Clémence Auzias - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/clemenceauzias/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Wed, 02 Oct 2019 13:39:24 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Éveiller ses sens https://www.delitfrancais.com/2019/10/02/eveiller-ses-sens/ Wed, 02 Oct 2019 13:39:24 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=34523 Retour sur Danse mutante et Antichambre à l’Agora de la danse.

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L’Agora de la danse a débuté sa saison d’automne à l’édifice Wilder ce 17 septembre dernier avec Danse mutante de Mélanie Demers et poursuivait cette semaine avec Antichambre d’Aurélie Pedron. Avec ces deux performances, l’Agora reste fidèle à sa mission : inviter le public à vivre des expériences de danse contemporaine diverses et lui permettre de percevoir le monde autrement. Danse mutante présente quatre chorégraphes pour un seul duo de danseurs et le tout se déroule comme un relais. Durant celui ci, le public découvre quatre performances riches en sons, lumières et provocations. Dans Antichambre au contraire, le·a spectateur·rice fait partie intégrante de l’œuvre. Il·elle est plongé·e dans la pénombre et le silence, et accède à une expérience sensorielle incomparable. Ces deux spectacles, qui engagent le public de manière bien différente, se rejoignent sur certains points, notamment par la sensualité qui se dégage à travers les deux performances et leurs interprétations innovantes de la danse. 

Destruction, reconstruction et malaise

Danse mutante invoque l’art de la destruction puis de la reconstruction. La chorégraphie originale de Mélanie Demers est réinterprétée trois fois durant les deux heures et demie que durent la performance. Le duo de danseurs démarre dans un décor épuré, presque nu et avec pour seuls attributs une serviette et une canette. Ils se peignent le visage puis commencent lentement à danser sans se toucher, puis se rapprochent et finissent par s’enlacer. Cette première partie est pleine de sensualité et d’élégance, mais est interrompue par une séquence durant laquelle les deux danseurs parlent puis crient, en fixant l’audience comme s’ils s’adressaient à elle. Ce passage, qui tente d’impliquer les spectateurs, n’a pas l’effet escompté et brise le bel équilibre du début. Dans la version suivante, d’Ann Liv Young, les danseurs endossent de nouveaux rôles et enfilent perruques et robes. Ce changement radical provoque de nombreux rires au début, mais, alors que la performance se prolonge, les allusions au harcèlement sexuel se multiplient pour finalement se terminer par une simulation de viol. Cette scène provocante et dérangeante plonge l’audience dans un malaise palpable au moment précédent l’entracte. Ce sentiment s’estompe au début de la troisième variation, dans laquelle Kettly Noël crée une ambiance chaleureuse avec des étoffes colorées au sol, un éclairage à la bougie et une bande sonore qui rappelle le bruissement du désert. L’audience est transportée et les danseurs exécutent à nouveau des mouvements de danse précis, sensuels et élégants comme dans la première variation. Puis, ils changent à nouveau de rôles. L’un imite un homme blanc à la recherche d’exotisme sexuel pendant que l’autre se transforme en prostituée. Cette scène fait émerger à nouveau le malaise, mais cette fois-ci il disparaît lorsque la prostituée se rebelle et soumet l’homme blanc. Ces changements d’émotions brusques se produisent tout au long du spectacle et dans la variation finale, créée par Ann Van den Broek. Dans celle-ci, le sentiment de révolte présent à la fin de la performance précédente s’estompe, les danseurs et le décor changent ; l’on retrouve la sobriété du début. Aucun mouvement de danse n’est esquissé et, pendant les dernières minutes du spectacle, le duo se contente de chanter, en répétant les mêmes gestes et sans exprimer la moindre émotion. La performance devient longue et pesante et les spectateur·rice·s semblent ressortir de la salle perdu·e·s et sans trop savoir quoi en penser.

Au-delà de l’ouïe et de la vue

Du côté d’Antichambre, les spectateur·rice·s sont aussi perdu·e·s, mais cette confusion ne dure pas. Dans cette performance interactive, les spectateur·rice·s sont au coeur du dispositif et ne sont pas de simples témoins. Ils·elles entrent dans l’œuvre et la performance artistique dépend de leur propre performance. À l’entrée de l’antichambre, chacun·e doit couvrir ses oreilles d’un casque et ses yeux de lunettes qui permettent seulement de distinguer des silhouettes et des points de lumières. Ils·elles sont ensuite guidé·e·s vers un couloir étroit qui débouche sur un espace que chacun·e peut explorer à sa guise durant les prochaines 50 minutes. Cette exploration hors du commun passe essentiellement par le toucher puisque les sons sont atténués et la vision floue. Le·a spectateur·rice, ou plutôt le·a visiteur·euse, découvre ainsi des murs doux, une piscine remplie de billes gluantes à l’odeur d’huiles essentielles et surtout des danseur·euse·s guides. Ces dernier·ère·s guident ou se laissent guider, font danser les visiteur·euse·s ou bien les effleurent simplement. Au début, chaque personne semble un peu déboussolée, timide et n’ose pas trop toucher les autres ou s’aventurer trop loin dans la pénombre. Mais plus le·a visiteur·euse découvre de nouveaux espaces, plus cette envie de découverte grandit et plus il·elle désire explorer chaque recoin de l’espace. Quant à la peur des autres, elle s’estompe petit à petit et les visiteur·euse·s apprennent à apprécier et rechercher le contact d’une main ou l’effleurement d’une épaule. Contrairement à Danse mutante, où sons et lumières sont très présents, Antichambre trouve son originalité en l’absence de ceux-ci. L’expérience repose essentiellement sur le sens du toucher, rare pour le·a spectateur·rice dans une performance habituelle de danse, et celui-ci donne toute sa sensualité à la performance artistique. Chacun·e est libre d’aller à la recherche de l’autre ou de continuer son exploration en solitaire. Cette expérience est un merveilleux moment de liberté et de relaxation, voire de méditation, où chacun·e est coupé·e de la vie bruyante et pleine de lumières caractéristique de notre monde moderne. Les visiteur·euse·s plongé·e·s dans cet espace minimaliste peuvent apprendre ou réapprendre à écouter leur corps et à le laisser s’exprimer, communiquer et interagir avec les autres. Comme Danse mutante, cette performance est tout aussi originale et expérientielle. En revanche, au lieu de susciter un sentiment de mal-être qui va et vient, elle suscite rapidement une sensation de bien-être. 

Un changement de perception 

Les chorégraphes ont pris des risques avec ces deux performances artistiques qui poussent le public hors de sa zone de confort et aspirent à le faire devenir acteur plutôt que spectateur. Si ce parti pris est bien réussi dans Antichambre et crée un changement de perception chez l’auditoire, cela est plus mitigé pour Danse mutante. Certains passages sont trop dérangeants et atténuent le potentiel qu’ont d’autres moments chorégraphiques absolument magnifiques. Pour éveiller ses sens et être surpris·e, l’Antichambre est l’endroit où se rendre, se laisser entraîner, s’abandonner et vivre l’instant présent le temps d’une soirée. 

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Immortaliser les années https://www.delitfrancais.com/2019/09/10/immortaliser-les-annees/ Tue, 10 Sep 2019 16:24:15 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=34171 Le Délit a assisté à une projection du nouveau film de Liza Azuelos et l’a rencontrée.

