Ronny Al-Nosir, Joseph Boju, Julia Denis, Inès Léopoldie-Dubois, Céline Fabre, Ikram Mecheri, Magdalena Morales, Chloé Mour, Matilda Nottage, Esther Perrin Tabarly, Théophile Vareille, Arno Pedram - Le Délit https://www.delitfrancais.com/author/arnopedram/ Le seul journal francophone de l'Université McGill Fri, 12 Feb 2021 19:53:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 Sauver la presse francophone https://www.delitfrancais.com/2017/11/14/sauver-la-presse-francophone/ Tue, 14 Nov 2017 16:46:23 +0000 https://www.delitfrancais.com/?p=29857 40 ans après sa naissance, Le Délit risque de disparaître.

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Les universités québécoises, censées être le lieu du savoir et du débat d’idées, manquent à leur devoir de protection de la liberté d’expression. Sans presse libre et indépendante au sein des universités, cette liberté d’expression ne devient que façade. Nous demandons aux dirigeants de l’Université McGill d’abolir la mesure exigeant la tenue d’un référendum quinquennal sur les frais de cotisation de 3$ par session que chaque étudiant est tenu de payer aux journaux étudiants, Le Délit, The Mcgill Daily et le McGill Tribune

Nous pensons que cette mesure fragilise la liberté d’expression au sein de l’Université tout en marginalisant davantage les voix minoritaires, telles que les voix francophones qui sont représentées par Le Délit, le seul journal francophone de l’Université McGill. Nous demandons à l’administration de l’Université d’abolir cette obligation qui précarise la francophonie et les journaux étudiants sur le campus.

McGill néglige sa francophonie

Né sous le lys en 1977, Le Délit est la publication sœur du McGill Daily, créé en 1911, le plus vieux journal étudiant du Québec. Les deux rédactions forment la Société de publication du Daily (SPD), un organisme indépendant et à but non lucratif. Ce sont les éditeurs du Daily qui, lors des débats de la loi 101 sur le bilinguisme, ont reconnu la nécessité d’un journal entièrement francophone. Conséquement ils créèrent Le McGill Daily français, notre actuel Délit. Leur motivation était simple: favoriser l’entente entre les deux solitudes. 

À l’image des deux groupes linguistiques majoritaires du Québec, le Daily et Le Délit ont grandi dans l’interdépendance. Deux journaux, deux équipes, deux lignes éditoriales mais un seul bureau et une même vocation: proposer une presse libre et indépendante aux étudiants de l’université.

Jusqu’au 16 novembre, les étudiants doivent se prononcer sur la survie de ces deux institutions pour le référendum quinquennal. Un peu plus tôt ce mois-ci, le conseil législatif de l’Association des étudiants de l’Université McGill (AÉUM ou SSMU, en anglais, ndlr), a voté contre une motion de soutien au référendum d’existence de la SPD. Ce désaveu de la part des élu·e·s étudiants prouve leur absence de considération pour la francophonie à McGill.

Les francophones représentent pourtant 20% du corps étudiant, lequel est bilingue à plus de 50%. Pour tous ceux-là, Le Délit est un porte-parole et un acteur majeur de la vie étudiante. Dans ses pages, il couvre la scène et les coulisses de la politique étudiante mcgilloise, montréalaise et québécoise, désespérément cantonnée à la sphère anglophone. Dans la communauté, il joue un rôle prépondérant en co-organisant notamment la Francofête, une semaine de célébrations de la francophonie sur le campus. Il est aussi le représentant de McGill au sein de l’association de la Presse étudiante francophone (PrEF) et a remporté le prix du meilleur journal étudiant du Québec décerné par les Amis du Devoir. Ainsi, Le Délit relie nos étudiant·e·s francophones, parfois enfermés dans la McGill bubble, au reste du Québec.

De l’importance de la presse étudiante

Au cours de ces dernières années, les journaux étudiants mcgillois ont été d’utiles lanceurs d’alerte sur le campus. Agressions sexuelles, dysfonctionnement chronique des services de santé mentale, précarité ou encore malnutrition étudiante, autant de sujets mis en lumière par le Délit et The Daily.

Par ailleurs, en l’absence d’une école de journalisme à McGill, les journaux étudiants compensent et forment à chaque année des dizaines de mcgillois·e·s au journalisme en français et en anglais.

L’imposition de ce référendum menace les rédactions étudiantes comme une épée de Damoclès. Au lieu d’assurer leur fonction, elles se voient régulièrement contraintes d’allouer leurs maigres ressources à une campagne de survie. De plus, cette campagne devient en quelque sorte permanente, tant il faut se plier à la majorité et au bon vouloir des groupes de pression du campus. Comment, dans ces conditions, assurer la liberté de la presse et le fonctionnement même de la démocratie dans notre communauté étudiante?

Nous comptons sur la bonne volonté de l’administration de l’Université McGill pour mettre fin à ce système référendaire qui précarise les journaux étudiants et met en péril la seule voix francophone, indépendante et libre du campus.

Signataires : 

Ronny Al-Nosir, chef de section innovations, automne 2016

Joseph Boju, rédacteur en chef, 2014–2015

Julia Denis, rédactrice en chef, 2015–2016

Inès Dubois, coordinatrice réseaux sociaux, 2014–2016

Céline Fabre, chef de section culture 2015–2016

Ikram Mecheri, rédactrice en chef, 2016–2017

Magdalena Morales, coordinatrice multimédias, automne 2016

Chloé Mour, cheffe de section culture, automne 2016

Matilda Nottage, coordinatrice multimédias, 2015–2016

Esther Perrin Tabarly, cheffe de section société, 2015–2016

Théophile Vareille, éditeur de section actualités, 2015–2017

Arno Pedram, responsable multimédia Le Délit, hiver 2017, éditeur culture The McGill Daily, 2017–2018

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Montréal, ville intelligente et numérique https://www.delitfrancais.com/2017/03/21/montreal-ville-intelligente-et-numerique/ Tue, 21 Mar 2017 13:07:36 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28242 Infographie par Louisane Raisonnier et Arno Pedram.

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Infographie par Louisane Raisonnier et Arno Pedram.

