépendre de régimes qui sont, dans certains cas, caricaturalement mauvais, pour obtenir votre gaz. Cela aggrave la situation de votre économie, car vous importez plus que vous n’exportez. Cela vous affaiblit également en termes de politique étrangère, car vous dépendez désormais de despotes étrangers, qui pourraient, hypothétiquement, chercher à s’emparer de toute l’Europe de l’Est [la Russie de Vladimir Poutine, ndlr] », explique le professeur Szendrő.

Ces considérations peuvent expliquer le revirement de Kamala Harris quant à la question de la fracturation hydraulique, une pratique qui consiste à injecter de l’eau, du sable et des produits chimiques dans la terre pour extraire le pétrole et le gaz qui s’y trouvent. Lorsqu’elle faisait campagne en 2019 pour la présidence des États-Unis, elle se présentait comme une candidate progressiste et s’était engagée contre cette pratique destructrice pour l’environnement. Dans le passé, en tant que procureure générale de la ville de San Francisco, elle avait établi une unité de justice environnementale et avait poursuivi certaines compagnies pétrolières en justice. Cependant, depuis son ascension au poste de vice-présidente, elle affirme son soutien à la pratique controversée. Lors du débat présidentiel contre son adversaire républicain qui se tenait à Philadelphie dans l’État de Pennsylvanie, elle s’est même vantée « que sous l’administration Biden-Harris, les États-Unis ont tiré plus de barils de pétrole que dans toute l’histoire américaine », précise le professeur Cornett. Si l’on peut trouver cette attitude surprenante au premier abord, on comprend très vite les motivations de la vice-présidente : « On ne peut pas gagner [les élections, ndlr] sans gagner l’État de la Pennsylvanie, puisque cela implique 19 votes au collège électoral », explique le professeur Cornett. Or, le gaz naturel est le moteur de l’économie dans cet État pivot. Interdire la fracturation hydraulique reviendrait à s’aliéner les électeurs de Pennsylvanie et ainsi perdre les élections.

« On ne peut pas gagner [les élections, ndlr] sans gagner l’État de la Pennsylvanie, puisque cela implique 19 votes au collège électoral »

Professeur Norman Cornett

Absence de parti vert

Pour Brendan Szendrő, l’absence de proposition politique concrète est renforcée par la polarisation de plus en plus exacerbée du système politique américain, qui « gèle la prise de décision politique ». D’ailleurs, « le fait que le système soit conçu de manière à ce qu’un seul des deux partis puisse gagner les élections signifie que les tiers partis n’ont pas de programme sérieux ». Beaucoup se présentent avec l’intention de perdre. Selon le professeur Szendrő, « parce que les partis tiers savent qu’ils ne peuvent pas gagner, ils sont des foyers de corruption et essaient surtout de faire perdre l’un des deux partis, et non pas de faire avancer la politique ». Ainsi, le parti vert des États-Unis ne peut pas être comparé aux partis environnementaux d’autres démocraties. Jill Stein, à la tête du Green Party, a été impliquée dans des situations compromettantes, comme une rencontre avec Vladimir Poutine. Tandis qu’au Canada, le Nouveau Parti Démocratique (NPD) se présente comme une alternative aux partis libéral et conservateur, « aux États-Unis, cette troisième voie de la social-démocratie n’existe pas », analyse le professeur Cornett. Or le NPD est souvent « le parti qui s’intéresse le plus aux questions climatiques ». C’est ce qui explique le manque d’attention accordé à la politique environnementale.

Selon le professeur Norman Cornett, les lobbys politiques jouent également un rôle clé dans les élections et la politique américaine. Les candidats s’appuient sur le soutien de ces groupes d’intérêt pour financer leur campagne. « Le plus grand lobby pétrolier aux États-Unis, c’est l’ American Petroleum Institute, dont le PDG est Mike Somers », explique le professeur Cornett. C’est pourquoi, de nombreux élus se transforment en « porte-paroles pour l’industrie pétrolière », car leur survie politique en dépend.

« Pour que l’environnement soit à nouveau inscrit sur les bulletins de vote aux États-Unis, le plus simple à court terme est de lancer des initiatives au niveau des États »

Professeur Brendan Szendrő

La menace Trump

Bien que le programme de Kamala Harris en matière d’environnement puisse décevoir, il a le mérite de reconnaître que le changement climatique est réel. Sous la présidence de Biden, la loi sur la réduction de l’inflation de 2022 a permis de dégager des sommes considérables pour investir dans des solutions climatiques et d’énergie propre. L’alternative Trump, candidat climatosceptique dont l’un des slogans préférés est « Drill, baby, drill! », équivaudrait à tuer dans l’œuf tout espoir d’avancée en matière d’environnement. On se souvient du bilan environnemental catastrophique de Trump sous son premier mandat : retrait de l’Accord de Paris, élimination du Clean Power Plan qui contraignait les centrales à charbon à réduire leurs émissions, ou encore affaiblissement du National Environmental Policy Act qui soumettait des projets majeurs à une évaluation environnementale.

Finalement, a‑t-on vraiment le choix? « Si Kamala gagne, il y a beaucoup plus de possibilités de relancer certaines de ces initiatives [environnementales, ndlr] », indique le professeur Szendrő. Par opposition, « si Trump gagne les élections, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de solution possible, mais cela veut dire que le temps nécessaire à la mise en œuvre de ces solutions est beaucoup plus long ». L’option Trump reviendrait ainsi à renoncer aux progrès réalisés sous l’administration Biden, pour perdre à nouveau quatre ans de potentielle avancée en matière climatique. Les conséquences pour le reste du monde seraient majeures car « les États-Unis sont le pays le plus puissant du monde, autant sur le plan militaire qu’économique », rappelle le professeur Szendrő. « Et ils sont le chef de file du monde démocratique. Par conséquent, lorsque les États-Unis ne s’intéressent pas à la politique environnementale, il est d’autant plus difficile de rallier d’autres pays à cette politique, notamment parce que les politiques environnementales consistent souvent à privilégier le long terme au détriment du court terme. » Le professeur explique qu’il s’agit du problème classique, en science politique, de la tragédie des biens communs : « La plupart des pays sont réticents à adopter une politique environnementale si tous les autres pays ne sont pas prêts à faire de même. Ainsi, si les États-Unis ne sont pas disposés à investir dans la protection de l’environnement, il est beaucoup plus difficile de convaincre des pays comme la Russie et la Chine de suivre le pas. »

À l’échelle des États

Selon le professeur Szendrő, « pour que l’environnement soit à nouveau inscrit sur les bulletins de vote aux États-Unis, le plus simple à court terme est de lancer des initiatives au niveau des États ». Il souligne le pouvoir des États d’appliquer des politiques respectueuses de l’environnement à court terme: « Dès que vous franchissez la frontière entre l’Arizona et la Californie, tout change. Du côté de l’Arizona, tout est gris. Et du côté californien de la frontière, tout est vert », remarque-t-il. Néanmoins, il ne faut pas négliger le rôle du gouvernement fédéral, dont l’action est primordiale pour les solutions à long-terme. Mais pour cela, le professeur note que « la première chose à faire au niveau fédéral est de trouver un moyen d’abaisser la température de la polarisation politique aux États-Unis. Si l’on ne parvient pas à réduire la polarisation, alors toutes ces initiatives sont vouées à l’échec ».

Sur une note plus positive, le professeur Szendrő souligne que « dans une société démocratique, la recherche d’un consensus est le moyen le plus facile d’aller de l’avant ». Il note que « de nombreuses initiatives environnementales au niveau local sont nées de cette collaboration entre les organisations environnementales, d’une part, et les entreprises polluantes, d’autre part. » Ainsi, il est parfois possible de trouver un terrain d’entente « pour tenter d’élaborer des politiques mutuellement bénéfiques pour l’environnement et l’économie ».

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Comment sauver l’espèce humaine en s’amusant https://www.delitfrancais.com/2024/09/18/comment-sauver-lespece-humaine-en-samusant/ Wed, 18 Sep 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55802 1. S’engager pour l’environnement sur les réseaux sociaux.

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Une de mes premières rencontres avec la question environnementale a été à travers le jeu Eco Ego, sur la plateforme Friv. La première fois que j’y ai joué, je n’en comprenais pas vraiment le but. J’avais environ sept ans, et je n’avais pas la patience de lire la description du jeu ; je cliquais simplement sur le bouton « Play ». Je me suis rapidement retrouvée à faire tomber les feuilles d’un arbre à cause du réchauffement climatique, à polluer une rivière avec de l’eau de vaisselle souillée et à asphyxier un petit personnage ressemblant à une gousse d’ail à cause du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. J’ai abandonné. Des années plus tard, après avoir reçu une meilleure éducation environnementale, j’ai décidé d’y revenir. Cette fois, je comprenais l’objectif. Voulant réussir, j’ai appris et répété les actions favorables à l’environnement. Le but du jeu, décrit sur la page d’accueil, était simple : « Quelque chose de confortable pour 👤. Quelque chose de confortable pour 🦋🦅🐌🌷. Réfléchis bien à tes choix dans le jeu et dans la vie! Temps imparti : six minutes (tdlr) ». La limite de temps visait à simuler le sentiment d’urgence qu’on ressent face à la crise climatique.

Ce n’est pas un hasard si on dit qu’on apprend mieux en s’amusant. Le plaisir favorise l’ouverture d’esprit, une curiosité accrue, une diminution de l’anxiété, et stimule la créativité ainsi que l’innovation, tout en facilitant l’application des notions acquises. Eco Ego s’inscrit dans une panoplie de méthodes ludiques pour sensibiliser à la cause environnementale. Les jeux, les concours, les mèmes (memes) et même l’humour sont des outils aussi amusants qu’efficaces pour sauver la planète. Ils inspirent des comportements plus écologiques et réduisent les inquiétudes concernant l’engagement environnemental, rendant ce dernier plus accessible et attrayant.

Se mettre au défi

Il y a quelques années, quand on éduquait mon chien, j’ai appris le concept du renforcement positif. Il s’agit d’une méthode pour encourager les comportements positifs en offrant une récompense lorsque ceux-ci sont adoptés. L’idée est que l’ajout d’un stimulus agréable augmente la probabilité que le comportement souhaité soit répété. C’est un concept qui s’applique aussi aux humains, avec des récompenses adaptées, bien sûr (pas de croquettes pour moi, merci).

Les concours, compétitions et simples défis pour la cause environnementale sont un bon moyen d’inciter la participation des gens. C’est aussi une manière de récompenser les gagnant·e·s et/ou participant·e·s, de mettre en valeur leur apport à la cause, et de les encourager à poursuivre leurs efforts. J’ai parlé dans mon dernier article de deux exemples de défis lancés à la population, le No Mow May et le Défi pissenlit, qui visaient à retarder la tonte des pelouses pour laisser plus de temps aux pollinisateurs de profiter de la végétation. Au printemps 2024, le Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu a lancé le concours intercollégial « Deviens l’écho responsable de ton domaine d’études », qui invitait les étudiant·e·s à créer une capsule d’influence (un Reel sur Instagram ou une vidéo sur YouTube) à propos d’un enjeu environnemental lié à leur domaine d’études. Les étudiant·e·s avaient la possibilité de remporter des prix allant jusqu’à 1 000$.

« Le plaisir favorise l’ouverture d’esprit, une curiosité accrue, une diminution de l’anxiété, et stimule la créativité ainsi que l’innovation, tout en facilitant l’application des notions acquises »

Des mèmes pour la planète

De plus en plus d’organisations agissant pour la protection de l’environnement publient sur leurs réseaux sociaux des mèmes, ces images rigolotes reprises à l’infini, accompagnées de texte ironique auquel on peut s’identifier. Pour ma part, je suis abonnée au compte Instagram de Greenpeace Québec, champion de la sensibilisation grâce à l’humour viral. Greenpeace Québec, à travers les mèmes, pratique l’autodérision, ce qui rend l’organisation plus accessible et proche de son public. Les mèmes nous permettent de connecter avec des gens qui pensent comme nous et de créer un sentiment d’appartenance à la cause environnementale. L’utilisation du format du mème permet aussi de rejoindre un public plus large en améliorant la visibilité de la cause sur les réseaux sociaux, grâce à la nature variante et virale de ce type de contenu. Au-delà de la consommation de mèmes, leur création semble tout aussi amusante. Je me suis donc essayée à l’exercice (voir mon mème environnemental ci-haut).

Aussi drôles soient-ils, ces mèmes servent à diffuser un message important : la crise environnementale n’est pas une blague. L’absurdité de la situation est telle qu’il vaut mieux en rire, car si les mises en garde n’ont pas mené à l’action, peut-être que l’humour le fera.

Protéger l’environnement n’a pas à être une tâche sérieuse et monotone. En intégrant des éléments ludiques dans notre approche de la durabilité, on peut non seulement rendre l’engagement écologique plus attrayant, mais aussi plus efficace. On peut créer quelque chose de confortable pour 👤🦋🦅🐌🌷.

Eileen Davidson | Le Délit


2. Rencontre avec l’humoriste Dhanaé A. Beaulieu.

Il y a quelques semaines, je suis allée voir le Gong Show au Bordel Comédie Club. C’est une soirée humoristique où des amateur·trice·s de monologues comiques (stand-up) se succèdent sur scène, chacun·e disposant de trois minutes pour faire rire le public, sans se faire interrompre par le son du gong. Un jury composé de trois humoristes expérimenté·e·s évalue la qualité des blagues et de la prestation du participant. Après chaque numéro, les juges commentent de manière humoristique la performance en donnant des critiques directes et hilarantes, des conseils, ou des félicitations.

J’ai rencontré Dhanaé A. Beaulieu, acteur et humoriste québécois, qui était sur le jury pour la première partie du Gong Show. Ses blagues percutantes sur la crise environnementale m’ont particulièrement marquée et ont inspiré cet article.

Le Délit (LD) : Pourquoi as-tu choisi d’intégrer le sujet de l’environnement dans ta carrière d’humoriste?

Dhanaé A. Beaulieu (DAB) : C’est surtout pendant la pandémie que j’ai réalisé que les sujets que je devais aborder devaient être seulement les sujets qui m’intéressaient vraiment, parce qu’au final, quand je suis sorti de l’École [nationale de l’humour, ndlr], je pense que j’essayais d’aller chercher un public qui n’était pas le mien. Je parle de ce que je connais, finalement.