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Le 3 mai 2019 au Cinéplex Odéon s’est déroulée la projection très émouvante du dernier film de Liza Azuelos, Mon bébé.  Les spectateurs ont découvert à travers l’écran la vie d’Héloïse, une mère de trois enfants, dont la petite dernière, Jade, se prépare à partir faire ses études au Canada. C’est ainsi que commence une succession d’anecdotes du présent et du passé, qui relatent la belle relation et la complicité mère-fille entre les deux personnages principaux. La réalisatrice Lisa Azuelos a présenté cette dernière oeuvre  accompagnée de sa fille Thaïs Alessandrin, qui joue le rôle de Jade. La représentation était une avant-première du film et aucun siège n’est resté inoccupé, la plupart étant pris par des étudiants de l’Université McGill, venus voir à l’écran leur nouvelle célébrité locale, Thaïs. Le parcours du personnage de Jade dans le film retrace son histoire à elle, sa relation avec sa mère et plus particulièrement les mois précédents son départ pour le Canada, où elle poursuit maintenant des études à McGill. Et c’est justement cela qui a rendu cette projection unique et émouvante, sentiment ressenti par Mme Azuelos elle-même. « Cette représentation était très particulière, je n’ai jamais eu une représentation avec seulement des jeunes et en plus, je sais qu’ils sont tous concernés et que ça les a beaucoup touchés parce que la plupart ont dû quitter leur famille en venant ici », nous confie-t-elle lors d’une entrevue.

Le film est touchant pour ceux qui ont vécu la même situation, mais aussi pour les autres, car Azuelos invite les spectateurs chez elle, dans sa maison, à ses petits-déjeuners et dans sa vie pendant les deux heures que dure la projection. « Une fois que c’est à l’écran, c’est joué, et même si c’est ma vie, la plupart des gens vont dire qu’on dirait que j’étais chez eux et que j’ai filmé leur vie. On parle toujours des gens comme si on n’en faisait pas partie, mais les gens, c’est nous aussi ; on n’est pas si unique que ça », affirme Azuelos. Et ce n’est pas la première fois que la réalisatrice se lance dans ce genre de projet. En effet, elle racontait déjà sa vie dans Lol, Une rencontre et Comme t’y es belle!. Elle-même reconnaît cette tendance : « En fait, je fais ça dans tous mes films, j’ai l’habitude de romancer ce qui m’arrive et de me servir de ma vie pour créer. Je ne fais pas des univers parallèles très différents, je fais surtout ma vie et j’essaie de la rendre universelle pour tout le monde. » Et si elle veut rendre sa vie universelle, c’est parfois aussi pour communiquer avec une audience féminine et l’aider en apportant les réponses qu’elle-même a déjà trouvées : « Avant, j’avais besoin de parler de moi, de ma vie, de mon expérience de femme. C’était important pour moi de partager ça, parce que je sentais qu’il y avait beaucoup de femmes en souffrance, qui se posaient des questions et parfois, moi j’avais la chance d’avoir répondu à ces questions. »

Les gens, c’est nous aussi ; on n’est pas si unique que ça

Relation mère-fille

Si ce besoin de créer un dialogue avec d’autres femmes est présent dans Mon bébé, Azuelos a aussi été motivée par le sentiment que les choses allaient changer dans sa vie et qu’elle voulait les immortaliser avant qu’il ne soit trop tard. L’idée pour son projet de film lui est venue après avoir vu le film Boyhood (Linklater, 2014). Une scène l’a particulièrement touchée, pendant laquelle le fils s’en va pour faire ses études avec un petit carton qui contient toute sa vie passée avec sa mère ; c’est à partir de ce moment-là qu’elle a commencé à filmer sa vie avec son iPhone ; elle voulait garder une trace de son appartement, de ses petits-déjeuners et de sa vie avec ses enfants. « Mes films, je les fais aussi pour ça, c’est comme si je voulais pouvoir redonner un sens au temps qui est passé et pouvoir le partager », ajoute Azuelos.

En plus de cette motivation très personnelle, le choix des acteurs pour les rôles principaux avait aussi une grande importance pour Azuelos. Thaïs Alessandrin joue son propre rôle dans le film et Sandrine Kiberlain joue sa mère, le rôle d’Azuelos. « Elle a le même humour que moi et il me fallait quelqu’un qui peut improviser, qui a de l’humour », dit la réalisatrice. Et Azuelos n’a pas fait son choix au hasard, car elle ajoute ensuite : « En plus, elle a vécu ça avec sa fille, donc elle était très proche des sentiments du film et j’ai trouvé ça super intéressant de travailler avec elle. » Après avoir organisé une première rencontre entre Thaïs et Sandrine pour s’assurer que les deux futures actrices s’entendraient bien, le tournage a été lancé et s’est déroulé dans une ambiance amicale et agréable. « Mes tournages se passent toujours bien, j’essaie de faire en sorte que les gens se sentent comme chez eux et ça crée une ambiance sympa dans laquelle on travaille mieux […] et pour moi, c’est surtout l’occasion de matérialiser un scénario, ce n’est pas le moment d’aller chercher des choses, elles arrivent naturellement », explique Azuelos.

C’est comme si je voulais pouvoir redonner un sens au temps qui est passé et pouvoir le partager

La création de ce film plein de vie et de bonne humeur aura apporté beaucoup à son audience, mais avant tout à la réalisatrice elle-même. Les spectateurs, adolescents comme parents, peuvent s’y retrouver et se replonger dans leurs propres souvenirs. Ce voyage nostalgique, mais aussi heureux, les fait ressortir de la salle touchés et avec l’envie d’en discuter. « Sous ses airs de comédie, Mon bébé est un film profond et il a nécessité beaucoup d’énergie pour moi », confie Azuelos. Et pour elle, en plus d’un voyage dans ses souvenirs, le film lui a permis de mieux vivre le départ de sa fille : « Je commence à être prête à passer à autre chose ; c’est ma manière artistique de m’en sortir. C’est quand même une séparation qui est importante et le fait de le mettre en images et de le romancer m’a aidé à faire la transition. » Malgré le côté comique, Mon bébé est donc un film  qui fera rire certains comme il en poussera d’autres à appeler leurs parents dès qu’ils rentreront chez eux.

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Danser sa liberté https://www.delitfrancais.com/2019/04/02/danser-sa-liberte/ https://www.delitfrancais.com/2019/04/02/danser-sa-liberte/#respond Tue, 02 Apr 2019 13:35:09 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=33813 Le Délit a rencontré le réalisateur du film Au temps où les Arabes dansaient, Jawad Rhalib.

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Le Festival International du Film sur l’Art (FIFA) a débuté sa 37ème édition avec un bel hommage à la liberté d’expression. Au temps où les Arabes dansaient est un film de Jawad Rhalib qui dénonce un monde moderne parfois perçu comme étant de plus en plus ouvert et sans censure, mais dans lequel des artistes sont pourtant forcé·e·s au silence par la crainte de représailles.

Le Délit (LD) : Avant de devenir cinéaste, est-ce que vous avez eu d’autres envies artistiques?

Jawad Rhalib (JR) : Non, [j’étais] très mauvais danseur et très mauvais chanteur. Mais depuis que je suis tout petit, je suis révolté parce que j’ai vécu l’enfer, donc il fallait que je m’exprime. Je me faisais taper facilement, donc j’étais faible et il fallait que je trouve une arme pour pouvoir répondre, mais pas qu’à une seule personne […] et le cinéma c’est formidable pour ça. J’aurais bien aimé jouer de la musique ou danser, je trouve ça merveilleux et magnifique, mais je n’y arrive pas donc autant laisser ça aux autres et faire ce que je sais faire.

LD : Quand vous dites que vous avez vécu l’enfer, à quoi était-ce dû?

JR : C’était parce que ma mère était une femme très libre, libérée, qui s’en foutait royalement de tout le monde, qui s’habillait comme elle voulait et qui dansait, sauf qu’elle ne savait pas que moi, dans le quartier et à l’école, les gosses m’insultaient à travers elle. On me traitait de « fils de prostituée » ou de fils de femme légère. J’étais dans des bagarres et c’était humiliant, en fait. Quand j’étais petit, les mères dans l’immeuble où on habitait portaient le foulard, et elles sortaient avec. Moi, je rêvais juste que ma mère le mette aussi ainsi qu’une djellaba pour être comme les autres, pour que je ressemble aux autres enfants et que je sois fier.

LD : Est-ce que tes parents ont vu le film?

