Thomas Volt - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/thomasvolt/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Thu, 23 Jan 2020 02:12:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Lagerfeld et Saint-Laurent https://www.delitfrancais.com/2020/01/21/lagerfeld-et-saint-laurent/ Tue, 21 Jan 2020 16:09:01 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=35379 Retour sur la vie des couturiers qui ont changé le monde de la mode.

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Tout a commencé par un croquis. Un manteau de cheviotte couleur jonquille descendant jusqu’en dessous du genou, largement échancré sur les épaules et ouvert en V dans le dos. C’est avec cette tenue à la fois classique et osée que Karl Lagerfeld, alors âgé de 21 ans, remporte le 1er prix du Concours du Secrétariat International de la Laine, dans la catégorie « manteaux ». C’est par ces quelques traits fins que le jeune Karl, alors inconnu du grand public, se retrouve propulsé dans le monde de la mode parisienne. À ce même concours a participé un certain Yves Saint-Laurent. Ces deux légendes de la mode se retrouvent en 1954 sur le même podium, Saint-Laurent ayant gagné le 1er prix dans la catégorie « robe de soirée ». Les deux amis, inséparables à l’époque, vont révolutionner le monde de la haute couture.

Les prestigieuses maisons

Karl Lagerfeld est engagé comme apprenti chez Balmain, et Christian Dior prend Yves Saint-Laurent sous son aile. La maison Dior est alors à l’époque beaucoup plus désirable et en vogue, Balmain cultivant une clientèle plus conservatrice et moins glamour. En 1959, Karl Lagerfeld gravit les échelons jusqu’à être nommé directeur artistique de la maison Patou. Deux ans plus tôt, le couturier Christian Dior est foudroyé par une crise cardiaque. Yves Saint-Laurent est alors nommé directeur artistique de la prestigieuse maison de couture. Les deux hommes se talonnent, mais Saint-Laurent prend de l’avance. À la tête de Dior, Saint-Laurent présente sa première collection intitulée Trapèzes, où les robes ajustées à la poitrine faisant disparaitre la taille en s’évasant autour du corps, et ce jusqu’aux genoux font sensation. Yves Saint-Laurent fait revivre « l’esprit Dior » tout en gardant les codes de la maison. De son côté, Lagerfeld s’attèle chez Patou sans pour autant connaître un succès aussi important que celui de son ami rival. Le jeune couturier y apprend le métier, à un tel point qu’il est capable de dessiner en quelques minutes un croquis parfait annoté de tous les détails techniques nécessaires aux couturières et aux premières d’atelier. Saint-Laurent connaît le succès ; Karl Lagerfeld, lui, s’y prépare.

Mondrian & Tailleur Chanel

Pierre Bergé pousse Yves Saint-Laurent à fonder sa propre maison, dont la première collection voit le jour en 1962. En passant des célèbres robes Mondrian à la collection Hommages de 1990, Saint-Laurent marque les esprits. De son côté Karl Lagerfeld entre chez Chanel en 1983 en tant que directeur artistique. Malgré la renommée de la maison, Chanel connaît d’importants soucis financiers. En retravaillant l’emblématique tailleur Chanel et en utilisant majoritairement du noir et blanc tout en remettant au goût du jour la mini-jupe et le jeans, Karl Lagerfeld réalise l’impossible et fait de la marque Chanel un incontournable du luxe. Lagerfeld est maintenant présent partout. Il travaille pour Fendi & Chloé et crée sa propre marque de vêtements : Karl Lagerfeld. Il enchaîne les collaborations tout en perpétuant les fameux défilés Chanel au Grand Palais à Paris, tous plus surréalistes les uns que les autres. Alors que l’un ne s’arrête jamais de travailler, l’autre prend sa retraite en 2002. À 71 ans, Yves Saint-Laurent s’éteint le 1er juin 2008 à la suite d’un cancer du cerveau.

Karl Lagerfeld ôte ses lunettes noires et défait son catogan blanc le 19 février 2019. À 85 ans, il décède des suites d’un cancer de la prostate. Il aura marqué pendant plus de 60 ans le monde de la mode et de la haute-couture.

Erratum : Cet article affirmait dans sa version originale qu’Yves Saint-Laurent et Karl Lagerfeld avaient tous deux remporté le premier prix de la catégorie « manteaux » ex-aequo en 1954. Karl Lagerfeld et Yves Saint-Laurent ont tous les deux été récompensés, dans deux catégories distinctes. Nous nous excusons pour toute confusion que cela aurait pu engendrer.

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Un drame sombre et touchant https://www.delitfrancais.com/2019/11/19/un-drame-sombre-et-touchant/ Tue, 19 Nov 2019 17:27:39 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=35118 Roubaix, une lumière : le long-métrage en première canadienne.

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En plein cœur de Roubaix, ville industrielle des Hauts-de-France, le commissaire, Daoud (Roschdy Zem) fait face à une criminalité qui ne s’estompe pas. Le soir de Noël, Daoud et une nouvelle recrue de la police, Louis Cottrelle (Antoine Reinartz) patrouillent dans les rues de la ville quand ils sont appelés au sujet d’un meurtre : une vieille dame vient d’être assassinée à son domicile. Dans une ville où la criminalité est monnaie courante, les soupçons se portent sur les petits délinquants du quartier. C’est lors de l’inspection d’un incendie survenu peu de temps avant dans la maison d’en face, que les soupçons commencent à se diriger vers les deux voisines. Amantes toxicomanes, Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier) ne sont peut-être pas seulement des témoins dans ce crime à la fois sombre et réfléchi.