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Le nouveau visage de l’AÉUM https://www.delitfrancais.com/2017/03/21/le-nouveau-visage-de-laeum/ Tue, 21 Mar 2017 12:33:35 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=28204 Infographie par Arno Pedram

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Infographie par Arno Pedram

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Vibrations et onanismes https://www.delitfrancais.com/2017/02/14/vibrations-et-onanismes/ Tue, 14 Feb 2017 14:24:13 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27718 Infographie par Arno Pedram Crédits photos à : Durex, Lelo, Lovesense

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Infographie par Arno Pedram

Crédits photos à : Durex, Lelo, Lovesense

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Pratiques sexuelles McGilloise https://www.delitfrancais.com/2017/02/14/pratiques-sexuelles-mcgilloise/ Tue, 14 Feb 2017 14:06:45 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27698 Infographie réalisée par Sébastien Oudin-Filipecki et Arno Pedram

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Infographie réalisée par Sébastien Oudin-Filipecki et Arno Pedram

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Bienvenue en 2017! https://www.delitfrancais.com/2017/01/17/bienvenue-en-2017/ Tue, 17 Jan 2017 15:30:14 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=27200 Texte par Antoine Jourdan Infographie par Arno Pedram

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Texte par Antoine Jourdan

Infographie par Arno Pedram

Webmestre, Le Délit

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Créer dans un système colonial https://www.delitfrancais.com/2016/11/08/creer-dans-un-systeme-colonial/ Tue, 08 Nov 2016 14:54:05 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26651 Arno Pedram | Sous les pavés, Tio’tia:ke

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Depuis les années 70, la majorité des autochtones du Canada résident en milieu urbain. Statistique paraissant futile, et qui pourtant va à l’encontre du stéréotype persistant des autochtones comme «sauvages» liés à la «nature», incompatibles avec la ville, la «Civilisation». À quelles épreuves les soumettons-nous en tant que non-autochtones? Comment y répondent-ils à travers leurs créations?

Canada, pays attaché à ses racines coloniales

Le Canada est un pays colonial: l’expérience d’une partie importante de la population, les autochtones, dessine un portrait trop méconnu du Canada. Cette population doit faire face au racisme et aux attitudes coloniales canadiennes, sous différentes formes. Bonita Lawrence (Mi’kmaw), après avoir collecté de nombreux témoignages de citadins autochtones, décrit ce racisme allant «d’une tendance générale à croire que les autochtones sont une population éteinte, à une grande animosité lorsque les autochtones revendiquent leurs droits à la chasse et la pêche, au désir grandissant [des non-autochtones] de s’approprier l’expérience indienne». Dans ces témoignages revient notamment l’idée que l’identité autochtone s’est estompée à travers les mélanges avec les non-autochtones (et jamais l’inverse, si ce n’est pour s’en approprier une identité caricaturée, ce qu’elle appelle les «wannabees»). À ceci s’ajoute un rejet de l’identité autochtone et une violence de la part des non-autochtones dans la ville et les familles.

Les peuples autochtones: résistants et inventifs

Les autochtones évoluent dans ce contexte: leurs productions artistiques sont (mais pas seulement) des formes de résistance au système colonial.  A Tribe Called Red est un groupe de dance électronique composé des trois DJs Nipissing, Haudenosaunee (Iroquois) et Cayuga. Ce groupe organise régulièrement des soirées «Powwow Electric Night» à Ottawa, l’occasion pour les autochtones de se réunir dans un endroit tolérant et de développer une communauté. De plus, la musique que le groupe crée est un mélange de musiques de chant, de battement Powwow et de dubstep: ils s’inspirent ainsi de styles musicaux dominants autochtones et complexifient leur identité culturelle. Dans leurs entretiens, le groupe explique comment ces soirées et leur musique répondent à un besoin de réunion, d’identification et développement communautaire pour les Autochtones d’Ottawa. La formation de communautés autochtones dans ces contextes enraye ainsi le processus colonial visant à désolidariser et faire disparaître les identités autochtones.

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Unceded Voice

À Tio’tia:ke (Montréal), Les Voix Insoumises: Convergence Anticoloniale d’Artistes de Rue est une biennale organisée autour de femmes de couleur et personnes autochtones artistes de rue opérant dans la ville. Le collectif écrit sur leur site (decolonizingstreetart.com): «Notre collectif reconnaît l’importance des murs et des structures dans l’espace public comme un espace critique afin de réclamer les territoires autochtones non-cédés et qui aide les artistes autochtones dans leur travail de justice et de guérison personnelle et collective. Leurs œuvres ouvrent un dialogue avec le public à propos du colonialisme et de l’hétérogénéité des cultures autochtones.» Leurs actions participent ainsi à la reprise de l’espace public urbain dont ils ont historiquement été exclus: par exemple, par le déplacement forcé de réserves proches des centres urbains, et en général, le mythe de l’«Indien sauvage» comme force perverse sur la civilisation des non-autochtones.

Les autochtones aussi pavent la ville

Les autochtones résistent, vivent et créent. Reconnaître ceci passe par la reconnaissance de notre participation à la discrimination ambiante, de leur histoire, et de leurs identités contemporaines. Ainsi, nous participons au démantèlement des mythes racistes à propos des autochtones, comme celui proclamant les autochtones comme une espèce en voie d’extinction (the vanishing indian myth). Tous les jours, les autochtones bravent le racisme canadien, défont l’histoire coloniale et pavent leurs routes. 

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Pourquoi les Indiens sont-ils énervés? https://www.delitfrancais.com/2016/11/01/pourquoi-les-indiens-sont-ils-enerves/ Tue, 01 Nov 2016 13:47:13 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26480 Arno Pedram | Sous les pavés, Tio’tia:ke

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Rentré chez moi cet été, je me souviens lire une histoire pour enfants à mon cousin, et alors que je tournais la page illustrant des «indiens» tirant à la flèche sur des cowboys, il me demanda: «pourquoi les Indiens sont-ils énervés?» Je lui répondis d’un rire triste: «peut-être parce qu’on construit des oléoducs sur leur territoire sans leur demander.»

La terre sous nos pieds

Tio’tià:ke (le «k» se lit «gu») signifie en Kanien’kehá (la langue Mohawk/Agniers) «là où les courants se rencontrent», et c’est le nom que porte ce que l’on appelle aussi Montréal. Les Kanien’kehá:ka (le peuple Mohawk/Agniers) sont un des cinq peuples de la confédération autochtone Haudenosaunee (iroquois, et non «indien», qui est un terme erroné) qui vivent sur l’île de la Tortue (aussi appelée Amérique du Nord) depuis des temps immémoriaux. Il a existé et existe toujours des centaines de peuples autochtones sur l’île de la Tortue, aux langues et cultures variées. Comme ils le faisaient entre eux-mêmes auparavant, ils ont — lors de leurs rencontres avec les colons — échangé, formulé des alliances économiques, sociales, militaires, et établi des traités avec eux.