JR : Mon père est décédé il y a un an et deux mois, donc il ne l’a pas vu complètement, et ma mère l’a vu, bien sûr. C’est une femme qui adore l’image et qui adore se voir à l’écran. Elle a beaucoup aimé et elle est très contente que l’œuvre voyage et touche les gens.

LD : Quand est-ce que vous avez commencé ce projet?

JR : C’est un travail de plusieurs années. Comme c’est sur l’art et sur plusieurs artistes, il fallait soigner l’image, la musique et tout le reste. Aussi, c’était important pour moi qu’il soit vu dans une salle de cinéma. Au total, c’est cinq ans de travail, entre la préparation, la recherche de financement, la recherche des artistes, le contact avec les artistes. [La discussion avec eux] a pris deux ans d’échange. Par exemple, pour pouvoir suivre l’histoire de Karina Mansur, la professeure de danse en Égypte, cela a pris deux ans d’échange avec elle par Skype et par courriel. Cela est normal, parce que les artistes ont eu peur que ce soit un film polémique, donc il y avait une confiance à installer.

LD : Comment avez-vous  trouvé les artistes pour votre film?

JR : Je ne connaissais aucun artiste. Il a donc fallu faire des recherches afin de trouver des artistes engagés et en processus de création. De plus, il fallait qu’on ait quelque chose à raconter visuellement pour éviter justement trop d’interviews face caméra. On ne pouvait pas prendre un écrivain, par exemple, parce qu’on fait de l’image. Dans le film, il y a seulement deux interviews face caméra, mais dans tout le reste du film, on les suit dans leur vie de tous les jours.

LD : Comment avez-vous fait pour filmer tout en gardant l’authenticité et la spontanéité de ces artistes?

JR : En fait c’est une recette personnelle, on fait en sorte d’être là et de se faire oublier le plus possible. Tout est une question de temps, de ne pas filmer rapidement et de choisir le moment où on change d’angle ou d’axe. Chaque cinéaste a ses méthodes, et pour le moment je ne partage pas trop la mienne. Il n’y a aucune intervention [de ma part] dans ce qui est dit, donc ils [les acteurs] sont libres. Ça ne se fait pas en une journée, mais en plusieurs jours.

LD : Est-ce que vous avez déjà eu des retours de la part de personnes qui ont vu le film?

JR : Oui, c’est l’avantage de projeter le film dans une salle, en festival ou en avant-première. Comme hier à Québec, c’était super intéressant et émouvant, le public s’est levé et il y a eu un vrai échange. Il y avait le représentant de la communauté musulmane à Québec qui était là, qui lui a été un petit peu nuancé. [Il a dit] qu’il avait vécu le chaud et le froid pendant tout le film parce qu’il était un peu saisi par ce qu’il a vu. En général il y a des bêtises qui se disent dans la salle, mais heureusement la majorité des spectateurs ont réagi très bien. Quand la majorité du public est d’origine arabo-musulmane et qu’il n’y a aucune critique à ce niveau-là, cela signifie qu’on a fait notre travail comme il faut.

LD : Quel a été pour vous un des moments les plus forts du tournage?

JR : Celui avec les jeunes, au Maroc, qui sont confrontés au fondamentalisme tous les jours. Là où ils grandissent, c’est un quartier au Maroc […] où il y a un seul centre culturel au milieu de 17 associations islamistes. Ce sont des jeunes qui ont des envies de s’exprimer et ça, c’était très émouvant et ça m’a beaucoup touché. J’ai peur pour leur avenir, j’ai peur de comment ils vont pouvoir s’exprimer en tant qu’artistes parce qu’ils ont envie de faire ça au sein de cette communauté où l’extrémisme (du fondamentalisme religieux, ndlr) prend de l’ampleur.

LD : Essayez-vous souvent d’aborder des sujets sensibles dans vos films?

JR : Dans tous mes films, ce qui est important pour moi, c’est de changer les choses.  On a réussi à changer beaucoup de choses dans le monde à travers un certain nombre de documentaires. Je pense notamment Au nom de la coca sur les producteurs de feuilles de coca et Ebo Morales – actuel président de Bolivie qui était à l’époque leader des cocaleros (les producteurs de feuilles de coca, ndlr) et recherché par les Américains. On a réussi à faire un film sur lui, ce qui lui a permis de se faire connaître un peu plus. On a pu changer les choses pour des travailleurs dans les serres espagnoles, avec el ejido (la loi du profit, ndlr).

LD : Avez-vous des projets futurs dans ce même esprit?

JR : On travaille sur un long métrage de fiction sur l’éducation. Sinon, on commence le tournage au mois de mai sur un sujet beaucoup plus compliqué, mais je ne peux pas en dire trop.

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Avancer le diagnostic de plusieurs maladies rares https://www.delitfrancais.com/2018/02/28/avancer-le-diagnostic-de-plusieurs-maladies-rares/ https://www.delitfrancais.com/2018/02/28/avancer-le-diagnostic-de-plusieurs-maladies-rares/#respond Wed, 28 Feb 2018 17:25:20 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=30723 Le Délit a rencontré David Rosenblatt, chercheur pour l’IR-CUSM.

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En ce début d’année, des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé de McGill (IR-CUSM), en collaboration avec l’Université de Lorraine, ont découvert l’épimutation responsable de certaines maladies génétiques qui impliquent la vitamine B12. Le docteur David Rosenblatt, chercheur pour l’IR-CUSM, travaille sur cette vitamine depuis ces débuts dans la science et a participé à cette collaboration. Le Délit l’a rencontré afin de comprendre les enjeux de cette nouvelle découverte. 

Le Délit (LD): Comment ce projet a‑t-il commencé? Et pourquoi avoir choisi de se concentrer sur la vitamine B12?

David Rosenblatt (DR): Je travaille depuis très longtemps sur les maladies génétiques en lien avec la vitamine B12; j’ai d’abord commencé à travailler sur les maladies génétiques liées à l’acide folique quand j’étais à Boston et puis quand je suis revenu à Montréal je suis passé à la vitamine B12. En 1975, on a commencé à s’intéresser aux troubles héréditaires causés par cette vitamine: certains enfants qui ne peuvent pas l’activer grandiront avec des problèmes de sang (anémie) ou de cerveau. La vitamine B12 est très intéressante et très importante aujourd’hui parce que la tendance est au végétalisme ou au végétarisme et elle se trouve principalement dans la viande. Donc, si vous êtes végétalien, vous devez la prendre en supplément parce que votre corps ne peut pas la métaboliser seul et elle ne se trouve pas dans les légumes.

LD: Existe-t-il d’autres laboratoires comme le vôtre qui s’intéressent à ces maladies? Quel est l’intérêt d’étudier des troubles si spécifiques?

DR: Ces troubles sont rares et il y a seulement deux centres de recherche dans le monde qui les étudient, le nôtre à Montréal et un autre à Zurich, en Suisse. Ici, nous avons réussi à identifier des patients qui ont des mécanismes d’activation de B12 bloqués à différents endroits. Ensuite, nous les comparons à des patients normaux, sans la maladie, et observons les différences dans le processus d’activation de la vitamine. Grâce à cette méthode, nous avons pu trouver et comprendre ce mécanisme d’activation. C’est là l’importance d’étudier des patients atteints d’une maladie rare parce que vous savez que leur mécanisme est bloqué et que cela cause une maladie.

Il y a seulement deux centres de recherche qui les étudient, le nôtre à Montréal et un autre à Zurich, en Suisse

LD: La maladie étudiée pour ce projet rend les patients incapables de métaboliser la vitamine B12. Pouvez-vous nous en dire plus sur la mutation qui en est à l’origine?