LD : Quel effet souhaites-tu avoir sur ton public quand tu fais des blagues sur l’environnement?

DAB : Ça dépend du public. Quand je sais que le public n’est pas impliqué en environnement, c’est plus une façon de planter une graine dans leurs esprits sur un sujet qu’ils ne comprennent peut-être pas. J’essaie d’être le plus rassembleur possible, puis de faire des blagues qui ne ridiculisent pas le mouvement écologiste. Si c’est la première fois qu’ils sont exposés au sujet de l’environnement, tant mieux que ce soit dans un show d’humour, parce que ça sera associé à quelque chose de positif. Quand je présente mon show solo, le but c’est vraiment d’enfoncer le clou. Je n’hésite pas à être un peu plus caustique, si on veut!

LD : Quels ont été tes projets préférés en lien avec l’environnement?

DAB : Pour mon spectacle solo, en 2022, j’ai obtenu une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec pour faire un voyage dans l’Ouest canadien et visiter des forêts anciennes afin d’inspirer mon spectacle. C’est dur à battre! Je suis content de travailler aussi avec le média Unpointcinq, qui est le seul média indépendant se concentrant uniquement sur les questions environnementales au Québec. Ils me proposent de faire des sketchs pour leur Tiktok, parce que Meta bloque toutes leurs nouvelles sur Facebook et Instagram. Je participe aussi à Feu vert, l’émission à Radio-Canada qui parle des questions environnementales. J’y fais des chroniques tous les mois. C’est vraiment un beau projet.

LD : Tu as dit qu’il n’y a pas beaucoup d’humoristes qui parlent d’environnement. Penses-tu que ce nombre augmentera au cours des prochaines années?

DAB : Oui. J’espère, en tout cas! Chaque année, j’organise un spectacle sur cette thématique et j’y invite d’autres amis humoristes à venir faire un numéro qui parle de l’environnement. Je me dis que plus il y a de gens qui montrent que ces numéros peuvent être accessibles pour un large public, probablement que plus de gens vont vouloir en faire aussi. Pour l’instant, je peux te dire que je connais presque tous ceux qui ont des numéros sur l’environnement, mais j’ai hâte au jour où je ne pourrai plus te nommer les noms des personnes qui font des numéros de ce type.

LD : Penses-tu que l’humour pourrait être perçu comme une façon peu sérieuse de traiter les questions environnementales, et qu’il pourrait ainsi nuire à la cause?

DAB : Si tu ridiculises le mouvement, je pense que ce n’est pas une bonne idée. Au lieu de rire un peu du mouvement, ris plutôt de toi, de tes travers. Si le fond de ta pensée, c’est qu’il faut en faire plus pour l’environnement, si tout le monde comprend où tu loges, à mon avis, il n’y a pas de problème.

LD : Quel conseil donnerais-tu aux gens pour qu’ils prennent du plaisir dans la protection de l’environnement?

DAB : Il faut trouver quelque chose que tu aimes faire. Moi, j’avais besoin de quelque chose de concret, un peu pour combattre mon éco-anxiété, puis pour avoir l’impression que j’agis vraiment. Je me suis dit que je pourrais planter des arbres. Alors j’ai mis de l’avant des projets pour planter des arbres sur le terrain de ma coopérative d’habitation à Hochelaga. Pour moi, c’était amusant, parce que j’aime travailler dans la terre. Il faut juste trouver un projet qui nous parle.

Pour rire, apprendre, et être au courant des projets de Dhanaé Audet-Beaulieu, vous pouvez suivre sa page Instagram, Facebook ou Tiktok @dhanaebeaulieu.

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Trudeau : un manque d’action pour l’environnement? https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/trudeau-un-manque-daction-pour-lenvironnement/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55532 Trois raisons qui freinent l’atteinte des objectifs nationaux.

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En 2015, la victoire du gouvernement de Justin Trudeau a été marquée par une série de promesses et de propositions progressistes, notamment une politique environnementale assez ambitieuse. Toutefois, au cours des dernières années, le comportement du gouvernement libéral en matière d’initiatives environnementales laisse transparaître un semblant d’hypocrisie quant aux préoccupations internationales croissantes concernant le changement climatique. Un an après la saison des feux de forêts la plus dévastatrice que le pays ait connu, la question climatique s’avère être au centre des préoccupations pour beaucoup de Canadiens. Si Justin Trudeau a fait preuve d’un certain engagement dans la lutte contre le changement climatique – entre autres par la ratification de l’Accord de Paris en 2015 et la mise en place d’une tarification du carbone – ces efforts semblent inefficaces alors que le Canada fait face à des obstacles structurels de taille pour accomplir une véritable transition écologique. Quelles sont donc ces contraintes qui freinent la politique environnementale de Trudeau?

Les sables bitumineux d’Alberta

Depuis les années 1990, l’économie canadienne repose massivement sur les énergies fossiles. Plus particulièrement, elle investit dans les gisements de sables bitumineux albertains, qui constituent le troisième plus grand gisement pétrolier de la planète, et en est l’un des derniers. Ces sites d’extraction représentent environ 97% des réserves de pétrole brut du pays, dont la quasi-totalité sont situées en Alberta. Si beaucoup considèrent l’exploitation de ces ressources comme un désastre écologique, Justin Trudeau la justifiait en 2017 en prétextant « qu’aucun pays ne trouverait 173 milliards de barils de pétrole dans le sol et les laisserait à leur place (tdlr) ». Leur extraction par les multinationales contribuent ainsi à la fois aux émissions de gaz à effet de serre et à la dépendance économique du pays aux énergies fossiles. En effet, l’exploitation des sables bitumineux en Alberta pose un défi structurel à la province pour toute tentative de transition vers une économie plus verte. L’industrie du pétrole et du gaz représente 21% du PIB albertain, ce qui constitue un poids important dans l’économie de la province. Une réduction de la production de pétrole suite à la mise en place de restrictions environnementales par le gouvernement fédéral impliquerait des coûts de grande ampleur. Elle signifierait également un ralentissement de la croissance du PIB, ainsi qu’une baisse d’emplois dans ce secteur, qui dénombre aujourd’hui des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses.

De plus, ce désastre écologique affecte directement les populations autochtones. L’utilisation des sables bitumineux a été historiquement attribuée aux populations autochtones qui s’en servaient pour l’étanchéité des canoës. Aujourd’hui, celles-ci sont les premières à subir les impacts dévastateurs de l’avidité des géants du pétrole. En plus d’être souvent expropriées de leurs terres ancestrales, les Premières Nations de l’Alberta ont récemment fait la cible d’un nouveau projet par les firmes pétrolières. Ces dernières font recours à une nouvelle technologie dénommée CCS, visant à capter et à entreposer le carbone sous les terres habitées par ces populations pour limiter les rejets polluants.

L’expansion des oléoducs du Trans Mountain

Parmi les décisions préjudiciables à l’environnement émises sous le gouvernement Trudeau, l’expansion des oléoducs du projet Trans Mountain occasionne elle aussi un impact écologique particulièrement néfaste. Racheté en 2018 à la compagnie américaine Kinder Morgan par le gouvernement fédéral, le projet Trans Mountain valait alors 4,5 milliards de dollars canadiens. Cette transaction signifiait alors tripler la capacité de l’oléoduc existant pour acheminer le pétrole brut de l’Alberta jusqu’à la côte de la Colombie-Britannique. La construction de l’extension de l’oléoduc Trans Mountain s’est achevée le premier mai dernier, permettant désormais le transport quotidien de près de 900 000 barils de pétrole brut.

« Le gouvernement fédéral est donc limité aux différentes volontés des gouvernements provinciaux et ne peut pas forcer unilatéralement les provinces à conclure un accord »

Ce projet, dont le coût s’élève aujourd’hui à plus de 34 milliards de dollars canadiens, suscite de nombreuses critiques de la part des écologistes, des communautés autochtones, ainsi que de certains gouvernements provinciaux. En effet, l’impact écologique de cette construction est désastreux. Le chemin de l’oléoduc passe sur des terres autochtones, détruisant les cours d’eau et écosystèmes dont dépendent ces populations. De plus, les risques de fuites de l’oléoduc sont de plus en plus élevés et ces communautés craignent des marées noires le long des côtes. Le gouvernement Trudeau justifie l’extension des oléoducs comme un moyen de soutenir l’économie albertaine et de sécuriser l’accès aux marchés internationaux. Or, malgré cette motivation économique, le projet Trans Mountain freine les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre énoncés lors de l’Accord de Paris, révélant les véritables priorités du gouvernement quant à l’investissement de ses fonds. Le stratège en matière d’énergie chez Greenpeace, Keith Stewart, avait d’ailleurs déclaré : « Avec cet argent, le Canada aurait pu mettre en oeuvre un programme d’énergies vertes massif. »

Discorde entre l’état fédéral et les provinces

Si le Canada a déjà été qualifié par certains de « bombe à carbone », sa difficulté à allier l’état fédéral et ses provinces pour établir un plan de transition écologique national renforce d’autant plus cette faiblesse aux yeux de la communauté internationale.

Le Canada étant un état fédéral, la discorde entre Ottawa et les provinces représente la plupart du temps un frein contre une quelconque avancée du gouvernement Trudeau vers une transition écologique. En effet, la Constitution canadienne n’octroie à Ottawa aucune compétence directe sur les principales activités émettrices de GES, telles que l’extraction des ressources naturelles, la production d’électricité, les transports, l’agriculture ou l’urbanisme. Le gouvernement fédéral est donc limité aux différentes volontés des gouvernements provinciaux et ne peut pas forcer unilatéralement les provinces à conclure un accord environnemental. Dans ce cadre, toute tentative de réforme par le gouvernement fédéral est sujet aux tensions, en particulier lorsque les priorités des provinces divergent de celles du gouvernement fédéral. Ce fut le cas en 2019, avec l’introduction d’un plan de tarification du carbone par le gouvernement Trudeau, dans le but d’imposer aux commerçants une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, les provinces qui n’avaient pas encore établi de mesures sur la taxation du carbone, telles que l’Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick, ont désormais l’obligation d’instaurer une taxe de vingt dollars par tonne de combustible, qui augmentera chaque année. Si certaines provinces telles que le Québec et la Colombie-Britannique soutiennent cette mesure et furent elles-même les premières à instaurer une taxe carbone sur leurs territoires, d’autres gouvernements provinciaux avaient alors exprimé leur désaccord, affirmant qu’elle constituait une ingérence et qu’elle nuirait à leurs économies locales. Malgré la décision de la Cour suprême en 2021, qui a confirmé la constitutionnalité de cette tarification, la résistance provinciale demeure forte et ralentit considérablement les avancées écologiques du gouvernement fédéral.

Neutralité carbone d’ici 2050?

Le Commissariat canadien à l’environnement et au développement durable déclarait dans un rapport en novembre 2023 que « les émissions de gaz à effet de serre du Canada étaient plus élevées en 2021 qu’elles ne l’étaient en 1990 », et ce, malgré plus de dix plans d’efforts d’atténuation des changements climatiques depuis 1990. Le plan fédéral de réduction des émissions de GES établi en 2022 avait prévu une réduction de 40% en dessous des niveaux de 2005 d’ici 2030, ainsi que zéro émission net à partir de 2050. Ces objectifs apparaissent toutefois instables sous l’engagement peu convaincant du gouvernement Trudeau dans la course climatique.

Le Canada s’avère donc être un bien mauvais élève face à la pression internationale pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Bien que le gouvernement Trudeau se soit engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, il continue de soutenir l’exploitation des sables bitumineux et le transport du pétrole pour des raisons purement économiques. Ce manque d’alignement affaiblit la crédibilité du Canada sur la scène internationale en tant que meneur dans la lutte contre le changement climatique.

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Alerte tempête! https://www.delitfrancais.com/2024/08/28/alerte-tempete/ Wed, 28 Aug 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55536 Nos sociétés sont-elles prêtes à faire face aux ouragans?

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Le film Twisters, dont la principale protagoniste est une tornade destructrice, est sorti au cinéma cet été. Il met en lumière le pouvoir colossal de la nature face à l’espèce humaine qui a souvent cru pouvoir la maîtriser. La représentation à l’écran de ce type de catastrophe naturelle ne pouvait pas résonner davantage avec l’actualité. Depuis le mois de mai, le continent Nord-américain a été frappé par de nombreuses tempêtes aux conséquences dévastatrices pour les villes et leurs populations. Avec le réchauffement climatique, les phénomènes météorologiques extrêmes vont se multiplier. Aussi est-il bon de s’interroger sur la capacité de nos sociétés à s’y adapter.

Le Délit s’est entretenu avec le professeur John Richard Gyakum du Département de sciences atmosphériques et océaniques de McGill, qui donne le cours ATOC 185 Natural Disasters (Désastres Naturels) ce semestre d’automne. Il est spécialisé dans la prévision des phénomènes météorologiques extrêmes dans le contexte de la variabilité climatique.

« Je pouvais à peine traverser la rue parce que tout était inondé. On ne pouvait même plus voir par terre tellement il y avait d’eau »

Un été marqué par les ouragans

Le vendredi 9 août, la région de Montréal a été touchée par les vestiges de l’ouragan Debby de catégorie une, originaire de Floride. Un véritable déluge a ainsi ébranlé la ville, puisque c’est 154 mm de pluie qui est tombée en une seule journée, soit l’équivalent de plus d’un mois de pluie. Il s’agit d’un nouveau record qui s’ajoute aux records de chaleur de cet été. « C’est la première fois que ça m’arrive. Je n’ai jamais pensé que ça pouvait arriver ici », témoigne Layla, étudiante à McGill et résidente de Laval, qui nous a raconté avoir renoncé à conduire au vu de l’état des routes ce soir-là : « Je pouvais à peine traverser la rue parce que tout était inondé. On ne pouvait même plus voir par terre tellement il y avait d’eau. » Comme de nombreux autres habitants de la région, Layla a perdu l’électricité chez elle. Toutefois, les conséquences de l’ouragan ne se sont pas arrêtées là. L’eau s’est engouffrée dans de nombreuses habitations et des autoroutes ont dû être fermées. Par ailleurs, certains événements et festivals ont été annulés ou déplacés tels que le spectacle de DJ SHUB et Native Mafia Family qui devait avoir lieu sur la place des Festivals et qui a dû se tenir au MTELUS. Cependant, les conséquences de l’ouragan à Montréal sont à relativiser face à celles subies aux États-Unis, où plusieurs morts ont été recensées.