Nos pieds sur la terre

Quand les guerres entre empires coloniaux ont cessé, les États-Unis et le Canada se sont progressivement auto-proclamés souverains des terres autochtones, traçant et divisant arbitrairement d’un même trait de nombreuses communautés. Enfin, les états colons, afin d’affirmer leur prise sur le continent, ont entamé un processus de génocide socio-culturel par différentes méthodes: racialisation légale à travers la Loi sur les Indiens (Indian Act), confinements géographiques, assimilation forcée et violence étatique, entre autres.

Aujourd’hui, les autochtones représentent officiellement (mais probablement plus de) 4,3% de la population (Statistique Canada, 2011). C’est aussi une population extrêmement jeune dont l’âge médian est de 28 ans contre 41 pour les non-autochtones, et la population dont la croissance démographique est la plus forte au Canada. Quant à la colonisation, elle ne s’est pas évanouie avec les années. Elle s’est parée et couverte: silencieuse et évasive dans les manuels scolaires, elle s’est immiscée dans les esprits sous la forme de racisme, ignorance et violence, elle est devenue l’oubli de ceux qui ont été — et sont encore — là.

Les Iroquois du Saint Laurent sont une population éteinte Photo (éditée par Arno Pedram) sans vocation à être exhaustive
Les Iroquois du Saint Laurent sont une population éteinte
Photo (éditée par Arno Pedram) sans vocation à être exhaustive native-land.ca

Ma démarche est risquée et est aussi à lire d’un œil critique: l’académicienne Cris/Métis Kim Anderson écrit: «Toujours sujets d’étude, [les peuples autochtones ont] été le lit et la fondation sur laquelle beaucoup d’«autorités» consultatives et académiques ont construit leurs carrières.» Dans le contexte colonial canadien, à la démarche d’observation d’un point de vue non-autochtone s’est presque toujours ajouté un caractère caricatural, ridiculisant et raciste.

Ce qu’on cache sous les pavés

Un des slogans des manifestations de Mai 68 en France était «Sous les pavés, la plage», encourageant les manifestants à déloger les pavés pour les jeter sur les forces de l’ordre. Titrer cette chronique ainsi sert d’interrogation, sur l’histoire de cette ville, du territoire américain et par extension, sur notre position, surtout en tant que francophones au Canada: à qui la ville appartient-elle? Qu’est-ce qui est caché sous la ville? Qu’a‑t-on caché dans la ville? Qui cache, comment et pourquoi? Qui réclame le territoire? 

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Guérir, sans toujours punir https://www.delitfrancais.com/2016/10/18/guerir-sans-toujours-punir/ Tue, 18 Oct 2016 13:18:20 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26198 Il faut repenser nos relations pour préserver notre santé mentale.

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Avertissement: discussion relative au suicide


Comment parler du suicide? Écrire à ce propos rappelle ce que l’on aurait préféré laisser enfoui. Son évocation seule réveille dans l’audience ses propres pulsions suicidaires, d’où la peur même de provoquer un phénomène de contagion en essayant de parler de ce que l’on veut vaincre…

Une communauté vulnérable

Lundi dernier, Sarah Schulman, auteure de Le conflit n’est pas maltraitance (Conflict is not abuse, ndlr) et Morgan M. Page, écrivaine et baladodiffuseuse trans organisaient une conférence sur la suicidalité (signifiant ici «idées suicidaires», ndlr), le conflit et la guérison, au café Le Cagibi. La discussion abordait le suicide de Bryn Kelly — le 13 janvier de cette année — une artiste et activiste trans porteuse du VIH ayant vécu à Brooklyn, et traitait aussi de ses funérailles, auxquelles les deux organisatrices ont participé.

La discussion s’est vite transformée en recherche de solutions face à l’épidémie de suicides qui touche la communauté LGBTQIA+ (Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Queer, Intersexué, Asexuel et plus, ndlr). En effet, cette communauté est toujours affectée disproportionnellement par le phénomène: une étude menée en 2007 trouvait que 33% de la jeunesse LGB ont tenté de se suicider contre une moyenne générale de 7%, et les chiffres empirent pour les personnes trans dont l’identité s’entrecroise avec d’autres caractéristiques discriminatoires, comme la couleur de peau.

Dé-glamouriser la réalité

Le premier objectif de Sarah Schulman est de dé-glamouriser le suicide, défaire son mythe, le prendre pour ce qu’il est à ses yeux: un gâchis, et trop souvent décidé en état d’ébriété suite à un conflit. Une personne objecte toutefois dans l’audience: pour une personne suicidaire, chaque jour est un chemin de croix, mais chaque jour passé, une victoire; les 35 ans de la vie de Bryn Kelly sont à célébrer comme tels! Le suicide n’est pas à rendre attirant, mais la vie est à reconnaître comme éprouvante.

Des attitudes nocives

On y vient donc, à la vie, notamment à deux sources de conflits courantes: la sur-dramatisation des conflits et des ruptures, et les attitudes d’exclusion et d’isolation sociale. Une certaine réponse prévalait: prendre le temps de prendre du recul, de désamorcer la force des passions.

Notamment, les intervenantes ont reproché à la communauté queer de souvent se dire abolitionniste (un mouvement luttant contre le système carcéral punitif et pour plus de justice réparatrice ou réformatrice), mais en ne s’inspirant que peu des idéaux du mouvement de la vie hors des barreaux: Morgan M. Page reprochait aux communautés queer d’être «enfermées dans le blâme» ferventes partisanes de la méthode punitive dans leurs relations interpersonnelles. Il y a pourtant matière à inspiration dans la théorie réparatrice de la justice: l’isolation sociale provoquée, qui est d’autant plus violente dans une cellule, est initiée par la même logique et ne répare et ne construit rien pour un changement d’attitude, elle ne fait qu’écarter les problèmes sans les changer.

Une réponse communautaire?

Enfin, d’un point de vue personnel, un membre de l’assemblée a noté les origines de la culture du self-care vibrante à Montréal, qui viendrait de l’austérité: en effet, sans système de santé sociale accessible et de culture d’aide collective en Amérique du Nord, il ne nous reste plus qu’à nous acheter une bougie parfumée pour dorer notre soirée solitaire. Il est peut-être grand temps de passer au collective-care, et parler à l’autre de ce qui fait mal.