DR: Cette maladie est due à une mutation du gène MMACHC et les personnes atteintes ne peuvent activer aucune des deux formes de B12 (un méthyle et une adénosine). C’est une maladie autosomique récessive donc normalement pour l’avoir, vous devez avoir une mutation héritée de la mère et une du père. Nous avons remarqué, après avoir étudié environ 500 patients, que dans certains cas nous ne trouvions qu’une mutation chez un des deux parents mais que le patient agissait comme s’il avait la maladie. Nous n’avons jamais pu découvrir ou était la deuxième mutation et cela a duré de nombreuses années. J’ai alors travaillé avec Jean Louis Guéant (Université de Lorraine) et il a fait l’observation que ce qui devait se passer est que, au lieu d’être muté, le gène été complètement désactivé chez le second parent et chez l’enfant, ce qui permettait à la mutation d’être exprimée. Cela explique pourquoi nous ne pouvions pas trouver la deuxième mutation dans ces patients; elle n’était pas sur le gène lui-même mais sur un gène en aval, qui cause un effet d’inactivation secondaire appelé épimutation.

LD: La découverte de cette épimutation est-elle plutôt une bonne nouvelle ou pas?

DR: Le côté positif d’une épimutation est que, en théorie, nous pouvons la traiter avec un produit chimique, l’azacitidine, qui permet la réexpression et donc la réactivation du gène affecté. Il y a encore un long chemin à parcourir, mais au moins c’est un processus en cours et le plus intéressant est que ce mécanisme peut être généralisable pour beaucoup de maladies où l’on ne trouve qu’une seule mutation. C’est pour cela que nous sommes très enthousiastes et nous essayons de travailler ensemble sur une subvention avec les pays européens impliqués dans ce projet de recherche afin de généraliser ce phénomène.

LD: Pour revenir sur la collaboration entre les différents laboratoires impliqués, quel est le rôle que chacun a joué?

DR: Comme je l’ai mentionné, notre laboratoire et celui de Zurich sont les seuls endroits au monde où les gens sont diagnostiqués pour cette maladie où le gène MMACHC est muté et nous possédons une grande collection de cellules provenant de nos patients. C’est pour cela que les chercheurs ont tendance à nous contacter quand ce gène est concerné, donc quand Guéant a observé cette épimutation en France, il a demandé si nous avions des patients comme ceux-ci et si nous avions des cellules qu’ils pourraient utiliser. Ensuite, nous avons contacté le laboratoire de Zurich pour voir s’ils avaient aussi des mutations similaires et c’est comme ça qu’ils ont rejoint le projet. Cette collaboration avec ces deux laboratoires a été vraiment fructueuse et a très bien fonctionné parce qu’elle permet à plusieurs scientifiques avec différentes expertises de se retrouver après qu’ils aient fait des tests chacun de leur côté.

LD: Quels sont vos projets pour le futur après cette découverte?

DR: Pour ce qui est de la recherche, nous mettons une proposition de subvention avec le groupe français, le groupe suisse, un groupe à Prague et un autre en Allemagne pour généraliser cette découverte à d’autres maladies rares. Cette découverte est aussi directement applicable aux diagnostics des patients et nous pouvons faire des changements tout de suite. Notamment, maintenant que nous connaissons le mécanisme génétique, nous pouvons détecter des porteurs de l’épimutation au sein de la famille et si l’un des enfants grandit avec et qu’il rencontre un autre porteur, nous pouvons les aider afin d’éviter d’avoir des enfants ayant la maladie. Par contre la thérapie est une autre question, nous devons d’abord trouver un modèle animal; nous travaillons actuellement sur un facteur de transcription avec un laboratoire à Denver et un au Texas, qui étudient respectivement les poissons-zèbres et certains modèles de souris. Dans tous les cas, notre laboratoire va continuer de collaborer avec d’autres chercheurs, car nous ne pouvons pas tout faire et plutôt que de développer un énorme laboratoire, je préfère me concentrer sur certaines expertises et compétences.

LD: Avez un mot à ajouter pour terminer cette entrevue?

DR: J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur ce projet car il prouve que lorsque vous avez affaire à des maladies rares, vous pouvez obtenir des leçons très intéressantes en biologie et que lorsque l’on travaille avec le système humain, même si l’on n’arrive pas immédiatement à la réponse finale, on peut toujours aider les gens avec des réponses intermédiaires.

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Évasion toute en lenteur https://www.delitfrancais.com/2018/01/31/evasion-toute-en-lenteur/ https://www.delitfrancais.com/2018/01/31/evasion-toute-en-lenteur/#respond Wed, 31 Jan 2018 17:07:25 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=30306 Le temps s’arrête au Théâtre Maisonneuve.

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Il faut parfois savoir ralentir le temps et prendre le temps de vivre. C’est ce que permet de faire la chorégraphe taïwanaise Lin Lee-Chen à travers son nouveau spectacle, Résurgences Oniriques. La lenteur, la pureté mais aussi l’énergie sont au rendez-vous sur la scène du Théâtre Maisonneuve pour offrir à l’audience un spectacle hors du temps.

La lenteur prend le dessus

Lee-Chen crée immédiatement une ambiance lente avec l’entrée en scène de deux musiciens qui s’avancent pas à pas pour finalement commencer à jouer une musique intense. Le public, principalement américain ou européen, ne tient pas en place devant ce choc de cultures. Certains toussotent, d’autres se jettent des regards confus et tous se demandent quand le spectacle prendra son envol.

Si leur idée d’un spectacle consiste en des mouvements techniques enchaînés à vive allure, ils pourront attendre longtemps; la lenteur est omniprésente et il faut apprendre à l’apprivoiser.

Heureusement, dans le monde de Lee-Chen, lenteur n’équivaut pas à ennui ou manque d’énergie. Au contraire, l’audience peut ressentir le dynamisme bouillonnant des danseurs, chanteurs et musiciens. Dès le commencement, une danseuse seule, presque nue, recouverte de poudre blanche et parée d’une chevelure démesurée, fait tourner sa tête et ses cheveux au son des tambours. Lee-Chen introduit au fil du spectacle les thèmes de la pureté et de la nature qu’elle continue de développer à travers chaque mise en scène.

Pureté et énergie

Pour ce qui est de la pureté, les costumes traditionnels recouvrent très peu le corps des danseurs, et leurs mouvements restent sobres. Éclairés de manière à intensifier les contrastes de couleur, ils font surgir des enchaînements presque inhumains par leurs quelques mouvements purs et lents. 

Le spectacle prend un tournant quand, soudain, alors que tout est fait dans le calcul lent des mouvements, toute l’énergie jusqu’alors contenue, explose au grand jour dans une suite de mouvements tribaux, qui ressemblent à une lutte sans contact. Les danseurs tournent, crient, courent sur scène et entraînent le public dans un tourbillon d’énergie qui marque, d’autant plus qu’il est inattendu au milieu de toute cette lenteur.

Si cette explosion d’énergie est de toute beauté et embarque le spectateur, il est dommage que le spectacle ne se termine pas sur cette note. En effet, il fut difficile de revenir à la lenteur passée et la fin s’est fait attendre. Si cela peut affadir la magie créée par Lee-Chen, les applaudisements et les regards du public témoignent de son émerveillement.

Créer un univers hors du temps

Quand les lumières se rallument c’est un véritable retour à la réalité qui se produit. C’est comme si l’audience revenait d’un long voyage, pendant lequel elle n’a pas marché au rythme de la technologie et de l’empressement constant mais plutôt à celui des tambours et des cycles de la nature. Lee-Chen offre donc quelques heures hors du temps pour s’évader du stress quotidien et s’envoler vers une atmosphère paisible.

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L’amour dans la guerre https://www.delitfrancais.com/2017/11/14/lamour-dans-la-guerre/ Tue, 14 Nov 2017 17:14:38 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29874 Dieu, religion, et guerre: Boukhrief présente un amour impossible.

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Dans La confession, le nouveau film de Nicolas Boukhrief avec Romain Duris et Marine Vach, le spectateur découvre l’histoire d’un amour impossible entre un prêtre et une jeune communiste. En arrière plan, on se retrouve dans un petit village français occupé par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, bien que le film soit centré sur les échanges entre le père Morin, interprété par Romain Duris, et la jeune Barny (Marine Vach). Le spectateur arrive à se laisser entrainer dans ce débat sur la foi, grâce au jeu excellent des acteurs et aux problématiques abordées.