L’ouragan Debby n’est pas le premier événement météorologique à s’abattre sur les États-Unis cet été. Déjà en mai, une tornade avait balayé la ville de Houston au Texas, plongeant près d’un million de foyers dans l’obscurité et la chaleur suffocante après avoir été privés d’électricité pendant plusieurs jours. C’est cette même ville qui, début juillet, a vu passer l’ouragan Béryl, après avoir eu tout juste le temps de se remettre de la précédente tempête tropicale. Née dans les Antilles, la tempête Béryl s’est rapidement intensifiée pour devenir un ouragan de catégorie cinq (catégorie maximale sur l’échelle de Saffir-Simpson ; une mesure évaluant les dégâts causés par un ouragan en fonction de la vitesse du vent), avant de s’affaiblir en touchant les côtes du Texas. Martin, étudiant à McGill qui habite à Houston le reste de l’année, a subi les deux tempêtes de plein fouet. Il nous rapporte avoir été prévenu seulement 20 minutes avant le passage de la tornade. « La tornade, c’est hyper soudain. Ma mère a essayé de rentrer les voitures mais il y a eu une coupure de courant. Il n’y a pas le temps de se préparer comme pour un ouragan. D’un coup, le ciel est devenu noir comme la nuit », nous décrit-il, avant de poursuivre : « Pendant la tornade, tout le monde se cache dans une pièce fermée, au milieu de la maison, au rez-de chaussée pour ne pas s’envoler. » Bien qu’elle ait été courte, les dommages qu’elle a engendrés ne sont pas négligeables. Martin a pu constater les dégâts après son passage : « il y a pleins de barrières et des portes de garage qui ont été cassées, des arbres qui sont tombés… » Martin regrette que le terrain de soccer ait été rendu inutilisable pour le reste de l’été. L’ouragan Béryl en comparaison s’est montré bien plus clément. « J’ai eu de la chance, je n’ai pas perdu le courant », dit-il. D’ailleurs ce n’est pas la première fois que sa maison est menacée par une tempête tropicale de ce genre. Il se souvient d’un ouragan en 2017, qui l’avait forcé à se réfugier dans la ville d’Austin, capitale du Texas, au risque que sa maison se retrouve inondée. Il raconte : « Il a plu énormément pendant trois à quatre jours sans interruption. L’eau m’arrivait au bassin dans la rue. Pendant deux semaines, il y avait des endroits inondés. On a dû aller chercher des affaires en canoë. Je n’ai pas eu école pendant une semaine ou deux. » Cette année, lors du passage de l’ouragan Béryl, il n’a plu que quatre heures à Houston. Martin souligne que les effets de l’ouragan ont bien été ressentis malgré tout. En effet, les infrastructures n’ont pas eu le temps de se remettre de la tornade précédente, et ont continué à se dégrader davantage.

Au vu de cette actualité inquiétante, des questions se posent : Peut-on prévoir ce genre d’aléa naturel afin de s’y préparer et en atténuer les conséquences? Nos sociétés sont-elles prêtes à réagir et à se prémunir contre des évènements météorologiques de plus en plus destructeurs dans le contexte du changement climatique? John Richard Gyakum a répondu à nos questions.

« Pendant la tornade, tout le monde se cache dans une pièce fermée, au milieu de la maison, au rez-de chaussée pour ne pas s’envoler »

L’incertitude météorologique

Avant de se pencher sur leurs conséquences, il est intéressant de comprendre les mécanismes et les propriétés scientifiques de ces catastrophes naturelles. Si, dans le film Twisters, la météorologue Kate est à la poursuite de tornades pour en découvrir leurs origines et percer leurs mystères, il ne faut pas les confondre avec les ouragans. Tous deux sont des risques météorologiques qui se manifestent sous la forme d’une tempête chargée de fortes pluies et vents tourbillonnants. « Une tornade est une tempête en rotation rapide, mais à très petite échelle. En d’autres termes, la zone de rotation peut avoir un rayon allant de quelques dizaines de mètres à une centaine de mètres. (tdlr) », explique le Professeur Gyakum. À la différence d’une tornade, l’ouragan a beaucoup plus d’ampleur : « Cela varie beaucoup, mais la zone de rotation d’un ouragan peut s’étendre sur plusieurs centaines de kilomètres de rayon. » Les termes « ouragan », « cyclone » ou « typhon » sont à peu près équivalents. Ils sont utilisés pour décrire le même phénomène dans différentes régions du globe. Les typhons se forment dans la partie occidentale de l’océan Pacifique, les cyclones émergent dans la zone comprenant l’océan Indien et l’Australie, tandis qu’on parle d’ouragans dans l’océan Atlantique ou au nord-est de l’océan Pacifique. Néanmoins, il précise que le terme de cyclone peut également désigner des « circulations hivernales qui sont beaucoup plus importantes que les ouragans ». Ces multiples sens expliquent pourquoi la terminologie peut prêter à confusion. Une autre différence marquée est qu’une tornade et un ouragan n’ont pas la même durée de vie. Alors que celle de la tornade se compte en minutes, un ouragan peut causer des dégâts sur plusieurs jours.

« Notre connaissance des ouragans et des tornades s’est améliorée au fil des ans, et notre capacité à comprendre ces systèmes peut se traduire par notre aptitude à prévoir ces événements », observe Professeur Gyakum. Il continue : « La tornade est souvent le phénomène le plus difficile à prévoir. En règle générale, nous ne sommes pas en mesure de prédire si une tornade va se produire à un endroit précis et à un moment précis. Nous ne pouvons que formuler nos prévisions en termes de probabilité. » Toutefois, plus l’échelle est grande, plus il est facile de prévoir ces phénomènes météorologiques : « La prévision des trajectoires des ouragans est très bonne. Mais notre capacité à prévoir l’intensité des ouragans doit encore être améliorée. »

La saison des tornades se concentre sur la période du printemps et du début de l’été. Celle des ouragans dans l’hémisphère Nord commence le premier juin et se termine fin novembre chaque année. Le professeur note cependant : « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’ouragans à d’autres moments de l’année. En 2005, lorsque nous avons eu un très grand nombre d’ouragans, on a observé que des ouragans se produisaient même en janvier. » Les cyclones, encore plus néfastes que les ouragans, peuvent avoir lieu n’importe quand dans l’année mais sont plus fréquents en hiver.

NOAA/NESDIS

Et avec le réchauffement climatique?

« Les conditions météorologiques extrêmes que nous avons connues pourraient être représentatives d’un changement à plus long terme de notre climat », remarque le Professeur en référence aux ouragans de cet été. D’après lui, le consensus scientifique actuel s’accorde à dire que, si le nombre d’ouragans ne risque pas d’augmenter, il faut s’attendre à voir de plus en plus de phénomènes météorologiques plus intenses avec de fortes vitesses de vent, d’autant plus dangereux : « Le nombre d’ouragans extrêmes, très puissants, de catégories quatre et cinq, est susceptible d’augmenter avec le réchauffement climatique. » Cela s’explique par l’augmentation de la température des océans. Ces derniers régulent la météo de la planète et fournissent le carburant aux tempêtes le cas pour l’ouragan Debby. Il ajoute : « Même si ces vieux ouragans diminuent ou perdent de leur intensité, ils transportent toujours une grande quantité de vapeur d’eau, l’humidité des tropiques. Lorsque ces systèmes météorologiques atteignent des régions situées à des latitudes plus élevées, comme le Québec et la vallée du Saint-Laurent, il peut en résulter d’énormes quantités de précipitations. Même si les vents eux-mêmes sont plus faibles, la plupart des dommages sont causés par les inondations associées aux précipitations. » Il se peut même que des ouragans traversent l’océan pour atteindre l’Europe et y provoquer là-bas aussi de fortes pluies et inondations.

Atténuation et adaptation

Alors que l’on pourrait croire que les conséquences les plus graves des ouragans sont causées par les vents violents, ce sont finalement les inondations qui en résultent qui provoquent le plus de dégâts. Ces inondations sont l’une des principales causes de mortalité humaine dans les ouragans. « Avec le changement climatique et le réchauffement de la planète, le niveau de la mer a considérablement augmenté. Lorsque le vent souffle fortement de l’océan vers la terre, il entraîne avec lui une grande partie des eaux de l’océan et provoque de nombreuses inondations. » C’est ce que l’on appelle une onde de tempête. En outre, « l’autre sujet d’inquiétude ne concerne pas seulement les vents qui pourraient s’intensifier dans les ouragans extrêmement puissants, mais aussi les précipitations. Les pluies les plus extrêmes vont devenir plus intenses avec le temps à cause du réchauffement climatique. Simplement en raison de la façon dont l’atmosphère fonctionne, il y aura des périodes plus extrêmes ou plus intenses de fortes pluies », remarque Professeur Gyakum.

« En plus de procurer des moments d’humanité qui permettent de rassembler les communautés touchées, ces catastrophes naturelles sont des leçons d’humilité qui doivent aider à éveiller les consciences et se décider ensemble à agir face à l’urgence du réchauffement climatique »

Face à ces risques, il est donc urgent de s’adapter afin d’amortir leurs effets sur nos sociétés et les vies humaines. Ce n’est pourtant pas une tâche facile. En effet, John Richard Gyakum reconnaît que « l’aspect de l’adaptation est un véritable défi et, en fin de compte, est très, très coûteux, pouvant atteindre des dizaines de milliards de dollars pour chaque ville ». Il poursuit : « À titre d’exemple, plusieurs grandes villes situées le long des zones côtières d’Amérique du Nord ont travaillé à la construction de barrières contre les inondations. C’est le cas de la région de Houston, au Texas, mais également de la Nouvelle- Orléans, en Louisiane, qui a subi l’ouragan Katrina en 2005. »

Or ce coût important comprend seulement les efforts d’adaptation, et ne prend pas en compte ceux d’atténuation du réchauffement climatique qui seront nécessaires à réaliser pour prévenir les risques météorologiques. Le professeur appuie l’importance de ne négliger aucun des deux aspects. Il faut financer aussi bien des mesures d’adaptation, à savoir la modification de nos habitudes de vie pour faire face aux impacts du réchauffement climatique, que des mesures d’atténuation en réduisant nos émissions de dioxyde de carbone, afin de s’attaquer aux causes du problème. Le professeur relève toutefois: « L’atténuation, en termes d’efforts réels pour passer à d’autres sources d’énergie propres, reste très importante. Mais en attendant, nous devons survivre. Et chaque endroit a ses propres besoins d’adaptation auxquels il doit répondre. » Par conséquent, l’urgence nous contraint souvent à prioriser les mesures d’adaptation, au détriment de celles d’atténuation.

Agir pour l’avenir

Les précipitations torrentielles qui se sont abattues ce mois d’août ont mis à l’épreuve les canalisations et le système d’égoûts de la ville de Montréal. Ce dernier n’a pu contenir l’eau qui a débordé, causant d’importantes inondations jusque dans les sous-sols des habitations. Il est clair que la ville a encore beaucoup à faire en matière d’adaptation. La municipalité prévoit un plan de « résilience de [son] territoire et de [son] cadre bâti » et cherche à développer des stratégies sur le long terme. Elle souhaite créer de nouveaux parcs éponges vers lesquels diriger le ruissellement de l’eau lors des fortes pluies, ce qui contribuera également à réduire les îlots de chaleur urbains. De cette manière, la ville cherche à allier efforts de mitigation et d’adaptation.

Ces évènements météorologiques extrêmes nous rappellent l’insignifiance de notre espèce à côté de l’omnipotente dame nature. Dans les moments de détresse, les questions économiques de pouvoir d’achat deviennent obsolètes, quand l’enjeu principal est de survivre. On comprend alors l’importance de réfléchir aux risques sur le long terme, plutôt que de ne se focaliser que sur ceux du court terme. Bien qu’ils détruisent des vies, les aléas génèrent aussi un sentiment d’entraide auprès de leurs victimes. Martin nous raconte qu’ « après la tornade, tout le monde sort de sa maison et va voir les dégâts ». Pour lui, « c’est le moment un peu sympa des catastrophes. Tout le monde agit ensemble pour être sûr qu’il n’y ait pas de blessés. Ce sont les seuls moments où tout le monde s’unit ». En plus de procurer des moments d’humanité qui permettent de rassembler les communautés touchées, ces catastrophes naturelles sont des leçons d’humilité qui doivent aider à éveiller les consciences et se décider ensemble à agir face à l’urgence du réchauffement climatique. Car ce n’est qu’à l’échelle collective que nos actions ont un véritable impact.

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Quand nature et humains ne font qu’un https://www.delitfrancais.com/2024/05/24/quand-nature-et-humains-ne-font-quun/ Fri, 24 May 2024 14:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55437 Nature vive, une expérience immersive au Palais des congrès de Montréal.

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Si vous cherchez une idée de sortie en famille ou de rendez-vous amoureux cet été à Montréal, l’exposition Nature vive au Palais des congrès n’attend plus que vous. Produite et distribuée par OASIS Studios Immersifs en collaboration avec National Geographic jusqu’au 1er septembre 2024, elle propose une expérience audiovisuelle immersive digne de la science-fiction. Elle mêle avec subtilité art et message politique pour sensibiliser à la biodiversité et à la nécessité d’agir pour sa conservation.

En pleine immersion 

Sans doute avez-vous déjà eu l’impression d’étouffer au milieu du tumulte et de l’effervescence d’une grande ville comme Montréal. Assailli de toute part, que ce soit par les notifications du téléphone ou le stress causé par le travail, votre cerveau vous semble sur le point de déborder, si bien que votre seul désir n’est plus que de vouloir mettre tout sur pause. L’exposition Nature vive offre une parenthèse paisible et un parfait échappatoire à la cacophonie du quotidien.