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Parler de ce qui est https://www.delitfrancais.com/2016/10/04/parler-de-ce-qui-est/ Tue, 04 Oct 2016 13:25:42 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=26077 Une conférence déconstruit le mythe de «l’Indien».

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Une femme Mohawk se lève, et dit qu’elle connait une activité simulant le génocide culturel et social infligé à sa communauté. Au centre de la salle, elle place une liste de ce qui constitue une communauté: sa langue, sa solidarité, ses cérémonies, ses ressources. Autour, elle invite quatre personnes représentant les enfants de la communauté. Derrière chacun d’entre eux sont aussi invitées quatre femmes, leurs mères, et derrière encore, les mères des mères. Enfin, tout autour, les hommes. Alors, la femme Mohawk prend les feuilles, les déchire, renvoie les enfants: ils sont enlevés à la communauté, arrachés de notre cœur. À peine dénoyautés, elle invoque les maux que nous devront encore subir: les mères, les grands-mères, les hommes, sont enlevés, incarcérés. Enfin, elle invite au centre les personnes passées par l’orphelinat, par la prison, ou victimes d’enlèvement. Elles forment une ronde ouverte vers l’extérieur, nous nous serrons dans leur bras et leur murmurons, alors que nos larmes s’entremêlent: «Bienvenue à la maison».

Des racines profondes…

Ce mardi 27 septembre, le collectif Missing Justice organisait au Centre de lutte contre l’oppression des genres une réunion ouverte sur le sujet des femmes autochtones assassinées et disparues. Deux femmes tenaient la réunion, une autochtone elle-même victime d’enlèvement à deux reprises à 16 et 20 ans et ayant perdu une amie ainsi, et une femme de couleur. Elles se sont alors lancées dans les différentes modalités de la dissimulation, la négation des histoires et le meurtre des populations autochtones (il en existe des centaines aux langues et cultures toutes aussi variées sur l’île de la Tortue, aussi appelée «Amérique du Nord»).

Aux origines, la colonisation bien-sûr, mais surtout, la décision des colons, après avoir coopéré, guerroyé, et enfin s’être déclarés souverains, d’éliminer progressivement le contrôle des populations locales sur le territoire. Pour cela, le cloisonnement des populations dans des réserves et sédentarisation forcée, violence épistémologique occidentale par l’imposition de schémas patriarcaux à des sociétés matriarcales et conversion religieuse. S’ensuit l’enlèvement des enfants dans les écoles résidentielles jusqu’en 1996, où les enfants sont arrachés à leur familles, empêchant ainsi la transmission culturelle, et grandissent dans un univers d’abus physiques et mentaux dont beaucoup ne sortent pas indemnes, si seulement vivants. Ainsi se déroule un véritable génocide culturel.

… d’un problème pressant

Tout cela, c’est du passé, n’est-ce pas? Les présentateurs secouent la tête, aujourd’hui les populations autochtones sont discriminées à l’embauche, surreprésentées dans les prisons et les orphelinats — victimes d’un racisme et d’une violence systémique, étatique et individuelle. 4% de la population vivant au Canada est autochtone, pourtant, 48% des enfants en orphelinat sont autochtones. Les rapports d’enlèvements de femmes autochtones, phénomène endémique et aux proportions mal évaluées par désintérêt de l’État canadien, ne sont toujours pas pris au sérieux par les corps de police, encore plus si la femme est une travailleuse du sexe.

Il n’en est pas moins de leur place dans le monde des médias.  S’ils en ont une, ce n’est jamais que des rôles mineurs, caricaturaux ou irrespectueux de leurs réalités. Soit torses nus, soit animaux, soit barbares, leurs rôles à Hollywood les cantonnent derrière une ligne délimitant un petit espace, un mot, pour mille fois sa complexité, l’Indien. 

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La révolution hétérosexuelle https://www.delitfrancais.com/2016/09/13/la-revolution-heterosexuelle/ Tue, 13 Sep 2016 18:03:01 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=25588 Cette année, le Forum Social Mondial (FSM), un forum dédié aux projets de sociétés alternatives, ouvrait pour la première fois un chapitre pour les personnes LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres, Queer, Intersexe, Asexuel et plus, ndlr) parmi ses innombrables ateliers. Le slogan de ce chapitre, le Comité diversité, genres et sexualités (CDGS) était «Un autre… Lire la suite »La révolution hétérosexuelle

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Cette année, le Forum Social Mondial (FSM), un forum dédié aux projets de sociétés alternatives, ouvrait pour la première fois un chapitre pour les personnes LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres, Queer, Intersexe, Asexuel et plus, ndlr) parmi ses innombrables ateliers. Le slogan de ce chapitre, le Comité diversité, genres et sexualités (CDGS) était «Un autre monde est nécessaire. Mais pas sans nous!». L’addendum lourd de cette deuxième phrase au credo original du FSM révèle en réalité que ces «autre[s] monde[s]» que le FSM et les gauches radicales nous proposent souffrent d’une vision encore trop hétéro- et cis-centrée.

Des droits faillibles

Malgré la présence de ce nouveau chapitre au FSM, la mention des minorités sexuelles dans les différents ateliers proposés était minime, si seulement existante en dehors des événements spécifiques du CDGS. Si les droits des minorités de genre et sexuelles, au même titre que les droits des personnes handicapées et les femmes, ne sont pas au cœur du nouveau monde que l’on nous propose, nous sommes assurés de perdre rapidement ce qui a été acquis tout aussi rapidement. De la moustache décomplexée des femmes iraniennes à l’époque des rois Qajar, en passant par les amours saphiques (lesbiens, ndlr) et socratiques de la Grèce antique, la liberté sexuelle, la conception du genre et leur tolérance ont fluctué à travers les temps et lieux. Il est inconscient de croire que, dans un Occident de plus en plus conservateur, les droits actuels sont acquis et iront en se développant, encore plus dans un contexte aussi incertain que celui d’une révolution armée, modèle de mutation glorifié par beaucoup dans et en dehors du FSM.

La révolution violente, pour qui?

