Béatrice Poirier-Pouliot - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/beatricepoirierpouliot/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Tue, 01 Apr 2025 21:53:39 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 L’art de MC Snow : entre héritage et réappropriation https://www.delitfrancais.com/2025/04/02/lart-de-mc-snow-entre-heritage-et-reappropriation/ Wed, 02 Apr 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=58107 Échanges pour une meilleure reconnaissance des cultures autochtones.

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Depuis le début de l’année 2025, la crise culturelle au Québec est au cœur des discussions. On souligne à quel point les arts – littérature, cinéma, théâtre, musique – manquent cruellement de financement pour se développer et rayonner. On débat la valeur de cette culture, de son potentiel éducatif. Pourtant, un aspect demeure largement ignoré dans ces échanges : l’art autochtone.

La culture autochtone dans son ensemble subit une marginalisation au sein du territoire canadien. En effet, ce n’est que depuis quelques années qu’une démarche de réparation et de rétribution envers les peuples autochtones a véritablement pris forme. Et si le Québec aime se penser avant-gardiste en la matière, il accuse un retard considérable. Certes, le programme d’enseignement québécois a connu des réformes importantes à l’orée des années 2000, mais la province traîne encore de la patte. Certain·e·s aiment se convaincre que le racisme systémique n’est qu’un mythe, une invention.

Ailleurs, pourtant, des initiatives structurantes sont mises en place. En Alberta, les enfants apprennent à compter jusqu’à 10 en langue crie. Ils·elles visitent des tentes de sudation, mémorisent la reconnaissance de territoire et, surtout, en comprennent l’importance. En Colombie-Britannique, dès le primaire, des consultant·e·s autochtones dispensent des formations aux enseignant·e·s, afin qu’ils·elles puissent aborder la culture et le mode de vie des peuples autochtones de manière juste et éclairée, non seulement en histoire, mais aussi à travers l’art. Car dans la culture autochtone, l’art dépasse sa simple dimension esthétique : il porte une vision du monde, une mémoire, un vécu.

« On porte tous·tes notre passé en nous, et on le transforme en langage – en art. En tant qu’artistes et enseignant·e·s, on a la responsabilité de le faire vivre. C’est pour ça que c’est un tel poids à porter : on nous fait culpabiliser si on ne le fait pas »
MC Snow, artiste en résidence

C’est précisément ce que l’artiste en résidence à McGill MC Snow cherche à transmettre à travers ses sculptures et peintures, qui abordent les défis sociaux liés au contexte postcolonial et à la réappropriation culturelle. Son travail s’ancre dans les techniques et arts autochtones traditionnels, mettant en lumière la transmission des savoirs, des croyances et des pratiques. Il privilégie des matériaux et des techniques ancestrales, tout en explorant les contrastes entre l’art précolonial et moderne.

Le jeudi 27 mars, dans le cadre de l’Initiative d’études autochtones et d’engagement communautaire (ISCEI) l’artiste multidisciplinaire kanien’kehá:ka a pris part à un panel aux côtés de la chorégraphe mohawk Barbara Diabo, de Thomasina Phillips, directrice adjointe du Bureau des initiatives autochtones à McGill, et de Kurt Kershl, le coordonnateur de soutien autochtone de la Commission Scolaire de Montréal Ensemble. Ils·elles ont discuté de l’intégration de l’art autochtone dans les écoles et les universités, un enjeu fondamental pour la reconnaissance et la transmission des cultures autochtones.

Au-delà des identités fracturées

« Je n’ai pas grandi avec une grande connaissance de ma culture, et je pense que c’est une histoire qui ressemble à celle de beaucoup d’autres (tdlr) », confie MC Snow. « J’ai passé ma vie à chercher ce “quelque chose” sans vraiment savoir ce que c’était… » Ce vide identitaire, cette quête sans cesse renouvelée d’un héritage partiellement effacé, MC Snow la transforme désormais en outil de transmission et de guérison.

Face aux questions de Barbara Diabo – « Comment continuer à avancer? Comment donner de la force aux autres à travers notre art? » – MC Snow explique qu’il voit dans l’art un pont entre les mondes : « L’art est l’une de ces langues qui transcendent les barrières, qu’elles soient linguistiques ou culturelles. Il touche aux émotions, à l’humanité même. À ce niveau fondamental, on se comprend tous·tes. C’est un moyen d’expression universel, et c’est justement pour ça qu’il est si essentiel. »

« Certaines communautés ont peur de partager ce qu’elles ont, même quand c’est précieux. Parce qu’après tout ce qu’on a vécu, on craint encore de tout perdre »
MC Snow, artiste en résidence

« L’art transforme des vies. J’ai vu les réactions des gens, que ce soit dans les écoles, au théâtre ou ailleurs. L’impact est réel », témoigne Barbara Diabo. Pour la chorégraphe mohawk, la danse s’apparente davantage à un rituel qu’à une simple performance : « On danse pour nos ancêtres. Vraiment. Ce ne sont pas que des mots. On danse aussi pour les générations futures, pour la terre, pour guérir. C’est un moment de partage profond, une médecine précieuse. […] Quand j’ai commencé à apprendre les danses de ma culture, ma vie s’est dotée d’une toute autre richesse, bien au-delà de ce que pouvait m’apporter le ballet, par exemple. »

Le fardeau de la transmission

« Ce n’est pas seulement une question de transmission de l’histoire. L’art parle aussi de nos préoccupations actuelles, de l’avenir », précise MC Snow. « On porte tous·tes notre passé en nous, et on le transforme en langage – en art. En tant qu’artistes et enseignant·e·s, on a la responsabilité de le faire vivre. C’est pour ça que c’est un tel poids à porter : on nous fait culpabiliser si on ne le fait pas. »

Barbara Diabo aborde cette responsabilité sans détour : « Les danseur·se·s sont, de manière générale, un groupe anxieux. Mais en tant que danseur·se·s autochtones, on porte un traumatisme intergénérationnel qui nous touche encore aujourd’hui. Et en plus, on a un devoir envers nos communautés. On ne peut pas juste être dans le “moi, moi, moi”. Ce ne serait pas juste. On doit aussi transmettre, enseigner, redonner. C’est une grande responsabilité. »

Mc Snow ajoute : « Parfois, c’est ce qui nous freine aussi. Certaines communautés ont peur de partager ce qu’elles ont, même quand c’est précieux. Parce qu’après tout ce qu’on a vécu, on craint encore de tout perdre. » Cette crainte légitime façonne la manière dont les artistes autochtones abordent le partage de leur culture. « Quand j’enseigne nos danses à des non-Autochtones, il y a toute une réflexion derrière », explique Barbara Diabo. « Je leur explique toujours : “Je vous l’enseigne parce que je peux et parce que je veux que vous en fassiez l’expérience, que vous ressentiez quelque chose. Mais vous ne pouvez pas simplement prendre cette danse et la mettre en scène de votre côté.” Parce qu’en ce moment, notre peuple est encore en train de reconstruire sa culture. Elle nous a été arrachée pendant des siècles… Nous sommes encore fragiles face à ce partage. »

La renaissance identitaire par l’art

Cette fragilité se manifeste particulièrement chez les jeunes. « Cette crise identitaire, cette hésitation entre vouloir s’intégrer et vouloir revendiquer son identité… Cette peur est encore bien présente », observe Kurt Kershl. « Et pas seulement chez les jeunes Autochtones, mais aussi chez celles et ceux qui ont une identité mixte. »

Pourtant, les signes d’une renaissance culturelle se multiplient. Barbara Diabo en témoigne : « Quand il y a un·e élève autochtone dans une classe, il·elle se redresse soudain, il·elle se sent concerné·e. Quand j’arrive en classe et que je leur fait part de mon amour pour notre culture, il·elle se redresse encore davantage. »

Pour Kurt Kershl, ces moments de reconnexion justifient tous les efforts : « Ce qu’on fait, c’est avant tout du soutien direct aux élèves. Et c’est ce qui est le plus important dans notre travail : les aider à se sentir légitimes, à comprendre qu’ils·elles ont leur place. On fait parfois des erreurs, nos actions peuvent sembler performatives, pas toujours aussi relationnelles qu’on le souhaiterait. Mais si, de temps en temps, un·e élève trouve sa place grâce à ça, alors ça en vaut la peine. »

« Être ici, échanger avec vous, voir tout ce qu’on met en place pour l’avenir… C’est puissant », conclut MC Snow. « On ne fait pas que parler, on agit. Et c’est motivant. J’ai hâte de continuer chaque jour, parce que je ressens vraiment que ce qu’on fait a du sens

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Une approche trop tiède pour un sujet brûlant https://www.delitfrancais.com/2025/03/26/une-approche-trop-tiede-pour-un-sujet-brulant/ Wed, 26 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57891 Critique de Jouer avec le feu.

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L e dernier film des sœurs Delphine et Muriel Coulin, Jouer avec le feu, s’attaque à un sujet brûlant d’actualité : la radicalisation d’un jeune homme au sein de l’extrême droite. Le long-métrage adopte une approche intimiste en suivant le parcours d’un père veuf incarné par un Vincent Lindon bouleversant, confronté à la dérive de son fils aîné. Mais si l’ambition est louable, l’exécution laisse perplexe.

Un drame familial avant tout

« C’est un film sur l’amour filial plus que sur la menace que représente l’extrême droite, et c’est là que le bât blesse »

Plutôt que de documenter la radicalisation, le film en capte l’écho à travers le prisme familial. Si ce choix permet une plongée sensible dans la sidération et l’incompréhension du père, il frustre néanmoins par son refus d’aller au-delà de la sphère domestique. Tout comme Pierre, on ne peut qu’assembler des bribes, sans jamais être un témoin direct de l’endoctrinement de Fus (Benjamin Voisin). Ce parti pris narratif, bien que défendable, atténue la portée politique du récit : les antifascistes restent hors champ, les victimes de l’idéologie de Fus invisibles, et la violence qu’il perpétue, quasi inexistante à l’écran. C’est un film sur l’amour filial plus que sur la menace que représente l’extrême droite, et c’est là que le bât blesse.

Une radicalisation hors champ

Ce n’est pas par manque d’expertise ou par prudence que les réalisatrices se contentent de suggérer la déchéance du fils aîné : des documentaires sur la résurgence des discours masculinistes et du fascisme, en France ou ailleurs, il y en a d’excellents, comme Generation Hate (2018), qui ne filtrent pas cette réalité à travers le tamis de la fiction. Non, pour les Coulin, il s’agit plutôt d’observer les répercussions au sein de la famille de ce soudain virage à droite. Comment peut-on en arriver là? La réponse n’est jamais énoncée clairement. Pas par pudeur, mais parce qu’il n’y en a pas.

L’aveuglement involontaire du père est d’ailleurs évoqué subtilement à travers plusieurs scènes : lorsqu’il éteint la radio pile au moment où l’on aborde la désillusion politique des jeunes, ou quand il zappe sans un mot le téléjournal dénonçant la résurgence des rassemblements nazis pour se réfugier dans un match de foot. Ce n’est que lorsqu’il est déjà trop tard qu’il commence à s’opposer aux comportements de son fils. Sans condamner Pierre, le film pointe du doigt cet aveuglement, cette complaisance qui laisse le terrain libre aux idéologies toxiques. Et dans un monde où les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces discours, cette mise en garde résonne avec une acuité troublante.

Entre retenue et insuffisance

Malgré le souci catégorique des sœurs Coulin d’éviter le manichéisme, elles proposent pourtant un scénario assez bancal : le fils ainé se révolte, s’embrigade, se radicalise. Quelques moments doucereux en famille. Fus est peut-être fasciste, mais il n’est pas un si mauvais garçon. Oh! Il se fait tabasser par des antifas à un rassemblement nazi. Pauvre lui. Est-ce ce qui le convaincra enfin qu’être nazi, c’est mal? Et non, il se venge en s’en prenant à ses persécuteurs. Il écope d’une sentence de 20 ans en prison. Vincent Lindon est triste. Générique de fin. Conclusion : le nazisme, ça craint. Le meurtre, c’est mal. Je n’avais pas besoin de visionner un film de 120 minutes pour l’apprendre.

Jouer avec le feu laisse une impression d’inabouti. La nuance, revendiquée par les réalisatrices, se transforme parfois en esquive. Certes, on comprend que le but n’était pas d’humaniser Fus, mais de questionner jusqu’où l’amour parental peut survivre à l’horreur. Pourtant, en évacuant toute analyse approfondie de la radicalisation, le film semble contourner son propre sujet. S’intéresser aux relations familiales est une chose, mais quand le contexte implique le fascisme, peut-on vraiment se permettre de rester en surface? À vouloir éviter la démonstration frontale, Jouer avec le feu risque de minimiser l’ampleur du problème qu’il prétend observer.

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Consommer local, aussi en musique https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/consommer-local-aussi-en-musique/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57765 Visibiliser la musique francophone grâce à MUSIQC.

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L a guerre tarifaire des États-Unis a ravivé un discours déjà bien connu : l’importance de consommer local. Mais au-delà des produits manufacturés, cette nécessité s’étend aussi à la culture. Si la musique québécoise et francophone peine à exister sur les grandes plateformes de diffusion en continu, ce n’est pas faute de production, mais faute de visibilité. Marginalisée par des algorithmes qui favorisent l’anglais, reléguée à la périphérie des recommandations, elle se retrouve prisonnière d’un système qui ne la met pas en avant.