Divisée en trois parties, l’exposition a la même structure qu’une dissertation articulée en trois paragraphes répondant à la question suivante : pourquoi faut-il agir pour la préservation de la biodiversité et des écosystèmes? La première galerie, conçue par Katerine Giguère et Johnny Ranger, sert d’introduction, cherchant  à capter l’attention du visiteur et à éveiller une fascination pour l’environnement auquel il appartient. Afin de mettre en avant la puissance et la magnificence de la nature, des images de National Geographic mettant en scène toutes sortes d’espèces et de paysages naturels, à la façon de documentaires animaliers, sont projetées sur les quatre murs. 

Il s’agit d’une expérience immersive qui touche principalement à deux sens, à savoir la vue et l’ouïe.


Le deuxième tableau contraste drastiquement avec le premier et avance le principal argument de l’exposition : au sein du monde vivant, nous sommes tous interconnectés et ne faisons qu’un. L’artiste Alex Le Guillou utilise l’art numérique génératif pour illustrer les liens d’interdépendance dans la nature, en nous rappelant que nous provenons à l’origine d’une seule et même cellule. La troisième et dernière salle, réalisée par Émile Roy, conclut par une ouverture, en mettant l’accent sur les enjeux environnementaux actuels au regard du réchauffement climatique et appelle au passage à l’acte. En s’appuyant sur des exemples concrets d’initiatives à travers le monde, l’exposition veut montrer que c’est par la collaboration humaine que le défi climatique pourra être relevé.

En pénétrant dans chaque salle, le visiteur est plongé dans un univers parallèle bien éloigné de la civilisation, du trafic et de l’urbanisme montréalais. La visite dure environ quatre-vingt minutes, le temps d’entrer dans une transe méditative. Il s’agit d’une expérience immersive qui touche principalement à deux sens, à savoir la vue et l’ouïe. Les mosaïques hypnotisantes de point et de traits en mouvement de l’art génératif sont accompagnées de musique et bruits ambiants de la nature qui ont le pouvoir de nous transporter au plus profond de votre âme, nous amenant à une introspection et une remise en question de notre mode de vie ne prenant pas toujours en compte la nature.

Changer sa vision du monde

S’il y a un message fort que l’on doit retenir de l’exposition, c’est la nécessité de concevoir le monde d’une autre manière. Plus précisément, il s’agit de repenser la relation que les humains et le monde social entretiennent avec la nature. 

Assis au milieu d’une grande salle, entourés par des images de forêts luxuriantes, de montagnes triomphantes et d’océans aux profondeurs abyssales, on se sent tout petit. Cette mise en scène n’est pas due au hasard. Elle nous rappelle la place de l’Homme comme partie prenante de la nature et maillon d’une chaîne de vie complexe et non pas comme un simple observateur extérieur de celle-ci. L’Homme n’est qu’un animal parmi tant d’autres. Plutôt que de considérer l’environnement comme un réservoir d’où l’on peut puiser et exploiter les ressources à l’infini pour satisfaire nos besoins, nous devons nous rappeler que notre monde social dépend lui-même d’une biodiversité et d’écosystèmes sains.

Au milieu des images d’animaux, les auteurs de la première galerie ont inséré des yeux humains, soulignant l’appartenance de l’Homme à la biodiversité terrestre. « Nous ne défendons pas la nature. Nous sommes la nature qui se défend, » murmure une voix par-dessus la musique ambiante. Face à cette interdépendance des êtres vivants, il est nécessaire de préserver chaque élément constitutif du vivant car si l’un est menacé, nous le devenons tous.  

Cette idée d’interconnexion de toute chose provient des enseignements des peuples autochtones, qui dévouent une grande importance au respect de l’environnement et à l’équilibre de régénération de la nature. Changer notre vision du monde est crucial pour passer à l’action, car c’est cette dernière qui façonne notre manière d’agir. En considérant la Terre comme un habitat à préserver, nous agirons avec plus de responsabilité et pourrons vivre en harmonie avec elle.

À l’aide de ces chiffres impactant, les auteurs nous convainquent que tout espoir n’est pas perdu et que le meilleur remède à l’éco-anxiété est l’action.

Susciter une prise de conscience 

L’exposition a le mérite d’inspirer et motiver ses visiteurs face à la menace du changement climatique. Elle met en avant de nombreuses initiatives à travers le monde en suivant le même modèle : problème environnemental, projet entrepris et résultat positif. Par exemple, le Billion Oyster Project, qui recycle des coquilles d’huîtres provenant de restaurants de New York, a permis de restaurer 122 millions d’huîtres, participant à la préservation de leur récifs. Ces dernières sont essentielles à l’écosystème marin, puisqu’elles contribuent à purifier l’eau et servent d’habitat à plus de 100 espèces. 

À l’aide de ces chiffres impactant, les auteurs nous convainquent que tout espoir n’est pas perdu et que le meilleur remède à l’éco-anxiété est l’action. Mais sera-ce suffisant pour susciter une véritable prise de conscience auprès des visiteurs et un passage à l’acte? 

Si la troisième galerie de l’exposition est un appel à l’engagement pour l’environnement de tous, le message reste assez vague. Les auteurs mettent en avant la nécessité de faire des choix au quotidien pour réduire son impact négatif sur la biodiversité et les écosystèmes mais sans donner d’exemples d’actions concrètes à entreprendre. Ils donnent des pistes pour agir en invitant le visiteur à réfléchir à sa consommation d’électricité et à ses déplacements, ou encore à revoir son alimentation, ce qui reste imprécis. Si l’exposition les inspire à devenir donateurs à des associations protégeant la biodiversité ou à soutenir des projets d’envergure, ce sera déjà cela de gagné. Toutefois, il ne faut pas oublier que réduire son empreinte carbone à l’échelle individuelle ne doit pas être laissé de côté. 

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Écocide en temps de guerre https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/ecocide-en-temps-de-guerre/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55340 L’environnement, une victime silencieuse et collatérale des guerres.

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Entre 1961 et 1971, pendant la guerre du Vietnam, 80 millions de litres d’un « agent orange », puissant herbicide, sont envoyés depuis les avions militaires américains sur les forêts vietnamiennes pour y décimer les végétaux et les ennemis Vietcong qui s’y dissimulent. Trois générations plus tard, les enfants des régions touchées naissent encore avec de lourds handicaps, et l’ensemble de la chaîne alimentaire de la zone est contaminée. Depuis la prise de conscience des effets extrêmes des crimes écocides dans le temps d’une guerre, l’article 55 de la convention de Genève, traité qui régit le droit international de la guerre, établit que « la guerre sera conduite en veillant à protéger l’environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves ». La Convention entend prévenir, par exemple, la pollution de puits nécessaires à la survie des populations comme stratégie militaire. Ni les États-Unis, ni la Russie n’ont signé cet article. Les guerres menées contre les populations en Ukraine et à Gaza comptent déjà des victimes humaines par dizaines de milliers et des millions de déplacés qui se logent et se nourrissent dans des conditions humanitaires alarmantes. Alors que le risque sanitaire de la pollution du territoire expose la population d’un pays en guerre à d’importants dangers, il est nécessaire de comprendre et prévenir les impacts transgénérationnels des bombardement et des destructions massives infligés pendant une guerre.

Intoxication par la terre et l’eau
Comme les images de la guerre l’illustrent, les dommages sur l’environnement sont multiples. Les émissions militaires, dont les émissions de gaz à effet de serre de leurs outils (avions, tanks, bombes) et la destruction des sites touchés (puits de pétrole, industries chimiques et infrastructures des eaux usées) formeraient le quatrième plus gros pollueur mondial, derrière les ÉtatsUnis, la Chine et l’Inde – soit près de 5.5% des émissions globales. La pollution aux métaux lourds est particulièrement alarmante, puisqu’ils se dégradent très mal et polluent les nappes phréatiques. Cela met en danger la biodiversité de la région, la santé des populations qui en consomment l’eau, et la contamination des champs qui en sont irrigués.

À Gaza, le territoire est très urbanisé et dépend d’infrastructures souterraines pour son approvisionnement
en eau potable. En voulant stratégiquement démanteler le réseau souterrain du Hamas, Israël a bombardé
toutes les infrastructures de traitement des eaux usées, de l’eau potable et des égouts, touchant près de 55% des infrastructures hydrauliques dans l’enclave palestinienne après un mois de guerre, selon l’ONU. Au moins 100 000 mètres cubes d’eaux usées sont déversés chaque jour sur la terre ferme ou dans la mer Méditerranée à cause des dommages infligés aux infrastructures. Comme les installations qui permettent de traiter les ordures ont elles aussi été endommagées ou détruites, les déchets solides sont déposés un peu partout, ce qui accroît le risque que des substances dangereuses s’infiltrent dans le sol poreux et éventuellement dans l’aquifère. « Même si l’on survit aux bombardements, à la malnutrition, on ne survivra pas à la pollution de l’eau et de la mer », explique Bisan, une journaliste de Gaza.

Gestion des déchets
Il faudra des années pour évacuer les 23 millions de tonnes de débris après la destruction d’immeubles résidentiels et autres propriétés dans la bande de Gaza, a indiqué vendredi l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Les composantes des bâtiments détruits, telles que les peintures au plomb et l’amiante qui vont se dégager des débris auront des répercussions sur le long terme, notamment la pollution des nappes phréatiques et de la mer.

Les bilans de l’Ukraine
Plusieurs chercheurs se sont penchés sur les conséquences des offensives russes en Ukraine, et ont estimé des chiffres alarmants : 20% des aires naturelles sont détruites ou impactées par la guerre, et plus de 600 espèces animales sont mises en danger. La plus grande centrale hydroélectrique du pays à Zaporijia a été touchée par les bombes russes dans la nuit du 20 au 21 mars 2024. La catastrophe environnementale de la destruction du barrage de Cacova le 6 juin 2023 peut valoir à Moscou une plainte pour écocide devant les juridictions ukrainiennes et internationales. Bien que ces tribunaux n’aient pas d’impact sur les décisions politiques et judiciaires russes, le terme écocide aura peut-être pour conséquence de condamner plus justement un pays pour les destructions et abus de temps de guerre.

Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité à Montréal
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) tente de contrôler l’impact des écocides en temps de guerre. Depuis l’Accord de Paris, elle n’oblige pas, mais recommande fortement aux pays de déclarer leurs émissions dûes à leurs activités militaires. Seulement une poignée de pays publient le strict minimum requis par les directives de l’ONU en matière de rapport. De nombreux pays avec de grandes armées ne publient rien du tout. L’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ouvrira un Centre d’excellence pour le changement climatique et la sécurité à Montréal, qui réunira des acteurs militaires et civils pour « mettre en place les capacités requises et les pratiques exemplaires et contribuer à l’objectif de l’OTAN de réduire l’incidence de nos activités militaires sur le climat ». L’OTAN entend sensibiliser ses États membres, s’adapter aux changements climatiques et en limiter les effets. Étant donné le manque de transparence militaire des États-Unis, plus gros acteur de l’OTAN, l’écocide ne semble pas encore être pris en considération à la juste valeur de ses conséquences désastreuses

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Dans la tête d’une écolo https://www.delitfrancais.com/2024/03/27/dans-la-tete-dune-ecolo/ Wed, 27 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55389 Réflexions personnelles quotidiennes et prise de liberté.

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7h30 : mon réveil sonne. Il annonce le début d’une nouvelle journée sur cette planète où nombreux sont ceux
qui mènent un rythme de vie effréné. Dans la rue, tout le monde se presse pour se rendre à son lieu de travail, à l’école… Sur la route, voilà déjà les klaxons qui s’emballent à l’heure de pointe, produisant un véritable tintamarre de si bon matin. Et si nous ralentissions un peu la cadence, et réclamions le silence? Serait-ce possible d’obtenir une trêve de quelques instants pour aller à contre-courant d’une société dont chaque atome aspire à toujours plus?

Bienvenue dans la tête d’une écolo en herbe, qui, loin de prétendre mener une vie vertueuse, cherche du mieux qu’elle peut à vivre plus simplement. Laissez-moi vous permettre de naviguer le long du fil tortueux de mes pensées. Surtout ne cherchez pas de structure logique à cet article : il n’y en a pas. Après tout, s’affranchir des règles, c’est la première étape pour repenser tout un système. Et puis, qui a le pouvoir de contrôler ses pensées?

En me promenant dans la rue, je prends le temps d’observer l’environnement qui m’entoure : les débris de la dernière neige d’un hiver exceptionnellement chaud, les poubelles pleines à craquer qui débordent de déchets, au
point où elles se mettent à les cracher sur les trottoirs et la chaussée, les fumées grises des pots d’échappement des voitures qui grondent d’impatience, reflétant la frustration de leurs conducteurs ; mais aussi le chant des oiseaux qui virevoltent au-dessus des habitations, ou encore une brise d’air frais qui fait frémir les narines et nous fait nous sentir vivant.

On imagine souvent que les écologistes sont des personnes tourmentées dans leur quotidien, qu’ils vivent une vie de moine et font des sacrifices tous les jours. Mais plutôt que de parler de sacrifices, ce sont des changements d’habitude. Il existe des substituts à tout, et ils ne sont pas moins attrayants. C’est même souvent plus facile d’être écolo pour les prises de décision du quotidien, en suivant la doctrine de toujours faire le choix le plus éco-responsable. Et puis, il y a moins de rangement à faire quand on n’accumule pas plein de babioles au fond des placards!

« Être responsable implique un devoir d’agir pour répondre au problème auquel on fait face, tout en partageant une part de culpabilité »

Avez-vous déjà entendu parler du concept suédois de lagom? Il provient d’une tradition viking qui consiste à se passer autour d’une table une chope de bière, qui contient « juste la quantité suffisante pour que chacun puisse en avoir un peu ». Il signifie : « Ni trop, ni trop peu. » Le penseur grec Épicure suggérait déjà dans l’Antiquité qu’il fallait se contenter de peu pour être heureux. Quels beaux principes sur lesquels fonder une nouvelle ère écologique! Ce serait vous mentir, que de ne pas avouer ressentir à certains moment de la culpabilité, voire parfois même de l’éco-anxiété – ce sentiment d’appréhension causé par la menace environnementale. Vous souvenez-vous de ce jour de février où il faisait si chaud que tous les montréalais flânaient en t‑shirts dans la rue? J’en ai encore la chair de poule. Pourtant, après y avoir beaucoup réfléchi, j’ai compris que la culpabilité est un sentiment qu’il est nécessaire de dépasser. Culpabiliser, c’est s’appitoyer sur son sort, et rester passif face à un sentiment d’impuissance, car on se sent confronté à un problème bien plus grand que soi. Il faut plutôt se sentir responsable, car être responsable implique un devoir d’agir pour répondre au problème auquel on fait face, tout en partageant une part de culpabilité. Ce n’est que trop facile de dire que l’on ne peut rien faire parce que c’est le système qui va mal. Puisqu’on y participe, nous avons une responsabilité collective de faire bouger les choses.