Les révolutions violentes prônées au FSM et ailleurs par les communautés de la gauche radicale suppriment le lien social, c’est leur force et faiblesse. Elles détruisent pour pouvoir construire de façon radicalement novatrice. Elles détruisent aussi parfois des familles et font fuir des populations de par la ruine qu’elles provoquent. Elles imposent aussi à plusieurs une guerre civile et une vision sociétale non consentie puisque amenée par les armes. L’État contemporain se doit de muter, doit-il pour autant disparaître? Il n’est pourtant pas l’unique ennemi de l’Homme, et malgré ses nombreux excès, il a aussi été pensé comme un rempart contre le patriarcat et entre les hommes, par exemple. Peut-être provoque-t-il plus de mal qu’il n’en prévient, comme de par ses récents développements ultralibéraux favorisant le libre-échange et la toute puissance corporatiste. Mais personne ne nous protègera lorsque le pays sera un champ de bataille idéologique, et il n’est pas dit que beaucoup seront encore debout d’ici qu’un nouveau tissu social nous défende.

La révolution homosexuelle

Seulement, la révolution ne se fait pas toujours par les armes. De par leur caractéristique numérique, les minorités sexuelles n’ont jusqu’à présent jamais pu avancer leurs droits en soumettant la société à leur joug.Les origines du soulèvement de Stonewall, l’origine du mouvement de libération LGBTQIA+ moderne, avaient beau être à inspiration révolutionnaire, nous ne nous sommes jamais permis ce luxe. Au contraire, les plus grandes avancées, la dépathologisation et la décriminalisation se sont faites par l’organisation et la visibilité. Alors, la révolution armée, un truc d’hétéros?

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Mahaut Engérant | Le Délit

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Gueule de bois à durée indéterminée https://www.delitfrancais.com/2016/06/29/gueule-de-bois-a-duree-indeterminee/ https://www.delitfrancais.com/2016/06/29/gueule-de-bois-a-duree-indeterminee/#respond Wed, 29 Jun 2016 20:32:56 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=25384 À la recherche d’un discours de gauche.

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Vittorio Pessin | Le Délit

Olympe de Gouges écrivait sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne il y a trois siècles. Pourtant, on est toujours pas foutu d’atteindre l’égalité des genres, le racisme est comme une veille photo de famille qu’on dépoussière tous les ans, et l’Histoire un livre qu’on a acheté mais qu’on s’est secrètement promis de ne jamais lire.

Gueule de bois

À quoi bon se battre quand on voit que les discours dominants ne remettent pas en question des préjugés datant de l’Antiquité? Quand les deux campagnes Brexit et Bremain n’ont jamais remis en question l’idée que plus d’immigration équivaut à plus de problèmes, quand  jamais la Turquie n’a été décrite comme autre chose qu’une bande de barbares prêt à envahir les pauvres Britanniques? Quand on voit que la première revendication de Cameron après le Brexit est d’exiger une baisse de l’immigration à Bruxelles? À quoi bon quand on sait que la Grande-Bretagne a toujours été une terre hostile à l’immigration, même à l’intérieur de l’Europe? Qui s’informe? Qui doute? Qui ose penser?

Quelle gauche mondiale?

À quoi bon quand la gauche française se métamorphose en gelée au discours vide, à quoi bon quand elle ne parle plus d’égalité, de solidarité, d’anti-racisme, d’anti-sexisme, d’anti-austérité, ou de préserver l’environnement? À quoi bon quand les seuls mouvements de contestation intéressants, qui ne reposent pas sur une xénophobie exacerbée, se trouvent dans des pays auxquels on ne daigne plus porter attention et dont on jugule l’économie, avec une monnaie dont l’utilité n’est plus remise en question que par les extrêmes comme en Espagne ou en Grèce? À quoi bon quand les migrants crèvent aux frontières et qu’on ne trouve pas mieux que de les «renvoyer» à l’indifférence générale, comme s’ils allaient magiquement voler vers d’autres contrées et non pas se faire passer à tabac puis pousser dans des embarcations, direction Turquie? Dans ce pays «sûr» les attend une nouvelle guerre avec les populations kurdes, les mêmes bouchers islamiques, et un président aux airs se confirmant chaque jour autoritaires. À quoi bon quand l’Australie transforme ses îles offshores en camps limbesques pour demandeurs d’exil, les poussant à se suicider de façon toujours plus ignoble, à l’indifférence internationale totale? Où est passée toute compassion? Où est passée toute réflexion?

À quoi bon quand on sait que le génocide des populations américaines autochtones n’a jamais été source de grande culpabilité? À quoi bon quand on sait que l’Holocauste a plus été arrêté par intérêt économique américain en Europe que par réel souci éthique? Quelle éthique créons-nous? Quelle éthique nous intéresse?

Et pourtant…

Et pourtant si la force éthique du devoir d’assistance à personnes cherchant l’asile depuis des pays en ruines ne convainc pas, l’Europe pourrait se trouver des intérêts économiques et idéologiques qui lui parlent. Le projet européen perd du souffle parce qu’il a perdu son temps à se vendre en tant que continent blanc, chrétien, aux supposés antipodes de la Turquie pour mieux l’empêcher d’y entrer, pour mieux s’empêcher de se demander quels ont toujours été nos échanges avec l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, pour mieux oublier que l’Europe a un temps été le bassin méditerranéen sous les Romains, que les Arabes ont envahi une partie pour ensuite être envahis par l’Europe. Ouvrir les frontières de l’Europe est probablement le seul espoir d’en faire un continent enfin adapté à la mondialisation, et de rajeunir une population vieillissante. Au lieu de quoi, on se terre dans nos idées de la «nation» et de nos concepts de souveraineté aux relents nauséabonds.

Pourquoi écrire encore?

En attendant, on déroule partout le tapis rouge pour les xénophobes, les oligarques, les radicalismes les plus glaçants. Pourquoi se fatiguer? Des millions de penseurs ont écrit avant, des millions écriront dans le futur, des conneries, des choses mille fois mieux écrites, des argumentaires plus brodés, des recherches plus approfondies…

Quel est l’intérêt? Écrire, toujours écrire, mais pour qui? Pour quoi? Je sais que mes amis Facebook lisent les mêmes articles, partagent les mêmes opinions, sont des mêmes milieux sociaux que moi, qui est-ce que je touche? Qui est-ce que je change? La vérité est vieille des siècles qui l’ont rabrouée, les gens n’ont juste pas voulu lire, pas voulu s’informer, pas voulu faire attention.

En même temps, pourquoi les blâmerais-je? C’est tellement plus simple, tellement plus agréable, après tout on crèvera probablement tranquilles dans notre lit coulés sous nos mythes et on n’en sera pas moins malheureux. Lire, s’informer, douter, à quoi bon quand on atteint un niveau de vie suffisant pour ne plus à avoir à se préoccuper de grand-chose en dehors du prix de la bouffe locale et de l’Euro 2016? Au final, toute cette misère, elle nous donnera une petite frousse, comme un feuilleton des Kardashian avec un peu plus de piquant, une sorte de Jeux de la Faim [Hunger Games] version mondiale. Quelle éclate!