« Un projet qui ne se contente pas de dénoncer le problème, mais qui agit concrètement pour contrer, dans une démarche plus large de préservation linguistique et identitaire »

C’est précisément pour répondre à cette crise culturelle que MUSIQC a vu le jour. Espace numérique québécois, la plateforme agrège et met en valeur la musique francophone et instrumentale d’ici, tout en accueillant des artistes francophones d’ailleurs. Un projet qui ne se contente pas de dénoncer le problème, mais qui agit concrètement pour résoudre, dans une démarche plus large de préservation linguistique et identitaire.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Ariane Charbonneau, directrice générale dela SPACQ-AE, association qui représente les auteur.e.s compositeurs.trices et artistes entrepreneur.e.s, qui est l’instigatrice de MUSIQC, qui m’a dressé un portrait sans complaisance de la situation actuelle de la musique francophone au Québec. Notre discussion a mis en lumière les défis existentiels auxquels fait face la musique d’ici – et les solutions audacieuses que propose MUSIQC pour y remédier.

Une crise de visibilité

« Le premier constat, c’est que les Québécois n’écoutent pas leur propre musique, surtout la musique francophone », me lance d’emblée Ariane Charbonneau. Les chiffres qu’elle avance donnent le vertige : selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ), en 2023, seulement 5 % des 10 000 chansons les plus écoutées étaient de la musique francophone québécoise. Si l’on élargit le spectre pour inclure la musique francophone, ce chiffre grimpe à peine à 8,5 % – un pourcentage dérisoire pour une population qui représente pourtant 23 % du Canada et dont la langue officielle est le français. Plus alarmant encore, les nouveautés francophones québécoises ne représentent que 2 % des écoutes totales. « Clairement, il y a un problème de proportion », souligne Charbonneau.

« La raison pour laquelle les gens ne consomment pas cette musique, c’est qu’ils ne la voient pas […] Les artistes, en fait, ne sont simplement pas mis en valeur, ils ne sont pas recommandés »

Ariane Charbonneau

Ce n’est pas seulement un problème de chiffres, mais bien d’une érosion identitaire dont les conséquences dépassent largement le cadre strictement musical. L’OCCQ, branche de l’Institut de la statistique du Québec, dresse un portrait sans appel d’une musique francophone en voie de marginalisation sur son propre territoire – une sorte d’exil intérieur qui frappe de plein fouet les créateurs d’ici.

Ce premier constat s’accompagne d’un second, tout aussi préoccupant : la difficulté chronique pour les artistes québécois d’atteindre leur public. « La raison pour laquelle les gens ne consomment pas cette musique, c’est qu’ils ne la voient pas », m’explique-t-elle. « Les artistes, en fait, ne sont simplement pas mis en valeur, ils ne sont pas recommandés. […] Puis on a beaucoup de recommandations d’algorithmes qui poussent plutôt des contenus anglophones. »

Un troisième constat vient s’ajouter aux deux premiers : le soi-disant « déclin de la langue française » au Québec. « Il y a eu un plan pour la langue française construit avec six ministères différents pour freiner l’érosion de la langue dans toutes les sphères de la société québécoise », me rappelle Charbonneau. Or, la musique représente un vecteur particulièrement puissant pour la préservation du français dans toutes les sphères de la société québécoise. « Même dans ce plan, on reconnaît l’importance de la musique comme un véhicule clé pour préserver notre langue », souligne-t-elle avec conviction. Dès lors, comment agir concrètement pour favoriser la visibilité de cette musique qui porte en elle une part de notre identité collective?

Le modèle MUSIQC

C’est en réponse à ces constats alarmants qu’est née MUSIQC, une initiative qui se distingue par son approche innovante. Contrairement à une plateforme de diffusion traditionnelle comme Spotify ou Apple Music, MUSIQC se définit comme un véritable « quartier général » de la musique francophone.

« L’idée, c’est de prendre la musique qui est déjà disponible en ligne, de la centraliser et de la remettre en circulation à travers des listes de lecture faites par des humains », m’explique Charbonneau. Elle précise : « Pour notre secteur, l’accessibilité à la musique, ce n’est pas un enjeu. Tout le monde met de la musique sur Spotify, tout le monde met de la musique sur YouTube. C’est impensable aujourd’hui qu’un artiste ne le fasse pas. La musique est déjà disponible. L’idée, c’est de recentraliser tous les contenus qui sont déjà disponibles, puis de les regrouper dans un lieu seul lieu central. »

Les propositions musicales y sont entièrement gratuites et ne requièrent aucun identifiant, supprimant ainsi toutes les barrières qui freinent habituellement la découverte des artistes locaux. Le fonctionnement de la plateforme se veut simple mais redoutablement efficace : chaque jour, le site propose de nouvelles recommandations, renouvelant constamment l’offre musicale. « On est constamment dans la mise en valeur, constamment dans la recommandation. Quand tu visites le site, on te propose toujours une nouvelle liste de lecture, un nouveau programmateur. […] Tu vas toujours trouver du contenu à découvrir », affirme Charbonneau. Et il semblerait que cette approche rencontre un écho favorable bien au-delà des frontières du Québec : « MUSIQC est déjà utilisé en ce moment dans 55 pays, dont la France, le Canada, les États-Unis et le Mexique, dans le top quatre. » Une preuve tangible que la musique francophone québécoise peut rayonner internationalement lorsqu’on lui donne les moyens de se faire entendre et apprécier.

L’adoption rapide de la plateforme dépasse même les attentes initiales de ses fondateurs : « On a eu une adoption très rapide de MUSIQC. On a même eu des écoles qui nous ont demandé de leur envoyer des posters, des trucs comme ça pour les faire circuler. » Les demandes ont été si nombreuses qu’ils ont dû mettre en place un formulaire pour les centraliser, signe indéniable que la plateforme répond à un besoin réel et pressant.

Encourager la découvrabilité

« Les artistes québécois francophones ne sont pas mis en avant sur les grandes plateformes », m’explique Charbonneau. Sur Spotify et Apple Music, la majorité des recommandations des algorithmes favorisent les artistes anglophones, qui génèrent plus d’écoutes. Cette marginalisation n’est pas qu’une simple conséquence des préférences individuelles des auditeurs – elle est le fruit d’un déséquilibre structurel ancré dans les modèles de recommandations numériques. Les grandes plateformes fonctionnent avec des algorithmes optimisés pour maximiser l’engagement et les écoutes répétées. Or, la musique anglophone dominant le marché mondial, cela crée un cercle vicieux où la visibilité entraîne plus d’écoutes, qui entraînent à leur tour plus de visibilité – un système qui s’auto-alimente et laisse peu de place à la diversité culturelle et linguistique.

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L’art de jouer avec la langue https://www.delitfrancais.com/2025/03/19/lart-de-jouer-avec-la-langue/ Wed, 19 Mar 2025 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57801 Entretien avec l’auteur Francis Ouellette.

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Pour cette édition spéciale de la Francophonie, en Culture, nous avions l’embarras du choix : la langue française, qu’elle soit parlée ici ou ailleurs, est à la source d’une panoplie d’œuvres littéraires, cinématographiques, picturales, musicales, etc. Tellement d’artistes de talent la manient, la renouvellent, l’enrichissent.

Au Québec, je ne vous apprends rien, notre rapport à la langue française en est un bien particulier, qui conjugue honte et fierté. On nous martèle sans cesse que nous nous devons de « préserver le français au Québec ». Mais de quel français parlons-nous? Celui, joualisé, de Michel Tremblay? Celui, institutionnel, de Molière? Un franglais « contaminé »? Devons-nous à tout prix nous méfier de la « menace » de l’anglais et éviter ce français imprégné d’anglicismes qui nous caractérise pourtant si bien? Comment peut-on parler de préservation de la langue sans vraiment savoir quelle langue nous nous évertuons à défendre?

Une chose est claire, la langue est au cœur de notre identité, et, inévitablement, la littérature devient le reflet de cette obsession linguistique : dans Mélasse de fantaisie, premier roman de Francis Ouellette, récipiendaire du Prix des collégien·ne·s en 2022, le français québécois devient pleinement littéraire. Francis propose un rapport décomplexé à la langue, dans une prose qui manie la langue de façon presque instinctive. Pas de distinctions cantonnées entre la narration et les dialogues, les registres s’entrelacent, dans une hybridité où la langue populaire devient matière littéraire.

Le 26 mars prochain, c’est l’histoire du personnage de Frigo, l’attachant sans-abri de Mélasse de fantaisie, qui nous sera racontée dans Sirop de Poteau, à paraître chez les éditions La Mèche. Pour l’occasion, j’ai eu le privilège de rencontrer l’auteur, afin d’en apprendre plus sur son prochain roman, mais surtout pour discuter de littérature, de langue québécoise et de francophonie.

« Francis propose un rapport décomplexé à la langue, dans une prose qui manie la langue de façon presque instinctive »

Le Délit (LD) : Ton premier roman, Mélasse de fantaisie, a été récompensé du Prix littéraire des collégien·ne·s. Qu’est-ce que cette reconnaissance signifie pour toi, et qu’est-ce que cela t’a appris sur la réception de ton œuvre par un lectorat plus jeune?

Francis Ouellette (FO) : C’est le meilleur prix qu’une œuvre littéraire peut espérer recevoir. Ce qui est génial avec ce prix-là, c’est que tu es en contact avec la prochaine génération de lecteurs, mais aussi potentiellement avec une prochaine génération d’auteurs. Tu es en contact avec ce qui va former la littérature de demain. […] À chaque conférence que tu fais, à chaque classe que tu rencontres, il y a des germes d’idées qui s’installent dans les conversations. Je me rends compte, moi, que le troisième livre que je suis en train d’écrire est inspiré par plusieurs commentaires que j’ai reçus. Ça nourrit l’imaginaire.

C’est aussi la fréquentation avec les étudiants dans le contexte du prix des collégiens qui a fait que j’ai commencé à faire confiance à la possibilité que j’écrive un cycle qui se passe dans un même univers, avec les mêmes personnages, dans une espèce d’itération un peu involontaire de Michel Tremblay. Les chroniques du Centre-Sud, les chroniques du Faubourg à m’lasse! J’ai vraiment la possibilité de faire un cycle, avec la même langue, avec le même environnement, avec les mêmes personnages. J’ai envie de faire ça. Pourtant, c’est justement ce que j’essayais de contourner avec Mélasse de fantaisie. Je ne voulais pas être « coincé » ou cantonné à un seul style d’écriture. Mélasse de fantaisie, ce n’est pas mon style d’écriture en soi. C’est un exercice littéraire volontaire.

Je me rends compte en me promenant dans les cégeps que les gens ont peut-être envie de voir l’histoire d’autres personnages. Le monde veut en savoir plus sur Ti-criss, sur Frigo. Pour l’instant, j’ai Sirop de poteau qui sort dans deux semaines, que je préfère à Mélasse de fantaisie, en fait. J’ai eu du fun à l’écrire, celui-là. Je me suis permis d’aller dans de l’exploration littéraire plus poussée.

« J’ai toujours trouvé que l’idée que quelque chose soit une histoire vraie ou inspiré d’une histoire vraie, ça peut brouiller les codes de la personne qui lit, qui regarde le film. Ça devient obsessif, un peu »

LD : Comment appréhendes-tu l’étiquette de l’autofiction associée à ton roman?

FO : Je la revendique. Autofiction en réalisme magique. J’ai toujours trouvé que l’idée que quelque chose soit une histoire vraie ou inspiré d’une histoire vraie, ça peut brouiller les codes de la personne qui lit, qui regarde le film. Ça devient obsessif, un peu. […] Plus c’est farfelu, intense, violent et trash, plus c’est vrai. Là où il y a de l’invention, c’est dans la structure littéraire, dans la manière dont l’espace-temps est vécu ou perçu. Je ne peux pas être un narrateur omniscient. Dans le cas de Frigo, c’est un personnage qui est un peu « métaconscient ». Il y a une forme de communication intradiégétique entre le personnage et moi.

LD : J’imagine aussi que le réalisme magique te permet justement plus de liberté créative.

FO : Ça me permet effectivement de pousser l’exploration formelle. Ça me permet aussi – d’où le titre – de m’appuyer sur une notion de fantaisie, qui laisse avoir une certaine forme de distance. Mais ça me permet aussi, moi, en tant que narrateur et en tant qu’individu qui partage ses histoires personnelles, de me cacher, de trouver une zone de recul où tout ça n’est pas non plus totalement épidermique. Donc, j’ai toujours trouvé que le titre à lui tout seul évoque un peu cette espèce de bipolarité. La mélasse, c’est le réalisme, c’est le tangible, c’est le matériel. La fantaisie, c’est ce qui est déterré. Dans Sirop de Poteau, il y aura question d’endroits comme le fameux parc Belmont, qui était un centre d’attraction avant la Ronde, ou le Jardin des Merveilles, un jardin zoologique qui était au milieu du parc Lafontaine. À un moment donné, il y a un éléphant qui s’est sauvé sur la rue Dorchester. Ça va déjà dans l’espace du mythe un peu.

« J’ai vraiment la possibilité de faire un cycle, avec la même langue, avec le même environnement, avec les mêmes personnages. J’ai envie de faire ça »

LD : Penses-tu que la littérature qui se déroule en ville, comme Mélasse de fantaisie, par exemple, c’est un mouvement littéraire en soi?

FO : Peut-être un peu, mais surtout sous la bannière de l’éditeur. Sébastien Dulude, qui est l’éditeur de La Mèche, a écrit Amiante. Amiante, c’est du néo-terroir. Il a publié et épaulé beaucoup de romans qui sont dans des quartiers urbains, qui fonctionnent un peu comme des villages. Donc, ça finit par être une espèce de roman de néo-terroir, à cause de l’appartenance à l’environnement, à la terre, qui est un milieu urbain. La terre façonne le personnage et les individus, mais aussi, en même temps, les traumatismes, les abus, les violences. Il y a assurément des romans publiés à La Mèche qui sont dans cette mouvance-là, une espèce de néo-terroir traumatique.

