Hugo Roussel - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/hugo-roussel/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Mon, 26 Nov 2018 19:37:26 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 Raviver les Bosquets https://www.delitfrancais.com/2018/11/26/raviver-les-bosquets/ https://www.delitfrancais.com/2018/11/26/raviver-les-bosquets/#respond Mon, 26 Nov 2018 19:37:26 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32737 JR photographie une génération banlieusarde mal représentée.

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En 2001, Jean-René, plus connu sous son pseudonyme « JR », trouve un appareil photo dans le métro parisien. Repéré par Ladj Ly, un autre « artiviste », il est invité à la cité des Bosquets, à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, un an avant les émeutes de 2005. JR expose ses photographies de jeunes qu’il croise sur les murs de la cité, avec un vernissage loufoque intitulé « Clichés de ghetto, cocktail Molotov en présence de l’artiste », le tout étant bien sûr interdit par la police. Ceci est le point de départ de son exposition de l’année suivante, 28 millimètres, Portrait d’une génération.

Où est la vraie violence?

Un an plus tard, l’atmosphère est tout autre à la cité des Bosquets. Le 27 octobre 2005, deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, trouvent la mort dans un poste électrique en cherchant à échapper à un contrôle de police. Trois jours plus tard, les forces de l’ordre répliquent à des projectiles en lançant une grenade lacrymogène à l’entrée d’une mosquée. C’est l’étincelle qui embrase la Seine-Saint-Denis, allumant des foyers ici et là dans d’autres communes de France. Ces émeutes sont sans précédent en France, et provoquent la mise en place de l’état d’urgence.
La situation entraîne des réactions de condamnations unanimes : le député Manuel Valls parle d’une « violence de plus en plus dure », Delphine Batho d’une « aggravation des faits violents ». Mais l’AFP note un point central : il n’existe absolument aucune déclaration mettant en lien la misère sociale et l’abandon des banlieues par les politiques publiques depuis les années 1970 et les émeutes de 2005. Au contraire, la France s’inquiète à travers une couverture médiatique incessante de ces jeunes n’ayant d’autre occupation que de brûler des voitures et de caillasser la police.

28mm, arme d’une génération

Face à ce constat, JR décide de revenir à la cité des Bosquets, pour donner une vision fidèle de cette génération mal représentée. Il leur propose de les photographier avec un objectif 28mm, ce qui oblige à être très près du sujet, en affirmant pour les convaincre qu’ « à Paris, on vous voit comme des extraterrestres. Je vais vous prendre comme des ET. Moquez-vous de vos caricatures! Faites la grimace! Il faut qu’on vous voie vous, vos yeux, votre tête, votre nom, où vous habitez ». Ces portraits, formant aujourd’hui la série 28mm, Portrait d’une génération, sont affichés dans les quartiers de l’Est parisien, pour mettre chacun face à ses clichés. Ils sont un témoignage brillant et riant d’une joie de vivre manifeste et d’un humour sans concession d’une génération possédant pour seule arme son imagination et sa caméra, représentée par un Ladj Ly menant la guerre.

Dix ans plus tard encore, JR est revenu à la cité des Bosquets. Cette fois-ci, il a décidé de recréer les émeutes de 2005, mais sous la forme d’une danse, avec le ballet de New York. Aidé par Ladj Ly à la chorégraphie, Woodkid et Hans Zimmer à la musique, il a conçu des costumes qui, alignés les uns avec les autres, forment des yeux, qui observent le spectateur. Filmé dans l’enceinte de la cité des Bosquets et mêlant images d’aujourd’hui et de 2005, l’œuvre Les Bosquets a été retenue dans la sélection officielle du Festival du Film de Tribeca, faisant de cet endroit la cité la plus célèbre au monde.

« Les Bosquets. » « 28mm. » Ces mots sont sûrement encore métonymies de violence et d’armes. Mais ils sont bien plus. Ils sont la sublimation artistique d’une situation sociale abjecte, la dénonciation d’une répression policière omniprésente, mais surtout : ils sont le portrait d’une génération.

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Manifesto, manifeste des manifestes https://www.delitfrancais.com/2018/11/20/manifesto-manifeste-des-manifestes/ https://www.delitfrancais.com/2018/11/20/manifesto-manifeste-des-manifestes/#respond Tue, 20 Nov 2018 14:56:08 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32645 Julian Rosefeldt filme Cate Blanchett incarnant différents manifestes artistiques.

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Le Musée d’art contemporain (MAC) de Montréal consacre jusqu’au 20 janvier prochain une exposition à l’œuvre Manifesto de l’artiste allemand Julian Rosefeldt, composée d’un prologue et de douze courts métrages. Au sein de ce chef‑d’œuvre multimédia, l’actrice australienne Cate Blanchett joue plusieurs personnages récitant des extraits choisis de textes fondateurs du dadaïsme, du suprématisme, du futurisme, ou encore de la performance.

Révolution(s)

Les visiteurs sont accueillis par une vidéo d’une mèche incandescente, derrière laquelle on entend la lecture d’un extrait du Manifeste du parti communiste, publié par Karl Marx et Friedrich Engels en 1848, affirmant « Tout ce qui est solide se dissout dans l’air ». L’œuvre nous fait entrer de plain-pied dans l’origine révolutionnaire du manifeste, voué à se placer en rupture avec le passé, pour être la première pierre d’un nouveau mouvement.

Pour illustrer cette pluralité des manifestes révolutionnaires, Julian Rosefeldt a créé douze films uniques, représentant chacun un courant. Entre un immeuble abandonné, un atelier de marionnettes, une répétition de danse ou une salle de classe, Cate Blanchett se métamorphose, incarnant successivement une sans-domicile-fixe, une marionnettiste, une chorégraphe et une professeure, en intégrant le texte à son jeu d’actrice, qui change constamment.

