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Entrevue avec David Sanchez, candidat pour le parti Nouvelle Donne

Quatrième volet des rencontres du Délit avec des candidat·e·s à la circonscription des français·e·s établi·e·s en Amérique du Nord.

Webmestre, Le Délit | Le Délit

Le Délit : Pouvez-vous vous présenter rapidement ?

David Sanchez : Je m’appelle David Sanchez, j’ai 31 ans. Je suis candidat pour le parti Nouvelle Donne, parti fondé en 2013 par un groupe de citoyens issus pour un grand nombre d’entre eux du collectif Roosevelt. Il prône un New Deal en France. Parmi les personnalités qui ont participé à la création du mouvement, on peut citer Pierre Larrouturou ou Stéphane Hessel. Pour ma part, je suis convaincu par les idées que nous présentons, je pense qu’elles découlent d’une logique évidente.

J’ai travaillé plusieurs années dans le marché de l’énergie en France. Aujourd’hui je suis engagé auprès de plusieurs associations de lutte contre la pauvreté, l’exclusion, etc. Ce sont des engagements dans des domaines variés avec des fonctions différentes.

Au sein de Nouvelle Donne, je milite et j’ai participé à la constitution du programme que l’on a produit et que l’on présente aux élections. Depuis un moment, je suis chargé de la coordination du financement : je m’assure qu’il y ait les financements nécessaires pour présenter le maximum de candidats. On va en avoir environ 80 dans toute la France.

 

LD : Quel est selon vous le plus grand défi des expatriés français ?

DS : Il y a déjà le défi personnel d’être expatrié. Ceux qui partent vivre au Canada ou aux États-Unis partent à la réalisation de certains rêves, d’une certaine volonté, d’un certain projet. C’est quelque chose de très personnel.

Après, il y a le défi d’avoir une France qui soit là pour les soutenir. Je pense par exemple à l’éducation. Pour ceux qui ont des enfants, il faut un accès à une éducation française. Dans une grande ville comme New York ce n’est pas toujours accessible d’offrir ça à ses enfants. C’est dommage : la France a la chance d’avoir un réseau d’école un peu partout dans le monde. Il faut absolument assurer un accès pour le plus grand nombre.

Depuis 2012 il y a une réduction d’à peu près 10 % du budget qui est alloué pour ce réseau. En même temps, la population française expatriée a cru d’environ 10 ou 11%. D’une part les ressources ont diminué et d’autre part la demande augmente. Il est essentiel que durant le prochain quinquennat le budget pour les écoles françaises augmente.

Après une autre problématique c’est la question du vote. J’ai été contacté par nombreux d’électeurs qui m’ont dit qu’ils ne pourraient pas voter. Par exemple il y a des gens en situation de handicap qui ne pourront pas voter.

Du coup la question du vote électronique se pose. Pour tous les citoyens vivant en démocratie, le vote est essentiel. Si nous ne sommes pas sûrs que notre vote sera pris en compte c’est tout le système qui tombe à l’eau. Il faut absolument réfléchir à la sécurisation du vote, et, si ce n’est pas possible de mettre à nouveau en place le vote à distance électronique, nous devons travailler avec l’administration pour rendre le vote plus accessible. Je pense par exemple au vote par correspondance que nous pourrions faciliter d’avantage en ouvrant la déclaration des candidats et donc l’envoi du matériel électoral, encore une semaine plus tôt que ce qui est déjà fait aujourd’hui.

 

LD : Est-ce que vous pouvez nous donner trois grands axes de votre programme ?

DS : Déjà, il y a la question de l’éducation et du vote que nous avons abordé plus haut.

Mais il y a d’autres thèmes. Je pense par exemple que la consultation est essentielle. Qui de mieux que vous, qui vivez tous les jours les problématiques dont on parle, pour me guider dans le bon chemin ? C’est pour ça que, élu, je lancerai des consultations des électeurs dans ma circonscription. Pour moi, un député représente, mais il doit aussi être à l’écoute. Cette consultation doit être faite en coordination avec les autres députés des Français de l’étranger.

On peut avoir des points de divergence, mais nous devons travailler ensemble pour l’intérêt général.

 

LD : Votre programme ne parle pas spécifiquement des Français de l’étranger. Comment vous différencier-vous d’un candidat de la métropole ?

