Milan McCarthy - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/milanmccarthy/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 02 Apr 2025 03:24:35 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Ça fait quoi, de mourir? https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/ca-fait-quoi-de-mourir/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58089 Critique de Mickey 17.

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Peu de films arrivent à l’écran en 2025 avec autant d’attentes que Mickey 17. Pour le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho, l’enjeu était de faire suite à l’un des meilleurs films de la décennie, Parasite. Six ans plus tard, le cinéaste est de retour avec Mickey 17 (adapté du livre Mickey7 d’Edward Ashton), un film ambitieux qui dépeint la cruauté de l’humanité dans un univers de science-fiction. Les studios de production étaient au rendez-vous, avec un budget de plus de 100 millions US et, après quelques désaccords, ont concédé au réalisateur une liberté rarissime, notamment lors du montage final.

Le prologue nous met en appétit. On est en l’an 2054 et Mickey (Robert Pattinson) s’engage dans une mission de colonisation sur une planète glacée, baptisée Niflheim, pour se soustraire à une dette accumulée sur Terre. Comme il ne possède aucune compétence particulière et que les places à bord sont limitées, Mickey s’engage en tant que « Remplaçable » (Expendable). Son rôle est simple : servir de cobaye aux scientifiques du vaisseau. Il faut trouver la formule d’un vaccin? Déterminer le taux de microbes néfastes sur une planète inconnue? Fureter en terre périlleuse? Envoyez Mickey! Grâce à une imprimante innovante, Mickey peut esquiver la mort et se réimprimer en Mickey 1, 2, 3… à chaque dérive.

Je tire mon chapeau à Robert Pattinson. Mourir n’est jamais simple, mais il le fait avec justesse tout au long du film. Lorsque ses doubles se rencontrent à l’écran, c’est un régal pour le spectateur. Mignon, mou, enflammé et sinistre, Pattinson passe par toutes les émotions dans le(s) corps de(s) Mickey(s) et confirme ainsi sa polyvalence en tant qu’un des plus grands acteurs de sa génération.

« Le conflit, trop cliché et prévisible, oppose le mal absolu contre les héros humanistes et s’achève par une séquence interminable »

La mission spatiale est dirigée par Kenneth Marshall (Mark Ruffalo), qui semble vouloir faire appel à un amalgame de figures d’actualité avec son maquillage bien orange, son appétit pour les conquêtes spatiales et ses casquettes rouges. Quelques années plus tôt, cette caricature nous aurait bien amusés. Bong a été inspiré par les dirigeants autoritaires les plus notoires, tels que Nicolae Ceaușescu en Roumanie et Ferdinand Marcos aux Philippines. Mais aujourd’hui, ce personnage nous fait plutôt penser à un sketch de Saturday Night Live, décortiquant les maelströms médiatiques de la semaine d’avant.

Bong Joon-ho a ses habitudes. En termes de message politique, le film exprime un anticapitalisme prégnant : Marshall et sa femme Ylfa (Toni Collette) symbolisent la classe sociale des huppés, se nourrissant de steak et de vin, alors que les moins chanceux ingèrent leurs calories en bouillie. Nous remarquons aussi les créatures monstrueuses saturées d’effets spéciaux et très appréciées de Bong, qui rappellent, celle culte, de The Host. Comme toujours, elles viennent semer le désordre parmi les humains, ces derniers n’étant que rarement irréprochables.

Malheureusement, le film sombre dans la grisaille, elle-même engloutissant la planète où résident les personnages. Le conflit, trop cliché et prévisible, oppose le mal absolu contre les héros humanistes et s’achève par une séquence interminable. Par ailleurs, en dehors de Mickey, les rôles ne sont pas très développés et manquent de profondeur. Certains personnages cruciaux de l’intrigue, comme l’amoureuse de Mickey, Nasha (Naomi Ackie), ne laissent guère d’impression durable.

Emporté par le gros budget et les effets spéciaux à revendre, Bong Joon-ho s’est un peu perdu avec Mickey 17. Les innombrables thèmes du film – l’innovation hasardeuse de la technologie, la colonisation, et évidemment la mort – noient le spectateur. Le film reste finalement sans éclat, malgré quelques gags intermittents, et souffre d’une comparaison inévitable avec les chef-d’œuvre précédents du même réalisateur. Une fois ressortis de la salle de cinéma, nous restons sur notre faim.

