Noémy Grenier - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/noemy/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 22 Sep 2015 16:11:09 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Donnez-moi de l’oxygène https://www.delitfrancais.com/2015/09/22/donnez-moi-de-loxygene/ https://www.delitfrancais.com/2015/09/22/donnez-moi-de-loxygene/#respond Tue, 22 Sep 2015 16:11:09 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23080 Le metteur en scène Christian Lapointe adapte une pièce d’ Ivan Viriapev.

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Transformée pour Oxygène, la scène principale du Prospero devient un étrange chapiteau blanc. À la tente claire s’accrochent des lumières et une boule disco, suspendues au-dessus de tables rondes et de chaises en plastique. Seuls deux micros limitent l’espace réservé aux acteurs, ainsi qu’un texte projeté sur la toile derrière ces derniers. Musique «danse-électro», bande-son qui soutiendra le texte tout au long de la pièce. Tout évoque un mariage cliché, Christian Lapointe joue sans vergogne avec le thème du kitsch. Kundera approuverait.

Éric Robidoux et Ève Presseault arrivent enfin, après une quinzaine de minutes de retard. Si ce retard n’était peut-être pas volontaire, l’effet reste le même: une impatience palpable et presque étouffante dans ces tablées de gens assis entre inconnus. Tenues de mariage, verre à la bouche, gestes calculés, les deux acteurs se livrent un duel acharné, essoufflant, étouffant à la limite.

S’ensuit, en dix commandements bibliques, une grande réflexion sur notre époque et sur ses bases instables. Chaque commandement est démantelé rapidement par l’illustration d’une société incapable de s’y tenir. Manque de valeurs ou perte de valeurs, Elle et Lui finiront par démontrer rapidement le non-sens de ce système contemporain, clérical et social. Le chapiteau devient chapelle. Les acteurs parlent sans cesse, dans une Parole désacralisée et répétitive, composée en cycles. On retourne à la base de cette Parole, à l’oralité originelle: le conte. Un système de gestes et de répétitions ponctuent le texte effréné. Les acteurs sont époustouflants. Le scénario évoque les systèmes hiérarchiques entre plusieurs polarités: sexe/amour, Jérusalem/Occident, chameau/porc, vie/mort, oui/non, parole/sentiments, oxygène/manque d’oxygène.

Mise en scène et acteurs soutiennent remarquablement une pièce qui, au final, nous couvre  «les oreilles avec des écouteurs» et nous coupe tout oxygène. Qu’est-ce qui est fondamental? «Si tu me dis que c’est l’oxygène, je sors de scène.» Pas l’oxygène, finalement, mais ce qui a besoin de cet oxygène, peut-être. Pièce puissante, dont on sort essoufflé, un peu embrouillé, en état d’ébriété mentale. 

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Les vagues du cœur et des légendes https://www.delitfrancais.com/2015/03/17/les-vagues-du-coeur-et-des-legendes/ https://www.delitfrancais.com/2015/03/17/les-vagues-du-coeur-et-des-legendes/#respond Tue, 17 Mar 2015 16:28:24 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=22641 Tomm Moore présente son nouveau film d’animation, Le Chant de la mer.

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Le Chant de la mer est un film d’animation réalisé en 2014, projeté au Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre dernier et qui sort en DVD le 17 mars. Une intéressante équipe de production s’y est impliquée: Cartoon Saloon (Irlande), Mélusine Productions (Luxembourg), Norlum (Danemark), Superprod (France) et The Big Farm (Belgique). Le deuxième film d’animation du réalisateur Tomm Moore (Brendan et le secret de Kells, 2009) a reçu un accueil favorable, souligné par deux nominations aux César et aux Oscars pour le meilleur film d’animation 2015.