J’espère avoir réussi à vous offrir un espace tranquille, pour que vous puissiez, comme moi, vous questionner, laisser vagabonder votre esprit le temps d’un article, et peut-être vous avoir convaincu qu’il n’est jamais trop tard pour passer à l’action.

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Sport : bon ou mauvais élève en matière d’environnement? https://www.delitfrancais.com/2024/03/20/sport-bon-ou-mauvais-eleve-en-matiere-denvironnement/ Wed, 20 Mar 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55215 S’interroger sur le rôle du sport dans la transition écologique.

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Le sport est souvent présenté comme quelque chose d’essentiellement positif. Non seulement, il est bénéfique pour la santé, physique comme mentale, mais il fait également vibrer les communautés toutes entières au cours de compétitions internationales en particulier. Si l’on questionne parfois les compétitions sportives quant à leur impact sur les droits humains des populations locales – la dernière Coupe du monde de soccer au Qatar avait notamment suscité la controverse –, on se pose moins, ou du moins pas assez, de questions sur leur impact sur l’environnement. On est tous à peu près d’accord pour dire que le sport est bon pour la santé mentale et physique, mais l’est-il pour la planète?

Aujourd’hui, Le Délit souhaite soulever et discuter ce point négatif qui peut accompagner les pratiques sportives : la dégradation de l’environnement. Mais, plus que de critiquer, nous avons aussi souhaité réfléchir aux potentielles alternatives pour rendre le sport un peu plus vert, en rappelant qu’il peut être une source de bonheur en harmonie avec l’environnement lorsqu’il s’affranchit d’une logique de performance et de profit.

Les infrastructures sportives


Les sports prennent souvent place dans des milieux naturels, comme les forêts, les mers et océans, ou encore les montagnes. La création de gigantesques infrastructures sportives comme des terrains de golf, des stations de ski ou des stades pouvant accueillir des milliers de spectateurs détruit des écosystèmes naturels et met en péril la biodiversité. À titre d’exemple, une nouvelle tour des juges en aluminium a été construite pour l’épreuve de surf des Jeux olympiques de 2024, qui se déroulera sur l’île polynésienne de Teahupo’o, connue pour sa vague mythique. Cette tour, qui remplace l’ancienne, construite en bois, menace les coraux du lagon.

« La plupart du temps ce ne sont pas les sports en eux-mêmes qui dégradent l’environnement, mais plutôt leur organisation, les infrastructures qu’ils nécessitent, ainsi que les déplacements des joueurs »

Un autre exemple assez simple sont les stations de ski. Si on y réfléchit bien, pour construire une station de ski, il faut prendre une montagne, y raser les forêts, bétonner, et construire des immeubles, installer des remontées mécaniques et produire de la neige artificielle pour ensuite attirer des touristes et des sportifs qui effectuent des voyages (parfois depuis l’autre bout du monde), pour venir dévaler les pentes enneigées. Les stations de
ski françaises émettent 800 000 tonnes de CO2 par année, selon l’étude réalisée en 2009 par l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (ANMSM) et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME). Par ailleurs, l’empreinte carbone individuelle d’une journée de ski s’élève à 48,9 kg de CO2, ce qui équivaut à un trajet de 250 km en voiture.

Rose Chedid | Le Délit

Les déplacements des sportifs

D’immenses quantités de gaz à effet de serre sont émises lors des déplacements des sportifs. Dans un monde ou les compétitions et championnats de sport sont mondialisés, les sportifs doivent se déplacer sur de très longues distances de manière très fréquente. Si déjà en 2022, l’empreinte carbone de la Coupe du monde de soccer au Qatar s’élevait à six millions de tonnes de CO2, le soccer semble aujourd’hui s’obstiner à poursuivre une direction diamétralement opposée à la protection de l’environnement.

Alors que les Coupes du monde ont toujours été organisées par un unique pays, permettant parfois aux équipes de se déplacer en train ou en bus, elles seront désormais organisées sur des distances beaucoup plus grandes. Par exemple, la Coupe du monde 2026 se déroulera au Canada, aux États-Unis et au Mexique, et la coupe du monde 2030 sur d’encore plus grandes distances, entre l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Europe… Difficile de traverser les océans en bus.

En revanche, si nous pouvons dénoncer ces grands événements sportifs comme les Jeux Olympiques ou les Coupes du monde, il est aussi intéressant de s’intéresser à l’impact environnemental des compétitions dites « de tous les jours ». Par exemple, à la NBA (National Basketball Association), les équipes jouent 82 matchs par saison, dont 41 à domicile et 41 à l’extérieur. Chaque saison, pour une durée d’environ six mois, une seule équipe parcourt en moyenne une distance de 80 000 kilomètres en avion à travers les Étas-Unis.

Les sports en eux-mêmes


Comme nous avons pu le montrer, la plupart du temps ce ne sont pas les sports en eux-mêmes qui dégradent l’environnement, mais plutôt leur organisation, les infrastructures qu’ils nécessitent, ainsi que les déplacements des joueurs. Toutefois, certains sports sont automatiquement et nécessairement accompagnés d’une dégradation de l’environnement. Nous pouvons entre autres penser à la Formule 1, qui correspond, dans l’absolu, à voir des voitures tourner en rond pendant deux heures à chaque semaine, et ce, sur différents pays et continents. Chaque saison, ce serait 250 000 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions carbones du Burundi sur une année, qui seraient générées par les courses, surtout émises par l’organisation de ces dernières (déplacements, visiteurs, installations, etc.).

Bien souvent, le sport s’inscrit dans la course à la croissance, se traduisant par la recherche de toujours plus de performance et de matériel à la pointe de la technologie. Cet état d’esprit reflète le sentiment de domination que l’humain a longtemps porté sur la nature, voulant à tout prix maîtriser son environnement. Pourtant le sport en lui-même ne semble pas causer du tort à la planète. Au contraire, sa pratique nous détourne de la consommation matérielle, tout en nous procurant un bonheur plus authentique. Le sport peut-il avoir un rôle positif dans la transition écologique?

« Il y a beaucoup de choses très belles dans le sport qu’on pourrait préserver, mais hors monde industriel et hors professionnalisation, hors marchandisation »

Yves-Marie Abraham, professeur à HEC Montréal

Le sport sans industrie


« Dès que vous sortez d’une logique industrielle, vous avez résolu une grande partie des problèmes », explique Yves-Marie Abraham interrogé par Le Délit. Professeur à HEC Montréal, il mène des recherches sur le thème de la décroissance. « Il y a beaucoup de choses très belles dans le sport qu’on pourrait préserver, mais hors monde industriel et hors professionnalisation, hors marchandisation », ajoute-t-il. « C’est faux de dire qu’on a besoin d’un grand stade de soccer pour y jouer. Tout ce dont on a besoin, c’est d’un terrain à peu près plat, où il n’y a pas trop de trous. On est tous capable de trouver des endroits comme ça. »

Selon Yves-Marie Abraham, il faudrait « intégrer davantage dans notre vie quotidienne un usage du corps qui fasse qu’on ait moins besoin de faire du sport pour préserver sa santé ». Aujourd’hui, nous passons nos journées à travailler dans des bureaux devant des ordinateurs, pour essayer d’être toujours plus productifs. En fin de journée, exténués, le sport devient un mode de défoulement nécessaire à notre survie, permettant d’évacuer le stress accumulé. Pour lui, « il faut une vie active, dans laquelle on sollicite le corps ». C’est donc notre quotidien qu’il faudrait repenser. « Si on sort de la logique de croissance, on va toujours devoir travailler, mais plus avec notre corps. C’est-à-dire produire une partie de notre nourriture, entre autre choses. Cela va supposer de passer du temps dans des champs, par exemple. […] L’idée, c’est de dépenser de l’énergie intelligemment, parce qu’aujourd’hui, nos machines en dépensent beaucoup, mais nos corps pas suffisamment, ce qui nous force le soir à aller courir sur un tapis dans une salle de sport pour brûler nos calories en trop. » Ainsi, le sport ne pourrait-il pas nous aider à réinventer nos sociétés et nos modes de vie en nous orientant vers des activités qui nous procurent du bonheur de manière plus sobre et moins destructrice de l’environnement?

« Dans une future société n’étant plus à la poursuite d’une croissance illimitée et de toujours plus d’accumulation matérielle, le sport pourrait occuper une place plus centrale dans nos vies »

Le sport comme source de bonheur

Plutôt que de regarder le sport à la télévision, il faut le pratiquer pour en ressentir les bénéfices sur notre santé mentale et physique. Dans une future société n’étant plus à la poursuite d’une croissance illimitée et de toujours plus d’accumulation matérielle, le sport pourrait occuper une place plus centrale dans nos vies. La pratique du sport est une source de bonheur authentique, produisant des sensations de dépassement de soi et d’adrénaline uniques. « Cela m’a permis de prendre plus confiance en moi », nous confie Gabrielle, étudiante à McGill, avant d’ajouter : « Quand je finis de faire du sport, je suis vraiment heureuse. » Le sport nous permet de nous concentrer sur le moment présent, ce qui n’est pas toujours facile quand on est soumis aux stimulations perpétuelles de la société.

Le sport peut également permettre une meilleure connexion à la nature. Favorisant le temps passé à l’extérieur et en nature, il peut participer à nous inciter à vouloir mieux la protéger. D’ailleurs, le sport peut aussi transmettre des valeurs pouvant nous rendre plus sensibles à l’environnement et à la lutte pour sa protection. Selon Nathan, étudiant à l’UdeM, le sport lui a transmis « le goût de l’effort, l’humilité, le respect d’autrui et la simplicité dans [sa] façon de vivre en cherchant à utiliser [son] corps pour faire une activité, comme le vélo ou la marche. » Dans nos sociétés très individualisées, le sport est aussi le moyen de créer un lien social. C’est l’occasion de se réunir et de passer du temps ensemble. Ainsi, dédier plus de temps au sport dans notre quotidien, sans chercher à s’équiper de manière exagérée et en s’affranchissant des infrastructures polluantes peut être une première étape dans la création de nouvelles habitudes de vie plus simples et plus respectueuses de l’environnement. L’unique descente de ski de randonnée est d’autant plus belle qu’elle récompense les nombreuses heures de montée passées à gravir la montagne plutôt que d’avoir utilisé une remontée mécanique.

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Au menu : désobéissance civile https://www.delitfrancais.com/2024/02/28/au-menu-desobeissance-civile/ Wed, 28 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=55067 Le vandalisme d’œuvres d’art est-il encore efficace?

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De la poudre rouge sur l’exemplaire original de la Constitution américaine à Washington, de la sauce tomate sur les Tournesols de Van Gogh, une main et une tête collées à La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, de la purée de pommes de terre sur les Meules de Monet ; voici seulement quelques exemples d’actes de vandalisme visant des œuvres d’art commis au nom de la cause environnementale dans les dernières années. Le vandalisme militant d’œuvres d’art existe depuis toujours sous différentes formes. De nos jours, cette technique d’activisme non-violent consiste à s’attaquer à une œuvre, d’habitude très connue, en y jetant des substances, des objets, ou en y collant des parties de son corps avec de la superglue.

Pourquoi viser l’art?


Les œuvres visées par les militants environnementaux ne sont pas choisies au hasard. Elles sont avant tout ciblées à cause de leur popularité. En menaçant d’abîmer des œuvres inestimables, connues et aimées du grand public, les activistes cherchent à attirer un maximum d’attention et de couverture médiatique pour faire entendre leurs revendications. Le geste n’en est pas un de violence envers l’art – le vandalisme ne vise pas (en général) à détruire les œuvres de manière permanente – mais de protestation pacifique.

Le pour et le contre


Le vandalisme de chefs‑d’œuvre divise le public, évidemment, mais également les militants eux-mêmes. En effet, on remarque une différence d’opinions entre les générations de militants environnementaux. Les plus âgés sont en général en désaccord avec le geste. Ils pensent qu’au lieu d’attirer l’attention des gens et des médias sur les revendications environnementales, le vandalisme d’œuvres ne fait que décrédibiliser la cause. Historiquement, les artistes ont été les moteurs de changements sociaux, les messagers des grandes revendications. Donc, de s’en prendre à l’art pour militer peut être considéré comme absurde et contre-productif. Certains activistes sont d’avis que la désobéissance civile pour la cause environnementale devrait s’en tenir à ce qui atteint directement le problème que les activistes cherchent à dénoncer. Par exemple, plus tôt ce mois-ci, des activistes de Greenpeace se sont installés dans le bureau de la ministre des Finances Chrystia Freeland à Toronto pour demander la réglementation des banques qui financent les énergies fossiles.

Les plus jeunes militants, de leur côté, ont plutôt tendance à penser que le choc provoqué par cet acte mal vu du public permet d’atteindre un plus grand auditoire. On entend souvent dire que « de la mauvaise publicité reste quand même de la publicité ». C’est cette idée qui motive en partie les actes de vandalisme d’œuvres d’art. Même si l’image projetée est négative, l’attention des médias est pour un moment consacrée à la cause environnementale.

« Les activistes cherchent à attirer un maximum d’attention et de couverture médiatique pour faire entendre leurs revendications »

Une tactique du passé


Pourtant, le vandalisme d’œuvres d’art a‑t-il encore de nos jours l’effet recherché? Depuis le premier acte contemporain de vandalisme militant, soit la lacération de la Vénus au miroir de Vélasquez par la suffragette Mary Richardson en 1914, cette technique de militantisme a perdu l’effet de surprise initialement produit. Selon la sociologue et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Dana Fisher, le vandalisme d’œuvres est inefficace et ne pousse pas la réflexion du public et des médias plus loin, car déjà vu. De plus, plusieurs musées ont augmenté leurs mesures de sécurité (interdiction aux sacs à dos, fouilles, vitres supplémentaires, etc.) justement en prévision de ces actes. « Les actes de vandalisme sur les chefs d’œuvres de l’art mondial nous interpellent. […] Et ce, indépendamment des revendications », affirme Linda Tremblay, responsable des relations de presse du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). En reproduisant cette tactique dont le potentiel de choc a été épuisé, les militants environnementaux ramènent la conversation au débat sur le vandalisme d’œuvres comme manière de protester, plutôt qu’à leurs revendications environnementales urgentes.