Inspiré de faits réels

Arnaud Desplechin signe avec Roubaix, une lumière son premier polar. Natif de cette ville, où 43% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le réalisateur s’inspire presque entièrement du documentaire immersif Roubaix, commissariat central, affaires courantes de Mosco Boucault, qui a suivi le travail des enquêteurs pendant plusieurs mois sur différents faits divers au sein de la commune. Les images sont glaçantes et les faits sont affligeants : agressions sexuelles, incendies criminels, meurtres avec préméditation, conflits familiaux — Arnaud Desplechin reprend plusieurs histoires et les intègre à l’intrigue pour créer un drame social poignant mêlant le polar au cinéma d’auteur.

Un drame social    

Au cœur de cette ville sombre de jour comme de nuit, hantée par la prospérité du passé, le spectateur fait face à l’ineffaçable : une pauvreté qui jongle avec un désir de survie, comme un appel au secours qui ne peut être entendu. Le film nous attrape de force et nous plonge sans scrupules dans cette misère omniprésente. Le réalisateur dépeint avec véracité la vie d’un commissaire de police déterminé, originaire de Roubaix, qui tente de faire régner l’ordre avec convictions et grandeur. Les crimes se multiplient, tantôt courants, tantôt sombres, le spectateur ressent inlassablement la détresse de ce récit si cru.

Le film offre quelques rayons de lumières, suivant la vie du commissaire Daoud et sa passion pour les chevaux, à l’image d’un vent calme sur un océan tourmenté, il nous rappelle que derrière chaque récit se cache une vie, derrière chaque histoire, un visage.

Une lumière saisissante?

Léa Seydoux, Sara Forestier et Roschdy Zem forment un trio fort à l’écran, interprétant avec précision leur rôle respectif. Le personnage de Marie, une toxicomane brisée par la vie, sous l’emprise de Claude, est interprété avec pudeur et conviction par Sara Forestier. Roschdy Zem nous offre la grandeur qu’on lui connaît, en interprétant un commissaire lucide, à la vie rythmée par l’adrénaline du travail et à la solitude dont il ne se défait pas. La réalisation est cependant perturbante avec des plans de caméras qui alourdissent le propos en essayant maladroitement de créer un effet de stupeur peu convaincant, dont le film pourrait largement se passer.

Roubaix, une lumière est un drame social assommant, destiné à un public averti tant son propos est cru, mêlant une intrigue longue et tristement fidèle à la banalité entourant parfois le crime.

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Le remède au temps qui passe https://www.delitfrancais.com/2019/11/12/le-remede-au-temps-qui-passe/ Tue, 12 Nov 2019 17:20:39 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=35007 Nicolas Bedos signe son deuxième long-métrage : La Belle Époque.

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Victor (Daniel Auteuil), caricaturiste déprimé, est mis à la porte par sa femme (Fanny Ardant), psychanalyste dépendante des nouvelles technologies. Pour lui, le présent n’est que tristesse. Pour elle, son mari n’est qu’un homme perdu dans son désir de revivre le passé. Leur fils, dans l’espoir de remonter le moral de son père, lui offre un cadeau qui ferait vibrer les nostalgiques : l’occasion de revenir dans le passé. Il demande à Antoine (Guillaume Canet), son meilleur ami d’enfance, dirigeant d’une société proposant de replonger dans des époques révolues en les reconstituant à l’identique, d’offrir une expérience à son père. Victor choisit de revivre le 16 mai 1974, le jour où il a rencontré celle qui deviendra son épouse. C’est lors de cette expérience qu’il fait la connaissance de l’actrice qui joue sa femme dans la reconstitution (Doria Tillier), dont il va tomber éperdument amoureux.

Une ode à la mélancolie

Présenté hors compétition au Festival de Cannes, Nicolas Bedos signe ici son second long-métrage, deux ans après Monsieur et Madame Adelman. Il présente au public un film qui fait voyager vers une époque révolue, où les pantalons à pattes d’éléphant et les chemises à fleurs étaient encore à la mode. Le film est une ode à la mélancolie. Il est le reflet des années qui s’envolent, du monde qui change, et des irréductibles vivants qui tentent encore de résister à un monde où se parler face à face au restaurant est devenue chose rare. Par sa réalisation, Nicolas Bedos fait scintiller les yeux des enfants et offre un regain de jeunesse aux adultes d’aujourd’hui. Le film est une douce représentation du temps qui passe et des blessures qui l’accompagnent. Visuellement, les époques sont parfaitement reconstituées, en passant du 17e jusqu’au 20e siècle, avec un point d’honneur sur les années 1970, si chères au réalisateur. Le tout est rythmé par une musique sciemment choisie qui plonge pleinement l’auditoire dans cette aventure inédite.

Une originalité déconcertante

L’imagination dont a fait preuve le réalisateur pour réaliser ce projet démontre sa très grande passion pour le sujet. Nicolas Bedos nous offre la mélancolie qu’on lui connait, avec des traits d’humour qui font sourire et parfois rire, sans tomber dans une lourdeur déplacée. Les dialogues sont joliment ficelés et chaque phrase est réfléchie et pensée. Le film est une bouffée d’oxygène qui nous sort d’un 21e siècle morose et uniforme.

La distribution est déroutante tant les acteurs et actrices interprètent avec passion leurs rôles. Fanny Ardant est envoutante dans son rôle de femme hyperconnectée et Daniel Auteuil est touchant dans sa prestation, incarnant le personnage de Victor avec délicatesse et bienveillance. Doria Tillier nous hypnotise par sa sincérité et Guillaume Canet est convaincant en metteur en scène bipolaire, chef d’orchestre de ces expériences inédites jonglant entre scènes de la vie réelle et reconstitution des moments demandés.

