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La viande, crime contre l’humanité ?

L’industrie de la viande a des répercussions sociales et environnementales alarmantes. 

Charlotte Grand

L’industrialisation et l’évolution des technologies ont transformé l’agriculture des pays occidentaux. Les paysans sont devenus des exploitants agricoles, abandonnant la force animale au profit des tracteurs et autres machines. L’animal, autrefois reconnu et valorisé pour son labeur, a perdu la reconnaissance de l’homme. Il est devenu un objet de consommation et de profit. Nos habitudes alimentaires ont été modifiées en conséquence. La consommation de la chair animale, jadis exceptionnelle, est devenue la pièce centrale de chaque repas. Les céréales et légumes, utilisés autrefois comme base de la consommation, ne sont désormais que l’accompagnement des préparations carnées. Les ménages les plus modestes peuvent désormais accéder à ce type de régime alimentaire. La consommation de viande s’ancre ainsi véritablement dans la culture occidentale. Parallèlement à l’évolution des modes de production et de consommation, la démographie a augmenté. Or, si cette dernière est croissante, l’espace cultivable, en revanche, reste le même, voire régresse face à l’urbanisation. L’industrie de la viande, stimulée par une demande grandissante, génère cependant de nombreux problèmes sur les plans écologique et social.

Un désastre environnemental

De nos jours, les pays occidentaux désirent consommer des produits carnés pour diverses raisons, notamment l’habitude, le goût, la facilité, ou encore la tradition. Parce que l’Occident a une économie capitaliste, il voit au travers de la demande en viande un secteur permettant la réalisation de profits : « Les gens veulent consommer des milliards d’animaux, donc on produit des milliards d’animaux. Cela n’a plus rien à voir avec Dieu ou avec l’évolution. C’est un business », explique Gary Yourofsky, un militant américain pour le droit des animaux. L’élevage s’est ainsi industrialisé. La reproduction des animaux a été intensifiée par le recours à l’insémination artificielle, et leur croissance artificiellement accélérée. La « future viande » ainsi élevée exige cependant d’être nourrie, ce qui pose de nombreux problèmes environnementaux. 

« Lorsque les pays occidentaux achètent les ressources nécessaires pour nourrir leur bétail, ils condamnent les paysans d’Afrique du Nord »

En effet, les ressources des pays occidentaux ne sont ni intarissables, ni exponentielles : les terres agricoles des pays riches ne suffisent pas à produire le fourrage nécessaire pour entretenir ces animaux destinés à la consommation. Les pays du Nord importent donc en très grandes quantités des aliments tels que le soja, ou des céréales provenant des pays du Sud. On estime que l’Europe utilise sept fois sa superficie agricole en terre des pays du Sud pour nourrir son propre bétail. C’est le même principe pour la production de poissons. La pêche européenne a épuisé ses propres fonds marins. Les chalutiers européens ratissent ainsi ceux d’Afrique occidentale pour répondre à la demande européenne en poissons. Ayant besoin d’espace pour l’élevage de leur bétail, les pays occidentaux provoquent 80% de la déforestation en Amazonie, que ce soit pour la culture de pâturage ou de soja, entraînant ainsi une destruction de la biodiversité.

D’autre part, les animaux produits pour la consommation humaine n’ont pas seulement besoin d’être engraissés. Ils ont aussi besoin d’être hydratés. Selon le professeur Arjen Y. Hoekstra, il faut ainsi 15 500 litres d’eau pour produire 1 Kg de bœuf. A titre de comparaison, il ne faut que 1300 Litres d’eau pour produire la même quantité de blé. Selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, si l’on compte les coûts de transport nécessaires à l’importation de la nourriture destinée à notre bétail, de la fermentation gastrique des ruminants, du stockage et de l’utilisation du lisier, du transport des animaux jusqu’aux abattoirs ainsi que le stockage de leur cadavre, l’industrie de la viande est responsable de 14,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

« L’industrie de la viande, stimulée par une demande grandissante, génère de nombreux problèmes sur les plans écologique et social »

Un rapport de force inégal 

Voilà pourquoi je dénonce l’industrie de la viande comme coupable de crime contre l’humanité : ces chiffres ne sont pas que des données, et ces informations des mots attachés ensembles. Ils ont une véritable influence sur la vie d’êtres humains et sur les générations futures. Lorsque les pays occidentaux achètent les ressources nécessaires pour nourrir leur bétail, ils condamnent les paysans d’Afrique du Nord. En effet, victimes du modèle productiviste, ce n’est pas à eux que profite la culture d’aliments pour nos animaux, mais aux très gros propriétaires terriens. Par exemple, les chalutiers occidentaux qui ratissent l’océan au large du Sénégal sont cent fois plus puissants que les bateaux de pêche africains. Ils compromettent ainsi la pêche traditionnelle et la possibilité pour ces pays de répondre à leurs propres besoins alimentaires. Comme le soulignait le philanthrope australien Philipp Wollen lors du débat Animals should be off the menu à Melbourne en 2012,  « les pays pauvres vendent leurs céréales à l’Occident alors que leurs propres enfants meurent de faim dans leurs bras et nous en nourrissons le bétail pour pouvoir manger un steak. Chaque morceau de viande que nous mangeons est alors une gifle au visage baigné de larmes d’un enfant affamé ».

« Si le monde entier optait pour un régime carné, il faudrait deux planètes pour nous nourrir. Nous n’en avons cependant qu’une, et elle est en train de mourir »

De la même manière, les accords commerciaux entre l’Europe et l’Afrique ne profitent qu’aux dirigeants africains et ruinent les habitants du Sud. A tout cela, il faut ajouter la haine que cette industrie entraîne. A cause de la destruction des terres qu’elle occasionne, toute une civilisation autochtone est expulsée ; à cause de la production du fourrage de nos bêtes, ce sont des millions d’Africains qui se retrouvent privés des ressources dont le continent  dispose pourtant pour nourrir sa population ; ce sont des générations futures vouées à vivre dans des conditions effroyables à cause du manque d’eau et des terres désertifiées par le réchauffement climatique.

Si le monde entier optait pour un régime carné, il faudrait deux planètes pour nous nourrir. Nous n’en avons cependant qu’une, et elle est en train de mourir. Elle meurt pour de la viande alors que des études, telle que celle menée par l’Université d’Harvard, prouvent que la quantité optimale de viande pour une alimentation saine est de zéro. Les véritables armes de destructions massives sont nos couteaux et fourchettes. Ouvrons les yeux, et devenons consommacteurs.


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