DS : Comme je vous disais plus haut, il y a les questions du scrutin, de la dématérialisation et de l’éducation. Mais il y a une chose qu’il ne faut pas oublier.

Un député des Français établis hors de France doit à la fois proposer des choses concrètes pour les Français de l’étranger, et aussi pour l’ensemble des Français. Tout ce qui se passe en France concerne aussi les Français établis hors de France. C’est leur patrie, c’est leur pays. Ils ont un droit de regard sur ce qui se passe en métropole.

 

LD : Vous faites l’analyse que le travail se raréfie. Comment comptez-vous le partager plus équitablement sans faire baisser le style de vie des Français ?

DS : Il y a plusieurs façons de partager le travail. Le chômage en est un : certains travaillent, d’autres non. Nous ne pensons pas que c’est une configuration idéale.

Nous, on propose d’ouvrir les négociations : on veut réguler le partage de l’emploi. Cela se fera évidemment par branche et par secteur. La régulation se fera au cas par cas.

Essentiellement, ce qu’on propose c’est le cas de figure suivant : un salarié travaillera moins que maintenant. Pourtant, il gardera le même revenu. Comment ? La différence sera payée par l’entreprise et elle pourra financer cette augmentation du coût horaire car l’État lui demandera de payer moins de cotisations sociales. Cette baisse des cotisations sociales sera accordée en échange d’une augmentation des emplois. Au final les salariés sont payés autant, ils sont plus nombreux, et les entreprises payent moins de charges sociales. Le système s’équilibre aussi financièrement du fait que les caisses d’allocations chômage et autres paient évidemment moins d’indemnités aux anciens chômeurs qui désormais sont salariés.

Évidemment, comme je le disais plus haut, cette organisation sera faite au cas par cas selon les branches et les secteurs.

 

LD : L’environnement fait partie de vos sujets clés. Que proposez-vous ?

DS : On propose que la banque centrale européenne finance un plan européen de l’environnement. La BCE (Banque centrale européenne, ndlr) émettrait un certain montant d’argent, quelle prêterait à un taux de 0 %. Nous envisageons que chaque pays reçoive un montant équivalent à 2 % de son PIB tous les ans. Ce plan durerait 10 ans. Cela représente environ 1000 milliards d’euros investis pour la cause écologique.

Il faut aussi penser la question largement. Qui dit investissement sur l’environnement dit aussi création d’emplois. Il y a aussi les effets sur l’innovation. Bref, ce plan ne se limite pas seulement à l’écologie. Il engendre beaucoup de différents bénéfices pour la société.

 

LD : Un des thèmes où Nouvelle Donne se différencie des autres partis c’est la question européenne. Vous avez l’air de vouloir solidifier l’union, tout en réduisant les membres. N’est-ce pas paradoxal ? Pouvez-vous expliquer votre vision ?

DS : Nous sommes absolument europhiles, mais il y a une chose à prendre en compte : il y a des dispositifs européens qui permettent la coopération renforcée.

En réalité, il serait injuste d’inclure certains pays dans des projets d’envergure, et en exclure d’autres. Mais la coopération renforcée ce n’est pas cela.

Nous souhaitons approfondir certains dispositifs de coopération renforcée. Pourquoi ? Lorsque certaines voies peuvent être expérimentées par certains pays, ceux-ci ne doivent pas être freinés par le refus des autres. Nous sommes plus forts à 27. Cependant il faut être pragmatique : si nous ne pouvons pas avancer tous en même temps, nous pouvons faire des progrès par étape sur certains domaines entre les pays volontaires. Cela n’est pas pour autant synonyme de sortie de l’Union européenne. Nous n’avons pas sorti la Grande-Bretagne de l’Union européenne lorsqu’elle a refusé d’adopter l’euro. La même logique doit s’appliquer ailleurs.

 

LD : Donc vous envisagez une Union européenne à plusieurs vitesses ?

DS : C’est déjà le cas ! Certains avancent plus que plus vite que d’autres, et c’est normal.

Lors des négociations, il va falloir voir qui voudra avancer vers une Union plus sociale. Cela ne veut pas dire que nous sortirons les autres, mais l’on peut envisager une coopération plus approfondie entre certains pays. Nous inviterons les autres à se joindre à nous sans les forcer.