Habitants d’un phare isolé du reste du monde, sur une côte irlandaise, Ben et Saoirse vivent seuls avec leur père. Morte en donnant naissance à Saoirse, Bronagh laisse toute une famille en deuil derrière elle, seule avec les légendes que la mère a racontées à Ben. Or, il s’avère que Saoirse, personnage inspiré du folklore écossais et irlandais, est une selkie, une fée de la mer mi-femme, mi-phoque. Si Ben a promis d’être le meilleur grand frère, il éprouve de la difficulté à aimer celle qui a remplacé leur mère. Un soir, la petite fille muette trouve le coquillage que Bronagh avait offert à Ben, lui enseignant la chanson de la mer. De petites lueurs magiques surgissent lorsqu’elle souffle dans l’objet, guidant la petite fille au coffre de sa mère. Saoirse y trouve un manteau. Curieuse, elle l’enfile et se faufile dans la nuit, offrant son petit corps aux eaux bleues. Suivant les phoques sous l’eau, elle se transforme alors en l’une des leurs. La grand-mère, de passage au phare à ce moment, trouve alors Saoirse sur la plage et la ramène au nid familial. Suite à une dispute, elle convainc le père de se séparer de ses enfants, afin de posséder une «véritable» vie, au cœur de la ville. Colérique, Ben décide de se sauver de chez sa grand-mère, suivi malgré lui par sa petite sœur. Celle-ci sera en danger, capturée par Macha, une sorcière qui vole les émotions et condamne les êtres dépouillés à se transformer en pierre, comme l’a été son fils. S’enchaînent alors une suite d’aventures, entrecroisant des forêts prisonnières de la ville, des Sidhes, de méchants hiboux, un grand Chanaki un peu fou et des victimes pétrifiées.

Un conte poétique, aux dessins incroyables. Les lignes sont en rondeurs, en mouvement constant, comme si, même hors de la mer, les personnages en sont prisonniers d’elles, pris entre le rêve et l’eau, le flou. Des travellings avant et arrière créent, à leurs tours, des effets de vagues, de tournis. Un étourdissement face aux émotions, crainte face à la profondeur des vagues, une chute menaçante, comme la falaise sur laquelle est perché le phare.

Or, ces mouvements incessants, de la mer à la ville, de la ville à la forêt, de la forêt aux souterrains, des souterrains au vent, du vent à la mer, amènent Ben à confronter ses peurs. Thèmes importants de ce conte, le deuil et le pardon surgissent lorsque les personnages acceptent de vivre la peine qui les étouffe, de s’y glisser comme le fait sans crainte Saoirse au cœur de la mer. C’est d’ailleurs ce que finiront par faire Ben et son père, lorsqu’ils devront sauver la vie de la petite selkie. Composé de cycles intelligents et bien construits, ce film est une petite réussite. Les graphiques, les plans et les thèmes se soutiennent les uns les autres, imbriqués dans une valse tranquille et sûre. La bande-son, composée en grande partie par le groupe Kila, ajoute au superbe de ce film. Quatre-vingt-dix minutes bien investies dans une fin de session surchargée.

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Le train de l’enfer https://www.delitfrancais.com/2014/09/23/le-train-de-lenfer/ https://www.delitfrancais.com/2014/09/23/le-train-de-lenfer/#respond Tue, 23 Sep 2014 05:20:50 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=21191 Retour sur un grand succès éditorial de l’année passée.

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Jean-Paul Didierlaurent. Le liseur du 6h27. Publié par l’édito. Année: 2014. Dois-tu lire ce livre? Si tu aimes les mots voltiges, les métaphores immersives et les histoires touchantes, cours, cours te dis-je, te procurer ce livre. Tu t’en doutes déjà, c’est bien l’histoire d’un homme qui lit dans le train du 6h27. Ne t’arrête pas ici. Il lit des pages de livres morts. Des peaux sauvées des champs de guerre que laisse la Zerstor 500, appelée plus communément la Chose, une machine qui réduit en bouillie des milliers de livres invendus. Des peaux brisées, qui délaissent leur dernier souffle amer entre les doigts amoureux de leur propre bourreau.

Car Guylain Vignolles, —eh oui, quel nom!—, est l’un de ces antihéros qui finissent par te prendre au cœur par leur pathétisme. Donc, un Guylain qui hait son travail et qui a pour seuls amis un poisson rouge, un vieillard qui récite des alexandrins et un autre qui s’est fait allègrement manger les jambes par la Chose. L’enfer de tout littéraire au cœur de papier.