LD : Crois-tu que l’écriture du trauma peut permettre de guérir un peu, ou du moins, que c’est un exutoire pour le traumatisme?

FO : Selon mon point de vue, totalement. Mais ça dépend de comment tu perçois cet exercice-là. Moi, l’exercice, dans ce cas-ci, il n’était pas que littéraire, il était aussi psychologique. Je n’ai pas juste écrit mon histoire, j’y ai replongé. C’est comme une volonté de reprise, dans mon cas, de reprise de pouvoir par la réinvention de la réalité. C’est de reprendre son histoire personnelle, puis de l’envoyer là où on veut. Un mot qui me plait beaucoup dans le féminisme, dans les autofictions féministes, souvent à caractère traumatique, c’est « empowerment », l”« empuissancement ». Je trouve ça beau « empuissancement ». Le mot est fort. C’est une reprise de pouvoir sur son destin, sur son histoire personnelle. […] Mais c’est intéressant que ça soit si féminin. Quand les hommes font dans le registre de l’autofiction, il n’est pas traumatique.

LD : Il est plus ludique.

FO : Oui, il est plus ludique. On parle de mariage, on parle de consommation d’alcool, de partys. Il y a assurément plus d’hommes victimes d’abus sexuels ou de viols que ce que les statistiques indiquent. Mais la culture patriarcale fait que l’homme autosuffisant trouve sa force intérieure pour se soigner et n’en parlera pas. C’est le vestiaire de hockey. Je n’osais pas croire que j’allais être un défricheur sur ce plan-là. Mais en écrivant Mélasse de fantaisie, je me rendais compte que pas beaucoup d’hommes l’avaient fait.

LD : Au Québec, certains défendent une approche plus puriste de la langue, d’autres prônent son adaptation aux réalités contemporaines, notamment face à l’influence de l’anglais. Où te positionnes-tu dans ce débat?

FO : […] Je ne vois pas ça d’un mauvais œil, la mutation. C’est important, c’est nécessaire. À partir du moment où l’anglais décrié dans mon environnement est entré dans ma propre culture, pour moi, ce n’était pas un effet de colonisation, ça a juste été un élargissement de la pensée, un enrichissement de la langue. Cette richesse polysémique, quand on la travaille bien, elle peut aller très loin.

Souvent, on me dit que j’ai un point de vue modéré. Mais pour moi, ce n’est pas modéré du tout comme point de vue, bien au contraire. C’est nécessaire. Les mutations, dans un futur presque imminent, sont incontournables. Ce n’est pas quelque chose qu’on va pouvoir négocier. Ça va se faire malgré nous. D’emblée, si on considère que le territoire modifie la langue, cette mutation-là est inévitable et je pense qu’il faut l’épouser.

Je pense que c’est mon thème obsessif, le déchirement identitaire. À toute échelle ; la crise identitaire du Québécois, la crise identitaire de l’individu né en milieu ouvrier et qui a eu accès à l’éducation, qui n’appartient plus à rien, qui est deux en même temps, dans deux environnements. La mixité entre la langue québécoise, la langue française, la mixité jusqu’au titre. Il y a une musicalité là-dedans. La musicalité du joual est très, très, très importante pour moi. La musicalité du joual, la trituration du langage. Je suis fasciné par toutes les formes d’expression du français qui ont été modifiées par leur environnement, la Louisiane, la Belgique […] Quand on parle de la musicalité, il y a aussi la conviction profonde que la langue québécoise est une contribution d’une richesse inouïe à la francophonie. Et là-dedans, j’ajoute aussi les fameux sacres, qui sont d’une richesse rare. Ce n’est pas un appauvrissement de la langue. Comme dit Fred Pellerin – en ce qui me concerne, une autre influence involontaire – « ce n’est pas une pauvreté de langage, c’est une puissance de sentiments ». Moi j’ai du plaisir à jouer avec la québécité, la langue québécoise, le français international et littéraire.

LD : Quand tu écris, est-ce que tu parles à voix haute?

FO : Tout le temps, puis je me relis à voix haute aussi. Le slam et le hip-hop ont une influence aussi. Straight out du Faubourg à m’lasse. Le jazz aussi. Beaucoup, beaucoup. Donc oui, vraiment, je fais beaucoup ça, ce sont quasiment des monologues de théâtre. Et ce n’est pas l’influence de Tremblay, vraiment. Mon rapport avec Tremblay est super ambigu. Il est fabuleusement important, mais ce n’est pas de lui que je m’inspirais quand j’écrivais. Étrangement, il y a des inspirations chez Tremblay, mais pas celles qu’on devrait croire.

« Je pense que c’est mon thème obsessif, le déchirement identitaire. À toute échelle ; la crise identitaire du Québécois, la crise identitaire de l’individu né en milieu ouvrier et qui a eu accès à l’éducation, qui n’appartient plus à rien, qui est deux en même temps, dans deux environnements »

LD : Pas celles qui sautent aux yeux du moins.

FO : Non, exact. C’est plus le fait d’être dans un quartier, d’avoir sa langue, d’avoir les « petites gens ». C’est beaucoup plus, pour moi, c’est la construction d’un univers, mais aussi sa capacité [à Tremblay] à donner à des histoires ouvrières d’un milieu pauvre, des accents de grandes tragédies grecques, de grandes comédies de Molière.

LD : Faire du grand avec du petit.

FO : Exact.

LD : Tu publies Sirop de poteau le 26 mars, qui va raconter l’histoire du personnage de Frigo. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce deuxième roman?

FO : Même niveau de langue, mais qui va parler plus de réalisme magique. De base, Sirop de poteau était paru dans la revue L’itinéraire, sous forme de roman-feuilleton mensuel. Donc, cette version-là – je vais encore utiliser un mot en anglais ici – c’était une version raw, une version crue. C’est un exercice littéraire intéressant d’écrire tous les mois un chapitre. Après ça, je ne pensais pas que ça serait publié, vraiment pas. Je pensais que ça existerait juste au sein de L’itinéraire, et qu’on allait peut-être sortir un livre à même la revue pour que les camelots le vendent et fassent de l’argent avec. Et c’est en partie ce qui va se passer, parce que les camelots vont avoir le livre avec eux ; le cash leur revient.

« Je veux être le porte-parole d’une seule chose : la fierté de cette langue-là. That’s it. Qu’on puisse utiliser cette langue-là, l’ennoblir, la traiter avec respect. Autant les idiomes que les expressions »

LD : Peut-on lire Sirop de poteau sans avoir lu Mélasse de fantaisie?

FO : Je crois que oui. Je crois que le travail éditorial a fait en sorte qu’on se retrouve dans une zone où il existe par lui-même, mais on a aussi travaillé de sorte qu’en lisant Sirop de poteau, le monde va avoir envie d’aller lire Mélasse de fantaisie. J’essaie vraiment de m’enligner pour quelque chose qui ressemble à un cycle. Je veux être le porte-parole d’une seule chose : la fierté de cette langue-là. That’s it. Qu’on puisse utiliser cette langue-là, l’ennoblir, la traiter avec respect. Autant les idiomes que les expressions.

Une phrase comme « les bottines suivent les babines », c’est magnifique. Ces choses-là sont magnifiques. Elles ne doivent pas se perdre, mais elles peuvent faire partie d’une mutation. Elles peuvent rester. Elles doivent rester, en fait.

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Les Rendez-vous Québec Cinéma https://www.delitfrancais.com/2025/02/26/les-rendez-vous-quebec-cinema/ Wed, 26 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57604 Célébrer notre cinéma, affirmer notre culture.

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L e cinéma québécois traverse une période charnière. À l’heure où certains remettent en question son identité même, un festival comme le Rendez-vous Québec Cinéma (RVQC) devient plus qu’un simple événement : il s’impose comme un acte de résistance, un rappel essentiel de la vitalité et de la singularité de notre cinéma. Depuis plus de 40 ans, il demeure le seul festival entièrement consacré à notre filmographie nationale, offrant un panorama foisonnant du 7e art d’ici, des premières œuvres audacieuses aux films des cinéastes les plus établis.

« Pendant neuf jours, le RVQC devient le cœur battant de notre culture, un espace où le cinéma d’ici n’a pas à se justifier, mais simplement à exister, sous toutes ses formes »

Avec près de 200 films, dont une centaine de premières, et une programmation riche en rencontres, discussions et événements gratuits, le RVQC s’acharne à faire vivre le cinéma québécois en rassemblant public, créateurs et artisans de l’industrie. Car qu’est-ce qui définit véritablement notre cinéma? L’origine de ses créateurs? Son financement? Ses thèmes récurrents? Si l’identité du cinéma québécois semble insaisissable, ce festival prouve qu’elle existe bel et bien : mouvante, riche, profondément enracinée dans notre imaginaire collectif. Pendant neuf jours, le RVQC devient le cœur battant de notre culture, un espace où le cinéma d’ici n’a pas à se justifier, mais simplement à exister, sous toutes ses formes.

Premières mondiales

Parmi les nombreuses premières mondiales présentées cette année, deux films se démarquent par leur caractère incontournable : les œuvres sélectionnées pour inaugurer et clôturer le festival.

Le 19 février, Les perdants, documentaire coup-de-poing de Jenny Cartwright, a lancé les festivités. En suivant trois candidats aux élections provinciales de 2022, tous promis à une défaite certaine, le film expose avec une lucidité mordante les failles du système électoral québécois : ses obstacles accrus pour les femmes et les personnes racisées, son financement inéquitable, le poids écrasant des sondages et des médias. Ici, la défaite n’est pas qu’individuelle : c’est celle d’un jeu politique truqué, conçu pour écraser plus qu’élever.

Le jeudi 27 février, lors de la soirée de clôture, c’est MAURICE, documentaire intime de Serge Giguère, qui prendra le relais. Plus qu’un simple portrait de Maurice Richard, icône du hockey et figure emblématique de la culture québécoise, le film puise dans 35 ans d’archives inédites pour révéler l’homme derrière la légende. Entrelacé de témoignages exclusifs et de collaborations artistiques, MAURICE promet une immersion rare dans la vie du « Rocket ».

Les chambres rouges : un lancement sous haute tension

Dans le cadre du festival, j’ai pu assister au lancement du scénario du film Les chambres rouges (2023), à la Cinémathèque québécoise. Gratuit et accessible au public, l’événement proposait une performance en direct de la trame sonore du film, en présence de Pascal Plante, son réalisateur. Le film de Pascal Plante trouble autant qu’il fascine. On y suit une jeune femme, obsédée par le procès du « Démon de Rosemont », un tueur qui diffuse ses crimes sur le dark web. Muée par une curiosité maladive, elle tient mordicus à pénétrer la salle d’audience.

La musique oppressante était reproduite sur scène sans interruptions. Des projecteurs rouges illuminaient les trois musiciens, achevant de créer une ambiance lugubre, parfaitement accordée à l’affiche du film, celle-ci hissée en arrière-plan. Les morceaux oscillaient entre le doux grattement d’une guitare et le martèlement soudain de la batterie : le batteur, Dominique Plante, jouait avec une telle intensité qu’autour de moi, plusieurs spectateurs sursautaient au son des percussions, frappées avec vigueur.

Difficile d’imaginer Les chambres rouges sans sa trame sonore suffocante. Entendue en salle, elle vous prend à la gorge. Performée en direct, comme dimanche soir, elle devient presque physique : un grondement sourd, lancinant, qui pulse sous la peau, comme si l’angoisse avait trouvé sa fréquence. Une expérience à la fois troublante et captivante, qui prolonge l’impact du film bien au-delà de l’écran.

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Un pari audacieux, relevé avec brio https://www.delitfrancais.com/2025/02/20/un-pari-audacieux-releve-avec-brio/ Thu, 20 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57542 Six Characters in Search of an Author au Tuesday Night Cafe Theatre.

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Une mise en scène audacieuse, une troupe investie et un spectacle qui ne laisse pas indifférent·e : la toute première mise en scène de Solène Chevalier est une réussite. Plus qu’une pièce de théâtre, il s’agissait d’un véritable « passion project » pour la metteuse en scène.

Six characters in Search of an Author (Six Personnages en quête d’auteur) met en scène une troupe de théâtre en pleine répétition, interrompue par l’arrivée de six personnages inachevés, qui cherchent un auteur pour donner vie à leur drame. Le metteur en scène et ses acteur·rice·s, d’abord sceptiques, se retrouvent entraînés dans cette confrontation troublante entre fiction et réalité, où les frontières du théâtre vacillent.

Malgré la tempête qui faisait rage ce soir-là, le public était au rendez-vous pour assister à la création du Tuesday Night Café Theatre, troupe affiliée au département d’anglais de l’Université McGill. Voilà une belle preuve du succès de cette adaptation. L’esprit de camaraderie de la troupe y est sans doute pour beaucoup. Selon Solène, c’est d’ailleurs ce qui en fait la force. Dans les coulisses ou sur scène, cette chimie d’équipe transparaît. Les derniers préparatifs avant la représentation se font dans le rire et la bonne humeur, au gré des jeux d’improvisation et des exercices vocaux loufoques.

« Une mise en scène audacieuse, une troupe investie et un spectacle qui ne laisse pas indifférent·e : la toute première mise en scène de Solène Chevalier est une réussite »

Il faut dire que mettre en scène Six Characters in Search of an Author représentait un véritable défi. Lorsque Solène a soumis sa candidature au Tuesday Night Café Theatre, elle ne mesurait pas encore l’ampleur de la complexité du texte : sa structure non conventionnelle, marquée par des ruptures et un langage riche en double sens, rendait la mise en scène particulièrement exigeante.