Un dialogue ouvert sur Dieu

Le public retrouve ici Romain Duris dans un rôle plus sérieux que ceux qu’il jouait les films de son début de carrière. Cependant, l’acteur garde malgré tout son style habituel, un air malicieux et un sourire en coin toujours présent. Son jeu d’acteur associé à celui de Marine Vach invite le public à entrer pleinement dans leur dialogue.

Ce dialogue est un échange sur la foi au long duquel les acteurs se questionnent, se provoquent mutuellement et essaient de démontrer leurs idées par tous les moyens possibles. La tension croissante entre les deux personnages, de par l’amour impossible qui les unit, rend le film plus humain et lui donne une nouvelle dimension, lui permettant ainsi d’aller au delà d’une simple conversation.

Cet échange d’idées tout au long du film lui donne un aspect très réfléchi au film et surtout évite d’imposer une idée ou une autre. Les personnages échangent tandis que l’audience forme sa propre opinion sur le sujet, chacun pouvant interpréter les débats différemment en fonction de son éducation, son opinion déjà formée sur la foi et ses expériences passées.

Quand la croyance semble difficile

Cependant, le dialogue du premier plan ne floute pas entièrement l’intrigue de l’arrière-plan. Le public est ramené à la réalité quand les Allemands fusillent des membres de la résistance, ou encore quand les Juifs que cache Barny sont arrêtés. Ces rappels permettent de se replacer dans le contexte sans trop d’emphase, et d’éviter que le film retrace la Seconde Guerre mondiale sans originalité.

Aussi, il permet de prendre en compte le rôle délicat d’un prêtre dans une telle situation. Il est censé faire preuve de miséricorde avec tout le monde, mais cela peut s’avérer difficile lorsque qu’il s’agit de confesser et d’accepter des généraux allemands tout comme de simples villageois, ou encore des communistes comme Barny.

Finalement, le réalisateur nous laisse sur une note de frustration quand les deux personnages principaux ne laissent pas libre cours à leurs sentiments lorsqu’ils se quittent et refoulent leur désir d’être ensemble. Cela est presque mieux étant donné qu’ils restent ainsi tous deux fidèles à leurs valeurs: Barny, fidèle à son mari, prisonnier de guerre, et le Père Morin, fidèle à sa foi et à sa fonction.

Une belle leçon de foi donc, qui permet de réfléchir à l’existence de Dieu avec calme et distance. Une belle leçon également sur la tolérance de l’opinion de chacun, puisque le Père Morin, tout autant que Barny, respectent pleinement leurs avis mutuels. Cela est important dans le monde actuel où les débats sur la religion séparent les peuples et les pays, à cause du manque de tolérance et de compréhension de l’autre.

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Soirée au Cabaret du Corps Dada https://www.delitfrancais.com/2017/10/24/soiree-au-cabaret-du-corps-dada/ Tue, 24 Oct 2017 17:52:24 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29615 Arts vivants multiples et indisciplinés.

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Il faut parfois accepter l’étrange et  se construire en dehors du moule formé par la société. C’est ce que nous montre avec brio le Cabaret du Corps Dada à travers de multiples numéros qui laissent parfois (souvent) le public dubitatif de par leur originalité et leur non-conformité. En sortant de La Sala Rossa ce soir-là, tout le monde se sentait presque trop simple et ennuyeux, et avait envie de se jouer des normes pour rentrer un peu plus dans l’univers déjanté du cabaret. Cet univers, créé par Eliane Bonin, est rempli de belles découvertes pour celui qui ose s’y aventurer, apprivoiser et accepter entièrement son indiscipline. 

A la découverte d’un monde excentrique…

Tout paraît normal au rez-de-chaussée de la Sala Rossa mais il suffit de grimper en haut de leurs grands escaliers pour accéder à un univers beaucoup moins paisible. La salle de spectacle où se sont jouées du 7 au 20 octobre les différentes représentations du festival Phénomena, est en elle-même une œuvre d’art. Avec ses lampions projetant une lumière rouge tamisée, ses chevaux de manèges suspendus sans raison au plafond et sa boule de disco centrale, cette salle prépare déjà un spectacle original et loufoque. Quand le rideau se lève, la promesse de la bizarrerie est immédiatement tenue par les artistes qui courent sur scène recouverts de cartons. Cette introduction surprenante et apparemment dénuée de sens peut en refroidir certains, qui se demandent alors ce qu’ils font là, mais le spectacle se poursuit rapidement pour les faire changer d’avis. Pendant les numéros qui s’enchainent, les artistes donnent vie à toutes sortes de personnages. La diversité des personnages se reflète dans l’éclectisme des tenues, des gestuelles et des maquillages. L’aspect loufoque du spectacle se révèle dès le premier numéro où deux comédiennes font vivre un buste de statue en lui prêtant mains et jambes, puis lui retirent brusquement ce souffle de vie dès qu’elles la reposent sur son piédestal. Ces personnages font ensuite rire le public aux éclats pendant des numéros plus simplistes les uns que les autres mais qui génèrent les plus grands sourires. C’est le cas quand un géant blond en tenue de sport aux couleurs flashy entre en scène et avec seulement quelques gestes fait interagir toute la salle en un concert de claquage de mains et bruitages en tout genre.

Mais le cabaret n’oublie tout de même pas ses racines dans toute cette simplicité et propose également des numéros plus classiques, comme une acrobate qui virevolte autour d’une barre métallique, tout en préservant le côté loufoque pour parfaire cette revisite, en finissant son numéro avec un twerk.

..Où toutes les folies sont permises…

Les facettes de ce cabaret sont sans fin, après la surprise, le rire et le classique, le premier acte se termine en beauté avec une performance qui défie tous les tabous et sera celui qui marque le plus les esprits. L’unique Éliane Bonin commence son numéro tout en douceur en présentant le mode d’emploi de la vulve à l’audience. Elle quitte ensuite la scène pour revenir un instant plus tard et se déshabiller entièrement sans aucune gêne devant un public ébahi. Ensuite, elle ne s’arrête pas là et continue en illustrant avec sa propre vulve les étapes décrites dans le mode emploi, qui passent du brushing de ses poils, à la peinture et enfin aux paillettes. Ce dernier numéro offre un côté très libertin au spectacle et fait réfléchir à la perception du corps humain, surtout le corps féminin. Ici le corps est présenté comme une œuvre d’art à part entière et non pas comme un simple outil sans valeur. Face à la réification usuelle du corps féminin, c’est un plaisir de voir une femme libre qui contrôle entièrement son corps et s’en sert pour choquer ou faire rire toute une salle de spectacle.

….Mais où l’on se perd parfois un peu trop

Après ce numéro extravagant, le deuxième acte continue avec cette pudeur disparue et ce sont maintenant tous les artistes qui sont nus. Si cette nudité paraissait innovante et importante à la fin de la première partie, maintenant elle semble quelque peu excessive.De même, le simplisme, apprécié dans certains numéros, peut vite devenir trop présent par moments et la bizarrerie trop poussée. Ces éléments perdent alors le spectateur dans le monde où il est entré en début de spectacle. C’est pour cela qu’il faut donc qu’il y ait un juste milieu, que la plupart des numéros atteignent très bien, mais que certains manquent en en faisant trop ou pas assez.Finalement à cause de ce simplisme, le talent peut parfois paraître absent ou pas suffisamment développé pour permettre au public de le remarquer et de l’apprécier à sa juste valeur. Le Cabaret du Corps Dada marque donc les esprits de multiples manières, avec les fous rires qu’il provoque, l’ébahissement devant le talent des artistes et l’expérience unique d’une nudité sans gêne, qui est simplement une autre facette de l’art du cabaret. Le cabaret est revisité tout en gardant certaines de ses racines pour créer un spectacle hors du commun dont tous les spectateurs parleront pendant le reste de leur soirée et dont ils se rappelleront pendant longtemps.