 Mais dans le train de 6h27, le train vers cet endroit maudit, Guylain trouve une clé USB. Une jeune fille qui nettoie des toilettes y a déposé ses mémoires. Une histoire d’amour? Oui, certainement. Entre Guylain et la mystérieuse cure-cuvette? Non pas. Une histoire d’amour entre un littéraire manqué et des livres de papiers. Une histoire qui repose la sempiternelle question: la littérature est-elle morte? Le support importe-t-il réellement? Jean-Paul Didierlaurent raconte de quelle façon, peu importe le moyen, peu importe la langue, peu importe le lieu ou le moyen de lecture, la littérature est vivante, survivante. 

Ce texte impose une autre belle question: faut-il réellement détruire ces livres invendus? Les traiter comme des objets mal-aimés, inexistants malgré leur matérialité? Ne pourrait-on pas trouver un moyen d’empêcher l’existence d’un monstre tel que la Zerstor 500? 

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Spaghetti sauce hémoglobine https://www.delitfrancais.com/2013/01/30/spaghetti-sauce-hemoglobine/ Wed, 30 Jan 2013 17:33:39 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=16625 Quentin Tarantion revisite le Western

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C’est toute fébrile que je me suis faufilée dans la foule excitée du cinéma Quartier Latin, un billet de Django Déchaîné à la main. Amateurs de Quentin Tarantino, soyez heureux! Son tout nouveau joyau, suite à l’excellent Commando des Bâtards, est d’un résultat saisissant.

Ce western spaghetti, qui a lieu avant la guerre de Sécession, met en scène Django (Jamie Foxx), un esclave libéré par un ancien dentiste allemand (Christopher Waltz) reconverti en chasseur de primes. Comme Django n’a jamais vu le visage des trois frères Brittle, criminels que le docteur Shultz a pris en chasse, celui-ci a besoin de l’esclave qui a subi le joug de ces hommes. Le marché: lui indiquer qui ils sont en échange de sa liberté. Django accepte, car regagner sa liberté lui permettra de retrouver sa femme Broomhilda (Kerry Washington), séparée de lui par le marché d’esclaves. Mais l’union temporaire des deux hommes devient une relation d’affaire et d’amitié. Le docteur Shultz, personnage déroutant croyant aux valeurs de l’égalité, s’éprend de la cause de Django et l’aide dans sa recherche, les menant tout droit dans l’antre de Calvin Candie (Leonardo DiCaprio), cinglant propriétaire de la jeune femme.

La durée de ce film peut laisser présager quelques longueurs. Malgré certains plans dont il aurait pu se passer, le réalisateur parvient pourtant à nous tenir en haleine durant tout le long-métrage. Le budget, qui s’élève à environ 100 millions de dollars, s’explique par la quantité effarante d’explosions, de sang et sa brochette impressionnante d’excellents acteurs. Le jeu de ces derniers, impeccable, contribue grandement à la réussite du film. Christopher Waltz a d’ailleurs obtenu le Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle pour la deuxième fois, sous la direction de Tarantino (obtenu la première fois pour Le Commando des Bâtards, pour lequel il avait aussi été récompensé par un Oscar). Ce film a aussi obtenu les prix de meilleur scénario (Golden Globes 2013) et meilleur acteur second rôle pour Leonardo DiCaprio (National Board of Review 2012).

Le western spaghetti, sous-genre du western, qui émerge dans les années 60, vise à se moquer des Américains. Les personnages ne sont plus que noirs ou blancs. Le héros blanc n’est plus que le «juste américain» sauvant sa patrie du «méchant indien». La gâchette facile retentit dans des déserts présentés sous des plans larges, souvent accompagnés d’immenses sous-titres qui nous situent dans l’Ouest américain. Sergio Leone vient donner un second souffle au western avec des films tels que Il était une fois dans l’Ouest et sa trilogie de L’Homme sans nom. Influence que respecte Tarantino avec des plans subjectifs, des cadrages serrés, une multitude de plans présentant les ravages de l’esclavagisme et un cynisme omniprésent.

Sanglant, violent et maître d’un découpage technique impeccable, Tarantino retourne aux sources. Moi qui craignais de le voir tomber dans la dentelle, ses derniers films étant moins acerbes que ses tout premiers, je suis ravie. Django déchaîné, c’est les répliques cinglantes de Fiction Pulpeuse et les geysers de sang de Tuer Bill en un seul film. Il nous revient en force, plus déjanté et cynique que jamais.

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