Les monologues sont nombreux, parfois interminables, mais ils captivent grâce à une diction impeccable et à des interprétations solides. La Belle-fille (Leah) et le Père (Nikhil), qui ont les rôles les plus denses, s’imposent naturellement par la puissance de leur jeu. Malgré une répartition inégale du texte, chaque comédien·ne parvient à se démarquer. La Mère (Annabel) bouleverse par ses cris poignants et son regard larmoyant, tandis que le Fils (Hugo) captive par une colère contenue qui menace d’exploser à tout instant. Le rôle silencieux de l’Enfant, interprété par Édouard James, est une autre belle surprise. Sans prononcer un mot, le jeune comédien parvient à transmettre une gamme d’émotions saisissantes uniquement par le regard et les expressions du visage.

L’exploitation de l’espace scénique est particulièrement réussie : les acteur·rice·s ne se contentent pas du plateau, ils·elles débordent dans la salle, interagissent avec le public, font leur entrée par la même porte que les spectateur·rice·s. Cette forme de théâtre interactif se prolonge dans une mise en abyme orchestrée par le personnage du Metteur en scène (Mazdak). Accompagné de deux acteur·rice·s professionnel·le·s (Nicholas et Kyle), il s’évertue à reproduire le récit tragique des membres de cette étrange famille. Ce trio d’artistes insuffle une légèreté bienvenue grâce à un timing comique parfaitement maîtrisé, qui se double d’une réflexion sur la nature du théâtre.

Au-delà de son aspect métathéâtral, la complexité de la pièce relève de thèmes plus sombres, parmi lesquels la prostitution et le suicide. Si ceux-ci sont dévoilés dès le lever du rideau en guise de traumavertissements, leur traitement sur scène en est tout autre. Plutôt que de les exposer frontalement, la mise en scène les suggère habilement : un projecteur rouge qui isole la Belle-fille et le Père suffit à faire planer une menace palpable. De même, les trois coups de cloche en hommage aux trois coups de bâton classiques du théâtre marquent l’entrée dans cet univers troublant ; un clin d’œil au dénouement de la pièce, qui (alerte, divulgâcheur) se solde par un suicide, mais aussi une allusion à la Comédie Française – une institution que Solène apprécie particulièrement – qui souligne le début de chaque acte par le son de clochettes.

Malgré les nombreuses coupures effectuées, la pièce conserve toute sa puissance dramatique, à laquelle s’ajoute une série de scènes comiques : le jeu volontairement exagéré de Nicholas et Kyle, qui ironise sur le flair théâtral du Père et de sa Belle-fille, une série d’allusions pince-sans-rire aux monologues incessants du Père… Tous des moments qui sèment le rire parmi l’assemblée et qui contrebalancent le drame de la pièce.

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AUTS : une production digne de Broadway https://www.delitfrancais.com/2025/02/05/auts-une-production-digne-de-broadway/ Wed, 05 Feb 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=57337 Company sur scène au Théâtre Plaza.

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Si, comme moi, vous ignoriez l’existence de la Arts Undergraduate Theater Society (AUTS), l’engouement autour de leur plus récente production, Company, une comédie musicale signée Stephen Sondheim, aura tôt fait de vous captiver. Une équipe de 40 étudiant·e·s, dont 14 interprètes, un orchestre en direct et des répétitions acharnées depuis le mois d’octobre garantissaient d’emblée le succès de l’entreprise. Plus de 200 billets vendus lors de la première représentation et une salle pleine à craquer lors des suivantes ; le charme du Théâtre Plaza, hôte de la production, laissait présager le professionnalisme de la troupe. Avant le spectacle, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Anna Brosowsky, la metteuse en scène, ainsi que deux comédien·ne·s de la troupe, Henry Kemeny-Wodlinger, dans le rôle de Larry, et Kaya Edwards, dans celui de Jenny.

Pour Anna Brosowsky et Sam Snyders, chargés de la mise en scène, le choix de la comédie musicale Company s’est imposé comme une évidence : leur amour commun pour la pièce et les thèmes intemporels de celle-ci en faisaient une pièce idéale pour AUTS. « Les metteurs en scène adorent cette comédie musicale », me mentionne Kaya. « C’est leur préférée, alors [cet amour pour la pièce, ndlr] transparaît dans leur direction. Ils ont confiance en ce spectacle, et en nous : c’est motivant. Nous sommes chanceux de les avoir. » Henry renchérit : « Nous sommes très chanceux. Tout le monde veut être là […] et tout le monde a trouvé sa place dans cette troupe. »

Henry et Kaya soulignent aussi le défi que représentent les compositions de Stephen Sondheim, « l’un des compositeurs de théâtre musical [dont la musique, ndlr] constitue presque un genre en soi. Adapter Sondheim, ce n’est pas seulement difficile en ce qui a trait au drame, mais aussi à la musique. Il sait vraiment ce qu’il fait », m’explique Kaya.

En effet, la singularité des pièces de Sondheim surprend par son niveau de sophistication élevé, qui combine des harmonies et modulations complexes. Dans le cas de Company, il s’agit également d’une déconstruction du théâtre plus traditionnel. La comédie musicale met donc en scène le 35e anniversaire de Robert, affectueusement surnommé Bobby, le dernier célibataire de la bande. Plutôt que de privilégier un fil narratif linéaire, Sondheim propose une structure fragmentée, divisée en plusieurs saynètes, où Robert dîne en compagnie de différents couples, posant un regard sur leurs réalités respectives. Un « théâtre conceptuel » propre à Sondheim.

« Le fait que l’on puisse faire un spectacle de cette envergure, en étant tous des étudiant·e·s, c’est réellement un tour de force »

Le numéro d’ouverture instaure immédiatement le ton de la pièce : nous avons ici affaire à des passionné·e·s, et cette passion transparaît sur scène. Le professionnalisme de la troupe crève les yeux – les répétitions depuis le mois d’octobre et le talent indéniable des interprètes donnent lieu à un spectacle à couper le souffle. Après chaque numéro, les applaudissements semblent gonfler davantage. Au terme de chaque solo, mon admiration pour ces étudiant·e·s et leur indéniable talent grandit. Il faut dire que les réactions positives de la foule semblent nourrir l’interprétation : d’un numéro à l’autre, l’énergie semble se décupler, la puissance de la voix retentit plus fort, le jeu devient plus naturel, plus comique. On pourrait presque croire que les comédien·ne·s tentent de se surpasser l’un·e l’autre.

Ainsi, tour à tour, Marta (Jessica O’Gorman), Joanne (Irene Newman Jiminez) et Robert (Frank Willer) peuvent étaler l’ampleur de leurs prouesses vocales. Si la plupart des étudiant·e·s de la troupe n’étudient pas le théâtre, Henry et Kaya évoquent un amour collectif pour l’art de la scène. Plusieurs membres de la troupe ont de l’expérience en la matière ; Henry s’est d’ailleurs impliqué au sein d’autres clubs similaires à McGill. Avec Company, il s’implique pour une première fois dans une comédie musicale. Son expérience lui a décidément été bénéfique ; il incarne Larry, un homme dans la mi-trentaine, marié à Joanne, qui en est à sa troisième union. Bien que Joanne ne se laisse pas marcher sur les pieds et semble parfois intransigeante avec son mari, la saynète qui les met en vedette – toujours en compagnie du fameux Bobby – s’avère sans doute l’un des numéros les plus remarquables du spectacle : le synchronisme comique de Larry, combiné à la puissante voix de Joanne, achève de marquer les esprits. La performance d’Irene épate la foule et iel récolte sans doute les applaudissements les plus nourris de la soirée, dans une interprétation époustouflante de « The Ladies Who Lunch ».

Lorsque je l’interroge sur les spécificités d’AUTS par opposition à d’autres troupes de théâtre à McGill, Henry cite d’abord la quantité d’étudiant·e·s impliqué·e·s dans la production : « Il y a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus. C’est presque professionnel, du moment qu’on a un bon ensemble et un bon duo de metteur·euse·s en scène – et c’est le cas cette année. […] Il y a beaucoup de temps consacré à la préparation de ce spectacle, et beaucoup de gens derrière sa réussite. » Kaya abonde dans ce sens : « C’est tellement un projet d’équipe. […] Tout le monde a de l’expérience en théâtre, mais ce n’est le métier de personne [à proprement parler, ndlr]. Le fait que l’on puisse faire un spectacle de cette envergure, en étant tous·tes des étudiant·e·s, […] c’est réellement un tour de force. »

En effet, aux metteur·euse·s en scène et aux 14 interprètes s’ajoutent une trentaine de technicien·ne·s et un orchestre, dirigé par le prodigieux Jeremy Green, dont l’assurance, du haut de ses 17 ans, attirait les regards vers les coulisses de la scène. Seule critique à cet égard, la musique parfois trop forte enterrait les voix des interprètes lors des passages de dialogues chantés. Ainsi, depuis mon siège, je peinais à entendre les mots de « Getting Married Today », où le personnage d’Amy, interprété par Miranda De Luca, éprouve une série de doutes face à son mariage imminent avec Paul (Adam Siblini). Le flot de paroles débité à une vitesse hallucinante par le personnage en faisait de toute évidence une performance mémorable et un tour de force monumental de la part de son interprète, mais il aurait été d’autant plus impressionnant s’il avait été plus audible.

Mention honorifique au numéro mettant en scène Sarah (Odessa Rontogiannis) et Harry (Chris Boensel), celui ayant suscité le plus de rires de la part du public, où devant le regard effaré de Bobby, le couple se livre à un combat de karaté. Sans jamais se détacher de leurs rôles, Odessa et Chris multiplient les courbettes et les contorsions ; face contre terre, ils demeurent immobiles, suspendus dans le temps, alors que la Company chante la réalité des mariages mis en scène.

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Alexandra Stréliski à la salle Wilfrid-Pelletier https://www.delitfrancais.com/2025/01/22/alexandra-streliski-a-la-salle-wilfrid-pelletier/ Wed, 22 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56978 La magie de Néo-Romance.

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Je ne me considère pas particulièrement amatrice de musique classique. Je connais mes classiques – sans mauvais jeu de mots – mais je n’ai jamais été particulièrement encline à écouter ce genre de musique instrumentale. En tant qu’étudiante en littérature, les mots occupent une place importante dans mon quotidien, et un morceau de musique sans paroles me paraît de prime abord insipide. Et pourtant, malgré mes réticences à l’égard de ce genre de musique, le troisième album d’Alexandra Stréliski, intitulé Néo-Romance, figure parmi les titres les plus écoutés de mon année 2024.

Artiste complète et lumineuse, Alexandra Stréliski est une pianiste et compositrice québécoise qui transcende les frontières du classique moderne. Sa musique, intime et vibrante, résonne comme un dialogue universel, touchant les cœurs de millions d’auditeurs à travers le monde. Avec plus de 375 millions d’écoutes en continu, huit Félix, et un Prix JUNO, Stréliski s’impose comme une figure incontournable de la scène musicale contemporaine.

Le dimanche 19 janvier, c’est à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts qu’elle clôturait le cycle de Néo-Romance – un album qui lui a valu le Félix de la meilleure interprète féminine deux années de suite. La veille, j’ai eu la chance d’assister à son avant-dernière représentation.

Le pouvoir évocateur de la musique instrumentale

Les lumières se tamisent. Sur scène, un seul piano de concert, installé devant un paravent orné d’une peinture que je reconnais comme étant Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobé (1772). Suspendu au plafond, un assemblage de miroirs capte la lumière et multiplie à l’infini les reflets de la musicienne. C’est au sein de ce décor épuré qu’Alexandra Stréliski fait son entrée sur scène, sous un tonnerre d’applaudissements. Elle salue la foule, et sans plus attendre, entame un premier morceau au piano.

Voir jouer Stréliski, c’est une expérience infiniment différente que de simplement l’écouter ; elle n’est pas seulement musicienne, mais aussi performeuse. Sans fioritures ou artifices, elle commande la salle de ses mouvements sur les touches du piano. Le son des notes envahit son corps tout entier, et se répercute partout dans la salle. Je dodeline la tête au son de la musique. Je ne suis pas la seule ; plusieurs spectateurs se laissent bercer par la musique envoûtante de Stréliski. Depuis mon siège, les subtils mouvements de la foule forment une ondulation, qui se meut au rythme des notes du piano. Si la première chanson suffisait à captiver le public par sa douceur et ses accents de mélancolie, les prochaines compositions n’hésitent pas à changer de ton. La musicienne n’est plus seule sur scène désormais, mais bien accompagnée d’un orchestre presque exclusivement féminin – elle tenait à le préciser. Bien que les violons ajoutent indéniablement à la beauté des mélodies, il demeure que certaines chansons trouvent davantage leur éclat sans cet accompagnement instrumental. En effet, sur Changing Winds par exemple, la puissance des violons tend à étouffer la délicatesse du son du piano.

« Si la première chanson suffisait à captiver le public par sa douceur et ses accents de mélancolie, les prochaines compositions n’hésitent pas à changer de ton »

Ainsi, accompagnée par une douzaine d’instruments à cordes et à vent qui font gonfler l’intensité du concert, la pianiste vaque d’un piano de concert à un piano droit, n’hésitant pas à interagir avec la foule entre deux morceaux. D’emblée, elle brise la glace en dénonçant l’étiquette rigide des concerts de musique classique. Avec une touche d’humour, elle affirme n’avoir qu’une seule règle : si, par malheur, nous souffrons d’une quinte de toux, elle nous implore de toussoter « sur le beat ».