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Sous les pavés, Tio’tia:ké https://www.delitfrancais.com/2016/02/22/sous-les-paves-tiotiake/ https://www.delitfrancais.com/2016/02/22/sous-les-paves-tiotiake/#respond Tue, 23 Feb 2016 04:13:02 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24971 McGill a un devoir de mémoire envers les peuples autochtones.

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Note préliminaire:

Ma connaissance sur les sujets abordés n’est pas exhaustive et je ne prétends en aucun cas parler au nom des autochtones, d’autant que je profite moi-même de la colonisation en tant que blanc. Ma perspective s’appuie pour la plupart sur des rencontres avec des autochtones lors du panel de CKUT: «Communauté Indigène, Résistance et Médias».

Cet article est délivré après le vote à l’Assemblée générale de l’AÉUM du lundi 22 février, où la motion pour augmenter le contenu portant sur les autochtones à McGill est passée à l’uninanimité des votants.


Un rocher se tient seul devant le muret donnant sur la rue Sherbrooke: le rocher Hochelaga. À l’abri des regards et loin des chemins déneigés, il est le seul témoignage visible de l’existence d’autochtones sur la terre colonisée sur laquelle McGill siège. Sa visibilité est à l’image de la place accordée à l’histoire de la colonisation et du génocide des Premières Nations à McGill: presque nulle.

La colonisation n’appartient pas au passé. Dimanche 14 février se tenait la marche commémorative annuelle en honneur aux femmes autochtones disparues et assassinées: un phénomène d’une grave ampleur qui fait partie d’une oppression et violence systématiques envers les populations natives, une colonisation qui ne dit pas son nom.

Choisir et écrire son histoire

Les deux derniers Faculty in Rez (faculté en résidence, ndlr) une série de conférences organisée par Rez Life, ne manquaient pas d’ironie. La professeure Charmaine Nelson parlait le 25 janvier dernier de la place des personnes de couleur dans l’art canadien, fortement marquée par l’esclavagisme et le colonialisme. Son parcours personnel en tant que seule canadianiste noire du Canada n’était pas sans rappeler l’intemporalité du problème de la représentation des personnes de couleur dans le corps professoral. La conférence suivante, le 15 février, donnait la parole à notre principale Suzanne Fortier. Ce fut l’occasion de lui demander: quelle est la politique de représentation des minorités à McGill, dans le corps professoral, lorsque l’on sait que seul un professeur de McGill est natif? Quelle place donne-t-on à l’histoire colonialiste et génocidaire du Canada à McGill, lorsque l’on sait que la plaque se contentant de mentionner l’arrivée des colons est à peine visible, alors qu’un James McGill esclavagiste et colonialiste salue l’arrivée de tout visiteur et étudiant sur le chemin de l’université?

«McGill a l’opportunité d’utiliser son rayonnement international pour se positionner sur des sujets cruciaux»

Certains autochtones demandent la restitution de l’Université (construite grâce à des «prêts» jamais acquittés aux populations natives) ou au moins des réparations. La propagation de symboles de reconnaissance, comme des reconnaissances de la terre (land acknowledgements, ndlr) pourraient aussi participer à la décolonisation des esprits. À ces demandes, Suzanne Fortier resta évasive. La principale avançait que les symboles n’auraient pas autant d’effet que l’on voudrait leur donner. Défendrait-elle alors des actions concrètes, comme une réponse aux demandes du retour de l’Université ou au moins de réparations? Au regard de l’absence de discussion sur les actions possibles, il semblerait que la question ne vaut même pas la peine d’être posée…

Esther Perrin Tabarly

De l’importance des symboles

Mais revenons-en aux signes. Quel est l’intérêt d’ériger des plaques, de reconnaître que les réunions que nous tenons sont sur une terre, Tio’tia:ké (le nom original de Montréal), que nous nous sommes appropriés par la force, de parler de l’histoire coloniale du Canada? Ces symboles participent au changement du discours ambiant, questionnent notre privilège en tant que colons ou bénéficiaires d’un système colonial. Ils questionnent notre connaissance de Montréal, du Canada, et de la violence présente dans les mots utilisés pour faire disparaître Tio’tia:ké, son nom, son histoire, son peuple. Ils montrent du doigt l’incroyable travail colonial visant l’effacement des réalités autochtones et permettant le développement d’un système raciste.

Pourquoi les symboles sont-ils si importants? Parce que la réalité coloniale se fonde aussi sur des symboles, sur des dénominations coloniales. Que la page du site internet de McGill à propos du rocher Hochelaga parle de la rencontre des explorateurs «naviguant sur le fleuve Saint Laurent», le nom donné à ce qui s’est toujours appelé Kaniatarowanenneh («grande rivière»), suggère que les explorateurs sont arrivés sur un territoire qui leur appartenait déjà. Que des programmes éducatifs parlent encore de la «découverte» des Amériques et de son importance pour les empires européens fait oublier qu’à cela se soient ajoutés colonisation, appropriation et génocide d’un peuple qui persévèrent encore aujourd’hui. Tous ces symboles, ces dénominations, ces détails, ces oublis, mentionnés ou effacés, si futiles soient-ils pour Suzanne Fortier, deviennent les premiers outils du système colonial pour endormir les consciences, ou les premières étapes d’un réveil douloureux.

… et après?

On a pu remarquer l’augmentation discrète d’initiatives étudiantes et d’associations extérieures à l’administration de McGill pour reconnaître à chaque début d’un événement le bénéfice que les participants retirent de la colonisation des terres où ils se trouvent (cela étant dit, tout cela reste encore très insuffisant au regard du tort infligé à ces populations). Quand est-ce que l’administration s’emparera aussi du sujet? Il semblerait qu’au lieu de sauter sur l’occasion de mener par l’exemple, elle se contente d’attendre d’être elle-même saisie par les étudiants. McGill a l’opportunité d’utiliser son rayonnement international pour se positionner sur des sujets cruciaux, qui touchent ou devraient toucher ses étudiants. Si l’administration ne s’agite pas, il est de notre responsabilité de s’informer, discuter, changer les discours, entendre les voix autochtones sans se les approprier (au risque de répéter une tactique que l’on cherche à contrer).