« Au fil des décennies, le changement climatique va affecter de plus en plus de personnes. […] Et nous verrons les gens prendre des mesures de plus en plus désespérées », exprime le Dr Oscar Berglund, maître de conférences spécialiste de l’activisme climatique à l’université de Bristol. Si le vandalisme d’œuvres d’art est dépassé, qu’est-ce qui saura le remplacer ?

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L’écoblanchiment : manque de transparence https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/lecoblanchiment-manque-de-transparence/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54912 Le marketing à l’ère du développement durable.

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En longeant les étalages des magasins, à première vue, de nombreux produits semblent être écoresponsables. Mais sur les indications des emballages se succèdent les termes flous, ainsi que les images et les étiquettes trompeuses. Pensons notamment à l’usage excessif du vert sur certaines bouteilles de shampooing ou de nettoyant chimique, ou encore de l’expression « carboneutre », d’ailleurs reprise maladroitement par la compagnie pétrolière BP pour qualifier son huile moteur. Bien souvent, ces étiquettes exagèrent les gestes véritablement menés par les entreprises pour amoindrir l’impact de leurs produits sur l’environnement, voire les inventer de toute pièce. Ces pratiques mensongères ne sont autres que l’écoblanchiment ou, sous sa traduction anglaise plus populaire, le greenwashing. Ce terme est employé pour la première fois en 1986 par un activiste écologiste américain, Jay Westerveld, dans le cadre de critiques à l’égard de certaines compagnies hôtelières aux États-Unis. Depuis les années 2000, les pratiques de cette nature se répandent rapidement, et le mot greenwashing gagne en popularité. 

Plus de transparence 

Le phénomène d’écoblanchiment est apparu lorsque les entreprises ont compris l’attrait de certains consommateurs pour les produits écoresponsables. Les équipes de marketing se sont ruées sur l’occasion, afin de mettre en avant, souvent de façon démesurée, leurs initiatives écologiques et d’ainsi attirer une nouvelle clientèle. Un des cas les plus fréquents pour les entreprises consiste à se présenter dans l’ensemble comme faible émettrice de carbone, alors que seule une infime partie de leurs services ont une empreinte carbone moindre. 

« Le greenwashing est né de cette envie en marketing de toujours vanter les mérites de son entreprise », rapporte en entrevue Valérie Vedrines, fondatrice et présidente du conseil d’administration de Masse Critique, un organisme à but non-lucratif accompagnant l’industrie de la communication vers des pratiques durables et responsables. « Si certaines entreprises mènent de grandes initiatives [en matière d’environnement, ndlr], d’autres réalisent de toutes petites actions et en disent tout de même beaucoup », ajoute-t-elle. D’après une étude menée par le cabinet britannique d’audit Deloitte, 57% des consommateurs ne croient finalement plus aux déclarations environnementales des entreprises en raison de leur omniprésence et du peu d’information qui les accompagne. Un désir de transparence se fait alors de plus en plus ressentir. Toutefois, au Canada, les législations encadrent assez mal ces allégations environnementales. 

« Les entreprises ont compris l’attrait de certains consommateurs pour les produits écoresponsables »

Un déficit juridique 

« Ici, nous pouvons à peu près dire n’importe quoi. Cela donne lieu à des promesses démesurées de la part des entreprises », déplore Valérie. « Par exemple, des entreprises vendant des produits à emballage recyclable peuvent ainsi affirmer que ceux-ci sont bons pour l’environnement ». Le problème? Les lois canadiennes et québécoises ne légifèrent pas de façon spécifique l’écoblanchiment et comportent de grandes lacunes. L’organisme Masse Critique milite auprès du gouvernement pour que des lois efficaces contre l’écoblanchiment voient le jour. « Ce qui serait important, ce serait de légiférer certains mots », déclare Valérie Vedrines. « Quand des entreprises se proclament carboneutres, il devrait y avoir une signification concrète et légale qui se rattache à un tel terme. Sans cela, le mot ne veut plus rien dire. » Véronique indique qu’« il serait également intéressant en marketing de légiférer le contexte de nos messages. […] Pensons aux SUV qui, dans les publicités, sont souvent présentés en nature ». En France par exemple, cela ne serait pas permis. Selon Valérie, ce n’est plus qu’une question de temps avant que ces législations fassent leur entrée dans le droit canadien. 

Vers plus de sobriété 

Si certaines entreprises joignent le geste à la parole et fabriquent des produits de manière plus écologique, « acheter plus d’un produit puisque celui-ci s’avère avoir un impact moindre sur l’environnement n’est pas la solution », rappelle Valérie. Remettre en question nos habitudes de consommation demeure impératif. Éviter la surconsommation est une responsabilité qui incombe aussi bien aux consommateurs qu’aux employés en marketing. « Nous, les marketeurs, sommes un rouage de cette surconsommation », explique Valérie Vedrines. Une promotion judicieuse consisterait à ne publiciser que pour des produits ayant une réelle utilité, plutôt que d’inciter les personnes à munir leur garde-robe d’un énième chandail dont elles finiront par se débarrasser quelques mois plus tard. Certaines marques prennent un chemin plus radical, celui de cesser toute publicité pour leurs produits, afin de ne plus inciter à la consommation. C’est notamment le cas de Veja, une entreprise de chaussures. Une telle voie devrait-elle être étendue à l’ensemble de notre société? Alors que la publicité figure partout, des rues aux réseaux sociaux, son existence même est peut-être à remettre en cause. 

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Trop beau pour être vert https://www.delitfrancais.com/2024/02/21/trop-beau-pour-etre-vert/ Wed, 21 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54939 Les projets de villes futuristes : révolution écologique ou apparences trompeuses?

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L’archétype du mégaprojet d’habitation futuriste cible souvent les mêmes problématiques et secteurs de développement : l’environnement, l’innovation technologique, la culture et la santé. Sur papier, tout semble toujours se compléter parfaitement. La vision du projet est claire, son résultat paraît logique et durable. Pourtant, sa réalisation génère souvent les problématiques mêmes que le projet vise à régler : la surexploitation et la contamination des ressources naturelles nécessaires à la construction, l’émission de grandes quantités de gaz à effets de serre, l’aggravation des injustices entre les classes sociales, etc. En 2021, l’industrie de la construction générait un tiers des déchets produits dans le monde.

Voici deux exemples de ces projets peut-être trop beaux pour être verts en voie de réalisation dans les prochaines années.

Projet NEOM


En explorant leur site web de présentation, le projet saoudien NEOM semble être la solution parfaite pour alléger nos consciences. Il existe enfin un projet concret pour modeler la société du futur, c’est-à-dire une société environnementale! Cette superstructure, qui espère rassembler neuf millions d’habitants dans un espace équivalent à la superficie de la Belgique, mise tout sur l’innovation verte ; mais ce qui surprend le plus sont les promesses grandioses de la multitude de services et d’opportunités qui y seront offerts. Alimenté par la richesse colossale de l’Arabie Saoudite et d’investisseurs privés, il est difficile de croire que le seul but de NEOM soit un renouveau environnemental. Sur le site web du projet, on apprend l’origine de l’acronyme : « Les trois premières lettres proviennent du préfixe grec ancien “neo”, qui signifie ‘‘nouveau’’. Le ‘‘M’’ est la première lettre de ‘‘Mustaqbal’’, un mot arabe signifiant ‘‘futur’’. Le ‘‘M’’ est également la première lettre du nom du prince héritier, Mohammed ben Salmane (tdlr) » Ces quatre lettres reflètent l’ambition démesurée d’un pays qui s’aligne vers un futur post-pétrole, selon la « Vision 2030 » de Mohammed ben Salmane. Les images 3D promotionnelles mettent en avant des installations qui n’affecteront pas le territoire, dont 95% de la superficie est supposément protégée, mais la réalité des travaux en cours montre autre chose : une quantité faramineuse de camions énormes et d’équipement mécanique lourd. Avec la construction de NEOM qui va assurément polluer en grande quantité, il est difficile de voir comment cette solution auto-désignée aux problèmes du monde accomplira le défi insurmontable de se prouver comme modèle viable pour la vision d’un futur durable.

« Peut-être que ces projets ont comme vision que notre société actuelle est irréparable, donc qu’il faut recommencer à zéro. »

Projet géoLAGON


Un autre exemple plus près de chez nous est le projet géoLAGON, pensé par le promoteur Louis Massicotte. Ce projet, inspiré des bains thermaux islandais, vise à bâtir d’ici 2027, à quatre endroits au Québec, un village de chalets autour d’un vaste bassin d’eau maintenu à 38˚C à l’année. Les villages seraient supposément carboneutres, alimentés par l’énergie solaire et la géothermie. Sur la première page du site internet du projet, on est invité à aller lire plus de 200 articles rédigés sur le sujet. Pourtant, on remarque assez vite que ce sont des articles uniquement en faveur du projet, et que si on cherche par soi-même, on trouve beaucoup plus d’opinions nuancées. Le Rapport d’analyse systémique de durabilité du projet géoLAGON, effectué par la Réserve de la biosphère de Charlevoix (RBC), met en lumière plusieurs défis peu raisonnables et des dangers de contamination de nappes phréatiques et des milieux humides par les infrastructures. « Sur papier, c’est un projet novateur estime Jean Landry, directeur de l’OBV [Organisme de bassins versants, ndlr] Charlevoix-Montmorency », rapporte un article du Charlevoisien. Il reste à voir si le projet atteindra ses objectifs quelque peu utopiques sur le terrain.

Qu’est-ce qui motive tous ces projets de grande envergure? Est-ce simplement la bienveillance humaine? C’est facile d’en douter, car il ne faut pas passer plus de cinq minutes à lire les nouvelles pour voir que notre société a déjà mille et une choses à régler avant de penser à de nouvelles villes et aux autres installations du futur. Peut-être que ces projets ont comme vision que notre société actuelle est irréparable, donc qu’il faut recommencer à zéro. Même là, ils ne s’attaquent pas au cœur des problèmes systémiques, comme la pauvreté ou la surconsommation, qui ont façonné la société inégale et la crise climatique qui existent aujourd’hui. Au contraire, ces projets ont une motivation économique, perpétuant la cupidité et l’égocentrisme, qui détournent les efforts nécessaires pour améliorer les institutions qui existent déjà. Au lieu de recommencer à neuf et de négliger les enjeux présents devant nos yeux, concentrons-nous plutôt à les régler à la source. La planète, pour être protégée, n’a pas besoin d’être encore plus recouverte de béton qu’elle ne l’est déjà.

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Montrer l’inacceptable https://www.delitfrancais.com/2024/02/14/montrer-linacceptable/ Wed, 14 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54684 Découverte de We The Free, association pour la protection des animaux.

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Si vous prenez le métro à la station McGill les vendredis aux alentours de 17h, vous avez peut-être déjà eu l’occasion de croiser ces activistes masqué·e·s, portant des télévisions qui diffusent des images d’animaux maltraités et abattus. Le Délit est allé à la rencontre de ces militant·e·s pour en apprendre plus sur leurs objectifs et motivations.

L’association We The Free

En arrivant sur les lieux, nous apercevons rapidement une dizaine d’individus dispersés sur l’ensemble de l’espace de circulation à l’intérieur du métro. Deux d’entre eux portent des masques de cochons et tiennent des télévisions, d’autres sont prêt·e·s à discuter avec les passant·e·s qui le souhaitent. Le Délit a interrogé Nathe Perrone, un·e des organisateur·ice·s du groupe. Nathe nous apprend que ses collègues et iel font partie de l’association We The Free (WTF) : « We The Free, c’est un morceau de la phrase “We the free speak for those who aren’t”. Nous vivons en liberté, ici, dans ce monde, mais les animaux, qui sont dans des cages, vivent dans des conditions horribles, ne sont pas libres et ne peuvent pas s’exprimer. Nous, on peut utiliser notre voix pour les sortir de ces conditions-là et leur offrir une meilleure vie. » Nathe ajoute par la suite que WTF est une association mondiale et que la branche de Montréal a été ouverte en 2022. Depuis, quelques dizaines de personnes ont rejoint le mouvement et agissent en été comme en hiver pour sensibiliser la société à la maltraitance animale dans nos industries (agro-alimentaire, textile, pharmaceutique, etc.)

Sur le site Internet de l’association, les valeurs portées sont simples et claires : les animaux sont des « individus sensibles » [sentient individuals en anglais, ndlr] et méritent par conséquent d’être défendus. Par ailleurs, l’association souhaite cultiver et promouvoir le véganisme. Nathe nous explique que WTF appelle au boycott des industries exploitant les animaux, et à l’arrêt de la consommation de « tous les produits d’origine animale ; parce qu’on est capable de vivre sans viande, sans produits laitiers et aucun autre produit d’origine animale ». Cette opinion est néanmoins source de débat dans les milieux scientifiques.