Entre charme et fantaisie

Même si le film connaît d’infimes moments de longueur, ces derniers sont noyés par la délicatesse du propos. La Belle Époque offre une telle représentation de la mélancolie et une si douce leçon d’amour entre deux personnages qui vieillissent sans vouloir vraiment l’accepter qu’il serait difficile de ne pas tomber sous le charme du propos. Nicolas Bedos signe un film d’auteur, certes, mais qui se veut également populaire. Partant d’une rupture amoureuse ponctuée par des scènes loufoques et extravagantes, cette comédie romantique fantaisiste nous lie d’amitié avec ces personnages tout en nous rappelant que le temps passe et ne s’arrête pas.

La Belle Époque de Nicolas Bedos sortira le 13 décembre au Québec.

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Cinemania fête ses 25 ans https://www.delitfrancais.com/2019/11/12/cinemania-fete-ses-25-ans/ Tue, 12 Nov 2019 17:18:23 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=35004 Le Festival offre cette année une programmation distinguée.

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Le mois de novembre marque le coup d’envoi de la 25e édition du Festival de films francophones Cinemania. Créé en 1995 par Maidy Teitelbaum et inauguré par Isabelle Huppert, cet événement permet à la communauté montréalaise de découvrir des films issus de la francophonie, en passant par la France, le Sénégal, l’Algérie et bien sûr le Québec. C’est l’occasion de faire rayonner la diversité cinématographique pendant près d’une dizaine de jours.

Le 9 novembre dernier, l’auditoire de la salle du Cinéma Impérial applaudissait avec engouement l’arrivée sur scène de Patrick Fabre, présentateur officiel de la montée des marches du Festival de Cannes. Figure phare du festival depuis de nombreuses années, il rappelle avec sérieux que « dans un monde où rares sont les festivals de cinéma qui durent, célébrer une 25e édition n’est pas chose commune ».

Une programmation copieuse

Avec 51 longs-métrages présentés — provenant de 17 pays différents — Cinemania offre aux cinéphiles québécois·es une programmation riche et variée. 14 de ces films étaient présents dans la sélection officielle du Festival de Cannes, tel que Alice et le Maire de Nicolas Pariser, La Belle Époque de Nicolas Bedos ou encore Les Misérables de Ladj Ly, qui a reçu le Prix du Jury à Cannes et qui représentera la France dans la course aux Oscars dans la catégorie « Meilleur film étranger ». C’est aussi l’année des premiers courts-métrages, avec 13 « premiers films » de réalisatrices et réalisateurs. Au total, 41 de ces films sont présentés en première nord-américaine. Malgré ce bel éventail, l’édition 2019 ne se hisse pas au sommet qu’avait atteint celle de l’année dernière avec 67 longs métrages présentés en 11 jours.

Un festival plus paritaire

Cette 25e édition est aussi le porte-étendard d’un cinéma qui tente de laisser davantage de place aux femmes. En effet, 15 des 51 films présentés sont réalisés par des femmes. Bien que la parité soit loin d’être atteinte, le Festival déploie des efforts en ce sens. Des actrices telles que Zabou Breitman et Marie Gillain sont mises à l’honneur cette année, alors que l’on retrouvait plutôt des acteurs masculins dans ces rôles l’année dernière. Autant à l’écran qu’à la réalisation, les actrices et réalisatrices sont mises en avant, livrant des prestations et des œuvres fortes et touchantes. Avec Portrait de la jeune fille en feu, mettant en vedette Adèle Haenel et Noémie Merlant, la réalisatrice Céline Sciamma dépeint la relation amoureuse entre une peintre et son modèle réticente à marier son fiancé.

Un cinéma engagé

Guilhem Gaillard, directeur général du Festival depuis six ans, le rappelle : « Le cinéma est un art généreux, rassembleur, qui permet à sa façon de mesurer la santé du monde. » Dans un monde où les problèmes se multiplient, c’est « en sondant le cinéma qu’on arrive à accéder à des paroles qui prennent parfois la forme de cris d’alarme », continue-t-il. Ces mots ne peuvent être plus justes dans le contexte mondial actuel et c’est en cela que Cinemania se distingue des autres festivals. Il offre à son public une programmation qui amène au dialogue, créant un véritable forum d’échange entre les artistes, les créateur·rice·s et les spectateur·rice·s.

Le Festival Cinemania se déroule du 7 au 17 novembre.

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Un adieu poétique et frissonnant https://www.delitfrancais.com/2019/02/05/un-adieu-poetique-et-frissonnant/ https://www.delitfrancais.com/2019/02/05/un-adieu-poetique-et-frissonnant/#respond Tue, 05 Feb 2019 15:17:29 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=33139 Juste la fin du monde nous plonge dans un univers à la fois sombre et poétique.

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La pièce que l’on connaît, survoltée et dérangée, est ici reprise de manière plus intimiste et moins explosive, et est mise en scène par Emilie Alexandre. Derrière les mots singuliers du texte de Jean-Luc Lagarce se cache une poésie touchante propre au  metteur en scène. Rien n’est laissé au hasard. Les mouvements sont millimétrés ; le jeu l’est tout autant. Les battements d’une musique magiquement bien ficelée laissent des moments silencieux pendant lesquels le spectateur s’immisce encore un peu plus dans la vie de Louis (interprété par Jérémie-Clément Pallud). Vicieux et mystérieux, l’homme atteint du sida décide, comme une dernière obligation, de retourner voir sa famille pour un  adieu subtil et glaçant. Le spectateur est enfermé avec cette famille où tout le monde se comprend sans que personne ne puisse se l’avouer.