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Aux portes de la Franche-Comté https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/aux-portes-de-la-franche-comte/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57946 Critique de Vingt Dieux.

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Comté, comté et comté. Oui, Vingt Dieux, le premier long métrage de la réalisatrice Louise Courvoisier, est un film qui trace les escapades d’un jeune adulte délinquant, Totone, incarné par Clément Faveau (son premier rôle à l’écran). Laissé à lui-même, contraint de s’occuper de sa petite sœur sans travail fixe, il picole et commet des tas de bêtises. Finalement, ne serait-ce pas un film qu’on a déjà vu mille fois, démontrant ce passage à l’âge adulte rugueux rempli d’incertitude et de quête de soi? Pas si vite. Il y a aussi du fromage et l’accent jurassien.

Pour son premier long métrage, Louise Courvoisier a choisi la région où elle a grandi, la Franche-Comté, située à l’Est de la France. Le paysage y est pittoresque, vallonné, brumeux et c’est là qu’on trouve l’essentiel de la production du fromage comté. Dans cette campagne auprès des vaches, elle réussit à évoquer cet air frais jusqu’aux salles de cinéma calfeutrées.

Pour les comédien·ne·s, le lieu est aussi familier. Le film repose sur un « casting sauvage », c’est-à-dire que la réalisatrice elle-même a parcouru la région à la recherche de ses acteur·rice·s. Nous sommes donc très loin des divas et des studios hollywoodiens. Les jeunes ne trichent pas sur leur âge et les vaches sont bel et bien laitières. Dans cette distribution, on ne trouve pas d’acteur·rice·s de formation, mais plutôt des agriculteur·rice·s de métier : notre personnage principal, Clément Faveau, est issu de l’industrie volaillère.

« Dans cette campagne auprès des vaches, elle [Louise Courvoisier] réussit à évoquer cet air frais jusqu’aux salles de cinéma calfeutrées »

À l’arrivée, une authenticité notable transpire de ce film. Prenons Maïwène Barthélémy, dans le rôle de l’agricultrice Marie-Lise, qui fait son entrée dans la vie de Totone, lui fournissant le lait nécessaire à la production du fromage. Parmi ses vaches, elle est très à l’aise. Devant la caméra, idem. À la fois bourrue et sensible, elle est d’un naturel convaincant dans son premier rôle au cinéma. D’ailleurs, elle poursuivait un brevet de technicien supérieur (BTS) en production animale dans un lycée agricole au moment du casting. Bien qu’inexpérimentée, une distinction de taille lui est attribuée : le 28 février, elle est récompensée avec le César de la meilleure révélation féminine. D’un tapis en foin jusqu’au tapis rouge.

Parfois, le réalisme est tel qu’on se demande si on ne serait pas face à un documentaire. Les fêtes de village, les ateliers fromagers, et les caves d’affinages ne ressemblent pas à des décors de tournage, mais à des lieux de vie et de travail. De plus, on en apprend énormément sur la manufacture du comté : l’ingrédient clé pour la coagulation du lait cru (la présure), le temps de maturation d’un Comté d’appellation d’origine protégée (AOP) (il faut de la patience), et surtout comment arriver à transporter une roue entière de comté sur une petite mobylette (le jugement bien naïf de Totone !).

Si le thème des jeunes qui grandissent à la campagne a déjà été exploité souvent au cinéma, Louise Courvoisier réussit néanmoins à y apporter sa propre empreinte. Vingt Dieux dévoile les difficultés – parfois clichées – de la vie rurale, en ne s’appuyant toutefois pas trop sur une vision sombre. Cela reste un film d’aventure doux, amusant et sensuel. Si vous cherchez un film pour accueillir les beaux jours de printemps, Vingt Dieux est un film rafraîchissant qui vaut le détour. Retrouvez-le en salle au Cinéma Beaubien et à la Cinémathèque québécoise.