« Dans la monotonie du métro montréalais, cette manière de sensibiliser à la protection des animaux sort du lot, et atteint ainsi efficacement son objectif : choquer »

Provoquer l’indignation

Les actions de We The Free consistent essentiellement à exposer des images d’animaux maltraités dans les abattoirs, les laboratoires, les fermes intensives, etc. Nathe nous explique que les images diffusées ne sont pas produites par les activistes de WTF, mais par des personnes extérieures au mouvement. « Ce sont des lanceur·euse·s d’alerte qui ont risqué des casiers judiciaires pour nous montrer la vérité, et ce qui se passe derrière l’achat des produits d’origine animale. » En effet, les images sont filmées par des personnes qui s’infiltrent ou entrent par effraction dans les propriétés des industries. Les vidéos montrent des poules se faisant égorger, ou des poussins se faisant broyer, et peuvent apparaître comme choquantes pour certain·e·s. C’est justement le but de l’association : marquer les esprits et faire réfléchir les passant·e·s à propos de leur consommation de viande et de produits d’origine animale. Nathe précise : « La grande majorité des gens qui voient ces images-là vont se dire que c’est inacceptable. Mais si c’est inacceptable, alors pourquoi payer pour ces produits-là? »

Nathe nous fait savoir que WTF mène d’autres sortes d’actions : « On fait aussi le Three Minutes Movie Challenge : on propose aux gens de gagner une surprise s’ils regardent une vidéo pendant trois minutes. On invite les gens à s’asseoir, à mettre des écouteurs et à regarder ce qui se passe dans les industries [qui exploitent les animaux, ndlr]. Et à la fin, on leur pose des questions sur ce qu’ils en pensent. »

Dans la monotonie du métro montréalais, cette manière de sensibiliser à la protection des animaux sort du lot, et atteint ainsi efficacement son objectif : choquer. Au-delà de son aspect radical, WTF nous invite à nous questionner sur l’éthique de notre consommation en nous révélant l’envers des rayons de nos supermarchés. Alors que notre société d’hyperconsommation vgalorise la surproduction et la surconsommation, We The Free est là pour nous rappeler nos abus indirects en nous faisant finalement voir, ressentir, et presque toucher le sang qui marque dans nos emballages de supermarchés.

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Drôles de plastiques https://www.delitfrancais.com/2024/02/07/droles-de-plastiques/ Wed, 07 Feb 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54531 Les multiples impacts de la pollution plastique et les limites du recyclage.

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Le monde entier produit au total plus de 400 millions de tonnes de plastique par an. Ce matériau fait partie intégrante de notre vie : on le retrouve dans la médecine, l’éducation, le textile, le numérique, et évidemment, dans l’alimentation. L’industrie du plastique a connu une croissance exponentielle depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, notamment parce que les armées en avaient besoin pour leurs équipements, ce qui a encouragé
des capacités de production importantes. Le monde croule aujourd’hui sous les tonnes de plastique, qui prennent entre une dizaine d’année (10 ans pour un mégot) et des centaines (450 ans pour une bouteille en PET, Polyéthylène-téréphtalate) à se décomposer.

En 2050, il y aura plus de microplastiques (particules de plastique de moins de cinq millimètres) dans les océans qu’il y aura de poissons. Chaque année, les poissons vivant entre 100 et 200 mètres de profondeur ingurgitent au total entre 12 et 24 000 tonnes de plastique. Pour ce qui est des sols, ceux-ci pourraient avoir une concentration
en microplastiques entre 4 et 23 fois supérieure aux océans. Face à ce tsunami de déchets, une solution existe et revient toujours dans les conversations portant sur l’écologie et dans les publicités : le recyclage. Cette industrie de 37,6 milliards de dollars semble donner aux consommateurs (généralement dans les pays développés) un espoir face aux montagnes de plastique qui croissent due à la consommation de plus en plus importante de l’Homme. Cependant, derrière cette image quasi parfaite du recyclage, qui promet de pouvoir continuer à consommer de la même façon de manière écologique, se cache une réalité beaucoup plus complexe.

Le recyclage, une solution réellement écologique?

Aujourd’hui, le recyclage est présenté comme une partie de la solution, mais la réalité est bien différente. Tout d’abord, seulement la moitié des plastiques produits sont recyclables. De plus, à l’échelle mondiale, seulement 9% de ceux-ci sont réellement recyclés. De ces plastiques recyclés,12% sont incinérés et 79% sont accumulés dans des décharges ou dans la nature. Au Canada, nous pouvons penser que ce n’est pas le cas. En effet, nous vivons dans un pays développé où le tri est largement démocratisé, mais en réalité, c’est seulement 14% de
nos déchets qui sont recyclés. À titre de comparaison, la moyenne européenne est de 41%. Le processus
n’est toutefois pas aussi vert que ce que l’on peut penser.

« En 2050, il y aura plus de microplastiques (particules de plastique de moins de cinq millimètres) dans les océans qu’il y aura de poissons »

Le recyclage est une entreprise, puisque les pays et les compagnies cherchent avant tout à faire des bénéfices avec le plastique. Aujourd’hui, la stratégie du recyclage est d’envoyer les déchets dans des pays en développement – notamment en Malaisie – pour qu’ils y soient recyclés ou brûlés. Or, ces pays font face à une
telle masse de plastique qu’ils ne peuvent pas traiter tous les déchets, qui se retrouvent alors dans des décharges illégales près d’habitations, et surtout loin de leur consommateur d’origine. D’autre part, le processus de recyclage est très polluant et dangereux pour la santé. La combustion du plastique afin de le faire fondre et créer du nouveau plastique émet non seulement des gaz à effet de serre, mais aussi des substances toxiques pour l’humain. C’est donc un processus très mauvais pour la santé des populations proches des raffineries, des usines de recyclage ou encore des décharges. Sans compter que ce type d’usine puise généralement son énergie dans les énergies fossiles, ce qui alourdit encore le bilan écologique du recyclage.

Certaines entreprises et groupes politiques continuent néanmoins d’utiliser l’argument du recyclage dans leurs programmes environnementaux, celui-ci conservant une image de solution écologique. Cependant, cet argument fait miroiter depuis près de 50 ans de fausses promesses. Le recyclage s’inscrit toujours dans une logique productiviste, c’est à dire que le but reste de produire toujours plus de produits à recycler pour nourrir une industrie et lui permettre de fonctionner et de faire de l’argent. Il permet de justifier l’utilisation du plastique et
de relativiser son impact sur l’environnement, et ne pousse pas à l’arrêt de sa consommation. Cette industrie est en fait, comme bien d’autres, tournée vers le profit. Le recyclage ne remet pas en cause le système capitaliste qui vise à la consommation et à la croissance économique. Il s’agit d’un argument de l’industrie pétrolière pour continuer à produire et à consommer de la même façon. Malgré les promesses de réduction de l’utilisation de plastique faites par les industriels, leur objectif reste la consommation. Le cas de la ville de Laredo au Texas en est un exemple : après avoir passé une loi interdisant l’utilisation des sacs de plastique à usage unique, l’industrie pétrolière a attaqué cette municipalité en justice et l’a traduite devant la Cour suprême du Texas pour empêcher
cette loi d’être appliquée.

L’industrie pétrolière a finalement obtenu gain de cause. Cet exemple montre qu’au-delà des déclarations des différents gouvernements (ici le gouvernement étasunien), l’industrie pétrolière conserve une influence importante sur les décisions des États, qu’elle a le pouvoir d’adapter en faveur de ses intérêts privés.

« Le recyclage ne remet pas en cause le système capitaliste qui vise à la consommation et à la croissance économique »

Quel impact le plastique a‑t-il sur notre santé et celle de la planète?

Le plastique a un impact sur notre santé difficile à mesurer, mais qui ne peut être négligé. Nous savons que celui-ci contient des perturbateurs endocriniens qui affectent la fertilité et augmentent le risque d’obésité, d’asthme, de diabète, de puberté précoce, ou encore de cancers (notamment du sein, multiplication par 5 des risques). Ces dangers pour la santé humaine risquent de devenir beaucoup plus importants, à cause de l’exposition grandissante au plastique, que ce soit dans l’alimentation ou dans les objets du quotidien. Sans oublier la pollution entraînée par sa production même, qui émet des substances toxiques pour les populations à proximité des usines.

Le plastique a un effet direct sur notre santé, mais aussi sur lafaune et la flore. Il contribue à l’augmentation des risques d’une sixième extinction de masse en détruisant des écosystèmes entiers. Cette destruction peut être indirecte, par le dérèglement climatique dû aux gaz à effet de serre, ou directe, par la destruction des habitat à cause des déchets et par l’extraction du pétrole nécessaire à sa production. En effet, la production de plastique contribue à 13% des émissions de gaz à effet de serre et représente 12% de la consommation mondiale de pétrole.

Quelles solutions pour lutter contre le plastique?

Comme toujours, le consommateur a un rôle à jouer. Il y a des solutions qui existent qui impliquent de simples changements d’habitudes. On peut, tout d’abord, commencer par arrêter d’acheter des bouteilles en plastique et
privilégier remplir soi-même une bouteille de verre (ancienne bouteille de vin, par exemple) ou une bouteille réutilisable. Par ailleurs, on peut préférer l’achat de canettes plutôt que de bouteilles – le métal étant recyclable à l’infini et moins polluant. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. En bref, il faudrait acheter moins – ou même arrêter d’acheter – de produits emballés ou contenant du plastique.

Néanmoins, le consommateur n’est pas le seul à blâmer, loin de là. Si nous sommes responsables de la demande, les gouvernements et les entreprises sont responsables de l’offre et de la production. Il faut donc sensibiliser les personnes autour de soi et ne pas oublier de faire soi-même des efforts pour changer les choses et se diriger vers un monde plus durable.

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Petit glossaire du défi climatique https://www.delitfrancais.com/2024/01/24/petit-glossaire-du-defi-climatique/ Wed, 24 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54343 Comment différencier les changements climatiques du réchauffement climatique?

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Les changements climatiques et le réchauffement climatique sont deux termes distincts, liés par une relation de causalité. Il est trop facile de ne pas se poser de questions et de considérer les deux concepts comme presque interchangeables. Pourtant, cette confusion des termes peut influencer la manière dont nous percevons la part de responsabilité de l’humain dans la crise climatique. Il est important de savoir les différencier pour mieux comprendre l’impact des activités humaines sur l’environnement, et afin de mieux interpréter les informations qui circulent au quotidien à propos de l’environnement.

« Les changements climatiques sont les symptômes du réchauffement climatique »

Que sont les changements climatiques?

Selon la définition officielle des Nations Unies, les changements climatiques « désignent les variations à long terme de la température et des modèles météorologiques ». Il s’agit d’un terme plutôt général pour parler des évolutions du climat terrestre de l’échelle régionale jusqu’à l’échelle globale. Quelques exemples de changements climatiques sont l’augmentation de la quantité de feux de forêt, les sécheresses intenses, les inondations et la diminution des glaciers. Ces changements climatiques, bien que très variés, ont tous une cause commune, comme l’illustre si bien Jamy, animateur de l’émission de vulgarisation scientifique C’est pas sorcier (ici paraphrasé) : les changements climatiques sont les symptômes du réchauffement climatique.

Qu’est-ce que le réchauffement climatique?

On peut alors considérer le réchauffement climatique comme la « maladie » provoquant les changements climatiques. En d’autres termes plus scientifiques, le réchauffement climatique est une hausse de la température terrestre à une échelle globale, dû à une quantité croissante de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. L’emprisonnement de la chaleur par les GES est un phénomène naturel, qui a pris des proportions démesurées à cause des activités humaines. Depuis l’ère industrielle, la quantité de GES (composés majoritairement de CO2 et de méthane) n’a cessé d’augmenter, à cause de l’utilisation de plus en plus répandue des énergies fossiles.

On entend souvent parler dans les médias et les reportages scientifiques de la limite du 1,5 ̊C, établie en 2015 par l’Accord de Paris, mais qu’est-ce que cela veut réellement dire? Pourquoi la limite n’est-elle pas de 1 ̊C ou 1,75 ̊C? L’objectif est de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ̊C au-dessus de la moyenne préindustrielle (1850–1900), parce qu’il s’agit du « seuil critique au-delà duquel on augmente le risque de franchir des points de bascule ». Les points de bascule sont des changements climatiques irréversibles, comme la fonte totale des calottes glaciaires ou l’extinction en chaîne d’espèces. La surface de la planète est normalement – c’est-à-dire ne pas prendre en compte les activités humaines qui augmentent les quantités de GES – maintenue à une température moyenne de 15 ̊C. Si celle-ci augmente de 1,5 ̊C globalement, à certains endroits la température peut rester stable, mais à d’autres endroits, elle peut augmenter de près d’une dizaine de degrés. Selon le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec, « au Québec, l’augmentation des GES pourrait se traduire, d’ici 2050, par une hausse des températures pouvant atteindre 5 ̊C au sud et 9 ̊C au nord, principalement en hiver ».

Le réchauffement climatique et les changements climatiques sont des phénomènes naturels tout à fait normaux, lorsqu’ils se produisent sur des milliers, voire des milliards d’années. La vitesse exceptionnelle à laquelle ils évoluent aujourd’hui est ce qui les rend dangereux pour la vie terrestre et l’humanité telles qu’on les connaît. L’objectif du 1,5 ̊C est aujourd’hui considéré comme difficilement atteignable, selon plusieurs scientifiques, mais il est tout de même plus avantageux de viser haut et de continuer à s’améliorer plutôt que de stagner et laisser la situation se dégrader.

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Bonne année et mauvaise santé! https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/bonne-annee-et-mauvaise-sante/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54042 Comment rendre les fêtes de fin d’année plus écologiques?

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La période de Noël est gourmande dans tous les sens du terme. Au sens culinaire, il n’existe sûrement aucun autre moment de l’année durant lequel nous mangeons autant, et autant de sucreries. Dans un sens plus figuré mais aux conséquences des plus concrètes, les vacances de fin d’année sont très gourmandes en énergie. Au cours de cette période de surconsommation et de gaspillage, notre empreinte carbone augmente inévitablement, ce qui contribue ainsi à l’accélération du réchauffement climatique. Si pour beaucoup Noël reste une fête religieuse, c’est désormais devenu essentiellement un évènement commercial. Comment pouvons-nous alors repenser notre manière de célébrer les fêtes de fin d’année?

« Chaque Canadien jette 50 kg d’ordures pendant cette période, c’est-à-dire 25% de plus que le reste de l’année »

De la gourmandise à la gloutonnerie

Le constat est clair : Noël et le Nouvel an sont tout sauf écolos. Moments de retrouvailles en famille et de célébrations, les deux réveillons s’accompagnent de larges dépenses associées à une augmentation de la consommation. Dès le mois de novembre et les soldes de l’Action de grâce, les consommateurs se ruent dans les magasins pour faire leurs courses de Noël. L’achat massif de cadeaux, que ce soit des vêtements, des appareils électroniques ou des jouets en plastique, entraîne une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. D’ailleurs, les cadeaux s’achètent de plus en plus en ligne et sont livrés à domicile par des plateformes comme Amazon. Les émissions liées aux transports par les entreprises de livraison s’ajoutent aux déplacements de chacun qui se rend auprès de leurs proches pour les célébrations.