Du film à la pièce

À la vue du titre, comment ne pas penser à l’adaptation cinématographique de Xavier Dolan? Après un tel succès, il est difficile de ne pas avoir en tête certains moments marquants du film, qui pourraient revenir inconsciemment lors de la mise en scène. Toute la réussite de la pièce se fonde  là-dessus : s’inspirer du film, s’en rapprocher, tout en amenant une touche personnelle poétique et un parti pris scénaristique.

Les décors principaux rappellent ceux du film – cependant, le temps nous réserve des surprises qui ravissent l’œil et font battre le cœur. L’inattendu surgit magiquement, ravissant le spectateur, qui aurait pu se perdre dans des monologues légèrement longs. Presque tous les personnages reprennent les traits de ceux interprétés par Marion Cotillard, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Vincent Cassel ou encore Gaspard Ulliel, tout en apportant leurs brins de personnalité et d’émotions. Suzanne, la sœur de Louis (interprétée par Hélène Hullin) est un mélange pétillant d’enfant au cœur triste et de jeune adulte désillusionnée qui émeut  le spectateur tant par la générosité de son jeu que par l’émouvante énergie qu’elle fait ressentir.

Sortie (presque) comblée

Malgré tous les bons côtés, un seul élément peut rester en travers de la gorge : l’absence de réelle violence. Qu’elle soit verbale ou physique, la pièce traite d’un sujet sensible au sein d’une famille où tout va mal. Le personnage d’Antoine (interprété par Martin Frébourg) est violent dans ses mots sans pour autant faire frémir le spectateur. Au cours de la pièce, on ressent la colère, la jalousie et l’incompréhension du personnage face à son frère Louis. Cependant, ce qui aurait pu être un crescendo explosif n’est malheureusement qu’une montée énervée vers un dialogue, émouvant certes, mais qui peine à convaincre complètement. Catherine, la femme d’Antoine, (interprétée par Sarah Foulkes) est contre toute attente par moments plus terrifiante que son mari, tant par son jeu que par l’intensité qu’elle donne à ses propos. La violence verbale est là, dire le contraire serait mentir! Elle est présente chez tous les personnages à un niveau différent, quid de la violence physique? Sans prôner le déchainement et l’excès, une corporalité plus affirmée aurait pu nous ravir complètement et nous faire sortir comblés et terrifiés.

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« On se serre les coudes » https://www.delitfrancais.com/2018/11/20/on-se-serre-les-coudes/ https://www.delitfrancais.com/2018/11/20/on-se-serre-les-coudes/#respond Tue, 20 Nov 2018 15:24:38 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32665 Le Délit rencontre le réalisateur Gilles Lellouche, venu présenter en première nord-américaine son dernier film, Le Grand Bain.

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Le Délit (LD) : En quoi les festivals francophones à l’étranger comme Cinémania sont-ils importants pour vous?

Gilles Lellouche (GL) : Ce n’est pas une question d’importance. Ça me semble complètement normal. On est quand même très peu à être francophones dans ce monde (rires, ndlr) alors ça me semble assez logique qu’on se serre les coudes et qu’on soit tous encore plus solidaires qu’on ne l’est, même si je ne suis pas sûr qu’on le soit encore assez suffisamment pour défendre la cause de la francophonie, en tout cas des œuvres francophones. Donc c’est normal que je vienne, au même titre que j’aie été présenter mon film à Bruxelles ou en Suisse. C’est pour moi très naturel, et surtout très joyeux.

LD : Pensez-vous qu’il y a encore un pas à faire dans la francophonie, dans le cinéma francophone, pour qu’il se développe à l’international ?

GL : Je pense qu’on est quand même très très écrasés par la culture anglo-saxonne. « Écrasé », le mot n’étant pas péjoratif. Ce n’est pas une domination mais c’est quand même, en termes de chiffres, de nombres, une réalité. Donc oui, je pense que c’est bien qu’on soit conscient que malgré notre différence linguistique on est capable de faire des choses qui pourraient s’exporter dans le monde entier aussi, et qu’on n’a pas à rougir de ce qu’on fait, que ce soit ici, comme les films de Xavier Dolan, ou que ce soit en France. On peut faire des films qui s’exportent, on a une grande qualité d’écriture, de réalisation, on fait de très bons films, de la très bonne musique, on fait de la très bonne littérature, alors tout va bien !

Je pense qu’on est quand même très très écrasés par la culture anglo-saxonne.

LD : Est-ce qu’il y avait beaucoup d’appréhension avant la préparation du film Le Grand Bain ?

GL : Ohhh ! (rires, ndlr) L’écriture du scénario ça a été un plaisir. De toute façon l’écriture, à moins que ce soit vraiment quelque chose de compliqué, ça ne doit pas être une douleur, ça doit être un plaisir. Et puis au même titre que vous écrivez sur un cahier avec un crayon de papier, moi quand j’écris, je peux écrire sur un cahier avec un feutre et tant que c’est des mots sur une page ça n’implique rien, ça ne coûte rien, je n’emmerde personne. C’est moi et moi-même. Je fais ce que je veux et je vais où je veux. Disons que c’est encore le champ des possibles. L’écriture c’est donc assez simple. Ensuite ça se complique, il y a le fantasme de : « qu’est-ce que je voudrais comme acteur ? », « qui je voudrais pour incarner ça ? » Et puis un jour toutes ces idées, tous ces fantasmes qu’on a eu dans son bureau à minuit ou dans un train à 10h, d’un coup cela devient une réalité, il y a une date de début de tournage, plein de monde et 16 semaines pour réaliser ça (sifflements, ndlr). J’ai eu deux semaines, ouais, avant le début du tournage, ou je n’étais pas fier. Je ne dormais pas de la nuit, j’avais l’impression de ne pas avoir assez travaillé, que j’allais dans le mur et puis tout d’un coup des « pourquoi je fais ça ? ». Et puis tu as toujours des copains, plus ou moins bien intentionnés, qui te disent : « mais pourquoi tu t’emmerdes à faire ça, t’es tranquille, tout va bien ». Donc oui, c’était bizarre, et puis en fait, les premiers jours de tournage j’ai vécu un rêve…

LD : Justement vous répondez à une de mes questions. Est-ce qu’il y a une suite de prévue ou d’autres projets en réfléxion?

