Hénia Ould-Hammou - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/h-ould-ammou/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 23 Feb 2022 13:26:30 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Souffrances intemporelles https://www.delitfrancais.com/2022/02/23/souffrances-intemporelles/ Wed, 23 Feb 2022 13:26:30 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=47549 Nouveau souffle pour Les trois sœurs au TNM.

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Les trois sœurs, pièce de théâtre écrite par le dramaturge russe Anton Tchekhov et mise en scène par l’auteur québécois René Richard Cyr, revient sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 5 mars. Après un arrêt des représentations, pandémie oblige, Cyr annonce fièrement la continuation des spectacles aux côtés de sa troupe de comédiens incluant Noémie Godin-Vigneau (Olga), Rebecca Vachon (Irina) et Marie-Pier Labrecque (Macha). 

Le rideau se lève sur un décor sobre et 11 comédiens qui insuffleront la vie aux personnages de Tchekhov. Une musique folklorique russe rythme leurs premières actions; ils célèbrent l’anniversaire de la benjamine du trio un an après le décès de leur père. Les trois sœurs évoquent d’emblée leur désir de regagner le paradis perdu de leur enfance: Moscou.  L’ambiance est festive et les personnages arborent de grands sourires qui se dissiperont au fur et à mesure de la pièce. Des destins liés malgré la solitude, des douleurs professionnelles et amoureuses communes et des questions existentielles sur le sens de la vie, du bonheur et du travail animeront les discussions des personnages. 

«Si les textes de Tchekhov sont souvent perçus comme pesants, le metteur en scène québécois a su leur donner un nouveau souffle en les teintant d’un humour tantôt léger, tantôt cynique»

Un vent de changement souffle sur les mots 

Des sourires sincères et des rires aux éclats fusent dans la salle. Si les textes de Tchekhov sont souvent perçus comme pesants, le metteur en scène québécois a su leur donner un nouveau souffle en les teintant d’un humour tantôt léger, tantôt cynique. Ces dialogues ont été traduits en français et brillamment repris par Cyr. Ils apportent un zeste de douceur aux drames qu’impose l’histoire de Tchekhov.

Plus d’un siècle est passé depuis l’écriture des Trois sœurs, et la flamme qui l’anime semble toujours aussi vive et inextinguible. Malgré le caractère intemporel de cette pièce – ses questions existentielles sur le travail, le bonheur et l’ennui restent encore sans réponse – le choix des mots et des dialogues la rendent plus accessible à un public contemporain et francophone. Plusieurs personnages se lancent dans des logorrhées tout en s’adressant au public et en le fixant intensément, lui donnant l’impression que ces questions le concernent également. 

«Dans cette disposition ingénieuse de l’espace, les coulisses sont sur la scène; les comédiens changent de costumes sous les yeux du public et sortent leurs accessoires d’un banc intégré au décor»

Les coulisses rencontrent la scène

Une fois leur texte livré, les comédiens se mettent en retrait dans un coin de la scène et s’intègrent au décor en s’asseyant sur des chaises. Dans cette disposition ingénieuse de l’espace, les coulisses sont sur la scène; les comédiens changent de costumes sous les yeux du public et sortent leurs accessoires d’un banc intégré au décor. Ce cadre invite le spectateur dans l’intimité des personnages et peut ainsi lui laisser entendre que ses inquiétudes sont partagées et universelles. Les souffrances humaines des personnages décrites par Tchekhov en 1901 peuvent ainsi toucher un public contemporain. Et que dire du jeu des comédiens? Leur diction impeccable et leur éloquence rend l’écoute délectable. Un véritable plaisir auditif. Le jeu des comédiennes incarnant les trois sœurs marque bien leurs différences de caractère et met en lumière les malheurs distincts – notamment professionnels et amoureux – qui les consument. C’est un pari gagné pour René Richard Cyr et sa troupe.