«Pourquoi les symboles sont-ils si importants? Parce que la réalité coloniale se fonde aussi sur des symboles, sur des dénominations coloniales»

Il ne faudra pas s’arrêter là. Nous avons le devoir de nous renseigner, d’interroger notre privilège et décoloniser nos paroles et actes. Chaque jour qui passe incontesté est un jour colonisé: un jour d’appropriation, d’enlèvement, de viol et de meurtre. Il est temps de parler des terres sur lesquelles nous marchons, dans nos conversations, nos cours, de l’écrire dans nos programmes et nos publications. Esclaves de l’ignorance, mettons les mots de La Boétie en pratique: «Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.» 

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Sois belle, et tais-toi! https://www.delitfrancais.com/2015/11/17/sois-belle-et-tais-toi/ https://www.delitfrancais.com/2015/11/17/sois-belle-et-tais-toi/#respond Tue, 17 Nov 2015 05:10:40 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=24086 À la rencontre du sexisme 2.0 avec Essena O’Neill.

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«J’avais tout et j’étais très malheureuse parce que lorsque vous vous laissez définir par des chiffres, vous vous laissez définir par quelque chose qui n’est pas pur, qui n’est pas réel, qui n’est pas amour: les «j’aime», «vues», «followers». Vous n’êtes pas des followers! Je ne suis pas une follower

Ainsi allait le cri d’Essena O’Neill, célébrité des réseaux sociaux, dans son ultime vidéo sur YouTube. Outre la révélation du travail en réalité inhumain qu’elle déployait derrière ses photos Instagram, où elle s’exposait en incarnation de la «femme parfaite au corps parfait», son appel fait également écho à un sérieux problème: quelle est la place et l’influence du numérique dans nos vies?

Le système de la femme lisse

Une femme est une candidate sérieuse à l’investiture américaine, le nouveau cabinet canadien est composé à moitié de femmes, «parce qu’on est en 2015». Tu me dis déjà que le féminisme ne sert plus à rien, de toute façon le sexisme, c’est chez eux, ces barbares, loin de toi, loin de nous. Pendant ce temps, dans ton jardin, pousse un sexisme beaucoup plus intelligent, maîtrisant et rendant disponible le corps de la femme.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux nous nourrissent d’images, nous informent, nous montrent plus, plus loin, plus vite. Dans le même temps, ils modèlent nos représentations, nos réalités, et ici en particulier, ils modèlent le corps de la femme, celui qu’elle devrait avoir. Instagram regorge ainsi de photos de cette femme aux yeux bleus, cheveux blonds et lisses, à la peau lisse, et surtout lisse elle-même: ce corps aseptisé recouvre le monde réel pour enfin s’installer en idéal. C’est la femme parfaite, celle qui ne dépasse pas, qui connait sa place, celle qui vit lisse, pense lisse, qu’on pourra ainsi caresser, lisse, lisse. Ces mannequins cumulent les followers qui derrière leurs écrans rêvent et s’imaginent eux aussi épousant ces carcans, cet effort physique et mental qui leur permettrait enfin d’être cet idéal que tous nous créons et cultivons.

Essena O’Neill nous montre dans sa dernière vidéo l’envers du décors — un corps travaillé, sculpté, des heures durant, afin d’obtenir la photo parfaite. Essena O’Neill n’est pas lisse, elle n’est pas cette personne qu’elle a créée. Elle a seulement cru un moment devenir celle que nous croyons voir. Une image.

Cette image a une valeur, elle épouse l’environnement sexiste qui la produit et l’entretient. Sois belle et tais-toi! Quoi de mieux alors que de la payer pour sa contribution? Ainsi opère le pouvoir foucaldien: la personne entretient le système qui décuple ses capacités en même temps qu’il l’opprime. Mis en adéquation avec un système sexiste, la monétarisation des vidéos YouTube devient l’outil d’un pouvoir qui sanctionne et norme.

Luce Engérant

«Je ne suis pas contre les réseaux sociaux, je suis contre [leur] statut actuel»

Pourquoi alors utilise-t-elle ces mêmes réseaux sociaux pour diffuser un nouveau message (Vimeo et un site internet)? Cette attitude a provoqué l’incompréhension et la colère de beaucoup. Tout le monde connaît le discours banal servi à toutes les sauces à propos de la nocivité des réseaux sociaux. Ce n’est pas celui d’Essena O’Neill. Elle n’appelle pas à la fin des réseaux sociaux, des youtubers, des modèles, des célébrités d’Instagram: elle appelle à un nouvel usage de ces outils et de ces identités.

Son appel et le nom de son site Let’s be game changers (Soyons les changeurs du jeu, ndlr) font écho à la question de Foucault, celle que nous devons peut-être nous poser: «à quoi peut-on jouer, et comment inventer un jeu?».

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Les nouvelles amours https://www.delitfrancais.com/2015/10/20/les-nouvelles-amours/ https://www.delitfrancais.com/2015/10/20/les-nouvelles-amours/#respond Tue, 20 Oct 2015 20:09:15 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23610 Petite réflexion sur le sentiment à l’âge numérique.

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Les réseaux sociaux, les téléphones intelligents et autres écrans sont une plaie: ils faussent les relations, dématérialisent et insensibilisent les échanges. Stromae le chante: «L’Amour est comme l’oiseau de Twitter/On est bleu de lui seulement pour 48 heures». Tinder, Grindr… les sites de rencontre transforment notre environnement en un marché ultra-capitaliste où chacun devient un produit et fait l’inventaire de ses performances. Derrière l’écran, l’échange physique se dépersonnalise et un coup de pouce change la donne du tout au tout. Chacun est évalué, essayé, rejeté: le néolibéralisme, insidieux, s’installe entre nous et les autres dans un état de compétition perpétuelle.

On en appelle à revenir aux racines, au vrai, au contact, au physique, à l’exclusivité, à l’unicité, à reconnaître la «vraie» valeur de l’être humain dans nos échanges dans le monde réel. On jette l’opprobre sur les sites de rencontre, on cache que l’on s’y est rencontrés. La rencontre «là-bas» n’est pas assez romantique, traditionnelle. Elle relève d’un choix virtuel malgré lui.

Quelle est cette «vraie» rencontre, condition apparemment sine qua non du sentiment? Celle du prince charmant délivrant sa princesse?

La dichotomie

Qu’est-ce qui, dans la présence physique, est plus vrai que dans l’échange dématérialisé? Le film de Spike Jonze, Elle, posait la question: pouvons-nous appeler amour un sentiment adressé envers un être immatériel?