GL : Je ne ferai pas de suite au Grand Bain, ça m’étonnerait.

J’ai des idées, j’ai plusieurs idées. J’ai une idée qui parlerait de la nostalgie. Mais j’ai une autre idée qui est une comédie-romantique, une sorte de film d’amour comme une comédie un peu cucul, un peu romantique et en même temps ultra-violente tout en étant une comédie musicale…

LD : Vous englobez donc beaucoup de genres dans le même film…

GL : En fait j’aime bien me dire que, même si, quand j’ai fait Le Grand Bain, j’ai fait un film que j’avais envie de voir, ce n’est pas vraiment une comédie pure, ce n’est pas un drame pur, ce n’est pas non plus un film de compétitions pur, ni de sport… C’est beaucoup de choses en même temps et j’aime bien ça. J’ai envie d’aller vers un cinéma qui soit libre comme ça, qui mélange plein de genres parce que, moi, c’est ce que j’ai envie de voir.

LD : On sent qu’il n’y avait pas seulement un désir de comédie, notamment au travers du personnage dépressif incarné par Mathieu Amalric ? 

GL : Je n’avais pas envie de faire  une comédie ou un drame. Je ne me suis mis aucune étiquette. J’ai commencé avec ce personnage qui nous emmène à la rencontre et à la conquête des autres et j’ai seulement écouté mon désir de raconter ces personnages le plus honnêtement possible. Si vous partez du principe que vous faites une comédie, vous allez être tenté de faire une blague au bout de deux secondes de film, d’être dans un tempo et ça peut devenir une caricature. Moi j’avais envie que dès la première partie mes personnages soient hyper honnêtes, hyper plausibles, hyper humains, et que l’on voit après si ça nous fait rire ou pas. Mais je n’ai pas voulu mettre d’étiquette.

LD : Votre film a rencontré un grand succès ! Il a été projeté au festival de Cannes et met d’accord la presse et le public. Est-ce que vous pensez que si vous aviez peut-être écouté « plus » les autres cela aurait pu être moins réussi ?

GL : J’ai beaucoup écouté les autres. Ceux qui ont travaillé avec moi, mon « chef-op », mon décorateur, mes auteurs, mes producteurs… je les ai beaucoup écouté. Mais un réalisateur doit être autant à l’écoute qu’il doit savoir un moment fermer les écoutilles. C’est comme quand vous êtes amoureux. Au tout début d’une histoire d’amour vous avez beaucoup de talent, parce que vous êtes en éveil, super vivant. Vous avez le bon mot, la bonne blague, le bon geste et puis avec le temps ça fait partie du quotidien, on est moins vivant. Un réalisateur doit être amoureux, c’est une passion, il doit être à l’écoute de tout, répondre à tout et puis tout d’un coup savoir que : « non ce n’est pas comme ça qu’on va faire », « non là je ne t’écoute pas, je ne veux pas que tu m’en parles ». Un réalisateur est ultra-vivant. C’est un mélange entre tout écouter et en même temps pouvoir tout refuser aussi. Il faut toujours être en alerte.

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Paris sous la révolution https://www.delitfrancais.com/2018/11/13/paris-sous-la-revolution/ https://www.delitfrancais.com/2018/11/13/paris-sous-la-revolution/#respond Tue, 13 Nov 2018 17:58:51 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32550 Un peuple et son roi de Pierre Schoeller, en première nord-américaine.

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«Une fresque ambitieuse sur la révolution française », ce sont dans ces termes simples mais tout à fait justes que le film a été présenté lors de sa première projection en Amérique du Nord. Un peuple et son roi, le nouveau film de Pierre Schoeller, est visuellement sublime mais accompagné d’un scénario légèrement trop pointu. Dans un Paris ravagé par la colère du peuple, Louis XVI vit ses dernières heures. Le feu de la monarchie va bientôt s’éteindre.

Après plus de six ans de travail et un budget titanesque qui atteint les 16 millions d’euros (soit 24 millions de dollars canadiens, ndlr), Pierre Schoeller nous dépeint une Révolution française prenant place entre le 9 avril 1789 et le 21 janvier 1793. Nous suivons la destinée d’un peuple, prenant en figure de proue Basile (Gaspard Ulliel), un voleur de montres en extase devant Louis XVI (brillamment incarné par Laurent Lafitte), mais qui se voit emporté par la puissante vague révolutionnaire faisant rage dans les esprits et dans les rues de Paris. Il est accompagné de « l’Oncle » (Olivier Gourmet) et de Françoise (Adèle Haenel), deux « gens de peu », l’un est souffleur de verre, l’autre est lavandière. Ils se retrouveront, grâce à leurs idéologies communes, entourés d’une ribambelle de personnages, à combattre pour la liberté et l’égalité.

