Lara Cevasco, Vincent Maraval - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/lara-c/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 18 Nov 2024 19:17:05 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Inondations en Espagne : entre colère et solidarité https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/inondations-en-espagne-entre-colere-et-solidarite/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56568 Retour sur un épisode meurtrier.

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Les 29 et 30 octobre derniers, plusieurs régions espagnoles, notamment Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie, ont été touchées par des pluies torrentielles provoquant de violentes inondations. En date du 5 novembre, ces dernières avaient causé la mort de 219 personnes, ainsi que la disparition de 89 autres individus, un bilan encore provisoire. Cette catastrophe a entraîné de très lourds dégâts matériels dans l’ensemble de la région, dont la destruction de nombreux logements et infrastructures. Dans la région valencienne, ce sont principalement les villages de la banlieue de Valence qui ont été touchés et ravagés par les inondations.

Selon une première étude du World Weather Attribution, le réchauffement climatique serait une des causes principales de ces pluies diluviennes associées au phénomène DANA (Dépression Isolée à Niveau Élevé). Ce phénomène est un système météorologique destructeur et fréquent dans le bassin méditerranéen, dans lequel l’air froid et l’air chaud se rencontrent et produisent de puissants nuages de pluie. Néanmoins, cet épisode d’inondation constitue, selon le premier ministre Pedro Sánchez, « le plus grave que [l’Europe] ait connu depuis le début du siècle (tdlr) ». Selon l’analyse, les pluies qui ont frappé l’Espagne ont été 12% plus importantes que si le climat ne s’était pas réchauffé. De nombreux spécialistes ont aussi pointé du doigt « l’urbanisation incontrôlée » de la région, qui a accru l’imperméabilité des sols, provoquant une augmentation des risques d’inondation et de sécheresse.

« À 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages »

Vanessa Verde, enseignante

À la suite des inondations, les habitants des zones sinistrées se sont mobilisés afin de commencer à réorganiser les villes, de retrouver les personnes disparues, et de venir en aide aux plus nécessiteux. Le gouvernement espagnol a également mobilisé l’armée et débloqué des fonds d’urgence pour venir en aide aux victimes ; cependant, beaucoup ont jugé cette réponse trop lente et inadaptée, et ont exprimé leur mécontentement. Afin de mieux comprendre la situation, Le Délit s’est entretenu avec Vanessa Verde, une enseignante vivant à Valence et qui, avec sa famille, s’est mobilisée pour venir en aide aux sinistrés.

Une colère grandissante

Plus de 10 jours après les inondations, la colère des habitants des communes touchées ne diminue pas. Le 9 novembre dernier, des centaines de milliers de personnes ont défilé dans Valence pour protester contre la gestion défaillante des institutions du pays. Dans les rues de la ville, les pancartes des manifestants illustrent la colère des survivants : « Nous sommes couverts de boue, vous avez du sang sur les mains. » En chœur, ils demandent la démission du président de la région autonome, Carlos Mazón. Celui-ci avait attendu plusieurs heures avant de lancer l’alerte à la communauté. Vanessa affirme en effet que le soir du 29 octobre, « à 20h seulement, l’alerte d’urgence que l’on reçoit sur les téléphones portables s’est déclenchée. Mais à ce stade, tout s’était déjà produit : dès 18h, les gens étaient en train de se noyer dans tous ces villages ». L’agence météorologique espagnole Aemet avait de son côté communiqué les risques d’inondations plusieurs jours auparavant, et sonné l’alerte rouge dès le mardi 29 octobre au matin.

