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Portrait historique et contemporain du vaccin

Une conférence portant sur le thème du vaccin à eu lieu à la Bibliothèque Osler pour l’Histoire de la Médecine.

Mahaut Engérant | Le Délit

La résistance à la vaccination n’est pas un phénomène nouveau et ce, même dans le milieu médical. Afin de mieux comprendre l’origine de ce mouvement, la Bibliothèque Osler pour l’Histoire de la Médecine a organisé, le 20 février dernier, une conférence invitant plusieurs spécialistes pro-vaccination à se pencher sur la question.

« D’où vient le mot « vaccin » ? » a d’abord demandé le docteur Rob Boddice, auteur de la biographie d’Edward Jenner, pionnier de la vaccination. Insistant sur les racines latines du mot, Boddice explique à l’aide de l’étymologie les premières peurs face au vaccin. Provenant du latin « vacca », donc vache, afin de former le mot « vaccinus », notre mot dérive de la bête. Une telle origine prend sa source dans le premier vaccin extrait du virus de la vaccine — communément appelée « variole de la vache » — afin de lutter contre les épidémies de variole du 19e siècle, en Angleterre. La peur du vaccin comme maladie bestiale est donc née, créant une forte résistance particulièrement au sein des communautés religieuses qui le considéraient comme immoral et contre la volonté de Dieu.

Ce mouvement a également été marqué dans le domaine artistique, avec des peintures représentant des victimes de la vaccination arborant des membres d’animaux. De tels portraits, présentés comme une preuve des effets secondaires et illustrant les peurs les plus profondes, accusaient le docteur Jenner d’être coupable de « bestialité ». Cependant, plusieurs craintes étaient fondées puisque le manque d’hygiène fut responsable de l’infection de nombreux vaccins par la syphilis ou autres virus. Bien que très lucrative, la vaccination est donc demeurée une entreprise dangereuse et mal vue tout au long du 19e siècle.

Au 20e siècle, le mouvement anti-vaccin s’est également implanté à Toronto. Cynthia Tang, candidate mcgilloise au doctorat d’histoire de la médecine, a amené les concepts de mémoire et de silence collectifs dans la conversation en citant l’épidémie de variole de 1919. À une ère où le pouvoir de vacciner reposait entre les mains du conseil municipal, le docteur Charles Hastings, officier médical, a vu ses efforts de rendre le vaccin obligatoire frustrés suite au cas d’un enfant décédé deux semaines après avoir été vacciné. Malgré l’absence de liens prouvés entre le vaccin et le décès, une corrélation est resté gravée dans la mémoire collective.

Adoptant une attitude supérieure et ne prenant pas le temps d’expliquer aux gens l’importance de la vaccination, Hastings n’a fait qu’empirer la situation alors que la population ne sentait pas ses craintes prises au sérieux. À défaut de vacciner les parents, il a finalement réussi à déjouer le conseil municipal en interdisant l’accès scolaire à tous les enfants non vaccinés. C’est donc ainsi qu’une vague de vaccination eu lieu, suivant les traces du Danemark et de la Russie qui avaient rendu le vaccin obligatoire quelques années auparavant en 1907.

Folkloriste de formation, la docteure Andrea Kitta a ensuite mentionné l’importance des faits historiques dans une ère de faits alternatifs. Soutenant que le mouvement anti-vaccination est souvent marqué par une tendance envers la légende urbaine au sein d’une narrative pouvant être fausse, mais croyable, la véracité des faits peut être facilement tordue. Il faut faire attention, ajoute Kitta, à ne pas laisser ces faits alternatifs influencer les décisions médicales.

Cependant, les légendes urbaines se doivent d’être abordées puisqu’elles reflètent les craintes des sociétés contemporaines, comme la peur d’une violation des droits civils avec le vaccin obligatoire. Bien que de telles stratégies aient par le passé été désastreuses, le vaccin obligatoire, explique Kitta, a souvent l’effet de rendre la population sceptique face au paternalisme des autorités médicales. Une telle attitude, provenant généralement d’une supposition que les parents qui refusent de faire vacciner leurs enfants sont pauvres et sans éducation, est erronée alors que les statistiques démontrent le contraire.

Finalement, le docteur Mark Wainberg, directeur du Centre SIDA McGill, a emmené un tout autre point de vue à la conversation. Soutenant qu’il devrait y avoir une limite à la liberté d’expression lorsque celle-ci vient mettre en danger la santé publique, il compare le lien entre le vaccin et l’autisme à un simple besoin d’avoir un bouc émissaire. Alors que les cas de rougeole aux États-Unis sont particulièrement nombreux dans des États tels que la Californie ou dans des endroits à forte concentration religieuse encore aujourd’hui, il milite pour la vaccination obligatoire. Car si la vaste majorité de la population est vaccinée, les personnes non vaccinées sont relativement protégées dû au bas taux de transmission du virus, sans toutefois que le risque de contracter la maladie soit éliminé. Ardent défenseur de la vaccination, qui n’est pas obligatoire au Québec, il aimerait que tous les parents qui ne souhaitent pas vacciner leur enfant aient d’abord un dialogue avec un professionnel de la santé.

Pour conclure, le panel, exclusivement composé de spécialistes pro-vaccination, a donc utilisé certains faits historiques afin de tracer un portrait contemporain du vaccin. Cependant, l’implication de l’industrie pharmaceutique et les arguments anti-vaccination auraient pu être mieux abordés afin d’avoir un réel débat et non une conversation unidirectionnelle.

 

 


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