Des personnages à n’en plus finir

Le film, caractérisé par un casting de très haut niveau et d’une direction d’acteur millimétrée, met en avant des grands du cinéma. Laurent Lafitte joue un roi touchant, frôlant la perfection par son interprétation et donnant, lors de ses rares apparitions, un sentiment de compassion intense, presque démesuré. Cependant la réalisation pose un problème de compréhension. Raconter trois ans de combats avec précision tout en mettant en avant des figures de cette révolution comme Robespierre (Louis Garrel) ou Marat (Denis Lavant) n’est pas évident. Dans l’infinité de personnages, les principaux ne se distinguent pas réellement. Françoise, Basile ou encore l’Oncle se mêlent, par moments, à un flot de personnages secondaires qui n’apportent que peu à l’histoire. Alors que notre œil devrait suivre avec émotion la colère d’un peuple opprimé en pleine révolution et leur combat pour la liberté, il ne désire qu’une chose : voir de nouveau apparaître à l’écran le roi, Louis XVI.

Les femmes à l’honneur

La représentation des femmes et leur implication dans la Révolution française, qui est souvent trop peu reconnue, est habilement mise en avant. Les personnages féminins, comme la Reine Audu (Céline Salette), sont des femmes de caractère qui, bien plus que les hommes d’ailleurs, mènent cette révolution avec courage et fierté, affirmant leur force et leur unité devant un peuple majoritairement masculin. C’est un véritable plaisir de voir les figures cachées de la révolution enfin dévoilées au grand jour.

La Révolution à deux visages 

Sans longueurs, le film s’avère fortement intéressant puisqu’il met en avant des scènes peu connues de la Révolution française. Cependant il vient à devenir trop précis et trop ambitieux. Un peuple et son roi, est une fresque représentant brillamment cette période charnière, mais qui peine à faire ressortir pleinement ses personnages. Son scénario historiquement trop précis fait perdre au spectateur le fil conducteur du film. Le film n’est en fait qu’un survol de ces quatre ans de soulèvement. Le réalisateur se focalise souvent sur des moments trop peu intéressants. Il laisse de côté certaines scènes marquantes, comme les affrontements entre le peuple et l’armée du roi. Le réalisateur nous laisse donc avec deux sentiments : le désir d’en voir plus et la déception d’en avoir trop vu.

  • Un peuple et son roi sortira au printemps 2019 au Québec.

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Rencontre avec Emmanuel Mouret https://www.delitfrancais.com/2018/11/13/rencontre-avec-emmanuel-mouret/ https://www.delitfrancais.com/2018/11/13/rencontre-avec-emmanuel-mouret/#respond Tue, 13 Nov 2018 17:56:56 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32543 Le Délit a discuté avec le réalisateur de Mademoiselle de Joncquières, son dernier film.

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La semaine dernière, Evangéline Durand-Allizé partageait son opinion sur Mademoiselle de Joncquières. Cette semaine, le Délit s’est entretenu avec Emmanuel Mouret, réalisateur du film, présenté lors du festival du film francophone Cinémania, à Montréal.

Pour moi, il y a quelque chose d’assez rassurant dans la parole au cinéma. La parole rythme le film et nous lie affectivement.

Le Délit (LD) : Au-delà de l’envie de faire ce film, pourquoi avoir voulu reprendre un épisode de Jacques le Fataliste et son maître de Denis Diderot?

Emmanuel Mouret (EM) : C’est un peu un hasard. Déjà, c’est un livre de chevet pour moi. J’y pense très, très souvent quand j’écris. C’est un roman qui mêle le « léger », le « joyeux » et le « ludique », autant dans la lecture que dans l’écriture, tout en étant profond, et provoquant en moi une empathie toute particulière. Je ne sais d’ailleurs pas si le mot « roman » est celui qui conviendrait. On peut, quelque part en le lisant, philosopher l’air de rien, philosopher en se divertissant. C’est ça que j’aime beaucoup. Pour moi ce roman, c’est l’art de la parenthèse, dans la parenthèse, dans la parenthèse… Et parfois, quand j’ai eu des problèmes dans l’écriture de mes scénarios, j’ai souvent repensé, justement, à cette liberté et à ce ton, cette couleur. À chaque lecture, j’ai toujours été extrêmement ému par le récit, celui de Madame de la Pommeraye et du marquis des Arcis, ému aux larmes même! Et quand mon producteur m’a proposé de faire un film en costume, un film d’époque, j’ai aussitôt pensé à lui. J’avais un peu d’appréhension parce que je savais qu’il avait déjà été adapté au cinéma par Robert Bresson, avec un scénario et des dialogues de Jean Cocteau (rires, ndlr). Mais Bresson l’avait modernisé quand moi je voulais rester dans une époque correspondante à l’écriture…

LD : … et aussi dans l’air du temps, car beaucoup de personnes ont trouvé que vous aviez rajouté une touche féministe…

EM : Alors non, parce que toutes les questions qui sont autour du féminisme sont le fruit du hasard. J’ai écrit le scénario avant l’affaire #MeToo (#MoiAussi au Québec, ndlr), Weinstein et compagnie. Il n’y avait pas de volonté d’en parler, ni politique ni sociale. C’est vrai que cela peut faire écho et d’ailleurs, souvent comme hier dans la salle (lors de la projection à Cinémania, ndlr), les gens ne sont pas d’accord. Il y a des gens qui me disent « ce film est féministe », « ce film n’est pas féministe », « ce film n’a rien à voir avec le féminisme ». Mais ce qui m’intéresse dans le récit de Diderot, c’était quelque chose de tout simple : ce n’est pas un récit qui donne une pensée, c’est un récit qui donne à penser. D’ailleurs, si vous relisez Jacques le Fataliste et son maître, que ce soit Jacques, son maître ou l’aubergiste, chacun en fait des interprétations différentes.

