Elisa Covo - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/elisacovo/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Fri, 26 Jan 2018 23:05:46 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 Dis-moi de quoi tu rêves… https://www.delitfrancais.com/2018/01/23/dis-moi-de-quoi-tu-reves/ Tue, 23 Jan 2018 22:14:43 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=30211 Retour sur Confidences sur l’oreiller, un essai sur les rêves, un spectacle envoûtant.

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Nuit blanche pour Dulcinée Langfelder dont le texte, récemment traduit en français, explore les incohérences poétiques de nos rêves. À coup d’amandes soufflées, d’insectes et de saucisses, l’artiste raconte ses nuits mouvementées. «Vous souvenez-vous de vos rêves?», nous demande Dulcinée Langfelder au début du spectacle. Si seulement 2% de la population en est capable, l’artiste a passé plusieurs années à enregistrer ses aventures nocturnes à l’aide d’un magnétophone de chevet. Seule sur une scène épurée, elle retranscrit ses nuits avec humour et mélancolie. Accompagnée d’un oreiller et d’un appareil photo, qui symbolise son père décédé, Dulcinée Langfelder expose son amour du sommeil, son imagination débordante, mais aussi ses peurs et ses angoisses les plus profondes. Le spectacle est rythmé par les apparitions de son père, muni de son Rolleiflex, qui raconte de temps à autres l’histoire de la petite fille qui courrait en cercle éternellement… Pendant ces instants de vulnérabilité, on sent l’artiste déstabilisée, presque perdue. Son récit devient fragmenté par les oublis de la dormeuse qui s’accroche en vain à son rêve. Mise à nue, Dulcinée Langfelder nous offre une interprétation touchante et juste. 

Rêveries érotiques

Mais la nuit, nous rappelle-t-elle, c’est aussi —et surtout— le temps du désir. Sur une musique envoûtante, l’artiste mime avec fantaisie sa série de rêves «Obama Erotika», où l’on retrouve l’ancien président américain en slip rouge de catcheur. En donnant la parole à ses fantasmes les plus intimes, Dulcinée Langfelder nous invite à assumer nos désirs charnels.

Car Confidences sur l’oreiller, c’est aussi une réflexion sur la relation entre corps et rêve. Dans l’introduction de sa pièce, façon TedTalk, Dulcinée Langfelder nous apprend que demeurer dans la position où l’on dort permet de mieux se souvenir de ses rêves au réveil.

L’aspect corporel du sommeil, mis en avant dès le départ, est un thème central du spectacle. Par la danse, Dulcinée Langfelder donne une matérialité à nos rêveries, et exploite ainsi leur potentiel artistique. La toile tendue à l’arrière de la scène, où n’est projeté qu’un oreiller blanc au début de la pièce, devient un support de création. Le rêve, représenté sur la toile vierge, se transforme en œuvre d’art, tout comme le corps de l’artiste qui se fond dans le décor onirique d’un tableau coloré. Avec de nombreux jeux d’ombres, Dulcinée Langfelder explore le caractère flou et indéfini de l’inconscient. Elle laisse place au hasard et refuse toute interprétation psychanalytique. Confidences sur l’oreiller, un essai sur les rêves narre donc avec poésie des histoires aussi absurdes qu’émouvantes, et nous permet de prolonger nos rêveries nocturnes le temps d’un spectacle.

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«Pour une photographie sociale» https://www.delitfrancais.com/2017/01/31/pour-une-photographie-sociale/ Tue, 31 Jan 2017 14:46:46 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27451 Entre tradition et modernité: retour sur l’exposition «Séoul C’est Loin» de Jules Tomi.

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Dans le cadre de son exposition «Séoul c’est Loin», qui s’est déroulée à la Glass Door Gallery du 27 au 29 janvier, Jules Tomi s’est penché sur la Corée du Sud. Ses photographies nous révèlent les cicatrices d’une modernisation précipitée et posent la question de la mémoire. À la croisée du photojournalisme et de l’ethnographie, son travail capte des instants purs, sans mise en scène. Le Délit est parti à la rencontre de ce jeune photographe talentueux.

Le Délit (LD): Pourquoi avoir choisi la Corée du Sud?

Jules Tomi (JT): Mon intérêt pour la Corée remonte à environ cinq ans. J’avais commencé à regarder des films coréens un peu par hasard. C’est un cinéma qui est très intéressant parce qu’il est profondément dynamique et varié. De fil en aiguille, j’ai fini par m’intéresser aux problématiques sociales et politiques abordées dans ces films. Quand j’ai intégré McGill, j’ai pris plusieurs cours sur l’Histoire et la langue coréenne afin d’approfondir mes connaissances. Au bout d’un moment, me rendre en Corée est devenu une évidence.

LD: Avais-tu un projet déjà bien défini avant de partir ou s’est-il dessiné au fil du voyage?

JT: Je savais que j’allais en Corée pour prendre des photos, mais j’ignorais quelle forme prendrait mon travail. Vers le milieu de mon voyage j’ai pris une photo qui m’a inspiré le terme «post-industrial melancholy» (mélancolie post industrielle, ndlr). J’ai su dès cet instant que ces trois mots seraient le fil conducteur de mon projet.

LD: Qu’entends-tu par ce terme?

JT: Il s’agit de ce que j’ai ressenti dans ce pays qui se trouve entre deux étapes civilisationnelles. La Corée s’est modernisée extrêmement vite, ce qui a donné lieu à toutes sortes de crises sur les plans politique, économique et social. Le pays est inévitablement marqué par cette tension entre l’ancien et le nouveau. C’est quelque chose que j’ai cherché à faire paraître dans mon travail. Ma photographie intitulée Passage fait référence à un passage à travers le temps. On y voit une muraille qui a probablement des centaines d’années derrière laquelle se trouvent des grands ensembles d’habitations modernes. Mon projet se penche également sur le dialogue entre zone urbaine et zone rurale. En effet, les villes sont le site de la modernité, tandis que les campagnes représentent la tradition.

LD : Comment la tension entre modernité et tradition se manifeste-t-elle dans ton travail?

JT: Pour reprendre Alexis de Tocqueville, une société cesse de fonctionner à partir du moment où les feux du passé n’éclairent plus l’avenir. Le futur doit être construit en relation à une certaine mémoire. Dans un pays comme la Corée où tout change très rapidement, on a tendance à vouloir se débarrasser du passé. La question que je pose dans mon travail est: existe-t-il un effort de mémoire et cette mémoire est-elle sélective?

LD: Pourquoi as-tu intitulé ton exposition «Séoul c’est Loin»?

JT: Je ne parle pas d’une distance géographique. La distance vient du fait que la modernisation est un phénomène difficile à comprendre de par sa rapidité. La Corée s’est modernisée en seulement cinquante ans. C’est difficile de rester sain d’esprit dans un contexte aussi intense où tout va très vite.

LD: Tu te définis comme un photographe social. Qu’est-ce-que cela signifie?

JT: Ma pratique de la photographie est très influencée par la sociologie qui est le domaine dans lequel j’étudie. À travers mes photos, j’essaie de témoigner de ma compréhension de certains phénomènes sociaux. Je m’inspire du photojournalisme, de la photo documentaire, mais je ne recherche pas l’objectivité. 

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