L’amour, le vrai, serait développé dans l’échange matériel, à travers l’aspect corporel de la rencontre. Le réseau social est une illusion du sentiment, de la personne… Tout le monde peut devenir tout le monde dans un monde dématérialisé. Le sentiment ne se manifeste-t-il donc que dans le physique, le spirituel ne surgit-il que du matériel?

Pourtant, quand l’Autre n’est pas là, il m’arrive de sentir quelque chose. Je pense à l’Autre, je me fais du souci pour l’Autre: dans son absence, le sentiment se manifeste, incontrôlable et spontané. Le spirituel, indépendant du physique, me rappelle à l’Autre, matériel et pourtant absent. Amoureux, ne me crée-je pas non plus un être parfait, idéalisé par mon sentiment et dépassant sa réalité?

En l’absence de l’Autre, mon sentiment se développe à la pensée d’un être matériel. En fait, je recrée l’Autre: je le matérialise ex res nihilo pour l’accorder à mon amour qui à son tour dessine l’Autre. Mon image de l’Autre est toujours différente de ce qu’il est car je ne le connais pas. Mon amour pour l’Autre est immatériel: il est indépendant de sa présence matérielle.

Esther Perrin Tabarly

À la recherche de l’Amour perdu?

En réalité, nous n’assistons pas à la fin du sentiment. Nous sommes témoins de la mutation des relations humaines et de l’apparition de nouvelles amours. Le sentiment s’affranchit d’autant plus du physique: les échanges immatériels s’ajoutent et trouvent leur place dans des échanges et des relations nouvelles.

Après tout, l’amour lui même est immatériel, pourquoi serait-il donc manifeste seulement dans le matériel? De toute façon, y arriverait-il, étant donné sa nature? Les soi-disant manifestations physiques de l’amour en sont-elles réellement? L’amour ne se manifeste-t-il pas de la façon la plus pure dans l’immatériel, le métaphysique?

En réalité, personne ne sait de quoi nous parlons. On pourrait croire que notre vision de l’amour est universelle, mais nous en attendons toujours la preuve. Et si, en attendant, on essayait d’accepter que chacun soit libre d’aimer comme il l’entend? 

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«Indignez-vous!»… et après? https://www.delitfrancais.com/2015/09/22/indignez-vous-et-apres/ https://www.delitfrancais.com/2015/09/22/indignez-vous-et-apres/#respond Tue, 22 Sep 2015 15:38:40 +0000 http://www.delitfrancais.com/?p=23056 Concrétisons nos emportements en actes.

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se réveille comme chaque matin, prend son café, allume la télévision, ouvre le journal. Il est à la recherche de l’information choc, du scandale humanitaire. Il le trouve. Alors plongé dans une rage folle, il se jette sur les réseaux sociaux, son arme la plus précieuse. Rien ne saurait l’arrêter dans cette entreprise, rien, ni personne. Et rien, ni personne, ne l’entend réellement, et son indignation bien éphémère n’a que peu d’effet.Ainsi vont beaucoup de journées dans la sphère de l’internaute. Tout le monde est victime un jour du syndrome d’X. Reste à prendre conscience du problème.

Tous indignés

Les réfugiés dans le monde entier, les lycéennes enlevées par Boko Haram au Nigéria. Ces histoires ont peu en commun, et pourtant, toutes deux ont suscité un syndrome d’X, souvent irréfléchi, souvent fugace, souvent dans l’ignorance des causes mêmes de l’indignation; rendant ainsi impossible tout espoir d’effet réel sur la politique fédérale ou internationale.

Des enfants, des femmes et des hommes meurent tous les jours dans le cimetière qu’est la mer Méditerranée, ce n’est juste pas aussi visuel, choquant et sensationnel que la terrible photographie du jeune Aylan Kurdi. Boko Haram assassine depuis des années déjà au nord du Nigéria. L’assassinat de quelques-uns dans les tréfonds d’un pays dont on n’entend pas assez parler est seulement moins émouvant que la prise d’otage de jeunes filles écolières: symbole multiforme du développement, de la condition de la femme et de la protection des enfants.

L’indignation se mue trop vite en désintérêt, ou débouche sur une absence de coordination. Les provinces canadiennes ont beau tendre les bras aux migrants, le fédéral ne suit pas: le ministère de l’Immigration a refusé la demande d’asile de l’oncle d’Aylan Kurdi et les Conservateurs parlent de discriminer l’entrée dans le pays en privilégiant les non-musulmans pour ne pas admettre de terroristes, selon les mots de Jason Kenney, ministre de la Défense sortant.

Au Nigéria, Boko Haram assassine toujours à tour de bras tandis que la réponse des pays voisins, chez qui le virus se propage, se fait attendre.

Changer la donne

«S’il est important de bien conduire un mouvement revendicatif, il faut aussi savoir le terminer.» Ainsi parlait Maurice Thorez, représentant communiste français, lors des grèves de la joie de 1936. Son affirmation reste d’actualité. L’indignation ne suffit pas, il faut une action, une condensation des revendications dans des actes concrets afin de terminer le mouvement impulsé par l’indignation. L’Histoire récente nous a prouvé qu’il existe un militantisme utile. Le choc qu’ont provoqué les morts du séisme du Népal ne s’est pas limité à la contemplation. Des mesures ont été implantées immédiatement: Facebook a mis en place une plateforme de dons, et une chaîne d’aide a pu être créée. Pour accueillir les migrants ces derniers mois, en Allemagne, des systèmes similaires à Airbnb, d’ailleurs saturés en quelques jours, sont apparus. Encourageons de telles initiatives, qu’elles viennent d’individus, d’entreprises, ou de gouvernements. Elles se font souvent trop attendre.

À quel moment l’indignation n’est-elle plus que le passe-temps d’une population nombriliste? Loin de moi l’idée de nier que je suis aussi victime du syndrome d’X, parce qu’il concerne tout un chacun. J’accuse une population à l’opinion versatile, et de par ce fait, des politiciens opportunistes, démagogues et inconstants. Je veux encourager une prise de conscience et l’aboutissement des revendications. S’indigner ne suffit pas, il faut agir: le changement peut venir d’«en haut» comme d’«en bas», comme le montrent les Allemands. Il y a de l’espoir dans ce qui peut être notre perte: l’instantanéité est le frein mais peut devenir le moteur des revendications modernes. 

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