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Racisme systémique: santé et services sociaux https://www.delitfrancais.com/2020/11/15/racisme-systemique-sante-et-services-sociaux/ Sun, 15 Nov 2020 21:40:03 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=39494 Discussion virtuelle sur le racisme systémique dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec.

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Le 28 octobre dernier avait lieu un webinaire coordonné par l’organisation Amnistie internationale et modéré par Marisa Berry Méndez, responsable des campagnes tactiques et réactions aux crises. La directrice générale du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ) et membre de la communauté innue de Pessamit Tanya Sirois, la travailleuse sociale et professeure à l’Université McGill Alicia Boatswain-Kyte et le pédiatre urgentiste également professeur à McGill Samir Shaheen-Hussain ont présenté les enjeux du racisme dans le système de santé et services sociaux québécois ainsi que des pistes de solution pour remédier à ce fléau. Le décès de la femme atikamekw Joyce Echaquan le 28 septembre dernier dans le Centre hospitalier de Lanaudière a suscité une forte émotion au sein des communautés autochtones et de l’ensemble du Québec. Le webinaire d’Amnistie internationale avait comme objectif d’aborder la «banalisation» de ce type de situation au Québec. Le mari de Joyce Echaquan, Carol Dubé, était d’ailleurs présent au webinaire, mais il ne s’est pas exprimé sur le sujet. 

Le cas de Joyce Echaquan: une situation commune

Tanya Sirois a entamé la discussion en déclarant la nature de son mandat au sein du RCAAQ. La directrice générale du regroupement a précisé que sa mission principale consistait à défendre les intérêts des autochtones en milieu urbain. Elle a soutenu que la question du racisme systémique dans le domaine de la santé ne serait pas un problème nouveau pour les autochtones. Selon elle, le racisme systémique est «banalisé, normalisé et toléré» dans la société québécoise, ce qui expliquerait les raisons du décès de la patiente atikamekw. Tanya Sirois a également noté que la tragédie de Joyce Echaquan ne serait pas un cas isolé et caractériserait une situation vécue par plusieurs autochtones. Elle a poursuivi en dénonçant le «manque de réactivité» des membres du personnel soignant qui contribuerait à la banalisation du racisme systémique en milieu hospitalier. Elle a toutefois ajouté que ce ne sont pas tous les individus du système qui seraient «racistes», mais que le système lui-même permettrait des instances de racisme. 

Une question d’actualité liée à l’histoire du Québec

Tanya Sirois a fait allusion à l’histoire du Québec en rapportant que «le racisme systémique n”[était] pas arrivé le mois passé» et qu’il dériverait principalement de la Loi sur les Indiens de 1876, que le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies considère discriminatoire. Elle a également évoqué la mise sur pied des pensionnats, le système de réserves et le «génocide culturel» des peuples autochtones. Tanya Sirois a déclaré que ces aspects de la Loi sur les Indiens ont préparé le terrain aux différentes manifestations du racisme systémique. Elle a ensuite affirmé que ce passé avait joué un rôle important dans la perception du personnel médical à l’égard des personnes autochtones. Les autochtones, a‑t-elle dit, sont considérées comme des citoyen·ne·s de seconde zone. La directrice du RCAAQ a avancé que ce statut ainsi que le manque de considération vis-à-vis de la spécificité culturelle des peuples autochtones contribuaient directement à la perpétuation du racisme systémique dans le domaine de la santé.  

Services sociaux: la «surreprésentation» des enfants noirs 

Une fois placés, les enfants noirs seraient beaucoup plus à risque de demeurer longtemps dans le «système alternatif»

Alicia Boatswain-Kyte

De son côté, la professeure Alicia Boatswain-Kyte a pris la parole pour traiter de la «surreprésentation des enfants noirs» dans le domaine de la protection de l’enfance. D’emblée, elle a affirmé que le racisme systémique vis-à-vis des personnes noires et le racisme systémique concernant les personnes autochtones étaient similaires. Ayant travaillé sur un projet de recherche doctoral examinant la place qu’occupent les enfants noirs dans les centres de jeunesse, la professeure a soutenu que ceux-ci seraient souvent signalés de manière disproportionnée et que le taux de placement de ces enfants serait cinq fois plus élevé que celui des enfants blancs. La travailleuse sociale a poursuivi en annonçant qu’une fois placés, les enfants noirs seraient beaucoup plus à risque de demeurer longtemps dans le «système alternatif».