Selon Vanessa, la révolte se fait ressentir au sein de la communauté espagnole au niveau régional comme national : « Nous sommes en colère contre tout le monde. » En effet, beaucoup reprochent également au gouvernement du premier ministre Pedro Sánchez d’avoir été passif. En effet, celui-ci attendait la demande du président de la région autonome pour envoyer de l’aide militaire supplémentaire. Néanmoins, « selon la loi espagnole, lorsque plus d’une communauté est en danger, le gouvernement [central, ndlr] doit prendre les commandes. Et dans ce cas-ci, il y avait trois communautés particulièrement affectées : Valence, Castille-La Manche et l’Andalousie ». L’opinion publique concernant le Roi, quant à elle, est divisée. Si certains admirent sa venue dans les villages touchés et son soutien aux habitants dans les jours suivant la catastrophe, d’autres ont exprimé leur colère en l’accueillant avec des jets de boue lors de son passage à Paiporta, l’épicentre des inondations.

Élan de solidarité

Les inondations ont marqué une élan de solidarité importante au sein de la population, et à travers toute l’Espagne. Dans la région de Valence, des foules impressionnantes de bénévoles se sont rendues dans les villages dans l’espoir d’aider les habitants à la reconstruction de leurs communautés. Vanessa et sa famille se sont rendus dans un village près de Valence, Picaña, pour prêter main forte aux sinistrés. « C’était comme une zone de guerre », explique-t-elle. Avec émotion, elle loue les efforts de tous, mais particulièrement ceux des jeunes : « Tous ces gens ont commencé à traverser les ponts, et c’était émouvant, tous ces jeunes qui aidaient : ils les appellent maintenant la “génération cristal”. C’était impressionnant. » Sa fille Bianca, étudiante en orthodontie, s’est elle aussi rendue dans plusieurs villages pour aider les personnes dans l’incapacité de se déplacer en besoin de services médicaux. « Il y avait des personnes qui, par exemple, avaient des points de suture parce qu’elles avaient subi une opération dentaire, alors [Bianca, ndlr] est allée les retirer à leur domicile. »

Lors du nettoyage des communes, les citoyens continuent de reprocher aux gouvernements locaux et nationaux d’avoir été cruellement absents dans l’aide aux survivants et à la gestion des dégâts matériels. Dans les jours suivant le 29 octobre, l’arrivée tardive des secours et les moyens insuffisants pour reconstruire les villes ont laissé les habitants hors d’eux : « On ne voyait pas de pompiers, pas de militaires, rien ; juste des bénévoles. Juste des citoyens, comme moi, comme ma fille, comme tous les amis de ma fille, qui sont allés aider. » Selon Vanessa, le peuple se sent abandonné par son gouvernement. « C’est de là qu’est née l’expression : “Le peuple sauve le peuple” : les seuls à pouvoir vous sauver, ce sont vos voisins. »

Et maintenant?

L’éducation est aussi directement touchée par les événements. De nombreux écoles, collèges et lycées ont été entièrement détruits par le passage de l’eau, laissant enfants, parents et enseignants désemparés. Certaines communautés tentent de trouver des solutions pour que les élèves bénéficient d’une éducation d’une manière ou d’une autre : « Il y a des endroits où des centres sportifs ont été sauvés parce qu’ils se trouvaient dans une zone plus élevée », permettant ainsi aux enseignants de les transformer temporairement en salles de classe, explique Vanessa. Mais cette initiative ne suffira probablement pas à reloger l’entièreté des nombreux élèves sinistrés.

À la suite des inondations, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé une aide d’urgence de plus de 10 milliards d’euros pour soutenir les victimes et les entreprises de la région. Cette aide a pour but premier de permettre la remise en état des grandes infrastructures affectées, ainsi que la restauration des logements. Bien que le premier ministre n’ait pas fait appel à l’aide des autres pays de l’Union européenne pendant les inondations (notamment aux propositions d’envoi de pompiers et d’équipes d’assistances), il a annoncé avoir pris contact avec la Commission européenne pour demander de l’aide financière auprès du Fond de solidarité européen. Vanessa soupçonne néanmoins que les aides ne soient pas aussi rapides que l’affirme le gouvernement : « Ils ont dit qu’il n’y aurait pas de bureaucratie, espérons que ce soit le cas, mais j’en doute. » Au cours des prochaines semaines, les yeux seront donc rivés sur les actions du gouvernement, et sa capacité à mettre en œuvre ses promesses aux espagnols.

