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L’AÉUM s’apprête à tuer le pluralisme de la pensée à l’université

Le 5 avril 2018, l’Association Étudiante de l’Université McGill a fait voter une loi  interdisant à l’ensemble de ses membres de s’affilier à  des groupes d’ « extrême droite ». Réaction.

Et voilà que l’Association Étudiante de l’Université McGill (AÉUM, ou SSMU en anglais, ndlr) refait des siennes. Lors du dernier conseil législatif réunissant les représentant·e·s de toutes facultés de l’Université, l’association censée représenter les intérêts de l’ensemble des étudiants et étudiantes à McGill a une fois de plus contribué à l’anéantissement du pluralisme de la pensée. Le 5 mai 2018, elle a en effet fait voter ce qui s’apparente à une véritable motion de censure, en interdisant « l’affiliation avec tout groupe d’extrême droite ». Autrement dit, en marginalisant une pensée politique entière, l ’AÉUM s’est placée en pionnière de

Car oui, tout en dépassant le simple conflit idéologique, cette nouvelle loi rappelle les limites de la liberté d’expression au Canada en initiant un débat féroce sur un sujet sensible. En effet, au-delà des divisions politiques, promouvoir l’interdiction d’une adhésion quelconque au sein d’une association étudiante est un acte que l’on ne peut qualifier autrement que de discriminatoire. Faire voter l’interdiction d’exercer un poste en fonction de certaines affiliations politique l’est tout autant. Ironiquement, cette motion est supposément proposée en accord avec l’article 2.6 de la politique d’équité de l’AÉUM, une politique prônant le support de tout projet visant à mettre fin aux discriminations. Hypocrisie, quand tu nous tiens…

Une loi biaisée et prôneuse d’uniformisation

Si une telle loi prônait réellement l’égalité et le respect intellectuel, ne devrait-elle pas cesser d’automatiquement de diaboliser tout sympathisant d’extrême droite en faisant l’amalgame entre « extrême droite » et « fascisme », qui n’en est en réalité qu’une dérive sectaire ? Ne devrait-elle pas tout autant rappeler les dérives de l’extrême gauche, qui ne sont pas drastiquement inférieures aux dérives identitaires de droite ? Il suffit en effet de consulter le site de « Montréal contre-information » pour entendre l’étendu des dérives de l’extrême gauche au Québec – entre tutos pour fabriquer des cocktails Molotov, incitations à la violence urbaine et à la mise en place du ‘chaos social’, c’est pourtant seulement l’extrémisme de droite qui est décrié. Qui plus est, en prenant en compte la fâcheuse, mais si répandue, coutume de nombreuses personnes à étiqueter à « l’extrême droite » tout ce qui se trouve à « droite » du « centre gauche », la vérité semble être que cette loi, nouvellement votée par l’AÉUM, prêche l’uniformité au nom de l’égalité.

Certains continueront néanmoins à défendre la légalité de cette loi sous prétexte que la pensée d’extrême droite est trop hostile pour être considérée légitime.  Toutefois, lorsque le terme  extrême droite » est évoqué par l’AÉUM, il désigne une caractérisation déformée et amalgameuse de ce que représente vraiment cette mouvance politique. Intellectuellement défini par Cas Mudde, l’extrême droite désigne tout groupe politique mêlant « autoritarisme, nativisme, et populisme », tandis que l’AÉUM a préféré amalgamer cette pensée à « une idéologie fasciste, raciste et/ou réactionnaire ». Cette déformation de la réelle définition de Mudde n’est que la représentation de la ligne politique portée par l’association étudiante de McGill, pourtant censée représenter l’ensemble du corps étudiant. Effectivement, cette définition réductrice apporté par le rapport de l’AÉUM est extraite de RationalWiki, une plateforme collaborative qui en 2007 émerge comme une réponse à Conservapedia, encyclopédie digitale à la ligne politique conservatrice. Voilà donc les sources de l’Association Étudiante de l’Université McGill, qui, plutôt que d’adopter des positions neutres, se documente sur des sites aux affiliations politique déclarées ! Qu’en est-il à présent de l’interdiction d’affiliations politiques au nom de l’égalité ? L’hypocrisie de l’AÉUM serait-elle plus importante que sa neutralité politique ?

Suivant cette ligne, cette nouvelle loi n’est donc en réalité qu’un prétexte de plus pour faire valoir l’idéologie ultralibérale déjà bien dominante dans le domaine universitaire nord-américain, et l’AÉUM ne semble plus s’en cacher. Par ce biais, l’AÉUM va contre ses propres principes en marginalisant davantage tout individu se revendiquant « conservateur ». Pire, elle met un terme au débat public universitaire en cherchant à uniformiser les membres de sa communauté. À travers cette nouvelle motion qui encadrera désormais note vie universitaire, c’est  le fléau de la pensée unique et de la déformation qui aura  eu le dernier mot. Si ce n’est qu’une infime partie de la communauté mcgilloise qui en est affectée, cette décision symbolise le développement d’une monoculture politique nocive à l’apprentissage universitaire, mais regrettablement grandissante.

La fin du pluralisme de la pensée

Il ne s’agit ici en rien de défendre les thèses exécrables de l’extrême droite ou de nier une certaine droitisation de nos sociétés aujourd’hui, mais plutôt de  revendiquer notre droit à la parole et à la libre pensée, ces droits qui constituent la base de notre cursus universitaire. Effectivement, c’est le pluralisme de la pensée qui nourrit les débats et mène aux changements sociétaux, mettant fin aux dérives extrémistes des mouvements de tous les bords politiques.

Néanmoins, certains continueront à dire que je plaide en faveur de la banalisation de propos racistes, homophobes, génocidaires, ou quelconques autres terminologies qui sont si souvent associées de manière hasardeuse aux mouvances politiques de l’extrême droite. D’autres diront que je participe simplement à faire le nid de cette pensée politique, à laquelle je n’adhère pour rien au monde qui plus est. Je préfère simplement résister à la soumission idéologique qui s’impose de manière accrue aux étudiants de notre université, pourtant si réputée pour son ouverture d’esprit et son internationalisme grandissant. Par le biais de motion telle que celle nouvellement votée, c’est cette image dorée de notre université que nous trahissons au nom du politiquement correct et de la pensée unique.

« Notre société croit-elle donc encore à la liberté intellectuelle ? Est-elle prête à accepter l’inconfort qui vient avec le désaccord ? » Ces mots, sortis de la plume du sociologue Matthieu Bock-Côté, semblent plus que jamais applicables au cadre universitaire mcgillois aujourd’hui et la tendance à y répondre de manière négative  ne fait que motiver la mise en place de telles lois de censure.


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