Charlotte Ruiz - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/charlotte-ruiz/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 05 Nov 2013 08:01:04 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 Soirée avec Charles Taylor https://www.delitfrancais.com/2013/11/05/soiree-avec-charles-taylor/ Tue, 05 Nov 2013 05:39:23 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=19082 Entre conférence et militantisme.

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Charles Taylor s’est exprimé, ce mardi 30 octobre, au pavillon Sherbrooke de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), au sujet de l’avenir de la démocratie. L’événement a une double portée: il est politique, marquant l’engagement de Charles Taylor auprès du Nouveau Parti Démocratique (NPD), mais aussi éducatif, grâce aux réflexions faites par le philosophe au sujet de la démocratie.

La conférence organisée conjointement par le NPD Westmount-Ville-Marie et Notre-Dame-de-Grâce-Lachine et le NPD McGill a réuni plusieurs centaines de personnes. La popularité du philosophe canadien a en effet le pouvoir de soulever les foules: les places ont toutes été réservées bien à l’avance, forçant les organisateurs à changer le lieu de l’événement afin d’obtenir une salle plus grande.

 

Engagement auprès du NDP

La soirée avait pour but d’afficher clairement l’engagement du professeur Charles Taylor auprès du NPD. Isabelle Morin, députée québécoise de la circonscription Notre-Dame-de-Grâce-Lachine, annonce à cet égard au début de la conférence: «c’est avec des personnalités comme Charles Taylor qu’on va pouvoir agrandir notre mouvement.» Le professeur de droit à McGill Daniel Weinstock, ajoute à ce sujet: «en tant que néo-démocrates, nous avons énormément de chance que, quand vient le temps de délasser ses patins, c’est de notre côté de la patinoire que [Charles Taylor] s’enligne.» Le professeur a d’ailleurs récemment travaillé de concert avec le NPD afin de guider le parti sur les questions relatives à la gestion de la diversité.

L’engagement de Taylor auprès du NPD est loin d’être passif. À la fin de son allocution, il souligne: «ce que je proposerais à notre parti, c’est de présenter tout son programme […] comme un ensemble qui a comme but de recréer une démocratie plus réelle au Canada.»

 

L’avenir de notre démocratie

Comme le dit Daniel Weinstock au début de la conférence: «Charles Taylor montre comment une pensée abstraite […] peut être mise au service d’une action éminemment concrète.»

Si le sujet de la démocratie peut sembler vague et flou, Charles Taylor, professeur émérite de McGill, met l’accent sur plusieurs points essentiels au cours de son discours. Le constat qu’il fait est de prime abord plutôt sombre. La société est coincée dans plusieurs cercles vicieux: baisse de la participation politique, accroissement des inégalités, etc.

Il insiste par la suite sur plusieurs points essentiels concernant la démocratie. En premier lieu, il la qualifie «d’inatteignable une fois pour toute, […] c’est une lutte permanente».  Il complète sa pensée par la suite en disant que «les moments les plus vibrants dans une démocratie sont ceux où l’on reconstruit la démocratie». C’est donc un objet changeant, jamais figé, et qui doit constamment être retravaillé et repensé. Rencontrer des obstacles devient alors un potentiel pour l’évolution et ne marque donc pas la fin de la démocratie.

 

Taylor contre la Charte des valeurs

Dans le contexte québécois, la question de la Charte des valeurs est naturellement intervenue au cours de la soirée. En 2007, la Commission Bouchard-Taylor avait été créée afin d’examiner la question des accommodements raisonnables reliés aux différences culturelles. Charles Taylor est nommé co-président de la commission au côté du sociologue Gérard Bouchard. Le rapport final est encore aujourd’hui sujet à controverse, notamment pour les conclusions qu’il tire au sujet du port de signes religieux par les représentants de l’État. Un droit de réserve est en effet émis quant à l’autorisation du port de signes religieux ostentatoires par les représentants directs de l’État (policiers, procureurs, président de l’assemblée, etc.).