Même s’il s’agit de son deuxième concert de la journée – l’après-midi même, elle performait dans cette salle – Stréliski joue avec énergie et émotion. Parfois nostalgique, parfois comique. Tour à tour, elle émeut la salle avec Élégie, un « adieu à quelqu’un que l’on aime », qu’elle dédie avec compassion à « la personne à laquelle vous pensez en ce moment », dit-elle en déposant son micro et en entamant les premières notes de la touchante mélodie. Cet aveu me touche droit au cœur, et je me laisse porter par la musique, au gré de l’histoire qu’elle raconte, et de l’histoire que je m’en fais.

Car Stréliski reconnait le pouvoir évocateur de la musique. Elle « aime raconter des histoires » et prête volontiers son talent aux trames sonores de cinéma. Pour elle, la musique instrumentale ouvre un espace unique, offrant au public une liberté d’imagination sans bornes. Elle nous invite à s’approprier ses morceaux, à en faire « plein de petits films » dans nos têtes. Mention spéciale au morceau Umbra, introduit par une anecdote du passage de la pianiste au Festival d’été de Québec (FEQ). Avec humour, la pianiste raconte comment, inspirée par la performance de The Offspring, elle s’était mise en tête de faire du body surf. C’est sur la chanson Umbra qu’elle se lance. Mission accomplie : les spectateurs la portent à bout de bras tel « le p’tit Jésus ». Bien qu’elle ne reproduise pas l’exploit dans la Salle Wilfrid-Pelletier, Stréliski fournit une performance digne de son body surfing à Québec, qui justifie la puissance électrisante de la pièce.

La performance de la pianiste se clôt sous une véritable ovation, tant et si bien que Stréliski n’a d’autre choix que de regagner la scène, pour faire un dernier rappel avec A New Romance, morceau chouchou de bien des spectateurs, y compris ma voisine de siège, qui peine à contenir sa joie. Les lumières se rallument et je quitte la salle, à la fois bouleversée et euphorique. Telle est la dualité de la musique d’Alexandra Stréliski.

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Une symphonie gothique qui s’essouffle https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/une-symphonie-gothique-qui-sessouffle/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56823 Critique du Nosferatu de Robert Eggers.

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En s’attaquant à Nosferatu, Robert Eggers relève l’épineux défi de réinventer un chef‑d’œuvre mythique de l’expressionnisme allemand. Près de 100 ans après la sortie de l’original de Friedrich Murnau, cette adaptation de 2024 promettait une relecture moderne de l’oeuvre, tout en rendant hommage aux racines gothiques du genre. Mais si le film impressionne par sa maîtrise technique et ses images somptueuses, il laisse planer un sentiment d’inachevé, à mi-chemin entre hommage révérencieux et exercice de style dépourvu de souffle.

Une âme tourmentée

Ellen Hutter (interprétée avec une intensité désarmante par Lily-Rose Depp) est une jeune femme hantée par des visions cauchemardesques et un profond sentiment de mélancolie. Récemment unie à Thomas (Nicholas Hoult), elle le voit contraint de partir pour une mission en Transylvanie : finaliser la vente d’une propriété au riche et sinistre comte Orlok. Mais ce dernier, plus qu’un simple acquéreur, nourrit une obsession troublante pour Ellen. Lorsqu’Orlok quitte son château lugubre pour s’installer dans le village où réside le jeune couple, il y apporte une peste dévastatrice aux conséquences funestes.

Des performances captivantes

Lily-Rose Depp livre ici une interprétation bouleversante, incarnant une Ellen à la fois fragile et sinistre, déchirée entre la honte et la rédemption, que la caméra d’Eggers capte avec une précision presque clinique. Bill Skarsgård, quant à lui, est méconnaissable en comte Orlok. Son jeu subtil et glaçant, soutenu par un maquillage impressionnant, le consacre comme l’une des incarnations les plus terrifiantes du personnage. Mention honorifique à sa moustache fournie, qui bien qu’elle soit sans doute un hommage à Vlad l’Empaleur – le personnage historique ayant inspiré le célèbre Dracula –, n’inspire pas exactement la terreur. Et pourtant, il manque à ces performances une étincelle, un fil narratif capable de transcender leur isolement dans une succession de scènes visuellement saisissantes, mais souvent dépourvues d’un fil narratif concluant.

Une terreur à contre-courant

Avec Nosferatu, Eggers pousse à son paroxysme sa tendance à la composition picturale. Les plans symétriques, les jeux d’ombres et de lumières, et la photographie de Jarin Blaschke composent un tableau d’une beauté envoûtante. Cette recherche obsessionnelle de la perfection visuelle finit toutefois par étouffer le récit. Les scènes au château d’Orlock, bien que magistralement mises en scène, semblent dépourvues d’urgence dramatique. L’histoire avance sans élan, prisonnière d’une précision formelle qui frôle parfois la stérilité.

« Eggers semble pris entre deux aspirations […] sans réussir à unifier les deux »

Eggers s’éloigne ici des codes du cinéma d’horreur contemporain pour s’inscrire dans une tradition plus atmosphérique, en hommage aux premiers films de vampires, dont le Nosferatu de Murnau fait partie. Loin des jumpscares et du gore démesuré, Nosferatu mise sur une lenteur calculée, une esthétique soigneusement composée, et une bande-son oppressante pour façonner une ambiance lugubre et hypnotique. Si cette démarche séduit par son authenticité, elle risque de dérouter une audience habituée à un rythme plus effréné.

Une œuvre imparfaite

Avec Nosferatu, Robert Eggers livre un exercice de style aussi ambitieux qu’inefficace. Si le film impressionne par sa beauté visuelle et la qualité de ses interprétations, il lui manque cette étincelle narrative capable de résonner pleinement. Eggers semble pris entre deux aspirations – rendre hommage au passé et imposer sa propre vision – sans réussir à unifier les deux. Ce qui en résulte est une symphonie gothique fascinante, mais trop révérencieuse pour être totalement vibrante, un film qui hésite entre l’éclat du chef‑d’œuvre et la retenue du pastiche.

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Calendrier culturel – Janvier 2025 https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/calendrier-culturel-janvier-2025/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56832 L’article Calendrier culturel – Janvier 2025 est apparu en premier sur Le Délit.

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Une errance sensuelle signée Guadagnino https://www.delitfrancais.com/2025/01/15/une-errance-sensuelle-signee-guadagnino/ Wed, 15 Jan 2025 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56880 Critique du film Queer.

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Avec Queer, le réalisateur Luca Guadagnino poursuit son exploration du désir et de l’aliénation. Adapté du roman éponyme de William S. Burroughs, ce récit nous plonge dans le Mexique des années 1950, à travers les yeux de William Lee, interprété par un Daniel Craig à la fois vulnérable et magnétique. En quête de sens à son isolement, Lee s’éprend d’Eugene Allerton (Drew Starkey), un jeune expatrié dont le charme distant devient une obsession. Guadagnino peint une toile intime et tourmentée, mais son audace formelle peine parfois à masquer les lacunes émotionnelles du film.

Le Mexique : un théâtre de désir

Dès ses premiers instants, Queer nous subjugue par la richesse de sa direction artistique, qui parvient à saisir un Mexique sensuel et oppressant, où chaque détail participe à la création d’une ambiance chargée de tension. Guadagnino, fidèle à son style distinctif, capture avec une maîtrise inégalée la sensualité des corps. Les jambes enchevêtrées, les caresses furtives sur une poitrine, tout cela est rendu avec une intensité palpable, plongeant le spectateur dans une atmosphère de désir presque tangible. Le réalisateur italien excelle à créer une tension physique électrique qui enivre les sens. Pourtant, ce cadre enchanteur sert aussi de décor à une histoire qui, très vite, semble vaciller sous le poids de son propre symbolisme.

Une promesse inaboutie

Le premier acte du film captive par son intensité émotionnelle. Daniel Craig déploie un jeu nuancé, qui oscille entre fragilité et désespoir, donnant vie à un personnage en quête de rédemption. Face à lui, Drew Starkey, avec son charme insaisissable, incarne un Allerton dont la distance attire autant qu’elle rebute. Guadagnino parvient ici à créer un équilibre précaire entre attraction et rejet, offrant une exploration riche du désir comme moteur existentiel.

« Queer nous subjugue par la richesse de sa direction artistique »

Alors que le spectateur s’attend à une évolution dramatique, le récit s’égare. La narration se fragmente en une série de scènes où l’atmosphère l’emporte sur l’intrigue. Cette abstraction, si elle est cohérente avec l’œuvre originale et le style cinématographique de Guadagnino, risque de dérouter. Là où Daniel Craig porte le film avec une intensité admirable, les personnages secondaires restent étrangement flous. Allerton, en particulier, n’émerge jamais au-delà de son statut d’objet de fascination. Ce déséquilibre prive le film de la profondeur émotionnelle nécessaire pour pleinement engager le spectateur.

Une esthétique hypnotique

L’un des points forts indéniables de Queer réside dans sa puissance visuelle. Les compositions de Sayombhu Mukdeeprom – collaborateur régulier de Guadagnino – sont riches, granuleuses, presque palpables, et transportent le spectateur dans un rêve éveillé. La musique, subtile et étrangement anachronique, participe à cet univers flottant, dans la veine du réalisme magique. Mais cette surabondance sensorielle finit par cloisonner le récit, transformant ce qui aurait pu être une épopée intime en une suite de tableaux impressionnistes. Guadagnino semble si absorbé par l’idée de capturer la beauté fugace qu’il en oublie de nourrir les arcs narratifs de ses personnages.

Une conclusion en demi-teinte

Le film culmine dans une séquence surréaliste et psychédélique, où les corps et les esprits se mêlent dans un dernier acte de désintégration totale. Cette rupture narrative, bien que visuellement saisissante, accentue la déconnexion émotionnelle du film. Si Guadagnino démontre une fois de plus sa maîtrise de l’univers cinématographique, cette ambition formelle ne suffit pas à combler les lacunes d’une histoire qui s’effiloche.

Luca Guadagnino livre une œuvre qui fascine tout autant qu’elle frustre. Si le film réussit à capturer l’essence fugace du désir, il peine à en explorer toutes les implications humaines. L’audace visuelle et l’intensité émotionnelle de certaines scènes rappellent le talent exceptionnel du réalisateur, mais l’absence d’un ancrage narratif solide empêche Queer de résonner pleinement. Un film qui, à l’image de ses protagonistes, semble constamment à la recherche de quelque chose qui lui échappe.

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La mémoire d’un territoire https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/la-memoire-dun-territoire/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56722 Kukum au Théâtre du Nouveau Monde.

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L’adaptation théâtrale de Kukum, le roman acclamé de Michel Jean, fait une entrée remarquée sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), portée par la vision audacieuse d’Émilie Monnet. Ancrée dans la culture innue, la pièce se veut un hommage vibrant à la mémoire et à la résilience d’un peuple. Si l’intention est noble et l’exécution visuellement saisissante, le spectacle peine parfois à tenir la promesse de son ambition, avec une narration qui vacille et un rythme parfois déroutant.

Un hommage sonore et visuel

Dès le lever de rideau, l’univers innu se déploie avec éclat grâce à la scénographie immersive de Simon Guilbault. La mise en scène d’Émilie Monnet s’entoure d’une équipe où les voix autochtones brillent non seulement sur scène, mais aussi en coulisses. Les costumes riches en symbolisme conçus par Kim Picard, et les projections d’archives mêlées à l’art visuel de Caroline Monnet plongent le spectateur dans le monde innu, magnifiant les paysages et les traditions évoqués par le texte. Les chants et dialogues en innu-aimun, une première sur la scène du TNM, résonnent comme un puissant acte de réappropriation culturelle. Cependant, ces moments de grâce sont parfois interrompus par des failles techniques – micros défectueux, sous-titres mal synchronisés – qui viennent rompre la fluidité de l’expérience.

Une narration éclatée

L’histoire s’ouvre sur la rencontre entre Almanda et Thomas Siméon, un chasseur innu qui devient son époux. Ce point de départ, d’apparence classique, laisse entrevoir une intrigue centrée sur l’évolution de leur relation. Pourtant, la pièce prend une direction plus fragmentée, où les souvenirs d’Almanda s’entrelacent aux récits ancestraux, tissant une trame davantage poétique que narrative. Loin d’une progression linéaire, le récit évolue au rythme des saisons et des légendes, reflétant une conception du temps propre à la culture innue, où mémoire collective et récits oraux l’emportent sur une structure dramatique conventionnelle.

La poésie comme souffle identitaire

La poésie de Joséphine Bacon, omniprésente dans cette adaptation, transcende la scène. En collaborant avec Laure Morali, Bacon insuffle une force lyrique au texte, conférant à l’innu-aimun une gravité et une beauté rarement entendues sur une scène québécoise. Ce faisant, la langue devient un outil de résistance et de réaffirmation de l’identité innue, un geste qui défie l’hégémonie culturelle et revendique la légitimité de cette culture sur la scène nationale.

C’est dans cette relation, portée par une chimie palpable, que le concept du « chez-nous » prend vie : un espace d’appartenance, et non de propriété.

Le territoire comme chez nous

Au cœur de la pièce, une opposition fondamentale se dessine entre la vision innue du territoire – espace partagé et respecté – et celle imposée par le colonialisme, réduisant la terre à un objet de possession et d’exploitation. Avec délicatesse, la pièce illustre la vie nomade des Innus, un « chez- nous » immatériel façonné par une relation harmonieuse avec la nature et une langue vivante, en contraste brutal avec la violence de la sédentarisation.

L’histoire d’amour entre Almanda et Thomas Siméon – interprétée avec justesse par Étienne Thibeault et Léane Labrèche-Dor – sert de point d’ancrage pour explorer ces thèmes. Si Labrèche-Dor livre une performance sincère, elle peine parfois à transcender les contraintes du texte pour en extraire une intensité dramatique plus viscérale. Leur union, bien que teintée d’idéalisme, incarne une alliance symbolique entre deux mondes tout en interrogeant ce que signifie réellement habiter un territoire. C’est dans cette relation, portée par une chimie palpable, que le concept du « chez-nous » prend vie : un espace d’appartenance, et non de propriété.