Capture du film

LD : Voyez-vous dans le film un moyen de faire découvrir ou redécouvrir des grands classiques de la littérature à un public qui n’y serait peut-être pas accoutumé?

EM : Ce n’était pas du tout ma perspective en faisant le film. Cependant, depuis la sortie, j’ai entendu beaucoup de gens ayant aimé le film dire « Je vais lire Jacques le Fataliste et son maître ». Mais ce n’était pas mon intention au départ. C’est pour ça que je pense d’une manière générale qu’il ne faut pas avoir peur de faire ni des remakes ni des adaptations, parce que finalement c’est toujours, si jamais le film plaît, un hommage rendu à l’original. C’est l’histoire de la littérature, de la peinture, du théâtre. On est, en termes de création, toujours dans un processus de réadaptation de situation commune. Au cinéma, on se retrouve ensemble dans une salle et il faut traverser des situations communes ; et ce qui nous intéresse c’est le chemin qu’on emprunte. Comme dit Hitchcock : « mieux vaut partir du cliché que d’y arriver ». Un très beau livre à ce propos de Jean Paulhan : Les fleurs de Tarbes , où il explique tout cela très bien. C’est un essai sur la littérature et vous vous sentirez très riche d’enseignement.   

LD : En parlant de fleurs justement. On voit souvent Madame de Pommeraye entourée de fleurs, jouant avec des fleurs où se faisant apporter des fleurs. Est-ce qu’il y a une signification particulière, une envie?

EM : Deux choses à répondre. Il n’y a pas de signification dans le sens où je crois que dans les grandes œuvres, ce n’est pas la signification qui compte, mais le fait que certaines choses peuvent donner « à » penser et créer des résonances pour que l’esprit du lecteur et du spectateur se mette à créer de libres associations. Les fleurs, c’est parti du fait que souvent à cette époque (mi-fin 18e), les nobles étaient des gens qui n’avaient absolument rien à faire et qui étaient servis pour tout. Leur sport préféré c’était la promenade, c’était le début du romantisme, du rapport à la nature. Il me fallait trouver du mouvement, car je voulais pouvoir faire des plans-séquences. Alors je me suis dit que la composition florale, un art au Japon, était une sorte de hobby qui lui allait bien, parce qu’évidemment les fleurs sont riches d’interprétations possibles.

LD : Madame de La Pommeraye est un personnage très diabolique. Cependant lorsqu’elle est en communion avec les fleurs on ressent beaucoup de tendresse…

EM : Elle est diabolique, et en même temps elle est très sensible! J’ai essayé de faire en sorte que l’on s’y attache et que l’on s’y reconnaisse, tout le long du film. Pour moi, le fait d’avoir un désir de vengeance, d’être piqué dans l’orgueil, de se sentir mal aimé, le fait d’éprouver du ressentiment c’est quelque chose qui nous arrive à tous, même si ce ne sont pas des sentiments nobles. Ce qui est intéressant, c’est que, partant d’un sentiment « non noble », elle est magistrale dans sa vengeance. C’est pour elle, une réussite malheureuse et pour le marquis un échec heureux. Je voulais quand même faire le portrait d’une femme qui est avant tout dévorée par une passion amoureuse. De toujours garder cette marque sensible…

LD : Celle de l’amour et de la tristesse?

EM : Voilà !

LD : En parlant de film d’époque, pensez-vous que ce genre de film ainsi que le film de costume est en train de revenir en force, autant auprès du public que des distributeurs ?

EM : Je peux vous dire que non. On a eu beaucoup de difficultés. Ça n’a pas du tout été évident auprès des télés de montrer/monter le film. Peut-être prochainement?

LD : On voit récemment, comme dans Un peuple et son roi présenté à Cinémania ou dans un registre encore plus comique Le retour du héros avec Jean Dujardin, que ce genre revient peu à peu à la mode alors que dans les années passées il s’était un peu… estompé? Vous en êtes content, indifférent?

EM : Indifférent. (Rires, ndlr) Non, non, je n’ai aucun avis là-dessus.

TV : Avez-vous un attachement tout particulier pour la langue française? Est-ce important pour vous de la promouvoir lors de festivals par exemple? Dans un sens de vous en porter garant?  