Durant la séance de question, une jeune femme demande au philosophe s’il pense que cet aspect du rapport a pu ouvrir la porte à la Charte des valeurs. La réponse de Taylor est claire: la commission a été créée parce que ce débat existait déjà, il n’est donc pas possible que le rapport ait servi d’inspiration à la charte. Il affirme d’ailleurs depuis plusieurs mois son opposition formelle à la charte dans les médias, et réaffirme son engagement ce soir-là en qualifiant celle-ci de «poison».

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Justice pour les victimes https://www.delitfrancais.com/2013/10/28/justice-pour-les-victimes/ Tue, 29 Oct 2013 04:53:17 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=18938 Rassemblement et veillée commémorative annuelle du 22 octobre.

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Une centaine de personnes se sont réunies le mardi 22 octobre devant la Fraternité des policiers et policières de Montréal afin de commémorer les victimes des bavures policières. L’événement était organisé par la Coalition Justice pour les Victimes de Bavures Policières. Stella Jetté, intervenante sociale de profession, et membre de l’association Solidarité sans Frontières, dit lors de la manifestation: «nous sommes ici pour commémorer et soutenir les victimes». Une personne voulant garder l’anonymat ajoute: «à chaque fois que la police tue quelqu’un, c’est un peu de nous tous et toutes [qu’elle tue]». Contrairement aux années précédentes, la présence policière était très discrète: seulement deux agents en uniforme surveillaient au loin la foule depuis la station de métro Laurier. Aucun débordement n’a été observé, et après, deux heures, la foule s’est calmement dispersée en se promettant de revenir l’année prochaine.

Organisé pour la quatrième fois, l’événement consistait en un vigile d’environ deux heures, ponctué de discours et entrecoupé par des pauses musicales. À la lumière des chandelles, des proches de Jean-François Nadreau, Gladys Tolley, Fredy Villanueva, Ben Matson, Anas Bennis, Claudio Castagnetta et Quilem Registre se sont relayés pour exprimer leur détresse et désarroi face à un système qui les a déçu et semble incapable de leur rendre justice.

À l’écoute des personnes en détresse

Avec le témoignage de Josiane, ancienne compagne de Jean-François Nadreau, la question des problèmes liés aux interventions auprès de personnes en situation de détresse sociale a été soulevée. À l’égard des policiers, Stella Jetté est ferme: «des personnes comme Jean-François Nadreau étaient en détresse et ont été assassinées par manque de compétence et de jugement». Il existe pourtant des solutions efficaces pour que la prise en charge des personnes sensibles se fasse le plus aisément possible, à l’exemple du service Urgence Psychosociale-Justice (UPS‑J). Le système UPS‑J a été crée en 1996, et c’est un service composé de spécialistes du milieu psychosocial accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Stella Jetté insiste: «dans le cas de Mario Hamel, un journaliste a enquêté pour savoir pourquoi ce service [UPS‑J] n’avait pas été utilisé et ils ont fait comme si cela n’existait pas». Elle mentionne à cet égard la possibilité de créer un protocole qui forcerait à contacter UPS‑J dans le cas de personnes en situation de détresse. Cependant, aucune mesure ne semble être prise, et «quelques mois après le cas de Mario Hamel, Jean-François Nadreau se faisait tuer dans son salon» ajoute l’intervenante sociale. Selon elle, «c’est un gros problème de jugement de la part du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM)».

Enquête sur la police

Le rassemblement était marqué cette année par la présence de Didier Berry, victime de violence policière en octobre 2012. «J’ai été étranglé, frappé, insulté, jusqu’à en perdre connaissance» dit-il lors de l’événement. La violence subie par Didier Berry a eu lieu dans le contexte de la grève étudiante de 2012. Pour Didier Berry, l’explication est simple: «si les policiers agissent comme ça, c’est parce qu’ils savent qu’ils sont dans un contexte d’impunité». Pour Stella Jetté, le manque d’enquête concernant les violences ayant eu lieu durant le Printemps érable est révoltant: «une enquête serait nécessaire pour que les gens soient entendus et aient accès à la justice». Cependant, le manque d’indépendance des services devant mener ces enquêtes semblerait poser problème. «Les enquêtes sont faites par leurs collègues […] c’est une culture de force», ajoute-t-elle dans un soupir. Pour le comité, la solution pourrait en fait se situer ailleurs. Julie Matson, fille de Ben Matson souligne que «le problème, ce n’est pas le crime, ce n’est pas la violence. C’est la police qui blesse et assassine injustement des personnes».