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Arc-en-ciel d’émotions https://www.delitfrancais.com/2017/10/17/arc-en-ciel-demotions/ Tue, 17 Oct 2017 16:44:12 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29511 120 battements par minute, une expérience aux mille sourires et aux mille peines.

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Avertissement: Cet article divulgue des éléments du film.

Ils donnent un rythme, une cadence à la vie, chacun les ressent dans sa poitrine, son pouls, ses tempes, à chaque instant. Ils sont 120 précisément; 120 battements par minute.

Avec son film du même nom, Robin Campillo fait accélérer ce rythme à une vitesse folle. Entre musique, amour, manifestations, peur et mort, 120 BPM fait battre le cœur de son audience plus vite pour l’adapter à la cadence d’Act Up, une association issue de la communauté homosexuelle, et de ses adhérents.

Le film prend place une dizaine d’années après le début de l’épidémie du sida et suit le combat d’Act Up. La première partie se concentre sur les différentes actions de l’association et son fonctionnement, tandis que la seconde donne une vision étoffée des personnages et de leur histoire. Le film constitue le parfait mélange entre documentaire et film artistique, présentant une expérience complète, instructive et émotive à son public.

Un début qui documente et instruit

Le film emmène tout d’abord le spectateur à la découverte d’Act up  à travers l’arrivée d’un nouveau groupe d’adhérents, pendant un meeting hebdomadaire de l’association. Le spectateur prend connaissance des événements passés et futurs d’Act Up; comment l’association fonctionne, ce que les adhérents veulent faire savoir, et contre qui ils se battent vraiment. Il s’agit d’une opposition au comportement du gouvernement, trop peu réactif à leur goût.

« La musique house, qui est la musique des jeunes de l’époque, ainsi que son tempo nous rappelle étrangement les battements du cœur »

Cet aspect documentaire continue tout au long de la première partie du film: en plus des réunions, le spectateur assiste à une action contre les laboratoires qui mettent trop de temps à publier leurs résultats sur de potentiels nouveaux traitements.

Au fur et à mesure, au milieu de ces scènes purement instructives, une facette artistique du sujet commence à se développer. Cela se manifeste particulièrement à travers des scènes où les adhérents, que l’on voit d’abord se battre, se lâchent finalement et dansent au rythme de la musique house. Le réalisateur offre de cette façon un beau contraste dont il joue beaucoup par la suite.

La musique house, qui est la musique des jeunes de l’époque, ainsi que son tempo nous rappelle étrangement les battements du cœur. Ces scènes offrent un beau message de vie; certains des personnages à l’écran sont en train de mourir lentement et pourtant ils montrent leur côté le plus vivant et pétillant, autant lorsqu’ils se battent pour leurs valeurs que quand ils dansent au son de leur cœur.

Une suite plus chargée émotionnellement

C’est l’une de ces scènes dansantes qui crée une transition vers la seconde moitié du film. L’histoire se concentre soudainement sur Nathan, l’un des nouveaux adhérents avec lequel le spectateur a découvert tout ce monde, et Sean, un séropositif qui est présent depuis les débuts de l’association. Le personnage de Sean apparaît comme une réelle ode à la vie, bien qu’étant certainement l’un des plus touchés par le sida, contaminé très jeune à la suite d’un rapport avec son prof de mathématiques de l’époque, alors que la maladie était mal connue. Si dans la première partie du film, le seul fait de le voir s’activer et s’exprimer donne de l’espoir et fait sourire ou même rire, dans la seconde partie, le spectateur voit son état s’aggraver lentement. Cette descente vers la mort donne toutefois un côté émotionnel très dur au film.

Là aussi le réalisateur utilise un contraste frappant, entre la première Gay Pride pendant laquelle Sean est un cheerleader avec des pompons roses, danse, saute partout, rit et crie, et la seconde où il porte un simple tee-shirt noir et déambule simplement, sans artifice dans la ville. Il disparaît également de la piste de danse, et les scènes de musique intenses que l’on retrouvait au début se font rares, parallèlement aux battements de son cœur. Enfin, le contraste le plus important est certainement lorsque la dernière scène de danse arrive, et qu’elle se termine en laissant place à la scène de sa mort, assez étrange.

« Cette descente à la mort donne un côté émotionnel, toutefois très dur au film »

Sean meurt dans son sommeil, aux côtés de Nathan, et ses amis d’Act Up viennent ensuite le voir un par un, sans aucune larme, comme si c’était un évènement prévisible, attendu. En fait, comme s’ils s’étaient déjà trop habitués à ce genre de situation.

Finalement le moment le plus intense du film se révèle dans le dernier plan. Les membres d’Act Up récupèrent les cendres de Sean, selon son souhait, et les utilisent pour son ultime action auprès de riches homme d’affaires, en les jetant sur ceux-ci tout en criant leurs slogans. Sean aura ainsi participé au combat jusqu’à sa dernière cendre et y aura donné tout son corps et toute son âme, comme de nombreux autres avant lui.

120 BPM est donc un film très fort, autant pour ce qu’il apprend aux spectateurs sur Act Up, cette association au nom qui n’est pas toujours familier, que pour l’émotion de l’histoire de Nathan et Sean. Une dualité et un contraste qui fait battre le cœur de l’audience à mille à l’heure et donne envie, en sortant de la salle de cinéma, de vivre au maximum, et de se battre comme ces jeunes se battaient, pour ses valeurs et tout simplement pour vivre.

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Les intimistes: ‹‹Ça n’arrivera plus›› https://www.delitfrancais.com/2017/10/03/les-intimistes-ca-narrivera-plus/ Tue, 03 Oct 2017 15:43:53 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29411 Cinq comédiennes racontent ce qu’elles ne feront plus jamais

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Lors d’une soirée fraîche de septembre, la lumière du Café des Oubliettes incite les passants à entrer et apprécier l’un de leurs délicieux sandwichs au fromage fondu. Mais le 29 septembre, lesdits passants pouvaient également s’arrêter plus longtemps et se laisser emporter par le récit des Intimistes. Ce collectif de dix comédiennes se produit chaque dernier vendredi du mois pour présenter un nouveau chapitre composé de quelques textes écrits par elles et rendus les plus intimes possible.

Le soir du 29 Septembre, Laurence Perrault, Tania Arana, Audrey Lavigne, Sandrine Quynh et Sarah Keita ont donc conté leur 7ème chapitre, intitulé « ça n’arrivera plus! » devant une petite audience pendue à leurs lèvres qu’elles ont embarquée dans une montagne russe d’émotions.

Des récits en montagnes russes

Tout commence avec Audrey et son histoire, au départ banale; un locataire trop exigeant, rien de plus. Et puis l’histoire se prolonge et s’intensifie lorsqu’elle se lance dans le récit de sa relation avec son second locataire. Le public revit leur amitié forte puis leur courte histoire d’amour. Finalement, il s’écrase en même temps qu’elle, lorsque le cancer de celui-ci est dévoilé et que l’histoire s’arrête soudainement sur un deuil intense. À travers ces hauts et ces bas, la comédienne arrive à transporter ses auditeurs de par son ton mais aussi ses expressions qui communiquent ses émotions tout en intensité.

Les spectateurs peuvent par la suite être déçus par une retombée de la force du récit, avec celui de Tania qui raconte les deux chutes de sa vie, certes traumatisantes, mais qui semblent quelques peu superficielles. Les émotions sont moins ressenties et Tania renvoie l’impression de raconter tout simplement une anecdote à une bonne copine plutôt qu’un récit captivant à toute une audience.

Cependant le wagon de la montagne russe reprend en un éclair sa course folle, avec Laurence qui débarque tout en chant et en danse au son de la

musique de son iPhone. Elle continue ensuite à entrainer le public avec son récit déjanté qui raconte comment son amie Sara devient prostituée a l’âge de 14 ans. Présentée littéralement, l’histoire semble morbide, toutefois sa présence sur scène et sa manière de la raconter comme si elle-même avait encore 14 ans donne un regard nouveau sur le récit.