Par ailleurs, on ne peut pas penser aux fêtes de fin d’année sans parler de la hausse de la consommation alimentaire. Les plats de Noël traditionnels sont souvent gargantuesques et se déclinent de toutes sortes autour d’un seul leitmotiv : la viande. Au Québec, les plus réputés sont la dinde rôtie, la tourtière à base de viande hachée, le pâté à la viande, sans oublier le ragoût de boulettes et la Cipaille (de la viande en croûte). En plus de l’empreinte carbone élevée de la viande, représentant 15% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, ces grands repas festifs digne d’une page de fin de la bande dessinée Astérix et Obélix, conduisent à beaucoup de gaspillage et donc de nombreux déchets. L’organisme Zéro déchet Canada à Vancouver, avait établi en 2022 que chaque Canadien jette 50 kg d’ordures pendant cette période, c’est-à-dire 25% de plus que le reste de l’année. Les fêtes gourmandes, où l’on prend plaisir à manger pour le raffinement des plats, se transforment en fêtes gloutonnes tant la quantité prime sur la qualité. Il arrive même que l’on mange tant de chocolat, pains d’épices, bûches glacées que l’effusion de sucre nous rende malade.

Des pratiques contraires aux objectifs climatiques?

En plus de nous donner une indigestion, la logique de Noël de l’abondance et de la profusion va à l’encontre des objectifs de sobriété globaux visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, afin de limiter le réchauffement de la planète. En 2022, le gouvernement canadien a adopté le Plan de réduction des émissions pour 2030, s’engageant à réduire les émissions « de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030 ». La hausse des émissions de gaz à effet de serre entraînée par le pic de consommation pendant la période des fêtes va donc dans le sens contraire de ces objectifs. Il semble urgent de revoir nos pratiques bien que beaucoup d’entre elles relèvent de la tradition. Souvent profondément ancrées dans nos cultures et sociétés, elles représentent un véritable défi à la lutte climatique. Réussirons-nous à nous en affranchir pour assurer un avenir durable?


(Re)mettre l’amour au centre

À l’origine, Noël est une fête traditionnelle. Il s’agit d’une célébration païenne du solstice d’hiver et du renouveau de la nature et de la lumière. Elle est ensuite devenue une fête religieuse lorsqu’au 2ème siècle le christianisme a fixé la date du 25 décembre pour établir la naissance du Christ. La tradition de l’échange de cadeaux est née aux 18ème et 19ème siècle inspirée par les présents des Rois mages à Jésus. C’est après avoir été importée aux États-Unis qu’elle s’est petit à petit développée en fête commerciale après les Trente Glorieuses. Aujourd’hui, les entreprises se sont emparées des traditions pour produire des produits dérivés et faire un maximum de profits à partir de l’esprit généreux de Noël et de ses symboles.

Mais plus que la joie de recevoir des cadeaux et la dégustation des plats, le bonheur de Noël ne réside-t-il pas principalement dans les retrouvailles entre proches? Pour Sophie, étudiante québécoise à McGill, le plus important à Noël, c’est « l’ambiance générale des fêtes avec les lumières de Noël, la musique, une joie et une excitation collective. C’est aussi les moments en famille, les rassemblements, le fait que les gens prennent vraiment le temps d’être ensemble et de partager ».

« Ce qui compte le plus, c’est le geste d’offrir plus que le cadeau »

Vers un Noël zéro-déchet?

Souvent, certains cadeaux que l’on reçoit finissent au fond d’un tiroir de notre chambre, abandonnés avant même d’avoir eu une vie. Sophie confie que cela lui arrive de recevoir des cadeaux dont elle n’a pas besoin, ou qu’elle n’aime pas, lorsque des membres de sa famille plus éloignés sentent le besoin de lui offrir quelque chose, mais ne la connaissent pas assez pour connaître ses goûts. Cela représente alors du CO2 émis pour rien. Pour remédier à ce phénomène courant, il est nécessaire d’offrir différemment et d’offrir utile.

Ce qui compte le plus, c’est le geste d’offrir plus que le cadeau. En général, plus un cadeau est personnel, plus il plaît. Il existe pleins de manières de faire plaisir à quelqu’un tout en respectant l’environnement. Tout d’abord, plutôt que d’acheter du papier cadeau, il est plus écologique d’emballer les cadeaux dans du papier journal et le ruban adhésif peut être remplacé par une ficelle. Il existe également une technique japonaise – la méthode furoshiki – qui se sert de tissu pour emballer des cadeaux à la façon des origamis. Organiser des Noëls canadiens (Secret Santa) où chacun se voit assigner une personne à qui offrir un cadeau permet de réduire la quantité de produits consommés. La normalisation des cadeaux de seconde main, des cadeaux fait soi-même, ou des cadeaux utiles est essentielle pour un Noël plus responsable. Offrir des cadeaux immatériels comme une place pour un concert ou un spectacle, un abonnement à la salle de sport, représente également une bonne alternative. Bien qu’éphémères, ces cadeaux fabriquent des souvenirs indélébiles n’ayant pas de prix. Une autre option est d’offrir un don à une association. Nature Québec a lancé un appel aux dons pour les fêtes afin de financer ses projets de protection de l’environnement. Planetair propose également d’offrir un certificat de compensation carbone : un bon moyen d’avoir un impact positif à l’échelle individuelle.

Noël invite à la créativité. Quoi de mieux que de se transformer en artiste-bricoleur le temps des fêtes pour fabriquer les décorations, ou encore un sapin à partir d’emballages cartonnés et de branches, et de pommes de pin ramassées dans la nature? Peu importe le débat sapin de Noël artificiel ou naturel, le sapin fait-maison restera toujours le choix le plus écologique! Sinon le sapin de Noël en pot pouvant être replanté constitue une autre solution. Enfin, il est temps de revisiter les traditionnels plats de Noël pour les rendre plus végétariens et plus légers. Sur son compte Instagram, The Chef Tomy partage pleins de recettes végétales à vous en lécher les babines.

Des fêtes de fin d’année plus sobres, c’est une planète en meilleure santé, et en plus cela permet de faire des économies! Alors s’il faut faire un vœu pour cette nouvelle année, faisons celui de futures traditions plus respectueuses de l’environnement.

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Virage Vert https://www.delitfrancais.com/2024/01/10/virage-vert/ Wed, 10 Jan 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=54033 Lancement de la nouvelle section Environnement.

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Qui dit Nouvel An, dit nouvelles résolutions, et ce même pour Le Délit! Ce semestre, votre journal francophone lance une nouvelle section : Environnement. Tout aussi engagée que sa prédécesseure Au Féminin, elle servira de tribune aux arguments des étudiants en faveur de la protection de l’environnement. Devenu un sujet omniprésent dans nos vies, de plus en plus au cœur des débats et des inquiétudes, il nous a semblé impératif de lui accorder une place particulière au sein du journal. Cette nouvelle section aura la tâche colossale de s’emparer d’un sujet complexe et parfois délicat, avec pour objectif de rendre les défis et les enjeux plus accessibles et moins effrayants qu’ils ne paraissent. C’est pourquoi nous serons deux à nous y consacrer. En tant que citoyennes dédiées à la cause environnementale, nous considérons nos rôles de journalistes comme une opportunité précieuse de donner à l’écologie un écho d’une plus grande ampleur, et nous comptons bien la saisir.

L’union fait la force

« Si vous pensez que vous êtes trop petit pour changer quoi que ce soit, essayez donc de dormir avec un moustique dans votre chambre », a dit Betty Reese (mère de l’actrice américaine Reese Witherspoon) sur le ton de l’humour. C’est dans cet esprit que nous lançons la section Environnement (sans le caractère énervant du moustique, bien sûr). Peu importe l’ampleur de notre influence, nous disposons tous·tes d’un certain libre arbitre, et nos choix ont un impact sur nos vies et celles des autres. Lorsque des obstacles se présentent, il est trop facile de laisser place au pessimisme et de refuser d’agir. Aujourd’hui, l’écologie est un enjeu majeur auquel fait face l’humanité. De toutes parts, les médias, les scientifiques et les activistes nous assomment de chiffres et d’informations alarmants sur le réchauffement climatique : fonte des glaces, hausse du niveau des océans, sécheresses… Pour autant, ce n’est pas une raison de se laisser abattre et d’accepter la fin, que beaucoup jugent inévitable. Si la crise environnementale peut parfois sembler insurmontable, il ne faut pourtant pas oublier que partout dans le monde, des individus s’activent à trouver des solutions. Chaque jour de nouvelles découvertes sont faites, de nouvelles résolutions écologiques sont décidées, de nouvelles prises de conscience ont lieu. Si à chaque instant, des personnes changent d’avis et se décident d’agir, alors pourquoi n’en feriez-vous pas partie?

« Au sein de notre section, nous avons pour ambition d’être l’une des étincelles qui déclenchent la flamme ardente vous motivant au quotidien à agir pour la planète »

S’engager, c’est faire un choix personnel, pour son propre bien et celui d’autrui. C’est décider selon ses propres termes comment on veut agir et quel engagement on veut fournir à une cause. Le simple pouvoir de se résoudre, du jour au lendemain, à faire des efforts individuels pour limiter le réchauffement de la planète est un espoir prometteur pour répondre aux défis de demain. Comme il ne suffit que d’une seule poussée pour faire tomber en cascade tous les dominos, une simple prise de conscience a des effets positifs instantanés. Au sein de notre section, nous avons pour ambition d’être l’une des étincelles qui déclenchent la flamme ardente vous motivant au quotidien à agir pour la planète. À l’image de notre optimisme et en accord avec la capacité des êtres humains à se mobiliser face à un défi important, nous voulons adopter une perspective active plutôt que passive face aux dangers imminents.

Pour ce faire, la section Environnement aura pour but de permettre au plus grand nombre d’étudiant·e·s possible de mieux comprendre les enjeux complexes des changements climatiques. Que vous soyez peu ou pas informé·e·s sur la situation, ou que vous y soyez déjà totalement sensibilisé·e·s, Environnement aura quelque chose pour vous intéresser et vous aider à explorer le sujet. Nous allons présenter des informations accessibles, afin de permettre à tous·tes les étudiant·e·s de McGill de s’orienter parmi les nombreux débats, discussions, et opinions, et de former leur propre point de vue. Nous souhaitons, à travers Environnement, amener un maximum d’étudiant·e·s à réfléchir à leurs habitudes de vie et celles de leurs pairs, à discuter des manières de les adapter à une vision écologique, et à développer le réflexe de remettre en question leurs choix et leurs impacts sur l’environnement. Nous voulons encourager la discussion constructive, l’action utile, l’entraide, l’apprentissage et la motivation intrinsèque. Ce sont les aspects essentiels d’un engagement à combattre ce qui est indéniablement l’un des plus grands défis auquel fait face l’humanité actuellement. Nous avons l’ambition de faire un bout de chemin avec tous·tes les étudiant·e·s dans les idées et pratiques environnementales.

« Nous voulons encourager la discussion constructive, l’action utile, l’entraide, l’apprentissage et la motivation intrinsèque »

Trois sous-sections

La sous-section « Au quotidien » est directement consacrée aux étudiant·es de McGill. Elle se veut être un guide pratique pour savoir comment adopter des habitudes écologiques dans la vie de tous les jours. Est-il plus écologique d’acheter des aliments biologiques ou locaux? Est-ce vraiment utile de réduire sa consommation de viande pour limiter le réchauffement climatique? Toutes ces questions que vous vous posez peut-être au sujet de l’environnement pourront y être abordées. Nous mettrons également en avant-plan les initiatives écologiques mises en place sur le campus par des individus ou des comités, ainsi que plus largement celles à Montréal et au Québec.

Dans la sous-section « Bonnes Nouvelles », nous voulons mettre en lumière les avancées positives en ce qui concerne la situation climatique : les découvertes utiles à la recherche, les événements scientifiques, les nouvelles technologies comme pistes de solutions, etc. « Bonnes Nouvelles » regroupe des articles de journalisme scientifique de sujets variés dans la sphère des changements climatiques et de l’environnement, en accord avec la visée optimiste d’Environnement.

La sous-section « Réflexions » accueille des textes libres sur n’importe quel sujet en lien avec l’environnement. La remise en question constante des choix qu’on fait comme individu et des connaissances qu’on acquiert comme société par la recherche scientifique est importante pour évoluer. C’est essentiel afin de rester sur la meilleure voie possible en ce qui concerne la situation climatique. Dans « Réflexions », nous souhaitons entendre les points de vue, les introspections, les critiques constructives, bref, les réflexions des étudiant·e·s de McGill en ce qui a trait à l’environnement.

À vous de jouer

Environnement se veut être une section des plus collaboratives. Nous voulons entendre les idées, les conseils et les découvertes des étudiant·e·s, afin qu’un maximum de gens puisse en profiter. Chacun·e a son mot à dire sur le sujet de l’environnement. Peut-être êtes-vous passionné·e·s par les impacts du réchauffement des océans sur la biodiversité? Peut-être êtes-vous un·e expert·e des techniques de magasinage en friperies? Peut-être êtes-vous un·e foodie végétarien·ne qui connait plein de recettes et de bons restaurants? Peut-être êtes-vous un·e citoyen·ne choqué·e par la gestion du recyclage à Montréal? Peu importe votre angle d’intérêt pour l’environnement ou votre niveau d’engagement dans la cause climatique, nous voulons vous lire!

Environnement va avoir besoin de vous, les étudiant·e·s, pour remplir sa mission. Vous pouvez contribuer à la manière, la quantité et la fréquence qui vous plaît. Nous sommes aussi totalement ouvertes aux suggestions pour améliorer la section. N’hésitez pas à saisir cette opportunité de participer à votre façon à la lutte contre les changements climatiques et, qui sait, à vous découvrir une passion pour le journalisme!

Pour nous rejoindre pour toute question ou pour contribuer, écrivez un courriel à environnement@delitfrancais.com et restez à l’affût de nos publications dans le groupe Facebook Contribuer au Délit (dont le lien est disponible sur le site web du journal)!

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