 

LD : Vous avez une conception assez participative de la démocratie. C’est aussi le cas de Yan Chantrel pour le Parti socialiste ou encore de la France insoumise. On a parfois l’impression que la gauche française et fracturée à outrance malgré le fait que ses factions soient d’accords sur l’immense majorité des thèmes. Quelle est votre analyse de l’état de la gauche française aujourd’hui ?

DS : En tant que parti, nous avons milité pour un rassemblement de la gauche. Nous avons continuellement demandé à la France insoumise et au Parti socialiste de s’allier : il vaut mieux une victoire que deux défaites. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus.

Par la suite, après les présidentielles, nous avons essayé de faire des rassemblements. Encore une fois nous n’avons pas été entendus. Certains ne veulent pas négocier car ils pensent pouvoir tout faire tout seul, d’autres préfèrent peut être voir l’ensemble détruit pour mieux reconstruire, enfin je ne peux pas vous donner les raisons car je ne suis pas dans la tête ou le parti des autres. Au final notre constat est que nous n’avons pas réussi à rassembler la gauche.

Nous restons ouverts à l’idée de travailler avec les partis qui ont des ressemblances programmatiques avec nous.

 

LD : Est-ce que vous en particulier aviez fait appel à Yan Chantrel du Parti socialiste ou à Madame Langlois de France insoumise ?

DS : Au niveau national, il y a une volonté de rassemblement. Après, parler en termes précis d’une circonscription à une autre, ça n’a pas forcément d’intérêt.

Nous avons une responsabilité vis-à-vis de nos adhérents. Comme je l’ai dit, nous pouvons travailler avec des partis qui nous ressemblent par contre si l’on nous demande simplement de nous retirer dans toutes les circonscriptions pour faire gagner un candidat, ce n’est pas ce que j’appelle la coopération. Il faut discuter sérieusement. Aujourd’hui ce n’est pas le cas.

 

LD : Est-ce que vous seriez prêt à travailler avec Emmanuel Macron si son mouvement faisait appel à la gauche de l’assemblée pour créer une coalition gouvernementale ?

DS : Très simplement : je pense que rester dans une position fermée n’est pas très intelligent. Nous serons dans l’opposition, mais nous serons prêts à travailler avec des idées que nous partageons. Nous ne serons pas dans l’opposition systématique.

Par contre, nous ne serons pas des députés soumis. Nous allons défendre les projets de lois concrets qui vont réduire les inégalités, accélérer la transition écologique, et le renouvellement de la démocratie. Ce qui va dans le sens contraire, nous ne le soutiendront pas.

 

LD : Que pensez-vous du gouvernement qu’Emmanuel Macron et son premier ministre Édouard Philippe ont annoncé ?

DS : Il est vraiment trop tôt pour pouvoir juger du gouvernement. On ne juge pas un gouvernement par les personnes qui le forment, mais par les lois qu’il propose. On connaîtra la couleur du gouvernement Macron le jour où il proposera des lois.

Après, on peut se tourner vers le passé pour se faire une idée. Si vous regardez le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ndlr), On voit quand même qu’environ 40 milliards d’euros ont été donnés aux entreprises chaque année dans une logique de création d’emploi. Il n’y a pas eu de contrepartie. Le chômage au contraire a augmenté. À partir de là, on peut déjà voir comment se profile Emmanuel Macron. Aux électeurs de juger le passé pour pouvoir pré-juger le futur.

 

LD : Est-ce que vous connaissez Montréal ?

DS : J’aime le Québec. J’ai eu la chance d’être conseiller national de la jeunesse. Dans ce cadre j’ai pu visiter Montréal à travers l’office franco-québécoise de la jeunesse. C’était dans le cadre de la semaine d’action contre le racisme.

J’ai même pu visiter l’Université McGill ! (rires)

 

LD : Quels projets souhaitez-vous voir apparaître pour pousser plus loin l’amitié franco-québécoise ?

DS : Il faut continuer à travailler sur ce qui est déjà existant. Il faut soutenir les administrations, il faut participer aux initiatives de tissage de liens des deux côtés de l’Atlantique. Il faut soutenir les initiatives culturelles, éducatives, entrepreneuriales, etc. Il faut qu’il y ait des échanges fréquents, dans un respect mutuel.

 

Les élections des français·e·s en Amérique du nord auront lieu les 3 et 17 juin 2017.


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