Un spectacle tout en interaction.

Quand Sarah entre en scène, le déjanté laisse place à l’amour. Elle présente une belle comparaison entre les leggings et l’amour pour ses amis, deux sujets auxquels tout le monde peut s’identifier. Elle laisse ainsi le public avec la tête pleine de réflexions sur qui sont vraiment leurs amis et lesquels ils devraient dès maintenant laisser tomber car ils ne valent finalement pas plus que des leggings de mauvaise qualité qu’on amasse en quantité dans son placard.

Enfin, juste avant le coup de frein final, Sandrine ouvre son cœur en présentant le monstre qui habite son esprit. Un récit qui est certainement le plus touchant de la soirée et fait revivre au public les moments de sa vie qui l’ont forgés telle qu’elle est aujourd’hui. De sa relation avec sa mère et son père, à ses mésaventures de collège et lycée, tout y passe et touche tout le monde en plein cœur,  faisant couler les larmes.

Et ainsi  se termine cette course folle des émotions, de la joie à la tristesse, en passant par la peur et la déprime. Un conte très réussi donc au niveau des sentiments mais également au niveau de la lecture des textes, car chacune arrive à faire sortir les mots du papier avec leurs expressions, mimiques et multiples gestes pendant leur lecture.

Les intimistes offrent même un petit plus au spectacle en ajoutant un côté interactif. Les auditeurs peuvent eux aussi se livrer à elles en écrivant sur un petit bout de papier ce qu’ils ne feront plus jamais et lesdits papiers sont ensuite lus devant la salle. Cette petite activité de fin de soirée rajoute encore un côté personnel et amplifie la relation indirecte qui s’est développée entre public et comédiennes tout au long du spectacle et ce jusqu’à la dernière minute.

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La Flûte Enchantée au cinéma https://www.delitfrancais.com/2017/09/26/la-flute-enchantee-au-cinema/ Tue, 26 Sep 2017 16:38:44 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29332 À travers un écran, l’œuvre de Mozart reste sublime.

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Dans l’univers magique de Mozart, revisité par David McVicar, la musique donne vie aux reines, princes et princesses mais aussi aux serpents et autres animaux dansants. Cette nouvelle production de La Flûte Enchantée est présentée à ce moment même à la Royal Opéra House, à Londres. Les cinémas Beaubien et du Parc offrent le voyage au-delà de l’océan à leurs spectateurs en diffusant dans leur salle cet opéra envoûtant.

Une expérience qui sort le spectateur de ses habitudes

Un opéra au cinéma peut paraître surprenant au premier coup d’œil. Finies les grandes salles à l’architecture élaborée qui font voyager dans le temps, finis les spectateurs en robes de soirée et costumes, et bonjour au popcorn, au soda et au voisin de fauteuil en survêtement. Malgré ce changement d’ambiance peu commun, la magie reste intacte et s’intensifie même par moment.

L’opéra filmé offre à ses spectateurs le rare privilège de voir les visages des chanteurs, musiciens et chef d’orchestre de près. Alors que pendant une réelle représentation, l’audience a tendance à se concentrer sur les voix, dans la salle du cinéma, elle peut observer les expressions des différents acteurs et ne ressentir que plus profondément les émotions déjà transmises par la musique. Cela accentue le côté théâtral qui peut manquer à l’opéra et qui captive plus facilement.

La musique donne un côté magique tandis que le jeu d’acteur donne le côté humain auquel le spectateur peut s’identifier. Il en est de même pour l’orchestre et plus encore le chef d’orchestre, que l’on voit d’ordinaire rarement, et qui ici occupe toute la première partie de la diffusion pendant laquelle le public peut apprécier les mouvements précis de Julia Jones, guidant son orchestre à la perfection.

Une innovation artistique envoûtante

Le cinéma accentue donc la magie créée par Mozart en 1791, mais celle-ci est avant tout mise en avant par le travail artistique de cette nouvelle production, à travers des décors, des jeux de lumière et des voix plus fascinantes les unes que les autres.

Les décors peints, aux couleurs profondes, passent d’un sombre ciel étoilé à un brûlant mur orangé et participent ainsi au contraste entre la reine de la nuit et l’enchanteur Sarastro, emmenant le spectateur à travers leurs deux mondes.

Ce contraste est aussi fortement mis en valeur par les jeux de lumière ; lorsque Tamano chante, il est immédiatement baigné d’une douce lueur, censée représenter la pureté de son cœur. Cette lumière se fait beaucoup plus froide lorsque la reine de la nuit ou ses trois dames élèvent leur voix à leur tour.

Enfin, le plus ensorcelant reste la voix des chanteurs, qui semble presque inhumaine. Le public peut ressentir toute la haine et l’envie de vengeance de la reine de la nuit quand elle monte vers les notes les plus hautes mais aussi toute la sagesse de Sarastro lorsque que sa voix atteint des notes graves difficilement accessibles.

Le directeur a gardé l’ambiance du siècle des Lumières avec le cercle des sages intellectuels, par lesquels Mozart avait été fortement influencé et le côté comique, avec le personnage de Papageno et ses mésaventures. Il a cependant revisité l’opéra avec des personnages comme Papagena qui sort tout droit du New York des années 80 et ne se comporte pas du tout comme une dame de l’époque du compositeur.

Cette expérience hors des grandes salles de Londres reste donc captivante et retransmet bien la puissance de l’opéra. La Flûte Enchantée en elle-même est bien-sûr fantastique et  le charme créé par Mozart des siècles plus tôt opère encore sur les audiences à travers le monde. Cependant, le directeur a aussi su sublimer cette magie de multiples manières. Son travail sur les divers décors, les jeux de lumières et d’acteurs et le casting soigneusement effectué, permet au spectateur d’être transporté dans un univers où il peut se perdre pendant quelques heures. On en ressort ainsi chamboulé, avec des étoiles plein les yeux et des harmonies plein les oreilles.

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La nudité mise en scène https://www.delitfrancais.com/2017/03/21/la-nudite-mise-en-scene/ Tue, 21 Mar 2017 13:15:15 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28252 Le cabaret érotique de la Wiggle Room surprend de par son originalité.

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Quoi de mieux en ce temps glacial qu’un bon cabaret érotique pour se réchauffer le temps d’une soirée. À quoi s’attendre de la nudité? Sans aucun doute, mais encore? Le cabaret érotique présenté à la Wiggle Room surprend ses spectateurs à chaque numéro avec les talents quelque peu inattendus de ses artistes et leur capacité à développer de vraies personnalités à travers les rôles qu’ils jouent tout au long du spectacle.

Un show rythmé par l’effet de    surprise

Tout commence dès l’entrée; il suffit de grimper des escaliers pour se retrouver dans un univers complètement différent de celui laissé en bas. L’érotisme est déjà au rendez-vous avant même que le cabaret ait commencé grâce aux serveuses et leurs déhanchés sexy et décolletés plongeants et aux mannequins nus qui posent aux coins de la pièce. Puis les rideaux se ferment et le spectacle débute avec des seins, tout simplement. Ils sont tripotés, malaxés, tapotés par des mains gantées au rythme de la musique et des encouragements du public. Après cette entrée en matière surprenante, mais plutôt comique, admettons-le. Les numéros s’enchaînent jusqu’à l’entracte. Certains semblent plus classiques comme la danse et le chant, mais d’autres n’auraient leur place nulle part ailleurs. Comme ce numéro où l’une des artistes ainsi que directrice artistique du cabaret, lady «Cœur de Lyon», imite un orgasme le plus naturellement du monde. Ou encore cette autre performance où deux autres femmes, mangent un  cupcake en se séduisant mutuellement et se dévorant du regard. Ce genre de numéro choque certainement les âmes sensibles du public, mais crée aussi un effet de surprise qui ne se retrouve pas dans n’importe quel spectacle et rend le cabaret d’autant plus fascinant.