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Entre hommages et célébrations https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/entre-hommages-et-celebrations/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56308 Retour sur le mois de l’héritage latino-américain à McGill et à Montréal.

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Ce mois d’octobre a marqué la sixième édition du Mois de l’héritage latino-américain à Montréal, et des célébrations de tous genres ont été au rendez-vous. Au cours des dernières semaines, les apports culturels diversifiés de la communauté latino-américaine ont été mis à l’honneur au moyen de festivités et de commémorations à travers la ville. Depuis 2019, la mission de cet évènement est de « favoriser la convergence et le rayonnement des différentes expressions sociales et culturelles » qui découlent de l’immigration latino-américaine. Le comité d’organisation a ainsi proposé au public une multitude de rencontres vibrantes et culturelles, telles que des spectacles de danse, des foires et des expositions, mais aussi des conférences traitant de sujets sociétaux comme l’intégration dans le monde professionnel.

Faciliter l’intégration

Un des contributeurs majeurs du mois de l’héritage n’est autre que la fondation LatinArte qui, depuis la première édition, s’est installée à la Maison de la culture Claude-Léveillée et organise son festival chaque année. Si le mois de l’héritage organisé par la ville de Montréal est relativement nouveau, le festival de la fondation LatinArte, lui, est bien plus ancien. Depuis maintenant 16 ans, celui-ci vise à mettre en lumière les artistes latino-américains et leurs contributions à la culture montréalaise. Pour Angela Sierra, directrice du festival, chaque mois d’octobre représente un pas de plus pour l’intégration de la communauté latino-américaine à Montréal. Elle rappelle que différents organismes tels que la Maison des Amériques, ou le Centre d’aide aux familles latino-américaines (CAFLA) sont disponibles et ont pour but de faciliter l’insertion des nouveaux arrivants sur le sol québécois.

Depuis maintenant six ans, les locaux Claude-Léveillée sont devenus le foyer des artistes latino-américains de tous genres. Le 23 octobre s’est ainsi tenue la rencontre poétique et musicale de la poète Flavia Garcia et du pianiste José Maria Gianelli, Fouiller les décombres, qui retrace l’enfance de la poète sous la dictature de la junte militaire en Argentine. Dans un décor minimaliste et faiblement éclairé, les artistes alternent voix parlée, chantée, danse, piano, contrebasse et flûte. De temps à autres, Flavia Garcia, qui interprète ses propres textes, passe du français à l’espagnol, avec un accent argentin qui réconforte l’audience. Ayant quitté l’Argentine dans sa jeunesse, elle insiste sur l’importance de partager les expériences de son passé : « C’est un peu notre héritage vivant, notre apport à la société dans laquelle on vit. On apporte nos histoires et on les partage avec les gens. » Elle a conscience qu’il est parfois difficile de s’insérer mais souligne aussi les progrès de ces dernières années : « Ce n’est pas facile de s’intégrer ici, surtout quand on ne parle pas la langue. Mais une fois cette barrière franchie, il y a beaucoup de mesures mises en place pour que les gens puissent s’intégrer facilement », explique-t-elle.

Lara Cevasco | Le Délit

Des hommages multiples

À quelques pas de là, sur la rue Saint-Hubert, se tient l’exposition temporaire Titre de voyage, qui illustre la crise migratoire face à laquelle sont confrontés réfugiés et migrants lorsqu’ils arrivent au Canada. Cette œuvre, réalisée par Juan David Padilla Vega, est une installation multimédia itinérante qui se niche dans plusieurs coins de la ville et qui mêle musique, photographie, performance et écriture. Sur l’installation de Saint-Hubert, une série de quatre affiches dépeint le lourd fardeau de ces populations. « 3 038 jours », « 1 600 jours », « 2 045 jours », peut-on lire sur les images : ce sont le nombre de jours depuis lesquels les immigrés sont dans l’attente d’une régularisation. Selon l’artiste, l’œuvre illustre cette attente perpétuelle qui « se matérialise comme une empreinte sur la peau des migrants ».