Avec Kukum, le Théâtre du Nouveau Monde marque un jalon important pour le théâtre québécois, une ode à la mémoire, à la langue et à l’amour, un rappel puissant que le passé colonial continue d’imprégner notre présent. Une invitation à réimaginer notre propre rapport au territoire, et à reconnaître la sagesse des voix autochtones qui, aujourd’hui plus que jamais, éclairent notre avenir collectif.

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Bergers : un hymne à la liberté https://www.delitfrancais.com/2024/11/27/bergers-un-hymne-a-la-liberte/ Wed, 27 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56729 Choisir de partir, choisir de rester.

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Sous le soleil éclatant de Provence et la rigueur des montagnes, Bergers de Sophie Deraspe nous invite à une traversée sensorielle, à mi-chemin entre le conte philosophique et la quête d’identité. Le film raconte l’histoire de Mathyas, un Montréalais qui abandonne une vie urbaine confortable pour devenir berger.

Le chez-soi n’est pas tant un lieu qu’un choix.

Pourquoi tout quitter? Cette question hante le film sans jamais offrir de réponse explicite. Derapse évite les explications faciles ou les justifications grandiloquentes. Ce choix crée une certaine distance, voire une impression de superficialité dans la représentation des personnages, qui peuvent parfois sembler unidimensionnels. Ce faisant, les motivations initiales de Mathyas s’éclipsent pour laisser place à son instinct. Celui qui le pousse à changer de cap, à inventer un risque, à chercher sa place dans un monde qui semble à la fois trop vaste et trop étroit.

Il y a quelque chose de déconcertant, presque naïf, dans cette volonté d’adopter une existence bohémienne, comme si le regard de Mathyas, teinté de fascination, idéalisait cette vie loin du confort métropolitain. Pourtant, au fil du récit, sa quête se dote d’une profondeur inattendue ; elle devient une exploration intime d’une vérité universelle : le chez-soi n’est pas tant un lieu qu’un choix.

Dans le rôle de Mathyas, Félix-Antoine Duval parvient à incarner cette transformation avec finesse. Si son personnage semble d’abordun peu détaché, presque étranger à cet univers qu’il cherche à s’approprier, il gagne en authenticité au fur et à mesure qu’il se confronte à la dureté et à la beauté de sa nouvelle réalité. Peu à peu, l’impression d’une simple expérience « exotique » laisse place à la découverte d’un homme sincèrement habité par son désir d’appartenance à un mode de vie brut. Le rythme contemplatif de la réalisation reflète cette quête intérieure. Deraspe laisse respirer son récit, accordant à chaque image le temps de s’imposer. Les montagnes se déploient, majestueuses, dans des plans à couper le souffle. La trame sonore, envoûtante, amplifie cette immersion : elle accompagne le spectateur dans un voyage entre douceur et rudesse.

Ce sont ces images qui portent le récit, bien plus que les mots. Les réflexions de Mathyas, tentent parfois d’insister sur des vérités déjà évidentes. Portées par une narration hors champ, ces envolées philosophiques tombent parfois dans un lyrisme appuyé, frisant le mélodrame. Ces excès n’enlèvent cependant rien à la sincérité du propos, et traduisent l’effort du personnage pour donner un sens à son expérience, comme s’il avait besoin de justifier ce besoin viscéral de recommencer ailleurs. Mathyas se bâtit un foyer bien à lui, à travers les liens qu’il tisse, les épreuves qu’il traverse, et l’amour qu’il donne à cet environnement sauvage.

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La résilience face aux flammes https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/la-resilience-face-aux-flammes/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56607 Les soeurs Talbi adoptent Incendies sur scène.

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Vingt ans après sa publication, la pièce Incendies de Wajdi Mouawad est revisitée sur scène par le duo des sœurs Talbi, dans un contexte à la fois universel et intime, qui dévoile les ravages de la guerre et la résilience de ceux qui en portent les cicatrices. Le récit empreint de souffrance dénonce l’absurdité de la violence, confrontant l’auditoire à une réalité terrible, que l’on ne peut détacher de son contexte géopolitique actuel.

Incendies raconte la quête déchirante de Jeanne et Simon, deux jumeaux qui, à la mort de leur mère Nawal, reçoivent une mission déconcertante : retrouver un père qu’ils croyaient mort et un frère dont ils ignoraient l’existence. La pièce frappe toujours avec la même intensité. Le cycle de la violence qu’elle dénonce, immuable, lui accorde une dimension intemporelle. En unissant des scènes du passé et du présent, le récit devient le témoignage d’une souffrance qui transcende les frontières et les générations.

Le rôle d’une vie

La tâche colossale d’interpréter les différentes étapes de la vie de Nawal incombe à Dominique Pétin, qui relève ce défi avec une aisance déconcertante. Elle incarne son personnage de l’adolescence jusqu’à la mort, transcendant ainsi notre perception du temps. Pétin offre une performance saisissante, rendant tangible la douleur de Nawal, sublimant d’autant plus sa résilience. Chaque épreuve endurée par le personnage est subtilement rendue, et son interprétation, habitée, lui confère une cohésion sensible. Cette fluidité accorde à l’histoire une force singulière, qui permet une exploration de la mémoire de Nawal. La pièce se déploie ainsi comme une rétrospection où la voix de cette femme se fait entendre sans rupture.

Pétin confère à ce personnage une profondeur qui rend justice aux mots de Mouawad, au-delà de la fiction. Les racines autochtones de la comédienne, d’origine huronne-wendate, ajoutent une dimension supplémentaire à la pièce, qui conjugue les horreurs de la guerre à la violence coloniale vécue par les peuples autochtones. Cette résonance intime confronte le public à l’héritage colonial du Canada, qui dissipe l’illusion d’une violence lointaine en l’inscrivant dans une réalité locale. Alors que dans la pièce originale, les origines de Nawal et des jumeaux sont explicites, l’adaptation des sœurs Talbi maintient un flou délibéré à cet égard, dans un rappel subtil de l’universalité de la souffrance, qui s’inscrit à la fois dans le corps, dans le territoire, et dans la mémoire.

Entre jeunesse et sagesse

Les jeunes acteurs de la pièce apportent une forte crédibilité dans l’incarnation des jumeaux, Simon et Jeanne. Sabrina Bégin Tejeda et Neil Elias incarnent à merveille la relève théâtrale, insufflant à l’œuvre une nouvelle vitalité. L’intensité de Simon, porté par une énergie brute et une intensité crue, contraste avec le pragmatisme calme de Jeanne. Cette complémentarité renforce l’opposition de leurs personnalités, tout en soulignant la complexité du lien fraternel, à la fois fragile et indestructible. On peut également saluer la performance impeccable de Denis Bernard, qui démontre l’étendue de son expérience dans le rôle du notaire, chargé de transmettre les dernières volontés de Nawal aux jumeaux. Sa présence apporte une touche de légèreté à cette histoire poignante, offrant des instants de répit à l’auditoire. La tension dramatique demeure suspendue dans un équilibre subtil, habilement dosé entre l’humour et le tragique.

« Il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble »

Une mise en scène symbolique

Enfin, l’ingénieux dispositif scénique, constitué de cubes mobiles qui se transforment et se décomposent au fil des souvenirs, illustre avec finesse l’éclatement de la mémoire et les blessures invisibles de Nawal. La scène en perpétuelle transformation agit comme une métaphore visuelle qui soutient parfaitement la quête des jumeaux, dans une reconstruction du passé douloureux de Nawal, qui s’intègre à l’espace scénique. La scène finale, qui reconstitue le tableau familial sous une chute de pétales rouge sang, est à couper le souffle : une traduction poétique du triomphe de l’amour et de la résilience sur la violence. Car « il n’y a rien de plus beau que d’être ensemble ».

Incendies est présentée au Théâtre Duceppe jusqu’au 30 novembre 2024.

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Cinemania : la francophonie à l’écran https://www.delitfrancais.com/2024/11/13/cinemania-la-francophonie-a-lecran/ Wed, 13 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56624 Gros plan sur quatre films en tête d’affiche du festival de cinéma.

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En célébrant ses 30 ans, le Festival Cinemania nous offre une sélection de films aussi diversifiée que captivante, reflétant la richesse du cinéma contemporain. C’est précisément cette variété qui fait de ce festival de films francophone, ayant la plus grande envergure en Amérique du Nord, un événement unique. Faisons un gros plan sur quatre de leurs pépites.

Monsieur Aznavour : petit de taille, mais plus grand que nature

Présenté en première internationale lors de la soirée de gala marquant le 30e anniversaire du Festival Cinemania, Monsieur Aznavour, réalisé par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, met en vedette Tahar Rahim dans le rôle du chanteur mythique. Dès les premières images, nous sommes immergés dans les souvenirs d’enfance de Charles Aznavour, fils de réfugiés arméniens installés à Paris, qui grandit au cœur de la Seconde Guerre mondiale et de la pauvreté. Ses débuts modestes sont filmés avec une justesse qui révèle l’essence de l’homme avant la légende, et pose les bases d’un parcours d’opportuniste obstiné. Autodidacte, il écrit, compose et interprète ses chansons ; sa polyvalence témoigne de son désir de réussir et, épaulé par son premier complice de scène Pierre Roche (interprété par Bastien Bouillon), Aznavour arpente les cabarets parisiens pour atteindre ce but.

Ensemble, ils tombent sous le mentorat d’Édith Piaf (interprétée par Marie-Julie Baup), qui les inspire à poursuivre leur carrière à Montréal. La complicité entre Piaf et Aznavour est abordée avec finesse : le film présente l’interprète de L’hymne à l’amour comme une seconde mère qui, par ses gestes tant bienveillants que brusques, contribue à façonner l’Aznavour iconique que l’on connaît. Le film est marqué par des apparitions d’autres figures emblématiques de l’époque qui surprennent, telles que Frank Sinatra, Gilbert Bécaud ou Johnny Hallyday, renforçant l’image d’Aznavour comme un artiste évoluant parmi les grands de son époque. Cependant, les réalisateurs ne cherchent pas à adoucir les difficultés de son parcours. Que ce soit par le racisme auquel il a été confronté, la pression de correspondre à une certaine image, ou ses échecs répétés dans sa quête d’une vie de famille stable, les moments sombres de la vie du chanteur sont révélés.

« C’était un père très présent, je l’ai accompagné dans ses tournées, et j’en garde des beaux souvenirs », témoigne la fille de l’artiste, Katia Aznavour, présente à l’avant-première. Ce témoignage, bien qu’émouvant par son intimité, contraste avec l’image tourmentée de l’artiste que le film expose, notamment avec son rôle de père parfois absent. Vers la fin, le film revêt un ton mélancolique, nous laissant face à un homme vulnérable, contemplant le chemin parcouru. Une interprétation de Hier encore conclut le film, et offre au public un dernier au revoir à l’homme qui, jusqu’à son dernier souffle, a incarné l’intemporalité et la beauté de la chanson française.

Monsieur Aznavour prendra l’affiche au Québec le 29 novembre 2024.

L’Amour ouf : quand la jeunesse réinvente le cinéma

Dans L’Amour ouf, Clotaire et Jackie, deux âmes écorchées, se rencontrent et s’apprivoisent au fil d’une romance douce-amère. Dès les premières notes de la bande sonore, le film nous plonge dans un univers musical à la fois riche et nostalgique, composé de tubes des années 80 et 90 qui évoquent une ambiance rétro.

L’Amour ouf est avant tout une déclaration d’amour au cinéma. Le réalisateur Gilles Lellouche nous livre un film vibrant, plein d’audace, de vitalité et d’une ambition créative intense. Certes, le film tombe parfois dans la surenchère d’effets, mais cette exubérance contribue à l’authenticité et à l’émotion brute qui en émanent.

Même si le scénario est classique et reconnaissable — le bad boy au cœur tendre et la manic pixie girl un peu désabusée — L’Amour ouf parvient à captiver et émouvoir, porté par des personnages incroyablement attachants. La véritable force du film réside dans la chimie entre les jeunes interprètes (Mallory Wanecque et Malik Frikah) qui éclipsent leurs homologues plus âgés (Adèle Exarchopoulos et François Civil). Leurs échanges sont si naturels qu’on se sent presque intrus dans les scènes les plus intimes.

L’Amour ouf n’est certes pas exempt de défauts : les dialogues manquent parfois de finesse, et le montage évoque par moments des transitions Vidéo Star, mais ces éléments ajoutent une touche kitsch qui s’intègre bien au charme du film.

Loin de proposer quelque chose de révolutionnaire, L’Amour ouf réussit cependant un recyclage brillant des clichés, avec un mariage entre modernité et nostalgie qui fait écho aux souvenirs romancés de l’adolescence, dans un film profondément touchant sur la jeunesse.

L’Amour ouf prendra l’affiche au Québec le 1er janvier 2025.

L’Athlète : Stevens Dorcelus sous un nouvel angle

L’Athlète, réalisé par Marie Claude Fournier, offre un regard intime sur la vie de Stevens Dorcelus, une personnalité marquante de la télévision québécoise. Bien que principalement connu pour sa victoire à Occupation Double Dans l’Ouest (2021), Dorcelus est présenté dans ce documentaire comme un jeune homme animé par le désir de concrétiser ses rêves à travers la discipline du saut en longueur. Ses performances font de lui une figure respectée dans le domaine ; mais son histoire ne s’arrête pas à ses médailles. C’est ce que la caméra de Fournier, qui le suit depuis 2013, cherche à révéler.