Cate Blanchett, actrice multiple

Entre rupture et continuité, l’actrice australienne se meut à la perfection d’un personnage à l’autre. Rupture, car elle sait parfaitement adapter son jeu d’actrice à la situation, en forçant son accent pour diriger la performance, en éructant le deuil que constitue le surréalisme ou en récitant comme une prière de Thanksgiving les textes du Pop art. Continuité, car au-delà de l’immuable Cate Blanchett, chacun de ces court-métrages offre un moment où l’actrice se met à réciter son texte en chantant, et ce de manière synchronisée avec tous les autres films. A cet instant, le spectateur est désarçonné, et prend conscience des autres court-métrages, des autres mouvements, comme si tous témoignaient d’une seule et même transe, d’une seule et même histoire : l’Histoire du manifeste.

La fin de l’Histoire du manifeste?

Julian Rosefeldt ne signe donc pas uniquement un chef‑d’œuvre audiovisuel, mais également scénographique. En effet, l’agencement des court-métrages est pensé de façon à ce que chacun puisse être visionné de façon individuelle et indépendante, tout en offrant ce spectacle de « chant de manifestes ». Le tout fait prendre conscience au spectateur d’une réflexion sur l’Histoire. Une histoire de ces mouvements qui veulent enterrer le passé, entre un Lucio Fontana qui constate avec le situationnisme que « le vieux monde se meurt », un Manuel Maples Arce qui affirme par le stridentisme que « le passé, nous le laissons derrière nous, comme une charogne », ou une Yvonne Rainer qui, dans No Manifesto, souhaite « purger le monde de l’art mort » à travers la performance.

Paradoxalement, Manifesto nous montre la banalité du manifeste. En moins de deux siècles, il est presque devenu un genre littéraire à part entière, dont chaque nouvel exemple n’est rien d’autre qu’une émanation de son idée originale de renversement de l’ordre établi et de fondation d’un nouveau mouvement. Comment renverser l’art par un biais qui n’est déjà plus révolutionnaire? 

« Tout ce qui est solide se dissout dans l’air ». Le temps de la révolution contre le(s) manifeste(s) est-il venu?

 

Manifesto de Julian Rosefeldt, au MAC jusqu’au 20 janvier 2019.

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Christo, controverse à Iseo https://www.delitfrancais.com/2018/10/23/christo-controverse-a-iseo/ https://www.delitfrancais.com/2018/10/23/christo-controverse-a-iseo/#respond Tue, 23 Oct 2018 18:24:36 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=32158 «Ce projet n’est pas un tableau, pas une sculpture. Ce n’est pas quelque chose que l’on observe ou que l’on accroche à un mur. […] Tu dois prendre le temps de faire les cinq kilomètres — pas virtuellement, il faut vraiment marcher cinq kilomètres. » (Christo, 2016) Le 18 juin 2016, l’artiste bulgaro-américain inaugure The… Lire la suite »Christo, controverse à Iseo

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«Ce projet n’est pas un tableau, pas une sculpture. Ce n’est pas quelque chose que l’on observe ou que l’on accroche à un mur. […] Tu dois prendre le temps de faire les cinq kilomètres — pas virtuellement, il faut vraiment marcher cinq kilomètres. » (Christo, 2016)

Le 18 juin 2016, l’artiste bulgaro-américain inaugure The Floating Piers, qui relie les îles de Monte Isola et de San Paolo à la ville de Sulzano, en Lombardie, dans le nord de l’Italie. Cet ensemble de pontons dorés est composé de 220 000 cubes en polyéthylène recouverts de tissu jaune, flottants à la surface du lac Iseo et retenus par 190 ancres. Cette œuvre éphémère permet à la fois d’avoir l’impression de marcher sur l’eau, de contempler les montagnes aux alentours et de vivre une expérience artistique inédite, largement plébiscitée par les visiteurs. En effet, The Floating Piers a ainsi accueilli 1,2 million de visiteurs pendant ses seize jours d’ouverture, alors que la ville de Sulzano compte à peine plus de 2 000 habitants !

Malgré cette démesure, l’objectif de cette œuvre est avant tout d’être une expérience, éphémère, passagère, qui ne laissera aucune trace sur son environnement. Ainsi, les pontons ont été conçus en plastique de synthèse, et ont été intégralement recyclés à la fermeture de The Floating Piers. Cette œuvre s’inscrit dans la volonté de Christo de créer un art ouvert à tous, hors des musées, impossible à posséder ou à commercialiser, et faisant prendre conscience à chacun de la nécessité de poser un nouveau regard sur ce qui nous entoure, dans une optique plus écologiste que ses autres œuvres. L’artiste affirme que « l’urgence d’être vu est d’autant plus grande que demain tout aura disparu ».

Néanmoins, un groupe de consommateurs italiens s’est interrogé quant au bilan de l’œuvre : compte tenu du coût de nettoyage du lac et du coût environnemental de production des matériaux de l’installation, il est nécessaire de se demander si le recyclage des pontons compense les externalités négatives de l’œuvre, et si cette « compensation » n’est pas une manière de se donner bonne conscience, tout en ignorant son véritable impact écologique. Au total, cette œuvre a‑t-elle laissé une trace uniquement sur les photographies des touristes ?

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Ligne de fuite https://www.delitfrancais.com/2018/10/02/ligne-de-fuite-2-2/ https://www.delitfrancais.com/2018/10/02/ligne-de-fuite-2-2/#respond Tue, 02 Oct 2018 20:14:06 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=31937 « Une palette sur un Plateau »

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