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À la conquête de Trump https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/a-la-conquete-de-trump/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56519 The Apprentice : oser révéler l’envers du décor.

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Depuis qu’il s’est lancé en politique, il y a presque dix ans, Donald Trump semble inébranlable. Malgré une défaite électorale en 2020, de multiples polémiques, et même une inculpation, il est indétrônable au sommet du parti républicain. Mais comment, en tant que témoins contraints, nous sommes-nous retrouvés face à cette tempête tonitruante qu’est Trump? Le nouveau film d’Ali Abbasi, The Apprentice, cherche à répondre à cette question.

Sorti en salle au Canada et aux États-Unis en octobre dernier, The Apprentice est un film biographique qui retrace les pas du jeune Donald Trump dans les années 1970. Interprété par Sebastian Stan, Trump gravit les échelons de la haute société new yorkaise. À travers le film, il forge ses repères et apprend la froideur et l’art de la manipulation. Nous retrouvons aussi son attitude déplaisante à l’égard de la gent féminine : le traitement minable qu’il réserve à sa première femme ne surprend plus personne.

« Dans cette ville dirigée par la haute société, c’est le capitalisme pur qui règne, équipé d’un marteau piqueur qui écrase tout sur son passage »

Entre-temps, Stan incarne l’homme d’affaires avec une performance solide et subtile. Il nous prive (sans regret) de sa voix agaçante, mais il transpose avec brio ses gestes atypiques, si reconnaissables. The Apprentice ne se concentre pas seulement sur Trump, mais aussi sur le personnage crucial de son avocat, Roy Cohn. Le caractère moral abominable de Cohn est incarné par nul autre que Jeremy Strong, l’un des protagonistes de la série télé Succession. L’acteur transperce l’écran : ce rôle plus sérieux lui sied parfaitement. Assez vite, Cohn prend Trump sous son aile, et lui apprend les rouages du monde des affaires. Dans cette ville dirigée par la haute société, c’est le capitalisme pur qui règne, équipé d’un marteau piqueur qui écrase tout sur son passage. Le film sous-entend que, sans Roy Cohn, le Trump si imposant que nous connaissons aujourd’hui n’existerait pas.

Si Abbasi expose sans compromis les vices des deux hommes, il n’hésite pas non plus à montrer leur côté humain. Chez Trump, nous découvrons l’importance qu’il accorde à la famille, un aspect qui a tendance à être oublié par les médias. Avec un frère alcoolique et un père très exigeant, sa jeunesse n’a pas toujours été facile. Abbasi prend soin de dévoiler une part de vulnérabilité, invitant les spectateurs à entrevoir une dimension plus profonde chez Trump.

Ce qui rend ce film si percutant, c’est qu’il ne se revendique pas partisan. Abbasi évite ce piège : sans pour autant offrir une image louable, il se refuse également à la propagation d’un discours anti-Trump. C’est à noter qu’il n’est justement pas Américain. En effet, dans une entrevue avec Democracy Now! Abbasi, souligne « je n’ai pas de parti pris dans cette lutte politique (tdlr) ». D’origine iranienne et actuellement installé au Danemark, il réussit à offrir une perspective externe et neutre sur ces dynamiques et ces personnalités si polarisantes.

Évidemment, ce film n’est pourtant pas indemne de l’actualité politique. Depuis qu’il a été remarqué par le public à Cannes en mai dernier, Trump et sa campagne électorale n’ont cessé de discréditer et de menacer le producteur du film avec des mises en demeure. À l’occasion de sa sortie en salle au mois d’octobre, Trump n’a pas caché ses sentiments à l’égard du long-métrage : sur Truth Social, son propre réseau social, Trump a dénoncé le scénariste, Gabe Sherman, le qualifiant de charlatan (talentless hack), et a insulté tous ceux impliqués dans la production du film, les traitant de vermines (human scum).

The Apprentice ne changera probablement pas votre perception de l’homme qu’est Donald Trump. Rien de bien grandiose, mais cela reste une expérience de visionnement remplie d’humour et recommandable. Toutefois, lorsque défile le générique de fin, cette comédie dramatique d’une période lointaine devient une réalité imminente…

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