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Race à McGill https://www.delitfrancais.com/2013/10/22/race-a-mcgill/ Tue, 22 Oct 2013 05:26:46 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=18789 Y’a-t-il une place pour la discussion?

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Dans le cadre de la série annuelle d’événements «Culture Shock», fruit de la collaboration entre le Groupe de Recherche d’Intérêt Public du Québec (GRIPQ) de McGill et l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM), un atelier intitulé «Race à McGill» s’est tenu le mercredi 16 octobre à McGill sur la campus. L’événement, animé par Shaina Agbayani et Annie Chen, étudiantes à McGill, consistait en deux heures de discussions, entre un petit groupe d’étudiants actuels et anciens de l’Université. L’objectif était de rendre le sujet de la race, et ses débats sous-jacents, accessibles aux élèves. La majorité de la discussion était consacrée à différentes définitions conceptuelles: racisme, privilèges blancs, tokenisme et micro-agressions. Le débat s’est révélé parfois tendu, rappelant ainsi la difficulté qu’il peut y avoir à aborder un sujet aussi sensible, même dans un milieu universitaire prétendument ouvert.

Dans le cadre de cette discussion sur la diversité culturelle, les problématiques liées à l’appropriation culturelle ont été abordées. L’appropriation culturelle consiste à reprendre les codes d’une culture en changeant leurs significations initiales. Avec l’arrivée imminente de l’Halloween, la thématique des déguisements irrespectueux envers certaines communautés et ethnies a été abordée. «L’histoire du maquillage noir [«Blackface»] est l’histoire de la perpétuation de clichés» rappelle Shaina Agbayani. Pourtant, chaque année durant la fête organisée dans le bâtiment de l’AÉUM, sous prétexte d’humour, des déguisements caricaturaux sont observés. L’année dernière en particulier, certains déguisements avaient fait controverse. Pour une des participantes, le problème de tels accoutrements est qu’ils «essentialisent la culture». Une autre ajoute que «les gens devraient y penser à deux fois, quand on vole une culture, on ne peut pas la rendre intacte».

Le problème de diversité rencontré à McGill a ainsi été défini au cours de cet échange comme étant systémique. Shaina Agbayani insiste: «nous voulons parler de diversité comme un moyen de rendre McGill plus cosmopolite, et non pas comme un projet de justice sociale.» Elle souligne à cet égard le fait que McGill recrute en masse dans des écoles fréquentées par une population majoritairement ou complètement blanche. Une étudiante de première année raconte à cette occasion comment une récente visite sur le campus de Concordia lui a donné l’impression d’être dans un autre monde, plus cosmopolite, plus ouvert.

L’atelier a été marqué par l’intervention de France, une étudiante à McGill en 2003. France raconte son parcours qu’elle définit comme celui d’une «personne racialisée ». «McGill m’a fait me sentir mal à l’aise dès le départ» dit-elle. Parmi les difficultés évoquées, elle souligne l’impossibilité qu’il peut y avoir à trouver des conseillers appartenant à une minorité visible. Comment justifier ce manque de diversité parmi des personnes qui sont en contact direct avec la population estudiantine? Après une année passée dans les murs mcgillois, la conclusion de France était sans appel. «McGill était pour moi un système de privilèges dans lequel des étudiants de couleurs n’avaient pas leur place». Elle a d’ailleurs choisi de quitter l’institution après une année pour finir ses études à Concordia.

Il peut sembler difficile d’imaginer que dans un milieu universitaire, des débats au sujet de la race soient encore considérés comme tabous et que leur simple existence soit sujette à controverse. Le fait qu’un individu puisse se sentir affecté par la mise en lumière de ses propres privilèges est probablement symptomatique d’une société dans laquelle l’autoréflexion peine à trouver sa place. La minimisation des problèmes rencontrés par certaines communautés est une réalité constante, intervenant même dans des contextes comme celui-ci, prétendus sûrs. D’où l’importance de continuer à créer des espaces d’échange à ce sujet, comme c’était le cas ce jour-là.