Dès les premières scènes, l’authenticité se fait ressentir. Les échanges en créole haïtien avec ses proches nous immiscent dans un quotidien sans artifice, où chaque dialogue fait ressortir la chaleur de la famille « tissée serrée » que le jeune Stevens rêve de rendre fière. Issu d’un foyer monoparental, Dorcelus est marqué par un devoir de redonner à sa communauté, sa passion allant au-delà d’une quête personnelle. Ladite passion incarne celle de toute une communauté, celle de la diaspora haïtienne au Québec. À travers ses exploits, il montre aux jeunes, notamment ceux issus de milieux modestes, qu’il est possible de s’élever, de « sortir » des contraintes imposées par leur environnement, et d’accomplir de grandes choses.

En salle dès le 13 décembre 2024.

Les Femmes au Balcon : une ode à la sororité… ratée

Les Femmes au Balcon de Noémie Merlant, écrit en collaboration avec Céline Sciamma, tente de dénoncer le patriarcat à travers une intrigue mêlant surnaturel et satire. Malgré quelques moments de comédie noire réussis, le film échoue à maintenir un ton cohérent, et sa conclusion maladroite affaiblit son propos féministe.

Si l’on espérait une satire piquante ou une comédie d’horreur, seuls certains moments réussissent à éveiller cet esprit irrévérencieux. Ces touches d’humour noir ne sont pas suffisantes pour équilibrer la violence brute qui domine certaines scènes et brime l’intention humoristique initiale. Le film tente également d’introduire des éléments surnaturels de manière inattendue, mais ceux-ci sont finalement sous-exploités, et semblent être aléatoires.

La comédie, bien que souvent volontairement outrancière, passe par des ressorts puérils, et amène même certaines scènes à des registres involontairement sordides, notamment lorsqu’un viol conjugal est présenté comme une plaisanterie de mauvais goût. L’humour grossier se révèle ici totalement dissonant, et manque cruellement de discernement.

La conclusion, une scène qui revendique le mouvement Free the Nipple, manque de nuance et semble presque hors de propos dans le cadre d’un récit du genre cinématographique Rape and Revenge (Viol et vengance). En tentant de toucher à plusieurs thématiques sans les explorer pleinement, le film finit par diluer son message, et amoindrit la portée de sa dénonciation féministe.

Malgré la générosité et l’esprit risqué de Merlant, cette comédie déjantée demeure un film raté. On ressent ici une vision assez limitée : le propos se veut un pamphlet contre le patriarcat, une ode à la sororité, mais l’exécution est en réalité étroite et trop marquée par un féminisme qui se révèle superficiel.

Une représentation de Femmes au Balcon aura lieu le 13 novembre à 21h00 au Cinéma Quartier Latin, dans le cadre de la programmation Cinemania. Le Festival prend fin le 17 novembre 2024.

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Calendrier culturel – Novembre 2024 https://www.delitfrancais.com/2024/11/06/calendrier-culturel-novembre-2024/ Wed, 06 Nov 2024 12:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56458 L’article Calendrier culturel – Novembre 2024 est apparu en premier sur Le Délit.

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Choisir la jeunesse à tout prix https://www.delitfrancais.com/2024/10/30/choisir-la-jeunesse-a-tout-prix/ Wed, 30 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56355 La violence de l’idéal esthétique dans The Substance.

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En 2021, le jury du Festival de Cannes fait le choix audacieux d’attribuer sa fameuse Palme d’Or au long-métrage Titane, le film de body horror de la réalisatrice française Julia Ducournau. Le président du jury justifie alors sa décision en insistant sur le caractère provocateur du film : « Une femme qui tombe enceinte d’une Cadillac, je n’avais jamais vu ça! » C’est sans doute une logique similaire qui explique l’engouement autour du film The Substance. Ce deuxième long-métrage de la réalisatrice Coralie Fargeat redéfinit le body horror sous toutes ses facettes, dans une exploration viscérale du genre, qui interroge les pressions exercées sur le corps féminin dans la société contemporaine. Lauréat du prix du meilleur scénario à Cannes, le film de Fargeat déconstruit les conventions en place, ne se contentant pas de dénoncer, mais bien de réinventer les tropes mêmes de l’horreur pour servir un propos acéré et féministe, au-delà du choc esthétique.

« Face à ces scènes intransigeantes, le public se glisse ainsi dans la peau du voyeur, confronté à son propre regard fétichisant »

The Substance suit Elisabeth (Demi Moore), une actrice autrefois adulée, qui, face à l’érosion de sa notoriété et au déclin inévitable de sa jeunesse, choisit de s’injecter un mystérieux sérum aux promesses de jouvence. Ce sérum, représentation des injections et chirurgies auxquelles tant de femmes se soumettent pour répondre aux normes de beauté, donne vie à Sue (Margaret Qualley) – jeune, parfaite, séduisante. Ce double, à la fois source de fascination et de répulsion, devient une rivale d’Elisabeth, exacerbant son désir de se conformer aux standards esthétiques, dans un conflit permanent entre sa propre image vieillissante et celle, idéale, de son clone. Qualley et Moore sont tour à tour dénudées sous la lentille austère de la caméra, dans une opposition ingénieuse entre jeunesse et vieillesse, beauté et laideur, perfection et réalisme. Face à ces scènes intransigeantes, le public se glisse ainsi dans la peau du voyeur, confronté à son propre regard fétichisant.

Une scène poignante révèle l’ampleur de la pression esthétique qui écrase Elisabeth : alors qu’elle se prépare pour un rendez-vous, elle s’applique du maquillage, change de tenue, puis, en proie au doute, se démaquille. Le visage de Moore, face au miroir, traduit une douleur muette – celle d’une femme qui, malgré ses efforts, se voit trahie par le temps. Le public est ainsi témoin de ses rouages internes : sa jalousie envers Sue, cette version réinventée d’ellemême, et le regret d’une jeunesse idéalisée qu’elle sait irrévocable. Cette scène souligne la complexité de ses choix, entre la pression de se plier aux normes esthétiques et la désillusion d’être dépassée par une image de perfection inatteignable, accentuant l’emprise des standards de beauté sur ses décisions. Avec une humilité et une vulnérabilité rares, Moore, elle-même figure iconique souvent confrontée aux diktats de l’industrie, s’offre ici dans un rôle dénudé, reflétant l’anxiété et les désillusions vécues par tant de femmes face aux injonctions sociales.

Dans un hommage aux classiques, Fargeat émaille son film de références iconiques. L’apparition de MonstroElisaSue – la créature hybride née de la fusion entre Sue et Elisabeth – provoque un élan d’horreur parmi les spectateurs, évoquant la scène finale de Carrie, où la protagoniste humiliée transforme sa douleur en vengeance sanguinaire. Mais ici, cette créature grotesque en robe à paillettes incarne plus qu’une humiliation : elle incarne le rejet, le malaise, et la vengeance de toute une génération de femmes face aux injonctions qui les défigurent.

Un parallèle s’impose également avec Requiem for a Dream, dans une analogie pertinente qui compare cette quête inlassable de la perfection esthétique à une véritable addiction : en usant d’une esthétique visuelle similaire à celle du film d’Aronofsky, Fargeat insiste sur la violence physique et psychologique rattachée à l’intériorisation de ces normes esthétiques. Elle démontre ainsi que les décisions de conformité ne sont pas de simples actes de vanité, mais bien les produits d’une pression sociale écrasante, qui poussent les femmes à se transformer, souvent au détriment de leur propre identité et santé, pour se soumettre à une image dictée par la société.

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La lutte des Wet’suwet’en pour leurs terres ancestrales https://www.delitfrancais.com/2024/10/09/la-lutte-des-wetsuweten-pour-leurs-terres-ancestrales/ Wed, 09 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56259 Yintah : un documentaire percutant et nécessaire.

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Le documentaire Yintah, réalisé par Jennifer Wickham et Michael Toledano, est bien plus qu’un reportage : c’est une œuvre puissante qui plonge au cœur de la résistance autochtone des Wet’suwet’en en Colombie-Britannique. Filmé sur une période de 10 ans, le documentaire retrace la lutte menée pour protéger leurs terres ancestrales contre l’intrusion brutale des oléoducs et des machines, face à l’indifférence d’un État motivé par le profit. Chez les Wet suwet’en, le territoire n’est pas une carte à ratisser ni une surface à conquérir. La terre est vivante, vibrante. Elle est l’âme des ancêtres, la mémoire des générations passées, et la promesse des générations à venir. Yintah brille par sa capacité à capturer la beauté sauvage du territoire canadien. Les plans aériens offrent une vue à couper le souffle des paysages que la communauté lutte pour préserver. Ces images mettent en exergue l’absurdité du projet d’oléoduc de Trans Mountain, une intrusion brutale dans un espace d’une pureté rare. Les réalisateurs montrent sans artifice ce que les Wet’suwet’en tentent de protéger : une terre dont ils ne sont pas les propriétaires, mais les gardiens.

Les images poignantes de cette lutte révèlent une vérité dérangeante : nous sommes les occupants permanents de terres qui ne nous appartiennent pas. Yintah est un assemblage minutieux de moments clés, captés dans une démarche de cinéma direct. Chaque image est soigneusement choisie pour refléter la réalité brute de la réoccupation du territoire par les Wet’suwet’en, illustrant à la fois la résistance de la communauté et la violence de l’État. On ressent la colère, la tristesse, mais aussi la résilience qui brûle dans chaque regard, chaque geste.

La musique s’entrelace avec les images, jouant un rôle crucial dans la construction émotionnelle du film. Des chants traditionnels rappellent l’histoire millénaire qui se déroule sous nos yeux. On voit les femmes Wet’suweten, gardiennes du territoire, debout face aux agents armés de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), tenant tête avec un calme et une dignité qui font honte à ceux qui se tiennent de l’autre côté. Elles chantent d’une voix brisée, dans un acte de résistance pacifique, et refusent de se taire, même lorsqu’on leur passe les menottes aux poignets. Mais le véritable cœur du film réside dans son message : une dénonciation de l’injustice coloniale persistante au Canada. Ce qui rend Yintah particulièrement puissant, c’est son refus de sombrer dans le pathétique. La douleur est présente, mais elle est portée avec dignité. Le rire semble parfois être la seule réponse possible à l’ironie de la situation, qui culmine lorsqu’un policier scie un panneau de bois portant l’inscription « Réconciliation ». Un geste aussi absurde que symbolique, qui résume toute la duplicité des politiques gouvernementales. Le gouvernement Trudeau parle de réconciliation, de respect des droits autochtones, mais ses actions révèlent un autre visage, celui de la force brute et de l’exploitation.

Et puis, il y a la fin. Un appel vibrant depuis l’écran, qui incite à agir, à se rallier à la cause. À ne pas oublier cette résistance des Wet’suwet’en, cette solidarité qui, bien que freinée par le confinement, continue de réclamer notre attention. Parce que Yintah n’est pas un film que l’on regarde passivement. Il vous interpelle, vous secoue, vous transforme en témoin, en acteur potentiel d’une lutte qui est loin d’être terminée.

Yintah sera disponible sur la plateforme de visionnement Netflix dès le 18 octobre.

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Le réalisateur Spike Lee honoré au FIFBM https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/le-realisateur-spike-lee-honore-au-fifbm/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56134 Deux pionniers s’unissent pour célébrer la diversité au grand écran à Montréal.

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Mercredi dernier, l’Olympia de Montréal vibrait sous une ambiance électrisante pour l’inauguration du Festival International du Film Black de Montréal (FIFBM). Cette 20e édition était présidée par nul autre que le légendaire cinéaste américain Spike Lee. Une file interminable serpentait la rue Sainte-Catherine, où des discussions animées se mêlaient à une attente fébrile. Alors que nous attendions devant les portes de la salle de spectacle, les paroles d’un invité nous ont saisies : « En parlant avec des jeunes de la génération Z et des adultes trentenaires, j’ai remarqué qu’ils ne connaissent pas l’oeuvre de Spike Lee. » Un constat étonnant, presque inconcevable pour quiconque ayant grandi avec la filmographie du réalisateur. Comment est-ce possible que le nom de l’un des cinéastes les plus influents de notre ère n’ait pas de résonance culturelle pour les générations plus jeunes? « S’ils connaissaient sa contribution à la culture contemporaine, une influence qui persiste sur la représentation de la communauté noire dans les médias aujourd’hui, ils verraient ce nom sous un tout autre jour », a‑t-il continué.


Un mentor pour le FIFBM

En effet, depuis son premier long-métrage She’s Gotta Have It en 1986 – qui lui a valu le Prix de la Jeunesse au Festival de Cannes – jusqu’à son premier Oscar pour BlacKKKlansman en 2018, l’artiste originaire de Brooklyn à New York ne cesse de repousser les limites du cinéma en tant qu’art et arme de changement social. À travers des films comme Do the Right Thing, Malcolm X, et Mo’ Better Blues, il confronte les tensions raciales qui persistent aux États-Unis, offrant une perspective incisive sur des sujets délicats. Produites sous la bannière de sa compagnie 40 Acres and a Mule Filmworks, ses oeuvres englobent une variété de formes d’expression artistique : des films aux séries télévisées, en passant par des documentaires et des clips musicaux (pensons au vidéo clip They Don’t Care About Us (1996) de Michael Jackson). Chacune de ses productions s’avère une provocation, un appel à la réflexion ; un miroir tendu à une société qui détourne le regard de ses maux et ses moeurs.