Toutefois, les hommages ne sont pas seulement culturels. L’Équipe de la Défense du Canada, elle aussi, tient à commémorer la contribution des populations latino-américaines au pays durant ce mois d’octobre. Saviez-vous que des membres de la communauté latino-américaine, venus tout droit de leur pays d’origine, s’étaient portés volontaires pour s’enrôler dans les Forces armées canadiennes lors des Première et Seconde Guerres Mondiales? Ne parlant pour la plupart que l’espagnol, ces derniers avaient su s’intégrer de manière « remarquable » aux forces armées, a tenu à honorer le capitaine Rey Garcia-Salas, coprésident du réseau latino-américain de l’Équipe de la Défense et responsable du comité de planification du Mois du patrimoine latino-américain. Cette année, à l’occasion de la célébration de ce patrimoine et pour rendre hommage aux vétérans, différentes cérémonies de commémoration se sont tenues au Canada, dont une à Québec, ce vendredi 25 octobre.

« Ce n’est pas facile de s’intégrer ici, surtout quand on ne parle pas la langue. Mais une fois cette barrière franchie, il y a beaucoup de choses mises en place pour que les gens puissent s’intégrer facilement »

Flavia Garcia, Poète

Et à McGill?

Le campus de McGill a lui aussi su prendre part aux célébrations. Ces dernières semaines, différents clubs et associations ont proposé aux étudiants un agenda d’activités pour rendre hommage à leurs cultures. Ainsi, l’Association d’Étudiants Espagnols et Latino-Américains (SLASA) a organisé plusieurs évènements sur le thème de l’héritage latino-américain, permettant à la fois la rencontre entre élèves et la mise en réseau avec des professionnels. Le 25 octobre dernier s’est alors tenu un panel réunissant plusieurs consuls de Montréal, notamment du Brésil, du Mexique et de l’Argentine. Cet évènement s’est fait aux côtés de l’Association des professionnels latinos d’Amérique (ALPFA) de Montréal, qui vise à offrir des opportunités d’échanges et de réseautage aux Latinos du Québec. Pour Julia, co-présidente de SLASA, il est important que le monde universitaire prenne conscience de cet héritage : « C’est une célébration qui unifie, et je suis fière que SLASA contribue à construire ce pont au sein de la communauté mcgilloise (tdlr). » De son côté, l’Association d’études caribéennes et latino-américaines et d’études hispaniques (CLASHSA) a elle aussi proposé différentes activités aux étudiants de McGill ; l’une d’elles, un atelier de poésie sur le thème des poètes latino-américains célèbres.

Bien que le mois d’octobre s’achève, certains évènements seront encore ouverts au public au début du mois de novembre, notamment pour célébrer la légendaire fête du Día de Los Muertos, qui se tient généralement les 1er et 2 novembre. Originaire du Mexique, cette tradition se célèbre dans l’ensemble de l’Amérique latine, et met en avant l’amour et le respect des populations envers les membres de leur famille n’étant plus parmi eux. Faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, le Día de los Muertos rassemble des millions de personnes dans un esprit de fête, car à travers défilés, costumes et danses, ils célèbrent à la fois la vie et la mort.

Si vous souhaitez vous rendre aux évènements proposés par la ville de Montréal, toutes les informations sont disponibles sur les sites internet du Mois de l’héritage latino-américain et du festival LatinArte. Concernant le campus de McGill, les actualités culturelles et académiques peuvent être retrouvées sur les comptes Instagram des associations, @slasa.mcgill et @clashsa.mcgill.

Et si vous avez manqué l’occasion de participer au célébrations du Mois de l’héritage latino-américain, ne vous inquiétez pas, il revient l’année prochaine!

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