Les facteurs de risque qui sous-tendent le placement exagéré des enfants noirs dans les centres jeunesse seraient liés au chômage, à la toxicomanie, à l’incarcération, aux problèmes de santé mentale et à la pauvreté des parents de ces enfants, selon l’intervenante. Elle a précisé que ces facteurs illustreraient les préjugés et la discrimination ancrés dans nos politiques. Ces préjugés et cette discrimination constitueraient des symptômes des désavantages subis par les familles noires. Elle a également exprimé son constat quant au manque de soutien social vis-à-vis des familles noires face aux conditions sociales citées ci-dessus et a indiqué que ces injustices prédisposeraient les enfants noirs à se retrouver dans le système de protection de l’enfance. En effet, il y a quelques mois, c’est la présidente de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse Régine Laurent qui exprimait son indignation vis-à-vis du haut taux de signalement des enfants noirs à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ): «La loi de la protection de la jeunesse [est] devenue une loi d’instrumentalisation raciste», a‑t-elle dit.

Le traitement des enfants autochtones dans le système de santé

Troisième intervenant à prendre la parole, le pédiatre urgentiste Samir Shaheen-Hussain s’est penché sur les restrictions imposées lors du transport sanitaire aérien d’enfants autochtones nécessitant une hospitalisation. Ces limitations symboliseraient des exemples de racisme systémique envers les Premières Nations. L’une d’elles serait l’interdiction des familles autochtones d’accompagner leurs enfants à bord de ces avions-hôpitaux en raison du manque d’espace. Le Dr Shaheen-Hussain a qualifié cette interdiction de «pratique dangereuse» étant donné que les enfants sont souvent incapables de communiquer avec le personnel soignant en raison de la barrière linguistique.

Le pédiatre urgentiste a souligné les cas d’enfants atikamekw disparus pendant qu’ils recevaient des soins à l’hôpital. Il présume que ces enfants ont été adoptés ou sont décédés. La campagne #TiensMaMain, lancée en 2018, s’attaque à cet enjeu en faisant pression sur le gouvernement québécois. Le Dr Samir Shaheen-Hussain a soutenu que cette «maltraitance envers les enfants autochtones» a renforcé le racisme dans le système de santé. Il a conclu en mettant l’accent sur l’inaction de l’ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette qui n’a pas tenu ses promesses de mettre un terme à cette pratique.

Regard vers l’avenir: des solutions proposées par les invité·e·s

Interrogée sur les solutions potentielles pour combattre le racisme systémique dans le domaine de la santé et des services sociaux, Tanya Sirois a indiqué qu’il était nécessaire de permettre la prestation de services à travers des organisations autochtones telles que le RCAAQ et de créer un environnement hospitalier sécuritaire qui ferait cas des spécificités culturelles autochtones. La travailleuse sociale Alicia Boatswain-Kyte a, quant à elle, suggéré qu’il fallait inciter les étudiant·e·s québécois·es à comprendre les origines de l’oppression des personnes noires et autochtones, notamment à travers des cours universitaires conçus par le système d’éducation. Elle a aussi suggéré qu’il fallait penser à une réorganisation des services sociaux qui faciliterait la coopération des individus venant des communautés opprimées avec les intervenant·e·s.  La modératrice a conclu la discussion en annonçant le prochain webinaire d’Amnistie internationale, le 25 novembre 2020, au sujet du racisme systémique en milieu policier. Selon les participant·e·s dans la discussion simultanée, ce webinaire a été l’occasion de discuter de certaines réalités souvent absentes des grands médias. 

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