EM : Hier on me posait des questions par rapport au festival francophone, ce que cela voulait dire. Moi je ne suis pas quelqu’un de multilingue, ni même vraiment de bilingue. Le rapport à la langue française est donc un rapport maternel. […] C’est par la langue qu’on touche le monde et les choses. Je crois que c’est Lacanqui disait : « On ne voit que les couleurs que l’on sait nommer. » Et d’une certaine façon c’est-à-dire que c’est en nommant des nuances, en nommant des choses que ça nous les fait apparaitre. Et c’est là où la langue peut aussi nous révéler le monde. […] Après je pense à ceux qui « avant-guerre », ont dû quitter leur langue. Je pense à ces cinéastes, allemands par exemple, qui ont dû quitter leur pays d’origine pour exercer leur art et donc, subir une déchirure affective qui est semblable à celle de quitter une femme. En faisant le film, ce n’est pas tant un amour quelque part de la langue mais que celui de la parole. Pour dire la vérité : une grande partie des cinéastes que j’admire sont des cinéastes étrangers. Je ne dis pas tous mais une grande partie. Le français me rattache au cinéma en tant que réalisateur. En tant que spectateur, non.  Je ne cherche pas particulièrement les films français. Je dirais que c’est plutôt quelque chose qui est autour de la parole et que ce qui nous différencie des autres animaux c’est néanmoins qu’on parle, qu’on échange des idées abstraites, des sentiments, des ressentiments. C’est souvent ce que je dis aux étudiants en cinéma. Souvent, dans les premiers films ont à peur des paroles, on ne parle pas. Les premiers films sont peu dialogués à cause de cette peur et de conseils bêtes qui disent : il faut faire dire au personnage, en le moins de mots possible, le plus de chose. Ce qui est complètement insensé. Pour moi il y a quelque chose de la parole et au cinéma qui est quelque chose pour le coup d’assez rassurant. Ce qui rythme un film c’est la parole, c’est ce qui nous lie affectivement. C’est la parole qui fait le rythme d’un film. C’est là où la parole au cinéma à un lien avec la littérature. Le lieu du cinéma, est dans ce qu’on ne voit pas. C’est là ou, notre imaginaire est convoqué. Pour l’enfouir on utilise, « le hors-champ », « l’ellipse » et ce qu’il y a derrière le regard des personnages, tout ce qu’on peut supposer… Je vais vous raconter quelque chose : les mots entendus, oui il y a la voix, l’intention et j’en passe, mais surtout il y a « le mot ». Chacun a sa relation aux mots, sa relation la plus personnelle et la plus intime. L’image elle, montre. Les images les plus fortes ce sont celles qui cachent et non pas celles qui montrent. Les mots appellent notre intimité. J’ai même mis du temps à comprendre cette dimension du cinéma. Quelqu’un qui va raconter une histoire au cinéma, on va se raconter cette histoire à travers nos propres images, puisque on ne les voit pas. De plus on va confronter le récit de son histoire à sa figure. Ça va nous rapprocher de son regard, ça va nous donner envie de le voir. Donc je pense que la parole, pour finir, est extrêmement cinématographique.

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Les films francophones à Montréal https://www.delitfrancais.com/2018/11/13/les-films-francophones-a-montreal/ https://www.delitfrancais.com/2018/11/13/les-films-francophones-a-montreal/#respond Tue, 13 Nov 2018 17:50:42 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32541 Clap de fin pour la 24ème édition du festival du film francophone Cinémania.

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Dimanche soir dernier à 18h15, l’édition 2018 de Cinémania s’est terminée. Après dix jours de festival, une cérémonie d’ouverture légèrement bâclée, soixante-sept films projetés, dont cinquante en première nord-américaine, l’équipe du festival triomphe sous les applaudissements d’une salle heureuse. C’est lors de la cérémonie d’ouverture que le directeur général du festival, Guilhem Caillard, clamait haut et fort : « Nous aimons le cinéma francophone, dont Cinémania se fait défenseur depuis 24 ans. » Le festival a mis en avant des films à la fois français, québécois et belges. Mademoiselle de Joncquières d’Emmanuel Mouret ou encore Nos Batailles de Guillaume Senez faisaient partie des projections les plus attendues. Du thriller à la comédie en passant par le drame historique, Cinémania en a offert pour tous les goûts. Plus qu’un simple festival, ce fut aussi un moment de rencontres et d’échanges, lors de classes de maîtres ou d’entretiens avec les invités. Avec la participation d’acteurs, de réalisateurs et de producteurs de talent comme Édouard Baer, Laurent Lafitte, Nicole Palo, Eva Husson ou encore Emmanuel Mouret, le festival se hisse, année après année, au rang des plus grands.

Béatrice Malleret | Le Délit

Un cinéma sans frontières

Cette année la Suisse a été désignée comme pays mis à l’honneur. Cela n’a pas empêché la projection de films belges, bulgares ou encore qataris. Le festival, tout en se portant garant du maintien de la langue française au Québec, en utilisant le cinéma comme arme principale, s’ouvre aussi à un public anglophone. Dans cette optique, l’intégralité des films présentés fut sous-titrée en anglais. Par ailleurs, les films présentés ont permis aux spectateurs de voyager dans le monde entier : c’est le cas de Ma fille de Naidra Ayadi. En mélangeant l’arabe au français et la vie en ruralité à celle de Paris, le film bluffe le spectateur et le laisse sans mots face aux différences culturelles et à l’incompréhension que vit le personnage principal, seul dans une ville qu’il ne connaît pas. Olivier Gourmet, invité d’honneur de cette édition, le disait avec détermination : « C’est en s’ouvrant à la différence qu’on se rapprochera des autres ».

Béatrice Malleret | Le Délit

La langue du cinéma

Serait-ce trop de qualifier cet évènement de « porte-étendard » de la francophonie au Québec? Selon Guilhem Caillard, non ! Cinémania permet à ses yeux de promouvoir « une francophonie qui rassemble, partage et qui permet le dialogue parmi les cultures ». Et de fait, au même titre que le théâtre ou la littérature, le cinéma permet de franchir des barrières linguistiques ou sociétales. Que l’on soit immergé dans la vie d’un homme syndicaliste dans une grande entreprise, abandonné par sa femme (Nos Batailles), ou que l’on suive la destinée intense d’un professeur remplaçant désarmé, confronté à des élèves « hors-normes » (L’heure de la sortie), les barrières tombent et laissent place à des moments de cinéma captivants et chargés d’émotions. L’utilisation de la langue joue un rôle essentiel dans la compréhension et le sentiment que procure un film. Ces « mots » utilisés avec tant d’habileté par les scénaristes et les acteurs nous permettent une plongée dans un monde différent du nôtre. Ils nous permettent d’être fiers de la langue que l’on parle. La langue française est immense et belle ; elle est difficile, et pleine de vie. Ce français, qui n’est pas le même au Québec, en Belgique ou encore en Suisse, ne fait plus qu’un lorsqu’il est question de cinéma.

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