 

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Gouvernance autochtone https://www.delitfrancais.com/2013/10/01/gouvernance-autochtone/ Tue, 01 Oct 2013 06:18:40 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=18605 Comment dépasser l’«Indian Act»?

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Dans le cadre de la semaine des Premières Nations, une conférence au sujet de la gouvernance multi-niveaux et du rapport entre les populations autochtones canadiennes et la Couronne s’est tenue le 24 septembre à McGill.

C’est dans une ambiance intime, face à un public réduit, que Christopher Alcantara, professeur agrégé en sciences politiques, a pris la parole pour ouvrir la discussion sur la question des rapports conflictuels entretenus entre les populations autochtones et la Couronne dans le Canada actuel. Le conférencier définit lui-même ceux-ci comme «un des problèmes sociaux et politiques les plus importants auquel le gouvernement doit aujourd’hui faire face». De l’enterrement de l’Accord de Kelowna par Stephen Harper en 2006, au mouvement «Idle no more» de l’année dernière, la question de l’évolution des rapports entre populations amérindiennes et le gouvernment reste ouverte.

Mettre la «Loi sur les Indiens» au rebut 

Comme le conférencier le souligne, toutes les tentatives de modification des relations entre populations autochtones et Couronne se sont toujours déroulées dans une perspective «top-down» (des plus hautes instances gouvernementales vers les communautés). Il ajoute qu’«aujourd’hui, tout le monde pense que la Loi sur les Indiens doit être mise au rebut». Là où l’approche de Christopher Alcantara est novatrice, c’est que, pour lui, ceci ne peut être fait que si le démantèlement se fait du bas vers le haut, et non plus du haut vers le bas. Il a tempêté d’ailleurs à plusieurs reprises: «j’en ai marre que l’on blâme uniquement la Couronne». Selon lui, on peut souligner deux raisons pour lesquelles la Loi sur les Indiens n’a pas encore disparu: personne n’arrive à savoir par quoi il faut la remplacer et certaines communautés ne peuvent pas dépasser la Loi sur les Indiens sans dommage. La solution réside alors dans le fait de «responsabiliser les communautés autochtones pour qu’elles puissent produire des mécanismes législatifs alternatifs aux différentes parties de la Loi sur les Indiens».

 

Kelowna: la pauvreté d’abord

Malgré son échec final, trois leçons peuvent être tirées des négociations de l’Accord de Kelowna. Premièrement, chaque parti (politiciens et représentants des populations autochtones) a été capable d’exprimer différentes compétences d’expertise. La diversité des compétences devient ainsi la clé d’avancées concrètes. Deuxièmement, une approche universelle ne peut pas marcher. Par la diversité des Premières Nations, il n’est pas possible de penser une solution unique pour tous. Troisièmement, et c’est là la leçon la plus importante, la renégociation de ces rapports de force est difficile si l’un des deux partis est très pauvre, comme c’est le cas pour les populations autochtones à l’heure actuelle. En effet, comment établir un rapport égalitaire si l’un des deux partis ne dispose que de très peu de moyens pour défendre sa position?

Un changement au niveau local

Pour le professeur Alcantara, c’est au niveau local que l’on peut aujourd’hui observer les avancées les plus intéressantes dans le rapport entre gouvernement et populations autochones. Des négociations sur des sujets aussi triviaux que l’enlèvement et le traitement des déchets permettent aux gouvernements locaux et aux dirigeants des populations autochtones de réaliser qu’ils possèdent en effet des intérêts communs. L’établissement de rapports de confiance sur ces sujets permet ensuite de projeter cette bonne entente à des niveaux supérieurs, facilitant ainsi la communication entre le gouvernement et les populations amérindiennes sur des sujets plus épineux.

Il est ainsi important de rappeler que, si le désir d’entretenir des rapports saints et égalitaires existe réellement, les dirigeants politiques doivent dépasser les actions symboliques pour se concentrer sur un travail concret et réellement progressiste.

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