Le mandat du FIFBM s’accorde ainsi avec celui de Spike Lee : utiliser le cinéma et l’art pour éveiller les consciences. La présence du réalisateur au festival s’imposait donc tout naturellement : au FIFBM, Spike Lee est chez lui. Cette année, il y revient pour une quatrième fois, afin d’inspirer une nouvelle génération de cinéastes. En tant que président d’honneur de cette 20e édition, le réalisateur et producteur réaffirme une conviction qui lui tient à coeur : la nécessité pour les Noir·e·s de mettre en lumière leurs créations. « C’est simple, on doit promouvoir nos propres histoires. Qui d’autre va le faire? […] Sans ce festival, l’art de ces jeunes créateurs ne serait ni vu, ni partagé (tdlr) », a‑t-il affirmé lors d’une entrevue avec CTV. Ces paroles capturent l’essence même du FIFBM qui, depuis déjà deux décennies, se dédie, corps et âme, à la promotion et à la diffusion de la culture noire à travers le cinéma, en offrant une plateforme de choix aux aspirant·e·s réalisateur·rice·s issu·e·s de la diversité.

« C’est simple, on doit promouvoir nos propres histoires. Qui d’autre va le faire? »


Spike Lee, réalisateur


La « Reine des Festivals »

Depuis sa première édition, le FIFBM – alors intitulé le Festival du Film Haïtien de Montréal – a gagné en notoriété. Avec plus d’une centaine de films projetés un peu partout à Montréal, le FIFBM est désormais le festival de cinéma noir bilingue (français et anglais) le plus important en Amérique du Nord. Rendez-vous annuel incontournable, non seulement pour le public montréalais, mais également pour les amateur·rice·s de cinéma à l’international, le succès du FIFBM s’avère le point culminant des efforts de la fondation Fabienne Colas. Cet organisme à but non-lucratif, qui oeuvre depuis 2005, vise à pallier le manque de représentation flagrant d’artistes noir·e·s au sein des milieux artistiques et culturels. C’est justement Fabienne Colas, présidente et fondatrice du festival, qui endosse le rôle de modératrice lors d’une conversation « à coeur ouvert » avec Spike Lee, marquant ainsi l’ouverture officielle de cette 20e édition. Ce n’est pas un hasard qu’elle se retrouve aux côtés de ce géant du cinéma ; Colas, au cours de sa propre carrière en tant qu’actrice, réalisatrice et productrice, constate avec désarroi la sous-représentation des communautés issues de la diversité.

Fervente défenseure de la diversité au sein des milieux artistiques et culturels, la femme d’affaires d’origine haïtienne milite continuellement pour une représentation accrue des artistes noirs et des communautés marginalisées. Sa fondation éponyme ne se limite pas aux discours : à travers ses nombreuses initiatives, dont le programme de mentorat Être Noir·e·s au Canada, ainsi qu’une douzaine de festivals destinés au rayonnement de la culture noire, elle sensibilise à l’importance de cet enjeu autant sur le plan local qu’international. Figure emblématique de la culture montréalaise et canadienne, celle que l’on surnomme « la Reine des Festivals » multiplie les honneurs et les distinctions ; pas plus tard que la semaine dernière, elle devient la première femme haïtienne à obtenir la Médaille du couronnement du Roi Charles III, qui souligne son « impact significatif » sur la communauté québécoise et canadienne. En 2018, l’entrepreneure est lauréate du prestigieux « Canada’s 40 under 40 », et l’année suivante, elle est nommée l’une des 100 femmes les plus influentes du pays. Cet été, l’Université Concordia lui décerne un doctorat honorifique en beaux-arts, afin de récompenser son engagement en faveur de la diversité culturelle au Québec.

Les parcours impressionnants de ces deux pionniers nous laissaient donc présager une soirée d’exception. Au programme : un tapis rouge digne des plus grandes soirées, un cocktail raffiné, la présentation des membres du jury et des films sélectionnés, ainsi qu’une rétrospective en images des oeuvres marquantes de Spike Lee, le tout couronné par une conférence qui promet d’être intime et mémorable.


Un tapis rouge sous la pluie

Bien que la promotion du festival était discrète, la venue de Spike Lee a indéniablement suffi à attirer un auditoire survolté, et bientôt, la devanture de la salle de spectacle débordait d’individus. Quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber, et les invité·e·s se sont empressé·e·s de se mettre à l’abri, soucieux·ses de protéger leurs complets taillés et leurs robes de soirée. Parmi les visages familiers, nous reconnaissions quelques acteur·rice·s, plusieurs journalistes, ainsi qu’une poignée d’influenceur·se·s. Certain·e·s exhibaient fièrement leur statut VIP, tandis que d’autres affirmaient avoir été personnellement invité·e·s à la cérémonie. Pourtant, sous cette bruine, tout le monde n’attendait qu’une seule chose : l’ouverture des portes.

Lorsque nous avons enfin pu pénétrer la salle de spectacle, d’un commun accord, nous nous sommes dirigées vers l’espace cocktail, afin de discuter avec les différentes personnalités présentes. Un rideau majestueux dissimulait la scène centrale, derrière lequel se déroulaient des rencontres privilégiées avec le réalisateur.

Nous nous sommes donc faufilées parmi les invité·e·s, et en naviguant parmi la foule, nous avons eu la chance de discuter avec Celestina Aleobua, réalisatrice du court-documentaire Tina, When Will You Marry? en tête d’affiche au FIFBM, et coordonatrice de l’initiative Media Inclusion pour les journalistes émergents au Toronto International Film Festival (TIFF). Son enthousiasme pour le cinéma Black et l’influence de Spike Lee transparaissent dans ses réponses à nos questions.

« Tant que tu as un appareil photo et un ordinateur portable, tu peux faire un film »

Spike Lee, réalisateur

Elle a partagé une réflexion poignante sur l’avenir du cinéma : « Je veux voir plus de « black mediocrity » (médiocrité noire), où les Noirs peuvent simplement exister sans avoir à adhérer à l’idée de la « black excellence » (« l’excellence noire »). On n’a pas toujours besoin d’être extraordinaire », dit-elle, en faisant allusion à des films comme Black Panther. Je [Harantxa Jean] lui ai mentionné que j’aimerais personnellement voir un film intimiste et à l’eau de rose avec des personnages noirs à la manière de Before Sunrise, mais qu’un tel film n’existe pas pour l’instant. Elle a acquiescé : « Oui, c’est ça! Nous avons besoin de ça. »

Cette réflexion fait écho à un débat plus large qui traverse aujourd’hui le Black Cinema. Si des oeuvres comme The Woman King célèbrent une forme de résilience à travers des récits héroïques, elles risquent aussi d’enfermer les personnages noirs dans un registre de perfection inaccessible. Le cinéma afro-américain, tout en marquant des avancées significatives, reste souvent figé dans cette exigence de performances excessives, où les personnages noirs sont mis en scène sous un jour triomphant. La représentation de la « Black mediocrity » est donc un appel à voir des histoires où les Noir·e·s peuvent exister avec leurs imperfections, leurs vulnérabilités, et leur humanité ; loin de l’injonction de l’exceptionel. En ce sens, le FIFBM se positionne comme une plateforme nécessaire, où les artistes de la diaspora noire peuvent se réapproprier leurs récits et en proposer de nouveaux. À travers des oeuvres souvent indépendantes, le festival offre un aperçu de ce que pourrait être un cinéma Black libéré des stéréotypes de la force ou de la victoire : un cinéma où être ordinaire est enfin célébré.

Notre conversation est interrompue par une voix provenant des hauts-parleurs, qui invite les invité·e·s à rejoindre la salle. Désireuses d’obtenir une bonne place au parterre, nous nous sommes empressées de nous installer dans les premières rangées. Bien que la série de remerciements des commanditaires nous a semblé quelque peu longue, nous comprenions qu’il s’agissait d’une formalité incontournable, et des applaudissements polis accompagnaient chaque prise de parole. L’arrivée de Fabienne Colas sur scène aussitôt fait de captiver l’audience : son énergie et sa présence transforment immédiatement l’atmosphère. Tous les regards sont tournés vers elle, prêts à entendre son discours passionné qui, bien au-delà des remerciements, promet de marquer un tournant pour le cinéma indépendant et la diversité à Montréal.

Stu Doré | Le Délit


Un projet porteur d’espoir

La femme d’affaires a fait part des difficultés de promouvoir le cinéma indépendant à Montréal, évoquant les différents obstacles auxquels font face les membres de sa fondation, à commencer par la réticence de nombreuses salles de projection à diffuser ces films. Si un soupçon de frustration transparaît dans ses mots, on y décèle aussi une profonde fierté. Depuis 2005, la situation a indubitablement évolué, et c’est entre les murs de l’Olympia, dans une salle pleine à craquer, que Mme Colas dévoile en primeur le projet sur lequel elle travaille d’arrache-pied : l’acquisition et la rénovation de l’ancien théâtre Cartier, situé dans le Quartier St-Henri. L’ouverture du théâtre est prévue pour 2027, au terme de rénovations majeures, qui visent à transformer l’immeuble décrépi en une salle de projection à trois étages pouvant accueillir plus de 500 personnes. Rebaptisé le « Théâtre Colas », ce projet ambitieux vise à combler le manque de lieux de diffusion pour les artistes émergents et les films d’auteur·rice·s indépendant ·e·s issu·e·s de la diversité.

Fabienne Colas et Spike Lee : un duo éclatant

L’annonce de Mme Colas a ravi le public, et c’est donc devant une audience fébrile que Spike Lee a fait son entrée sur scène. Le cinéaste a salué la foule du haut de ses lunettes surdimensionnées, icônes cultissimes de sa persona d’artiste, avant de prendre place sur le fauteuil qui faisait face à Mme Colas. Quiconque ayant déjà visionné une entrevue du réalisateur américain ne peut que constater son sens de l’humour particulier et sa langue bien pendue ; l’entretien avec Mme Colas n’y a pas fait exception. C’est d’abord avec une boutade amicale que Spike Lee a lancé le bal ; une ambiance ludique qui marque l’entièreté de la conférence.

Bien que le président honorifique ait capté l’attention par son franc-parler et son charisme, la conversation a pris un autre tournant en abordant les élections présidentielles américaines, ce qui a légèrement détourné l’attention des spectateurs montréalais, plus intéressés par le cinéma que par des débats politiques outre-frontière. Après une vingtaine de minutes portant sur des commentaires politiques, le mécontentement de la foule était palpable : « Talk about movies! (Parlez de cinéma) », a réclamé un membre de l’auditoire. Des murmures d’approbation ont salué son intervention, signalant à Mme Colas de recentrer la discussion sur la carrière de Spike Lee.

De ce fait, alors que Mme Colas mettait en avant les progrès réalisés ces dernières années en matière de diversité, elle a exprimé son désir « d’essayer » d’en faire encore davantage, ce à quoi Spike Lee a réagi avec véhémence. À cet égard, le réalisateur s’en remet à la sagesse du maître Jedi Yoda : Do or do not, there is no try (Fais-le, ou ne le fais pas. Il n’y a pas d’essai), une doctrine qu’il défend sans relâche à ses étudiant·e·s, en tant que professeur de cinéma à l’Université de New York.

Spike Lee adhère à l’idée que, malgré les obstacles, la réalisation de films est à la portée de tous ceux qui ont une vision. « Tant que tu as un appareil photo et un ordinateur portable, tu peux faire un film », a‑t-il affirmé, insufflant ainsi un sentiment d’espoir et d’accessibilité à la création cinématographique. Le cinéma, en tant qu’art universel, est le reflet de la pluralité humaine, et il s’emploie à honorer cette vérité en préservant ses collaborations durables avec celles et ceux qui ont jalonné son parcours.

« À travers des oeuvres souvent indépendantes, le festival offre un aperçu de ce que pourrait être un cinéma Black libéré des stéréotypes de la force ou de la victoire : un cinéma où être ordinaire est enfin célébré »

Une adaptation qui met en vedette Denzel Washington

L’entretien s’est néanmoins terminé sur une note positive, lorsque Spike Lee a évoqué son prochain projet, une adaptation du classique High and Low (1963), du réalisateur japonais Akira Kurosawa. L’artiste oscarisé tient à préciser qu’il s’agit d’une adaptation, et non d’une nouvelle version. Pour la cinquième fois, il travaillera avec Denzel Washington, avec qui sa dernière collaboration remonte à presque 20 ans.


Une programmation à découvrir

La 20e édition du Festival International du Film Black de Montréal (FIFBM) s’est tenue du 25 au 29 septembre et a une fois de plus affirmé son rôle incontournable en tant que plateforme pour le cinéma indépendant et engagé, offrant au public une opportunité précieuse de découvrir des oeuvres innovantes et puissantes.

La soirée de clôture du festival a présenté en avant-première The Village Next to Paradise, le premier long métrage du réalisateur somalien Mo Harawe. Parmi les lauréats, le prix du « Meilleur long-métrage fiction » a été décerné à Maryse Legagneur, pour son film Le Dernier Repas, en salle depuis le 27 septembre, tandis qu’une mention spéciale a été attribuée à Sway de Ramelan X Hamilton. Dans la catégorie du « Meilleur long-métrage documentaire », c’est Igualada de Juan Mejia qui s’est distingué, ainsi que Code de la Peur d’Appolain Siewe, qui obtient une mention honorable du jury. Le prix du « Meilleur court-métrage fiction » est octroyé à L’Invulnérable de Lucas Bacle, et la mention d’honneur de cette catégorie est décernée à Sirènes de Sarah Malléon. Enfin, Un Temps Pour Soi d’Eva Poirier est nommé « Meilleur court-métrage documentaire », alors qu’Enchukunoto (Le Retour) de Laissa Malih est récompensé d’une mention spéciale de la part du jury.

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Calendrier culturel – Octobre 2024 https://www.delitfrancais.com/2024/10/02/calendrier-culturelle/ Wed, 02 Oct 2024 11:00:00 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=56140 L’article Calendrier culturel – Octobre 2024 est apparu en premier sur Le Délit.

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