Et derrière toute cette nudité

Cependant le cabaret érotique de la Wiggle Room ce n’est pas seulement quelques paires de fesses et des orgasmes à volonté; c’est aussi un vrai travail de personnage. Le public fait la connaissance, assez intime, de Valentin le lapin coquin, Bob Lollipop et son slip vert, une rockstar plutôt sexy et lady  «Cœur de Lyon» qui dirige toute la petite troupe. Ces personnalités originales donnent la preuve que le cabaret érotique n’est pas un  strip tease amélioré, mais représente un vrai travail d’acteur. Les spectateurs gloussent quand le sourire charmeur et coquin de Valentin apparaît et sont captivés par les expressions de plaisir intense que les artistes arrivent à exprimer. Finalement, ce cabaret ne serait pas possible ou même imaginable sans la nudité qu’il implique et cette nudité fait partie des raisons pour lesquelles le spectacle est à voir. Il est tellement inhabituel de pouvoir voir un homme ou une femme à moitié nu·e·s sans gêne ni honte, que le public ne peut qu’apprécier et en redemander. Nudité, talent et surprise forment donc un trio d’exception pour ce cabaret érotique et fera vivre, à qui ira, une expérience nouvelle et à raconter autour de soi. 

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Une ère post-numérique incertaine https://www.delitfrancais.com/2017/02/07/une-ere-post-numerique-incertaine/ Tue, 07 Feb 2017 15:33:57 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27586 Différents artistes transmettent leur ressenti sur un «Futur Futuristique».

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Dans un monde où le numérique commence à dominer tous les aspects de la vie de chacun, il peut sembler impossible d’imaginer une ère post-numérique. C’est pourtant ce que tentent de faire Cat Bluemke, Amy Brener et Lauren Peic-McArthur avec leurs œuvres, exposées à la galerie Projet Pangée sur la rue Sainte-Catherine jusqu’au 18 février. Le nom de l’exposition, «Futur Futuristique», donne déjà une idée du message transmis à travers peinture, sculpture et autres médias.

Chaque artiste possède un style unique et différent des autres. Peic- McArthur peint de grandes toiles aux couleurs fluorescentes tandis que Brener crée des sculptures en plastique contenant des objets du quotidien. Quant à Bluemke, elle se démarque encore plus avec une forme d’hologramme qui apparaît grâce à la lumière. Cependant, si la diversité est au rendez-vous, le message tant attendu d’espoir pour cette ère post-numérique lui est parfois difficile à déceler. Il peut être perçu dans les œuvres de Bluemke et Brener, mais est difficilement présent dans celles de Peic-McArthur.

Un message puissant ou une toile éblouissante

Les sculptures de Brener sont constituées de moules en plastique de têtes humaines, d’empreintes de clavier d’ordinateur, d’objets du quotidien comme des punaises ou encore de feuilles et plantes diverses. Ce mélange de nature, technologie et humanité forme une œuvre pas nécessairement agréable à regarder mais qui laisse pensif et fait réfléchir au message présent. Un message qui peut être entendu de différentes manières. L’artiste suggère à la fois que l’on peut cohabiter avec le numérique et continuer à avancer ou, qu’au contraire, ce dernier nous engloutira et que nous ferons partie intégrante de lui. Toutefois, c’est le spectateur qui aura le dernier mot en décryptant l’œuvre à sa façon.

Contrastant avec ce lourd message porté par les sculptures de plastique, les peintures de Peic- McArthur qui encerclent le specta- teur dans la pièce paraissent vide de sens. Si, artistiquement, certaines toiles sont fantastiques, avec leurs couleurs fluorescentes qui changent quand les spectateurs se déplacent dans la galerie, il reste néanmoins difficile de trouver le message qu’elles sont censées transmettre. Après avoir circulé plusieurs fois dans la pièce, elles restent simplement des toiles abstraites qui ne donnent au spectateur rien à discuter ou à penser.

Un compromis sous forme d’hologramme

Pour finir, la dernière artiste, Cat Bluemke, présente un compro- mis entre la beauté vide des toiles de Peic-McArthur et le puissant message des sculptures de Brener. Ses hologrammes au milieu de la pièce sont à la fois éblouissants de par leur créativité mais aussi de par leur message. Le spectateur doit se déplacer autour de ces œuvres afin de trouver l’angle par lequel une certaine image apparait sous forme d’hologramme, utilisant la lumière présente pour ce faire. Ici, le message principal concerne les cellulaires et autres technologies qui capturent cette lumière chaque jour pour faire des photos quelconques. Avec ses hologrammes, Bluemke montre que la lumière peut être capturée d’une manière différente, sans technologie et donner un tout aussi beau résultat, transmettant ainsi un message plein d’espoir.

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Un visionnaire du mouvement https://www.delitfrancais.com/2017/01/24/un-visionnaire-du-mouvement/ Tue, 24 Jan 2017 15:31:57 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27325 Tomer Heymann retrace les pas d’Ohad Naharin à travers ses envoûtantes chorégraphies.

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Mr. Gaga est un film captivant par sa beauté en tant que chef‑d’œuvre cinématographique mais aussi par sa profondeur de par le message qu’il transmet. Un message qui incite à laisser son corps s’exprimer pour transformer tout mouvement en art. C’est là le but même de Ohad Naharin, le chorégraphe israélien au centre de Mr. Gaga, qui ne nous emmène pas seulement à la découverte de son parcours mais aussi là où toutes ses œuvres débutent, au cœur de son imagination et de sa créativité débordante.

Le calme avant la révélation

Tomer Heymann, le réalisateur du film, commence par aborder la vie de Naharin avant qu’il ne parte pour New York, où il trouvera sa voie. Ce début de film est plus classique; les images de la vie de Naharin, pendant son service militaire par exemple, sont alternées avec celles de ses chorégraphies, qui relatent à leur manière ses différentes expériences.

En ce début de film, le spectateur ne fait que suivre  simplement, lentement mais sûrement, les traces d’un grand chorégraphe en devenir. Et c’est là que le film prend un tournant, au même moment où Naharin pose ses valises à New York. Le film s’accélère comme s’il s’adaptait au rythme fou de la ville, qui attire le talent d’artistes venant des quatre coins du monde. Cette section du film dépeint l’un des moments les plus touchants, une scène d’origine dans laquelle Naharin joue de la guitare et chante dans son bain, permettant au spectateur de s’identifier à ce jeune homme, le montrant plus humain que jamais.

Heymann dresse un portrait très humain de ce génie de la danse

À partir de là, tout tourne autour du mouvement, toujours le mouvement, Naharin utilise ce mot plus encore que le mot danse, faisant ressortir le côté animal de cet art. Il dira même plus tard: «Nous apprenons à aimer notre sueur, nous découvrons notre passion de bouger et de la relier à l’effort, nous découvrons à la fois l’animal en nous et le pouvoir de notre imagination».

À la recherche du mouvement parfait

Tout en continuant à suivre le parcours de Naharin dans sa carrière en tant que chorégraphe, Heymann dresse un portrait à la fois très humain de ce génie de la danse très exigeant et toujours à la recherche de la perfection. L’un des danseurs dans le film mentionne même le fait que le réalisateur criait certaines de ses instructions aux danseurs pendant la représentation. Cependant le plus impressionnant dans toutes les chorégraphies présentées dans le film est le fait qu’il utilise des actions de la vie quotidienne, que chacun a eu l’occasion de vivre, et les transforme en art. Au point où même l’action de tomber demande de l’entrainement, afin de devenir un mouvement de danse fantastique et envoutant.

Le documentaire finit sur une douce note en montrant Naharin avec sa fille, donnant encore une autre image de lui, dans ce cas-ci, celle d’un père transmettant sa passion à son enfant, petit à petit. 

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